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15/05/2012 | FRANCE | N°11-86514

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 mai 2012, 11-86514


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Muriel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 juin 2011, qui, pour tromperie et usage de faux, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, d

e l'adage in dubio pro reo, des articles 111-4, 121-3 et 441-1 du code pénal, 591 et 593 d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Muriel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 juin 2011, qui, pour tromperie et usage de faux, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'adage in dubio pro reo, des articles 111-4, 121-3 et 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un éleveur de chiens amateur (Mme X...) coupable du délit d'usage de faux et l'a condamné à une amende de 10 000 euros à titre de peine principale ;

"aux motifs que la prévenue invoquait une erreur du docteur Y..., vétérinaire, et stigmatisait ses méthodes de travail, précipitées et désordonnées, en faisant valoir en outre qu'elle ignorait que les deux certificats définitifs qu'elle avait remis à M. Z... et à Mme A... ne correspondaient pas à la réalité, ces certificats ayant été établis trois ou quatre mois après les tests par le docteur Y... ; qu'elle contestait également que le vétérinaire lui eût remis à l'issue de chaque test un certificat dit simplifié sur lequel auraient été notés les résultats ; qu'il était établi que, sur les vingt-et-un chiots issus des portées des 7 et 9 juillet 2006 et examinés par le docteur Y..., la prévenue avait été informée que 7 chiots issus de la première portée étaient sourds unilatéral tandis qu'un chiot issu de la deuxième portée, sourd bilatéral, avait dû être euthanasié ; qu'elle ne pouvait ignorer que les certificats remis aux propriétaires concernant les chiens Brown Sugar et Brown Dream étaient inexacts à tout le moins, sachant que les chiens issus d'une même portée avaient pour nom d'usage un même premier prénom Brown ou Black ; que, par ailleurs, il était significatif que les deux seuls certificats définitifs remis aux deux acheteurs susvisés des chiots issus de la première portée, pourtant caractérisée par le nombre exceptionnel de sourds unilatéraux, les fissent apparaître comme entendants bilatéraux ; qu'il résultait des modalités d'établissement des certificats définitifs par le vétérinaire qu'il n'y avait pu avoir d'erreur même si elles présentaient un certain caractère artisanal et si ceux-ci étaient établis trois ou quatre mois après les tests ; qu'il était clairement démontré que si une erreur s'était produite, elle n'avait pu se produire qu'avec les résultats du chiot examiné juste avant ou après Brown Sugar et Brown Dream, ce qui n'était pas le cas des chiens Brown Silk et Black Rose dont les résultats leur avaient été attribués ; que, quoi que soutînt la prévenue, le docteur Y... avait pour pratique de lui remettre à l'issue de chaque test un certificat simplifié comme en témoignaient les courriels de MM. F... et G... auxquels elle avait remis de tels certificats simplifiés, étant relevé que les chiens issus de la portée du 7 juillet 2006 étaient entendants des deux oreilles, d'où on pouvait déduire qu'elle remettait ces certificats simplifiés aux acquéreurs de chiots exempts de toute surdité ; qu'en conséquence, le délit d'usage de faux était caractérisé dans tous ses éléments, matériel et intentionnel et ce, même si l'auteur de ces faux n'était pas clairement identifié ;

"alors que le délit d'usage de faux est une infraction intentionnelle qui exige que soit rapportée la preuve que le prévenu a effectivement eu conscience d'utiliser un document altéré ; qu'en se bornant à émettre l'hypothèse que la prévenue ne pouvait ignorer que les deux certificats définitifs remis aux acquéreurs de chiots issus de la portée du 7 juillet 2006 étaient inexacts et qu'en tout état de cause, connaissant le nombre important de sourds bilatéraux issus de cette portée, elle aurait dû vérifier l'exactitude de ces certificats, la cour d'appel a ainsi émis un doute sur la culpabilité de la prévenue et lui a reproché une négligence ne pouvant suffire à caractériser l'intention frauduleuse exigée par la loi" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe de la légalité des délits et des peines, des articles 111-4 du code pénal, L. 213-1 et suivants du code de la consommation, L. 213-1, L. 213-2 et R. 213-2 du code rural, 593 du code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré un éleveur de chiens amateur (Mme X...) coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles des animaux cédés, l'a condamné à une amende de 10 000 euros à titre de peine principale et a ordonné la publication de son dispositif dans les journaux Sud Ouest et La Dépêche du Midi ;

