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15/05/2012 | FRANCE | N°11-11633

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2012, 11-11633


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2010), que la société de droit espagnol Sacyr Vallehermoso (la société Sacyr) a, à partir de la fin de l'année 2005, procédé à des acquisitions de titres de la société Eiffage ; que lors de l'assemblée générale de la société Eiffage du 18 avril 2007, le bureau de cette assemblée a décidé de priver de leurs droits de vote quatre-vingt neuf actionnaires au motif qu'ils auraient franchi, de concert avec la société Sacyr, le seuil du tiers du capit

al et des droits de vote de la société Eiffage sans en faire la déclaration lé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2010), que la société de droit espagnol Sacyr Vallehermoso (la société Sacyr) a, à partir de la fin de l'année 2005, procédé à des acquisitions de titres de la société Eiffage ; que lors de l'assemblée générale de la société Eiffage du 18 avril 2007, le bureau de cette assemblée a décidé de priver de leurs droits de vote quatre-vingt neuf actionnaires au motif qu'ils auraient franchi, de concert avec la société Sacyr, le seuil du tiers du capital et des droits de vote de la société Eiffage sans en faire la déclaration légale préalable ; que le 19 avril 2007, la société Sacyr a déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) un projet d'offre publique d'échange sur le capital de la société Eiffage ; qu'un arrêt irrévocable du 2 avril 2008 a rejeté le recours formé par la société Sacyr contre la décision de l'AMF du 26 juin 2007 ayant déclaré ce projet non conforme aux dispositions légales et réglementaires applicables ; que parallèlement, l'AMF a ouvert une enquête sur le marché du titre Eiffage ou sur tout autre titre qui lui serait lié ; que par décision du 25 février 2010, la commission des sanctions de l'AMF a estimé que le grief d'omission de déclaration du franchissement du seuil de 33, 33 % du capital de la société Eiffage était établi et a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de la société Sacyr et de son président, M. X... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sacyr et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours formé contre la décision de la commission des sanctions de l'AMF ayant prononcé à leur encontre des sanctions pécuniaires, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en l'espèce, l'existence d'une obligation de déclaration de franchissement de seuil supposait la démonstration d'une action de concert ; que la société Sacyr et M. Luis Fernando X... contestaient avoir agi de concert, vis-à-vis d'Eiffage, avec les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas ; qu'ils reprochaient à l'AMF, sur qui pesait la charge de la preuve, d'avoir conclu à l'existence d'une action de concert sans avoir entendu les trois sociétés concernées ; que la cour d'appel devait rechercher si l'audition des sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas était nécessaire pour que la discussion de l'existence d'une action de concert se fît dans des conditions satisfaisant aux exigences du procès équitable ; qu'en se bornant à retenir que l'absence de déclaration de franchissement concerté du seuil du tiers dans le capital d'Eiffage n'était pas un fait relevant d'un tiers, méconnaissant ainsi que le fait débattu était l'existence même d'une action de concert, préalable à la détermination des obligations des parties, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que dans les écritures déposées à l'appui de leur recours, la société Sacyr et M. Luis Fernando X... faisaient valoir que la carence de l'enquête de l'AMF, résultant de l'absence d'audition des sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas, avait pour conséquence d'imputer à Sacyr la charge de la preuve de l'absence de concert entre elle et ces trois sociétés et celle de fournir à leur place des explications sur leur comportement ; qu'elle ajoutait que cette audition était d'autant plus nécessaire qu'à chaque fois que l'AMF avait entendu les dirigeants d'autres sociétés espagnoles ayant acquis des actions Eiffage, elle avait renoncé à soutenir l'existence d'une action de concert entre elles et Sacyr ; qu'en l'état de ces éléments, la cour d'appel ne pouvait considérer que la défense de la société Sacyr et de M. Luis Fernando X... n'était pas affectée par l'absence d'audition des trois sociétés espagnoles ; qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, elle a violé l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la commission des sanctions a pris sa décision au visa des mémoires et des pièces du dossier lesquelles comprenaient les informations communiquées par les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas ; qu'il retient que la société Sacyr et M. X... ne démontrent pas en quoi l'absence de mise en cause des trois sociétés espagnoles les auraient empêchés d'assurer leur défense ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, que la société Sacyr et M. X..., qui n'ont pas sollicité la mise en cause de ces sociétés ni l'audition de leurs représentants par le rapporteur ou par la commission des sanctions, ne pouvaient se plaindre d'une violation du principe du procès équitable ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Sacyr et M. X... