LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société d'équipement du département de la Réunion (la SEDRE) en qualité d'inspecteur foncier principal, statut cadre, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 février 2007, prévoyant une entrée en fonction au 2 mai 2007 et comportant une période d'essai de trois mois ; qu'à la suite d'un congé sans solde pris par la salariée entre le 25 juin et le 13 juillet 2007, la période d'essai a été prolongée jusqu'au 24 août suivant ; que le 22 août 2007, la SEDRE a mis fin à la relation contractuelle ; qu'invoquant le caractère excessif de la durée de la période d'essai et un abus par l'employeur dans sa faculté de rompre le contrat, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes, notamment à titre de licenciement abusif ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée qui est préalable :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et d'une indemnité de préavis et de limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui a été allouée à la somme de 5 000 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit de prévoir une période d'essai dégénère en abus lorsque sa durée est excessive ; qu'en refusant de considérer que tel était le cas d'une clause de trois mois insérée dans un contrat convenu avec une salariée dont l'employeur connaissait les qualités professionnelles, au motif inopérant de son caractère conventionnel, la cour d'appel a violé les principes posés par la convention internationale n° 158 sur le licenciement adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990 et la dérogation prévue en son article 2 paragraphe 2 b) ;
2°/ qu'en outre les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en écartant la demande de dommages-intérêts de Mme X... pour rupture abusive de la période d'essai sans répondre à ses conclusions, faisant valoir qu'elle avait été systématiquement mise à l'écart, ce qui ne permettait pas de considérer que la période d'essai avait été exécutée de bonne foi, pour une évaluation sincère et objective de ses qualités professionnelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel qui a relevé que la salariée avait été engagée en qualité d'inspecteur foncier principal, avec un statut de cadre, dans la perspective d'un remplacement ultérieur d'un chef de service, a exactement retenu que la période d'essai de trois mois prévue au contrat de travail n'était pas excessive ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a estimé, par motifs adoptés, que Mme X... ne démontrait pas que l'employeur avait rompu la période d'essai pour des motifs non inhérents à la personne de la salariée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu l'article 9 de l'accord d'établissement de la SEDRE du 16 mai 1986 ;
Attendu que, selon ce texte, l'engagement à l'essai peut être résilié à tout moment et sans indemnité, moyennant l'observation, par la partie qui dénonce, d'un délai congé d'une semaine par mois, ou fraction de mois supérieure à quinze jours passés dans la société sans toutefois pouvoir excéder quinze jours ; que ce texte ne prévoit pas que le délai de prévenance doit s'insérer dans la période d'essai et prendre fin avant le terme de celle-ci ;
Attendu que pour dire que la rupture de la période d'essai est abusive en raison de sa notification tardive au regard du délai conventionnel de prévenance, l'arrêt retient que la notification de la fin de la relation salariale à effet au 24 août 2007 a été notifiée à Mme X... par acte délivré le 22 août 2007 ; qu'aux termes de l'accord d'entreprise, l'engagement à l'essai peut être résilié à tout moment et sans indemnité, moyennant l'observation par la partie qui dénonce, d'un délai-congé d'une semaine par mois ne pouvant excéder quinze jours ; qu'il est donc acquis que le délai de prévenance conventionnel n'a pas été respecté ; que la résiliation de l'engagement étant conditionnée au respect du délai de prévenance, la SEDRE n'était plus en droit de se prévaloir de la période d'essai ; que la rupture du contrat est donc abusive en l'absence de tout motif de rupture énoncé dans la lettre de résiliation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le non-respect par l'employeur d'un délai de prévenance, stipulé par un accord collectif n'imposant pas que ce délai s'insère dans la période d'essai et prenne fin avant le terme de cette période, n'a pas pour effet de rendre le contrat définitif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture de la période d'essai est abusive en raison de sa notification tardive au regard du délai conventionnel de prévenance et en ce qu'il condamne la société d'équipement du département de la Réunion à payer à Mme X... une indemnité pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 31 août 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par M. Chollet, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du seize mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société d'équipement du département de la Réunion