"aux motifs que, s'il était acquis que les dalmatiens sont sujets à la surdité, il n'existait pas de réglementation les concernant mais qu'en revanche, selon la fédération cynologique internationale, repris par la société centrale canine, la surdité était éliminatoire et il était recommandé, pour faire reculer la fréquence de la surdité chez le dalmatien, d'éliminer de l'élevage les dalmatiens bilatéralement sourds et les dalmatiens à yeux bleus et idéalement les chiens atteints d'une surdité unilatérale ; qu'il ne s'agit certes que d'une recommandation mais tout éleveur se prévalant de l'excellence de son élevage se devait de suivre une telle recommandation et il était à noter que l'association Dalmatien Club Français prônait l'élimination des élevages de chiens entendants unilatéraux, un chien sourd unilatéral possédant en effet les gênes responsables de la surdité et pouvant les transmettre ; que si, comme l'attestait M. H..., éducateur canin cité comme témoin par la prévenue, les chiens dalmatiens atteints de surdité unilatérale n'étaient certes pas trop affectés dans leur vie de tous les jours, s'ils pouvaient être éduqués par le geste et la voix, voire être porteurs de "colliers-drivers" et étaient de bons compagnons, il n'en demeurait pas moins qu'ils rencontraient certaines difficultés non négligeables telles que déterminer la provenance des sons, ce qui pouvait générer des comportements inadaptés, voire à risque ; qu'en conséquence s'il était important pour l'éleveur de connaître la teneur exacte des tests PEA, puisque seuls les dalmatiens dépourvus de toute surdité devraient être reproducteurs, cela l'était autant pour les acquéreurs de dalmatiens destinés à leur tenir compagnie ; que l'absence de surdité constituait bien une qualité substantielle pour ceux-ci ; que le fait que l'action en garantie des vices cachés ne pût être engagée que selon les modalités restrictives du code rural relatives aux vices rédhibitoires n'interdisait nullement d'agir au plan pénal, le fondement des deux actions étant différent ; que, dans les deux ventes de chiots destinés à Mme A... et à M. Z..., il avait été remis aux acquéreurs des tests EPA définitifs les qualifiant d'entendants bilatéraux ; que le certificat provisoire du chien destiné à M. I... indiquait que l'animal bénéficiait d'une audition bilatérale normale quand le certificat définitif l'avait diagnostiqué comme un sourd unilatéral ; que le contrat de vente du 3 septembre 2007 concernant un chien né le même jour et acheté par M. J... ne mentionnait plus « entendant testé par PEA à l'école vétérinaire de Lyon » ; que le contrat du 11 août 2008 visant un chien né le 9 juin 2008, acquis par M. K..., ne portait aucune mention relative au test PEA qui avait pourtant été effectué par le docteur Simon qui l'avait diagnostiqué comme entendant unilatéral ; que la prévenue, en n'informant pas l'acheteur de la surdité unilatérale du chiot et en ne lui communiquant pas le test PEA, avait aussi commis une tromperie par réticence dolosive ;

"1) alors que, seuls les vices réputés rédhibitoires visés par les articles L. 213-1 et R. 213-2 du code rural constituent des qualités substantielles au sens de l'article L.213-1 du code de la consommation, sauf si les cocontractants ont fait d'un autre attribut une cause déterminante de leur consentement ; qu'en retenant que le fondement de l'action en garantie des vices cachés était différent de celui du délit de tromperie lorsque celle-ci reposait sur une qualité substantielle, les juges d'appel ont méconnu le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale ;

"2)alors que, en tout état de cause, les juges d'appel n'ont pu, sans se contredire, énoncer que la mention « entendant testé par PEA » figurant sur les contrats de vente des chiens signifiait que l'animal avait une audition bilatérale normale, caractérisant la tromperie, puis, concernant le contrat de vente du 3 septembre 2007 visant le chiot cédé à M. J..., concomitamment affirmer que l'absence de cette mention constituait également une tromperie" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du code de la consommation, 1382 du code civil, 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré consommé le délit de tromperie sur les qualités substantielles reproché à un éleveur de chiens amateur (Mme X...), a condamné celui-ci à payer à des parties civiles (les époux Z...) la somme de 3 950 euros en réparation du préjudice subi, dont notamment la somme de 2 500 euros au titre de la perte de chance ;