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que tout accusé a droit d'être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il connaît et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que la cause de l'accusation s'entend des faits qui forment la base de la poursuite et de leur qualification juridique ; qu'en l'espèce la société Sacyr et M. X... faisaient valoir, pour reprocher à l'AMF de ne pas leur avoir remis une traduction en langue espagnole du rapport d'enquête, que seul ce rapport énonçait tous les faits ; que, d'ailleurs, la notification des griefs renvoyait au rapport d'enquête ; qu'en retenant en termes généraux que la notification des griefs a pour objet, à l'exclusion d'autres documents tels qu'un rapport d'enquête, d'énoncer l'accusation portée contre la personne poursuivie, sans rechercher, en fait, si la communication en langue espagnole à la société Sacyr et à M. Luis X... du rapport d'enquête n'était pas nécessaire pour qu'ils soient informés de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 3, a) de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que c'est seulement l'acte d'accusation qui doit être porté à la connaissance de la personne poursuivie dans une langue qu'elle comprend afin qu'elle soit en mesure d'exercer sa défense ; qu'ayant retenu que la notification des griefs avait pour objet, à l'exclusion d'autres documents tels qu'un rapport d'enquête, d'énoncer l'accusation portée contre la personne poursuivie, et ayant constaté qu'en l'espèce, cette notification avait été adressée en langue espagnole, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Sacyr et M. X... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, dans les écritures récapitulatives déposées à l'appui de leurs recours, la société Sacyr et M. X... faisaient valoir que la commission des sanctions de l'AMF ayant, pour écarter le grief tiré de ce que, en violation de l'article 222-8 RGAMF, Sacyr n'avait pas, après l'assemblée générale d'Eiffage du 19 avril 2006, déclaré le changement de ses intentions (deuxième grief des notifications), considéré que n'était pas rapportée la preuve de l'existence, avant l'assemblée générale du 18 avril 2007, d'une intention de Sacyr de prendre le contrôle d'Eiffage, ne pouvait, sur le grief de non-déclaration du franchissement du seuil du tiers dans le capital d'Eiffage le 18 juillet 2006 (premier grief des notifications), estimer que la finalité de l'action de concert était de parvenir à un rapprochement voire une prise de contrôle d'Eiffage ; que le moyen soutenait ainsi que la commission des sanctions, dans son examen du premier grief, n'avait pas tiré les conséquences des constatations opérées dans sa décision sur le deuxième grief ; que la cour d'appel décrit toutefois le moyen comme dénonçant une incohérence, différente, entre la décision de l'AMF du 26 juin 2007 et celle de la commission des sanctions du 25 février 2010, et l'écarte au motif que les deux décisions retiennent que l'action de concert a eu pour but de prendre le contrôle de Sacyr ; qu'en répondant ainsi à un moyen qui ne figurait pas dans les écritures récapitulatives de la société Sacyr et de M. X..., la cour d'appel les a dénaturées, partant, a méconnu l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en reprochant à la cour d'appel d'avoir répondu à un moyen qui ne figurait pas dans leurs conclusions, la société Sacyr et M. X... critiquent un motif surabondant de l'arrêt ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Sacyr et M. X... font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 233-10 du code de commerce disposait, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, que « sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société » ; que ce texte devait être interprété, à la lumière des directives 88/ 627/ CEE et 2001/ 34/ CE dont il constituait la transposition en droit français, comme visant un accord qui oblige ceux qui y sont parties ; qu'en retenant néanmoins que l'article L. 233-10 du code de commerce n'exige pas que l'accord revête un caractère contraignant, la cour d'appel a violé cette disposition ;

