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10/05/2012 | FRANCE | N°11-11252

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 11-11252


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 17 septembre 1993 par la société Bati Dole en qualité de vendeuse, en dernier lieu, cadre responsable de magasin, a été licenciée selon lettre du 5 septembre 2007 pour absences répétées perturbant gravement le fonctionnement de l'entreprise ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants cons

tituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces él...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 17 septembre 1993 par la société Bati Dole en qualité de vendeuse, en dernier lieu, cadre responsable de magasin, a été licenciée selon lettre du 5 septembre 2007 pour absences répétées perturbant gravement le fonctionnement de l'entreprise ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de sa demande en paiement d'indemnités et de dommages-intérêts pour harcèlement moral l'arrêt retient qu'elle a obtenu l'annulation de la deuxième sanction de mise à pied de 5 jours ouvrables du 9 février 2007 dans le cadre d'une procédure prudhomale de conciliation, résultat qui témoigne d'une volonté certaine de son employeur de passer outre les difficultés vécues et de permettre l'amélioration des relations futures, la salariée n'ayant nullement évoqué dans sa saisine une situation de harcèlement moral dont elle était victime depuis 2004 ; qu'une lecture attentive des attestations dont elle se prévaut ne permet de retenir aucun fait précis de harcèlement si ce n'est des débordements verbaux de M. Y... à l'égard de Mme X... avec des termes " vous êtes nulle " proférés en public dont la brutalité est incontestable ; que s'il ressort de ces éléments que M. Y... pouvait être excessif dans ses reproches, il ne ressort toutefois de ces témoignages aucune chronologie, aucune aggravation dans les relations entre Mme X... et M. Y..., aucune illustration d'une dégradation des conditions de travail de Mme X... de nature à établir un lien entre la survenance de faits répétés de harcèlement et les arrêts maladie qui se sont cumulés à compter de juin 2006, que le médecin généraliste qui fait état en mai 2010 de ce que les arrêts maladie au cours de l'année 2007 étaient en rapport avec un syndrome dépressif avéré indique dans un écrit postérieur au licenciement qu'elle suit la salariée depuis environ un an pour syndrome anxio-dépressif dans un contexte de conflit du travail, que son état s'est aggravé progressivement puis stabilisé grâce au suivi et aux arrêts, l'état anxieux persistant, que l'évocation par le médecin d'un conflit du travail rapporté par la salariée ne permet nullement d'imputer à son supérieur hiérarchique la responsabilité de ces troubles de santé ; que la salariée produit un écrit du médecin du travail constatant le 15 juin 2007 une grande fatigue et une détresse importante qui selon les dires de la salariée étaient attribués à des conflits professionnels avec son employeur ; que le médecin du travail qui a eu plusieurs occasions d'examiner la salariée lors des visites de reprise l'a toujours déclarée apte sans autres commentaires ou réserves y compris le 15 juin 2007 et n'évoque aucune doléance faite par la salariée relative à une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé en raison d'une situation de harcèlement vécue depuis plusieurs années ; que de l'ensemble de ces éléments versés aux débats il ne ressort pas que Mme X... ait été victime à partir de 2004 comme elle le prétend de faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique qui ne venait d'ailleurs sur le site du magasin de Dole que ponctuellement ayant également à visiter d'autres sites comme Villefranche et Lons le Saunier ; qu'il n'est pas plus établi que les arrêts de travail aient été occasionnés par une dégradation des conditions de travail de la salariée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée produisait des éléments faisant présumer un harcèlement moral et qu'il lui appartenait en conséquence de vérifier si les éléments de preuve communiqués par l'employeur établissaient que les mesures prises à l'encontre de la salariée étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil ;
Attendu que pour infirmer le jugement ayant alloué à la salariée des dommages-intérêts au titre d'une violation de sa vie privée et la débouter de cette demande, la cour d'appel a retenu que les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors la présence du salarié ; que la mauvaise foi de l'employeur est d'autant moins crédible que la découverte des courriels en cause est intervenue après le licenciement ; que la salariée ne prétend pas avoir utilisé un mode d'identification de ses correspondances informatiques leur conférant un caractère personnel ; et que, soutenant que les courriels produits sont des faux, ce que conteste l'employeur, elle ne peut réclamer réparation pour des courriels qui ne comporteraient par là même aucune violation du secret des correspondances et aucune indiscrétion véridique sur sa vie privée ;
Attendu cependant que si l'employeur peut toujours consulter les fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut toutefois les produire dans une procédure judiciaire, si leur contenu relève de la vie privée sans l'accord de ce dernier ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il lui appartenait de vérifier si les courriels produits concernaient des faits de la vie privée de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes indemnitaires en dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et pour violation de la vie privée, l'arrêt rendu le 5 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Bati Dole aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bati Dole à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame X... reposait sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et de l'avoir débouté de ses demandes d'indemnités et de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE par lettre en date du 5 septembre 2007 Mme Nathalie X... a été licenciée pour les motifs suivants :
« … nous sommes donc désormais conduits à vous notifier par la présente votre licenciement pour absences répétées perturbant gravement le fonctionnement de l'entreprise. Vos absences du fait de maladie ont été les suivantes, durant ces 15 derniers mois :
- du 20 juin au 24 juin 2006 soit 5 jours-du 20 juillet au 26 août 2006 soit 38 jours-les 5 et 6 janvier 2007 soit 2 jours-du 27 février au 4 mars 2007 soit 6 jours-du 21 mars au 23 avril 2007 soit 34 jours-du 3 mai au 4 juin 2007 soit 33 jours-du 16 juin au 2 juillet 2007 soit 17 jours-depuis le 7 juillet 2007, avec une prolongation au 17 septembre 2007 soit 73 jours.

