LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 février 2011), que Mme X..., collaboratrice juridique de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), a sollicité son admission au barreau de Saintes sous le bénéfice de la dispense de formation prévue à l'article 98, 5°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié pour les juristes attachés pendant huit années au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale ; que le conseil de l'ordre a rejeté la demande par décision du 3 novembre 2010 contre laquelle la postulante a formé un recours ;
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :
1°/ que la dispense prévue par l'article 98, 5°, du décret du 27 novembre 1991 au profit des juristes attachés pendant huit ans au moins au service d'une organisation syndicale bénéficie également aux juristes attachés pendant huit ans au service d'une association dès lors qu'une association comme un syndicat a pour objet la défense des intérêts professionnels de ses membres ; qu'en énonçant, pour refuser à Mme X... le bénéfice d'une telle défense, en dépit de ses huit ans de service continu au sein de la FNATH, que cette association a pour objet la défense des intérêts de ses membres, à la différence d'un syndicat qui a seulement vocation à assurer la défense ou la promotion des intérêts professionnels tant collectifs qu'individuels des personnes visées par ses statuts, quand il entre également dans l'objet de la FNATH quotidiennement de défendre les intérêts professionnels de ses membres, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;
2°/ qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas
un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; qu'il s'ensuit que la dispense prévue par l'article 98, 5°, du décret du 27 novembre 1991 au seul profit des juristes attachés pendant huit ans au moins au service d'une organisation syndicale à l'exclusion de ceux attachés pendant huit ans au service d'une association, aux nombreuses analogies avec un syndicat, constitue une discrimination prohibée dès lors que l'accès à la profession d'avocat suppose une compétence reconnue qui n'est pas directement liée à l'exacte qualification du groupement au sein duquel la profession de juriste a été exercée ; qu'en décidant cependant que la dispense prévue par ce texte est d'interprétation stricte et ne s'applique qu'aux juristes employés pendant huit ans dans une organisation syndicale, à l'exclusion de ceux attachés au service juridique d'une association, quand une telle discrimination dans l'exercice du droit de mener une vie professionnelle n'est justifiée par aucune considération objective et rationnelle en rapport avec l'objectif de cette disposition réglementaire, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la FNATH est une association ayant pour objet d'oeuvrer pour l'amélioration du sort des accidentés de la vie, des invalides et des handicapés et non pour la défense d'intérêts proprement professionnels, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que ce groupement ne constitue pas une organisation syndicale au sens de l'article 98, 5°, du décret du 27 novembre 1991 précité ; qu'elle en a exactement déduit que Mme X... ne pouvait pas bénéficier de la dispense de formation prévue par ce texte dérogatoire d'interprétation stricte ; que le moyen, irrecevable en son second grief nouveau et mélangé de fait, est mal fondé en sa première branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à l'ordre des avocats du barreau de Saintes la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille douze et signé par M. Bargue, conseiller doyen faisant fonction de président et par Mme Laumôme, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour Mme X...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé la décision du 3 novembre 2010 par laquelle le Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau de Saintes a refusé à Mme X... son inscription au Tableau ainsi que le bénéfice de la dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... fonde sa demande d'inscription au Barreau de Saintes sur les dispositions de l'article 98 alinéa 5 du Décret du 27 novembre 1991, qui "dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat : les juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale" ; que ce texte dérogatoire doit faire l'objet d'une interprétation stricte ; qu'il résulte de l'examen des statuts de la FNATH qu'il s'agit d'une association à but non lucratif qui a pour objet d'oeuvrer au plan départemental à l'amélioration du sort des accidentés de la vie et de toutes personnes handicapées invalides ou malades, que son action a notamment pour objet la défense des intérêts matériels et moraux de ses adhérents personnes physiques, afin «qu'ils soient reconnus et traités comme citoyens à part entière» ; qu'il découle de ces énonciations qu'à la différence d'un syndicat qui a vocation à assurer la défense ou la promotion des intérêts professionnels tant collectifs qu'individuels des personnes visées par son statut la FNATH est une association de défense des intérêts de ses membres, qui ne peut dès lors être considérée au même titre qu'une organisation syndicale, ainsi que le sous-entend le fait que l'appelante aux termes d'une analyse comparative exhaustive a recours à la notion d'assimilation de l'association qui l'emploie à une organisation syndicale, que compte tenu de la nécessaire interprétation stricte du texte en cause cette assimilation ne peut au surplus être admise ; que, dans ces conditions, Mme X... ne peut se prévaloir de l'exercice d'une activité juridique au bénéfice d'une organisation syndicale ; qu'en conséquence, confirmant la décision déférée, il y a lieu de la débouter de sa demande d'inscription au Barreau de Saintes ;
1°/ ALORS QUE la dispense prévue par l'article 98-5° du décret du 27 novembre 1991 au profit des juristes attachés pendant huit ans au moins au service d'une organisation syndicale bénéficie également aux juristes attachés pendant huit ans au service d'une association dès lors qu'une association comme un syndicats a pour objet la défense des intérêts professionnels de ses membres ; qu'en énonçant, pour refuser à Mme X... le bénéfice d'une telle défense, en dépit de ses huit ans de service continu au sein de la Fédération Nationale des Accidentés du Travail (FNATH), que cette association a pour objet la défense des intérêts de ses membres, à la différence d'un syndicat qui a seulement vocation à assurer la défense ou la promotion des intérêts professionnels tant collectifs qu'individuels des personnes visées par ses statuts, quand il entre également dans l'objet de la FNATH quotidiennement de défendre les intérêts professionnels de ses membres, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;
2°/ ALORS si tel n'est pas le cas QU'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; qu'il s'ensuit que la dispense prévue par l'article 98-5° du décret du 27 novembre 1991 au seul profit des juristes attachés pendant huit ans au moins au service d'une organisation syndicale à l'exclusion de ceux attachés pendant huit ans au service d'une association, aux nombreuses analogies avec un syndicat, constitue une discrimination prohibée dès lors que l'accès à la profession d'avocat suppose une compétence reconnue qui n'est pas directement liée à l'exacte qualification du groupement au sein duquel la profession de juriste a été exercée ; qu'en décidant cependant que la dispense prévue par ce texte est d'interprétation stricte et ne s'applique qu'aux juristes employés pendant huit ans dans une organisation syndicale, à l'exclusion de ceux attachés au service juridique d'une association, quand une telle discrimination dans l'exercice du droit de mener une vie professionnelle n'est justifiée par aucune considération objective et rationnelle en rapport avec l'objectif de cette disposition réglementaire, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.