2°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; qu'en l'espèce l'AMF, sur laquelle pesait la charge de prouver l'existence d'une action de concert entre la société Sacyr et les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas, avançait en ce sens des présomptions et indices ; que la commission des sanctions de l'AMF avait retenu, pour considérer que l'existence d'une action de concert était en l'espèce établie par un faisceau d'indices graves, précis et concordants, (i) que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas étaient venues relayer la montée de Sacyr dans le capital d'Eiffage, (ii) qu'en dehors de l'hypothèse d'une action de concert, les achats d'actions Eiffage par Efapa, Acciones Reunidas et Arcomundo étaient peu cohérents au regard de la taille et du secteur d'activité de ces sociétés, (iii) que les explications mises en avant au cours de l'enquête par Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas pour établir le caractère autonome de leurs décisions d'achat paraissaient peu plausibles ; que, dans les écritures déposées à l'appui de leurs recours contre la décision du 25 février 2010, la société Sacyr et M. X... contestaient la valeur probatoire de chacun de ces indices ; qu'en se bornant à affirmer l'existence d'une démarche collective réunissant Sacyr et six autres sociétés (dont trois n'étaient mentionnées ni dans les notifications de griefs, ni dans la décision de la commission des sanctions de l'AMF), sans apprécier les éléments de preuve qui lui étaient soumis et étaient discutés devant elle par les parties, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et L. 233-10 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;

3°/ que les votes ainsi visés étaient ceux exprimés par des dirigeants des sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas en leur qualité d'actionnaires directs d'Eiffage et non comme représentants de ces sociétés, qui avaient été privées de leurs droits de vote par le bureau de l'assemblée générale d'Eiffage ; qu'il n'était pas allégué que ces dirigeants fussent, à titre personnel, membres d'un concert ; qu'en déduisant l'existence d'une action de concert entre Sacyr et les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas des votes exprimés en assemblée générale par d'autres actionnaires d'Eiffage, la cour d'appel a violé l'article L. 233-10 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, ensemble l'article 1353 du code civil ;

4°/ que le droit d'accès à un tribunal, garanti par l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, forme obstacle à ce que le fait d'exercer une action en justice puisse être retenu comme l'indice d'une action de concert à laquelle participerait le requérant et qui mettrait à sa charge des obligations solidaires dont la violation serait susceptible de donner lieu à des sanctions administratives ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

5°/ que dans les écritures déposées à l'appui de leur recours, la société Sacyr et M. Luis X... faisaient valoir que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas n'avaient été parties, ni comme demanderesses, ni comme intervenantes, aux procédures engagées devant le tribunal de commerce de Nanterre ; que, pour étayer ce moyen, elles produisaient le jugement du 6 mai 2008 par lequel le tribunal de commerce de Nanterre avait annulé une décision du bureau de l'assemblée générale d'Eiffage du 18 avril 2007 et l'ensemble des résolutions adoptées par cette assemblée, jugement qui désignait comme seule demanderesse une société Grupo Rayet ; qu'en omettant d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui lui ont permis d'affirmer que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas avaient agi en annulation des délibérations de l'assemblée du 18 avril 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'en l'absence d'accord écrit, l'existence d'une action de concert peut être démontrée par un faisceau d'indices graves, précis et concordants ; qu'après avoir constaté que la société Sacyr et les autres sociétés espagnoles ont procédé à des acquisitions successives d'actions de la société Eiffage, l'arrêt retient que ces acquisitions successives traduisent, non un simple parallélisme des comportements, mais une démarche collective organisée visant à permettre à la société Sacyr d'obtenir, lors de l'assemblée générale du 18 avril 2007, une recomposition à son profit du conseil d'administration de la société Eiffage ; qu'il relève encore que des similitudes de comportement entre les dirigeants de la société Sacyr et ceux des sociétés Efapa, Acciones Reunidas et Arcomundo ont pu être observées lors de cette assemblée générale ; qu'il relève enfin que ces sociétés ont, tout comme la société Sacyr, agi en annulation de la décision de l'AMF du 26 juin 2007 ; que de ces constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première et cinquième branches, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu déduire, sans porter atteinte au droit d'accès à un tribunal, que la société Sacyr et les trois sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas avaient agi de concert ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sacyr et M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à l'Autorité des marchés financiers la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Sacyr Vallehermoso et M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les recours formés par la société Sacyr et M. Luis Fernando X... contre une décision de la commission des sanctions de l'AMF ayant prononcé à leur égard des sanctions pécuniaires ;