"aux motifs que le chien Brown Sugar acquis par les époux Z... était confirmé et avait participé à divers concours ; que les époux Z... justifiaient avoir déboursé la somme de 90 euros pour vérifier le PEA établi par le docteur Y... et prouver l'indentification de leur dalmatien ; que, par ailleurs, ils avaient indéniablement subi un préjudice moral en acquérant un chien sourd d'une oreille quand ils le croyaient entendant bilatéral, préjudice qui serait justement réparé par l'allocation de la somme de 1 000 euros ; qu'ils ne pouvaient obtenir le remboursement de son prix de vente puisqu'ils étaient en possession de ce chien, ni celui des équipements de transport, des frais d'inscription aux expositions ou d'hébergement, puisqu'il avait effectivement participé à diverses expositions ; que les époux Z... justifiait encore avoir refusé que leur chien fît des saillies compte tenu du risque de surdité de sa descendance, de sorte qu'il leur serait alloué une somme de 2 500 euros au titre de la perte de chance ainsi subie ;

"alors que la perte de chance ne peut donner lieu à indemnisation que lorsqu'elle résulte directement du comportement délictueux d'autrui ; que tel n'est pas le cas lorsque l'impossibilité, pour un chien, de se reproduire dépend uniquement du choix de son propriétaire et non de sa surdité unilatérale, non révélée lors de son achat ; qu'en l'espèce, les intéressés avaient acheté un chien de compagnie dénommé Brown Sugar, qui avait été confirmé au LOF puis agréé comme reproducteur, après avoir gagné des expositions canines ; qu'en conséquence, ses propriétaires n'étaient pas dans l'impossibilité de lui faire effectuer des saillies, aucune autorité, ni aucune réglementation ne pouvant s'y opposer ; que, dans ces conditions, le refus de procéder aux saillies émanait des propriétaires du chien et non de la surdité unilatérale dont celui-ci était atteint, de sorte que la perte de chance alléguée n'était pas fondée" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du code de la consommation, 1382 du code civil, 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré consommé le délit de tromperie sur les qualités substantielles reproché à un éleveur de chiens amateur (Mme X...), a condamné celui-ci à payer à l'une des parties civiles (Mme A...) la somme de 1 520 euros en réparation notamment du préjudice lié à la perte de chance ;

"aux motifs que si le dalmatien de Mme A... dénommé "Dream Sugar" (lire Brown Dream) était confirmé, avait participé à diverses expositions et remporté des prix, celle-ci justifiait d'un indéniable préjudice moral lié à la surdité unilatérale de son chien et à la confiance faite à Mme X..., l'animal ne pouvant se reproduire sauf à risquer de propager à sa descendance les gênes de la surdité ;

"alors que la perte de chance ne peut donner lieu à indemnisation que dans le cas où elle résulte directement du comportement délictueux d'autrui ; qu'il en va autrement lorsque l'impossibilité pour un chien de se reproduire dépend uniquement du choix de son propriétaire et non de sa surdité unilatérale, non révélée lors de son achat ; qu'en l'espèce, la partie civile avait acheté un chien de compagnie dénommé Brown Dream, qui avait été confirmée au LOF puis agréé comme reproducteur après avoir gagné des expositions canines ; qu'en conséquence, sa propriétaire n'était pas dans l'impossibilité de le faire bénéficier d'une saillie, aucune autorité, ni aucune réglementation ne pouvant s'y opposer ; que, dans, ces conditions, le refus de bénéficier de saillies émanait du propriétaire du chien et non de la surdité unilatérale dont celui-ci était atteint, de sorte que la perte de alléguée n'était pas fondée" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Mme X... devra payer à Mme L..., partie civile, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Roth conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 09 juin 2011


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 15 mai. 2012, pourvoi n°11-86514

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Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 15/05/2012
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-86514
Numéro NOR : JURITEXT000026093043 ?
Numéro d'affaire : 11-86514
Numéro de décision : C1203029
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-05-15;11.86514 ?
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