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la notification de la rupture du contrat en cours de période d'essai est intervenue tardivement au regard du délai conventionnel de prévenance, que la rupture du contrat constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la SEDRE à payer à madame X... la somme de 5.000 euros pour l'indemnité de licenciement abusif et celle de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la notification de la fin de la relation salariale à effet au 24 août 2007 a été signifiée à madame X... par acte délivré le 22 août 2007 ; qu'aux termes de l'accord d'entreprise, l'engagement à l'essai peut être résilié à tout moment et sans indemnité, moyennant l'observation, par la partie qui dénonce, d'un délai-congé d'une semaine par mois ne pouvant excéder quinze jours ; qu'il est donc acquis que le délai de prévenance conventionnelle de quinze jours n'a pas été respecté ; que la résiliation de l'engagement étant conditionnée au respect du délai de prévenance, la SEDRE n'était plus en droit de se prévaloir de la période d'essai ; que la rupture du contrat est ici abusive et a valeur de licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de tout motif de rupture énoncé par le courrier de notification ; que la demande subsidiaire est alors admise ; qu'eu égard à l'ancienneté de madame X..., à son salaire brut stipulé de 4.019,80 euros sur 13 mois soit une moyenne mensuelle de 4.354,78 euros et au préjudice subi, il est alloué à madame X... une indemnité de 5.000 euros ;
ALORS QUE lorsqu'un accord collectif instaure un préavis pour mettre un terme à la période d'essai, sans prévoir que la durée du préavis doit s'insérer dans la période d'essai et prendre fin avant le terme de celle-ci, l'inobservation par l'employeur du délai de prévenance n'a pas pour effet de rendre abusive la rupture du contrat de travail et de lui donner valeur de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, l'article 9 de l'accord d'établissement du 16 mai 1986 prévoyait qu'au cours de la période d'essai, fixée à trois mois pour les cadres, l'engagement pouvait être résilié à tout moment et sans indemnité moyennant l'observation d'un délai-congé d'une semaine par mois, ou fraction de mois supérieure à 15 jours passés dans la société, sans toutefois pouvoir excéder 15 jours ; qu'il ne prévoyait en revanche pas que la durée du préavis devait s'insérer dans la période d'essai ni prendre fin avant le terme de celle-ci ; qu'en jugeant dès lors que la rupture du contrat au cours de la période d'essai sans respect du délai de prévenance prévu par l'accord d'établissement rendait la rupture abusive et lui donnait valeur de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé l'article 9 de l'accord d'établissement du 16 mai 1986 ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Nicolaÿ de Lanouvelle et Hannotin pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Christelle X..., salariée, de sa demande de condamnation de la Société SEDRE, employeur, au paiement de la somme de 5.000 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement ; de la somme de 50.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la somme de 4.019,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QUE, soit que Madame X... ait été débauchée à l'instigation de la SEDRE, soit qu'elle ait été recrutée suite à des démarches personnelles ou qu'il y ait eu cumul des deux hypothèses, les parties ont formalisé leur accord par le contrat signé le 9 février 2007 ; que la démission de Mme X... de la SEMADER étant concomitante, il s'en induit que le contrat signé lui donnait satisfaction ; que ce contrat stipulait une période d'essai de trois mois ; que Mme X... estime que cette période de trois mois était excessive ; que les arguments factuels qu'elle invoque de ce chef sont inopérants au regard de son acceptation formalisée par le contrat signé, qui est la loi des parties, et en considération du fait que le délai fixé est conforme à l'accord d'entreprise du 16 mai 1986 ; que la cour souligne que la période d'essai des cadres à été fixée par la loi du 25 juin 2008 à quatre mois avec une possibilité de renouvellement ; que, s'agissant de l'énoncé des circonstances du recrutement et à l'accord verbal qui aurait été pris par le directeur général, lequel n'était plus en fonction lors de la conclusion du contrat, il doit être souligné que le récit de Mme X... est globalement contredit par l'attestation de M. Y... (ancien directeur général), produite par la SEDRE ; qu'au regard de l'attestation de M. Y..., la cour relève que le recrutement de Mme X... s'inscrivait dans le possible remplacement de M. Z... dont le départ à la retraite était programmé ; que ce contexte justifie à l'évidence la période d'essai convenue ; que la période d'essai fixée par le contrat, conforme aux dispositions conventionnelles et justifiée dans le cadre d'un recrutement en vue du remplacement éventuel d'un chef de service dont le départ était programmé, n'étant nullement excessive ou abusive, Mme X... est déboutée de sa demande principale tendant à la voir réduite à deux mois ainsi que de ses demandes indemnitaires en découlant et fondées sur une rupture abusive du contrat ;
1°) ALORS QUE le droit de prévoir une période d'essai dégénère en abus lorsque sa durée est excessive ; qu'en refusant de considérer que tel était le cas d'une clause de trois mois insérée dans un contrat convenu avec une salariée dont l'employeur connaissait les qualités professionnelles, au motif inopérant de son caractère conventionnel, la cour d'appel a violé les principes posés par la convention internationale n° 158 sur le licenciement adoptée à Genève le 22 juin 1982 et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990 et la dérogation prévue en son article 2 paragraphe 2 b) ;
2°) ALORS EN OUTRE QUE les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en écartant la demande de dommages et intérêts de Mme X... pour rupture abusive de la période d'essai sans répondre à ses conclusions, faisant valoir (pp.20 à 23) qu'elle avait été systématiquement mise à l'écart, ce qui ne permettait pas de considérer que la période d'essai avait été exécutée de bonne foi, pour une évaluation sincère et objective de ses qualités professionnelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civil.