Aux motifs que la société Sacyr et M. Luis Fernando X... prétendent que l'AMF a violé le principe du procès équitable en imputant à la société Sacyr des faits qui relèvent de tiers (Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas) sans que ces tiers n'aient été entendus et mis en cause ; que toutefois l'absence de déclaration du franchissement concerté du seuil du tiers du capital d'Eiffage ne sont pas « des faits qui relèvent de tiers » mais sont une démarche collective organisée tendant à la poursuite d'une finalité commune consistant à se grouper, à laquelle est intervenue la société Sacyr, et que les requérants ne démontrent pas en quoi cette absence de mise en cause des trois sociétés espagnoles les auraient empêchés d'assurer leur défense ;

1°/ Alors qu'en l'espèce, l'existence d'une obligation de déclaration de franchissement de seuil supposait la démonstration d'une action de concert ; que la société Sacyr et M. Luis Fernando X... contestaient avoir agi de concert, vis-à-vis d'Eiffage, avec les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas ; qu'ils reprochaient à l'AMF, sur qui pesait la charge de la preuve, d'avoir conclu à l'existence d'une action de concert sans avoir entendu les trois sociétés concernées ; que la cour d'appel devait rechercher si l'audition des sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas était nécessaire pour que la discussion de l'existence d'une action de concert se fît dans des conditions satisfaisant aux exigences du procès équitable ; qu'en se bornant à retenir que l'absence de déclaration de franchissement concerté du seuil du tiers dans le capital d'Eiffage n'était pas un fait relevant d'un tiers, méconnaissant ainsi que le fait débattu était l'existence même d'une action de concert, préalable à la détermination des obligations des parties, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ Alors que dans les écritures déposées à l'appui de leur recours, la société Sacyr et M. Luis Fernando X... faisaient valoir que la carence de l'enquête de l'AMF, résultant de l'absence d'audition des sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas, avait pour conséquence d'imputer à Sacyr la charge de la preuve de l'absence de concert entre elle et ces trois sociétés et celle de fournir à leur place des explications sur leur comportement ; qu'elle ajoutait que cette audition était d'autant plus nécessaire qu'à chaque fois que l'AMF avait entendu les dirigeants d'autres sociétés espagnoles ayant acquis des actions Eiffage, elle avait renoncé à soutenir l'existence d'une action de concert entre elles et Sacyr ; qu'en l'état de ces éléments, la cour d'appel ne pouvait considérer que la défense de la société Sacyr et de M. Luis Fernando X... n'était pas affectée par l'absence d'audition des trois sociétés espagnoles ; qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, elle a violé l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les recours formés par la société Sacyr et M. Luis Fernando X... contre une décision de la commission des sanctions de l'AMF ayant prononcé à leur égard des sanctions pécuniaires ;

Aux motifs que la notification des griefs a pour objet, à l'exclusion d'autres documents tels qu'un rapport d'enquête, d'énoncer l'accusation portée contre la personne poursuivie ; qu'il n'était donc pas nécessaire d'adresser à la société Sacyr et à M. Luis X... une traduction en espagnol du rapport d'enquête de l'AMF ;

Alors que tout accusé a droit d'être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il connaît et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que la cause de l'accusation s'entend des faits qui forment la base de la poursuite et de leur qualification juridique ; qu'en l'espèce la société Sacyr et M. Luis X... faisaient valoir, pour reprocher à l'AMF de ne pas leur avoir remis une traduction en langue espagnole du rapport d'enquête, que seul ce rapport énonçait tous les faits ; que, d'ailleurs, la notification des griefs renvoyait au rapport d'enquête ; qu'en retenant en termes généraux que la notification des griefs a pour objet, à l'exclusion d'autres documents tels qu'un rapport d'enquête, d'énoncer l'accusation portée contre la personne poursuivie, sans rechercher, en fait, si la communication en langue espagnole à la société Sacyr et à M. Luis X... du rapport d'enquête n'était pas nécessaire pour qu'ils soient informés de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 3, a) de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les recours formés par la société Sacyr et M. Luis Fernando X... contre une décision de la commission des sanctions de l'AMF ayant prononcé à leur égard des sanctions pécuniaires ;

Aux motifs que la société Sacyr et M. Luis X... soutiennent que la commission des sanctions ne tire pas les conséquences de ses propres constatations, puisque dans sa décision en date du 26 juin 2007, elle énonce que la finalité de l'action de concert est caractérisée par la volonté de prendre à terme le contrôle d'Eiffage, alors que la décision attaquée du 25 février 2010 n'a pas établi la finalité de cette action ; mais que, selon la décision de l'AMF du 26 juin 2007, la politique commune poursuivie par le concert consiste à permettre à Sacyr de prendre le contrôle d'Eiffage, tandis que, d'après la décision du 25 février 2010, l'action de concert a bien eu pour finalité une prise de contrôle de cette dernière ;

Alors que, dans les écritures récapitulatives déposées à l'appui de leurs recours, la société Sacyr et M. Luis X... faisaient valoir que la commission des sanctions de l'AMF ayant, pour écarter le grief tiré de ce que, en violation de l'article 222-8 RGAMF, Sacyr n'avait pas, après l'assemblée générale d'Eiffage du 19 avril 2006, déclaré le changement de ses intentions (deuxième grief des notifications), considéré que n'était pas rapportée la preuve de l'existence, avant l'assemblée générale du 18 avril 2007, d'une intention de Sacyr de prendre le contrôle d'Eiffage, ne pouvait, sur le grief de non-déclaration du franchissement du seuil du tiers dans le capital d'Eiffage le 18 juillet 2006 (premier grief des notifications), estimer que la finalité de l'action de concert était de parvenir à un rapprochement voire une prise de contrôle d'Eiffage ; que le moyen soutenait ainsi que la commission des sanctions, dans son examen du premier grief, n'avait pas tiré les conséquences des constatations opérées dans sa décision sur le deuxième grief ; que la cour d'appel décrit toutefois le moyen comme dénonçant une incohérence, différente, entre la décision de l'AMF du 26 juin 2007 et celle de la commission des sanctions du 17 février 2010, et l'écarte au motif que les deux décisions retiennent que l'action de concert a eu pour but de prendre le contrôle de Sacyr ; qu'en répondant ainsi à un moyen qui ne figurait pas dans les écritures récapitulatives de la société Sacyr et de M. Luis X..., la cour d'appel les a dénaturées, partant, a méconnu l'article 4 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les recours formés par la société Sacyr et M. Luis Fernando X... contre une décision de la commission des sanctions de l'AMF ayant prononcé à leur égard des sanctions pécuniaires ;

Aux motifs, de première part, que l'article L. 233-10 du code de commerce, qui définit l'action de concert, n'exige pas que l'accord résulte d'un écrit, ni qu'il revête un caractère contraignant ;

Alors que l'article L. 233-10 du code de commerce disposait, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, que « sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer des droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société » ; que ce texte devait être interprété, à la lumière des directives 88/ 627/ CEE et 2001/ 34/ CE dont il constituait la transposition en droit français, comme visant un accord qui oblige ceux qui y sont parties ; qu'en retenant néanmoins que l'article L. 233-10 du code de commerce n'exige pas que l'accord revête un caractère contraignant, la cour d'appel a violé cette disposition ;

Aux motifs, de deuxième part, que les acquisitions successives d'actions Eiffage par Sacyr et par les sociétés Acciones Reunidas, Arcomundo, Immobiliara Vano, Explotationes Forestales Agericolas y Pecuarisas Alavesas, Bens Patricios et Portman Golf ont procédé, non d'un simple parallélisme des comportements, mais d'une démarche collective organisée tendant à la poursuite d'une finalité commune consistant à se grouper pour apparaître en force afin d'imposer ensemble, par surprise, lors de l'assemblée générale extraordinaire d'Eiffage du 18 avril 2007, une recomposition à leur avantage du conseil d'administration leur permettant ensuite de réaliser le rapprochement entre les deux sociétés ;

Alors que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; qu'en l'espèce l'AMF, sur laquelle pesait la charge de prouver l'existence d'une action de concert entre la société Sacyr et les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas, avançait en ce sens des présomptions et indices ; que la commission des sanctions de l'AMF avait retenu, pour considérer que l'existence d'une action de concert était en l'espèce établie par un faisceau d'indices graves, précis et concordants, (i) que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas étaient venues relayer la montée de Sacyr dans le capital d'Eiffage, (ii) qu'en dehors de l'hypothèse d'une action de concert, les achats d'actions Eiffage par Efapa, Acciones Reunidas et Arcomundo étaient peu cohérents au regard de la taille et du secteur d'activité de ces sociétés, (iii) que les explications mises en avant au cours de l'enquête par Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas pour établir le caractère autonome de leurs décisions d'achat paraissaient peu plausibles ; que, dans les écritures déposées à l'appui de leurs recours contre la décision du 25 février 2010, la société Sacyr et M. Luis X... contestaient la valeur probatoire de chacun de ces indices ; qu'en se bornant à affirmer l'existence d'une démarche collective réunissant Sacyr et six autres sociétés (dont trois n'étaient mentionnées ni dans les notifications de griefs, ni dans la décision de la commission des sanctions de l'AMF), sans apprécier les éléments de preuve qui lui étaient soumis et étaient discutés devant elle par les parties, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et L. 233-10 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;

Aux motifs, de troisième part, que des similitudes de comportement entre les dirigeants de Sacyr et ceux des sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas ont pu être constatées à l'occasion des votes lors de l'assemblée générale d'Eiffage du 18 avril 2007 ; que les dirigeants d'Efapa et d'Arcomundo, respectivement MM. Y...et Z..., ont donné leur accord de voter en faveur des résolutions RA à RE présentées par Sacyr et de voter contre le renouvellement du mandat de M. A... ;

Alors que les votes ainsi visés étaient ceux exprimés par des dirigeants des sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas en leur qualité d'actionnaires directs d'Eiffage et non comme représentants de ces sociétés, qui avaient été privées de leurs droits de vote par le bureau de l'assemblée générale d'Eiffage ; qu'il n'était pas allégué que ces dirigeants fussent, à titre personnel, membres d'un concert ; qu'en déduisant l'existence d'une action de concert entre Sacyr et les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas des votes exprimés en assemblée générale par d'autres actionnaires d'Eiffage, la cour d'appel a violé l'article L. 233-10 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, ensemble l'article 1353 du code civil.

Aux motifs, de quatrième part, que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas ont demandé à la cour d'appel de Paris d'annuler la décision du 26 juin 2007 par laquelle l'AMF avait déclaré non conforme aux dispositions en vigueur l'offre publique d'échange sur le capital d'Eiffage que Sacyr avait présentée le 19 avril 2007 ; que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas ont, tout comme la société Sacyr, agi en annulation des décisions de l'assemblée du 18 avril 2007 et en annulation de la décision de l'AMF du 26 juin 2007 ;

1°/ Alors que le droit d'accès à un tribunal, garanti par l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, forme obstacle à ce que le fait d'exercer une action en justice puisse être retenu comme l'indice d'une action de concert à laquelle participerait le requérant et qui mettrait à sa charge des obligations solidaires dont la violation serait susceptible de donner lieu à des sanctions administratives ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ Alors que dans les écritures déposées à l'appui de leur recours, la société Sacyr et M. Luis X... faisaient valoir que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas n'avaient été parties, ni comme demanderesses, ni comme intervenantes, aux procédures engagées devant le tribunal de commerce de Nanterre ; que, pour étayer ce moyen, elles produisaient le jugement du 6 mai 2008 par lequel le tribunal de commerce de Nanterre avait annulé une décision du bureau de l'assemblée générale d'Eiffage du 18 avril 2007 et l'ensemble des résolutions adoptées par cette assemblée, jugement qui désignait comme seule demanderesse une société Grupo Rayet ; qu'en omettant d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui lui ont permis d'affirmer que les sociétés Efapa, Arcomundo et Acciones Reunidas avaient agi en annulation des délibérations de l'assemblée du 18 avril 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-11633
Date de la décision : 15/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mai. 2012, pourvoi n°11-11633


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11633
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