Compte tenu de votre importante fonction de cadre responsable de magasin, fonction la plus élevée hiérarchiquement sur le site, vos absences, leur durée, leur répétition, créent des dysfonctionnements importants au sein de la direction et de l'organisation du magasin. Comme vous le savez, un magasin ne peut pas durablement fonctionner en l'absence de son responsable qui organise, distribue et contrôle les tâches des collaborateurs. Cette absence finit malheureusement par entraîner de graves répercussions sur le chiffre d'affaires réalisé, et les marges qui en découlent.
La pérennité du magasin est conditionnée par l'animation et la direction de celui-ci par son responsable de magasin qui doit, par sa présence et son implication de tous les instants, assurer son développement.
Force nous est de constater que votre absentéisme répété, et plus particulièrement votre dernière absence, est devenu très préjudiciable à la société, d'autant plus qu'il nous est impossible, compte tenu de vos fonctions, de vous remplacer provisoirement et de manière répétitive par un salarié temporaire en intérim ou en contrat à durée indéterminée. Ce poste nécessite en effet une formation, de l'expérience, une connaissance et un suivi des procédures que seule peut apporter une stabilité dans cette fonction. » ; que Mme X... soutient que ses arrêts maladies résultent de faits de harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son supérieur hiérarchique M. Gérard Y..., et que son licenciement est nul ; qu'en droit aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L 1154-1 du Code du travail prévoit que « lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. » ; qu'il est à souligner que depuis son embauche en 1993 en qualité de vendeuse au magasin de Dole par la société BATI DOLE, Mme X... a connu une évolution professionnelle remarquable, puisqu'elle a été promue chef de secteur en janvier 1998 catégorie agent de maîtrise, puis a été en janvier 2001 nommée par la direction de la société en la personne de son gérant M. Gérard Y... responsable du magasin de Dole, catégorie cadre ; que Mme X... soutient que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader à compter de l'année 2004 ; qu'à l'appui de ses allégations et au titre des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, Madame Nathalie X... fait état d'une part de sanctions disciplinaires injustifiées et de reproches infondés qui lui ont été adressés par M. Y... ; que Mme X... verse aux débats un premier courrier de son employeur qui lui a été adressé par voie postale le 9 janvier 2006 en raison du refus de la salariée de recevoir en mains propres un courrier de réprimande daté du 29 décembre 2005, aux termes duquel plusieurs reproches lui étaient adressés, notamment des erreurs de caisse révélées par le service comptable à la fin de l'année 2004, des problèmes de management (démissions de personnels-comportement avec des concurrents présents au sein du magasin), et des tenues vestimentaires inadaptées à ses fonctions ; qu'il est à noter que ce courrier est le premier écrit de l'employeur, Mme X... faisant toutefois état de faits de harcèlement depuis 2004, année au cours de laquelle aucun fait concret n'est allégué ; que Mme X... a répliqué méthodiquement a tous les reproches qui lui étaient adressés dans cette réprimande, et ce par un écrit du 23 janvier 2006 dont le contenu révèle une assurance dans les explications qui n'est pas de nature a traduire une souffrance de la salariée en raison d'une dégradation de ses conditions de travail ou une salariée déstabilisée par une remise en cause de ses compétences, bien que Mme X... emploie dans sa réplique les termes de harcèlement à son détriment exerce par M. Y... en lui attribuant alors l'intention de se débarrasser d'elle et d'installer à sa place sa nouvelle amie (cote 59 de l'appelante) ; que Mme X... reconnait elle-même dans ce même courrier que depuis qu'une enquête de police a été diligentée au cours de l'année 2005 suite à des erreurs de caisse pour lesquelles elle conteste toute implication, il n'a ensuite plus été relevé de sommes manquantes en caisse ; que si Mme X... se plaint des soupçons dirigés sur elle par son employeur, elle indique toutefois elle-même que les trous dans la caisse avaient été évalués par le service comptable à 800 €, ce qui rend parfaitement légitime la démarche de dépôt de plainte contre X effectuée par le gérant de la société M. Y... ; qu'avec un aplomb qui ne traduit ni une attitude soumise à l'autorité ni un tempérament fragilise par des reproches, aux critiques de son employeur sur le manque de sobriété de sa tenue vestimentaire trop voyante le samedi 24 décembre 2005 et son impact sur les tenues décalées d'autres membres du personnel, Mme X... répond que cette appréciation tient à « la différence d'âge » entre elle et son patron ; que Mme X... convient enfin dans son courrier de réponse qu'elle a passé une commande de sel de déneigement deux jours avant les chutes de neige (d'où des problèmes d'accès des clients au magasin) et que le chiffre d'affaires du 24 décembre 2005 a baissé de 2533 € par rapport à celui de 2004 ; que Mme Nathalie X... fait état d'une deuxième sanction de mise a pied de cinq jours ouvrables par un courrier qui lui a été adressé le 9 février 2007 par son supérieur hiérarchique M. Y... en raison de la dégradation de la tenue de son poste avec des résultats financiers en chute sensible, des problèmes de tenue vestimentaire, des problèmes de gestion informatique et de commande tardive de sel de déneigement, et le fait que Mme X... ait pris l'initiative de conduire une caissière victime d'un accident du travail aux urgences au lieu d'appeler les pompiers ; que Mme X... a également contesté par écrit le bien fonde de cette sanction et chacun des reproches concernés, en donnant aux faits évoqués par son employeur sa propre version, et ce avec la même assurance et le même aplomb que dans son précédent courrier ; que Mme X... a en outre obtenu dans le cadre d'une procédure prud'homale de conciliation l'annulation de cette sanction, résultat qui témoigne d'une volonté certaine de son employeur de passer outre les difficultés vécues et de permettre tine amélioration des relations futures, la salariée n'ayant alors nullement évoqué dans sa saisine une situation de harcèlement moral dont elle était victime depuis 2004 ; que Mme X... verse également aux débats, pour illustrer une situation de harcèlement moral vécue par elle, plusieurs attestations dont la majorité émane de collègues de travail ayant été sous sa subordination, mais rédigées aussi par une salariée travaillant sur un autre site (Mme Z...) qui évoque notamment son propre contentieux avec l'employeur, par un couple de clients du magasin M. A... et Mme B...- A... qui sont en fait des amis de Mme X... (cf. attestations de M. Guy C..., de M. Ludovic D... et de M. E...), et enfin de l'ex-compagne de son employeur qui révèle des propos tenus par M. Y... sur l'appelante dans l'intimité de son couple, et non l'attitude de M. Y... à l'égard de la directrice de son magasin sur son lieu de travail ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QU'une lecture attentive des attestations dont se prévaut Mme X... ne permet de retenir aucun fait précis de harcèlement, si ce n'est des débordements verbaux de M. Y... à l'égard de Mme X..., avec des termes « vous êtes nulle » proférés en public dont la brutalité est incontestable ; que s'il ressort de ces éléments que M. Y... pouvait être excessif dans ses reproches, il ne ressort toutefois de ces témoignages aucune chronologie, aucune aggravation dans les relations entre Mme X... et M. Y..., aucune illustration d'une dégradation des conditions de travail de Mme X..., notamment de nature à établir un lien entre la survenance de faits répétés de harcèlement et les arrêts maladie de Mme X... qui se sont cumulés à compter de juin 2006 ; qu'en effet M. Vincent F..., magasinier, se limite à indiquer de façon subjective que Mme X... « subissait une pression constante de la direction qu'aucune autre personne n'aurait pu supporter autant de temps » sans autre détail ; que M. Olivier G..., gestionnaire de rayon, évoque de la même façon « un harcèlement moral devant le personnel et les clients » sans aucune illustration ; qu'il fait état, comme M. Vincent F..., de la solidarité d'une partie du personnel qui a démissionné suite au départ de Mme X..., citant neuf salariés démissionnaires, Mme X... corrigeant quant à elle ce chiffre lors d'une audition à douze salariés démissionnaires parmi une trentaine de salariés ; que M. Christophe H... rapporte des mots injurieux proférés par M. Y..., « vous êtes nulle, vous n'y connaissez rien, filez me chercher ça », et évoque des critiques sur les tenues vestimentaires de Mme X... « dont il est difficile de trouver une légitimité » (sic) ; que Mme Agnès I..., vendeuse embauchée en 2005 par Mme X... mentionne « un harcèlement permanent » sans aucune illustration, et indique que Mme X... faisait le tampon entre M. Y... et le personnel ; que Mme Laetitia J..., caissière intérimaire, évoque un personnel terrifié et que M. Y... hurlait sur Mme X... ; que M. Mathieu K..., magasinier fait état d'un « manque de respect », et termine son témoignage ainsi : « j'ajouterai que M. Y... tenait Mme X... pour responsable de notre refus d'obéir aveuglément ainsi que toute action allant à l'encontre de M. Y... ou de la société (refus d'heures supplémentaires, refus de travailler certains jours fériés). » ; que ces témoignages d'anciens collègues sous la subordination de Mme X... laissent transparaître une solidarité en sa faveur, au point que Mme X... fasse d'ailleurs état de 12 démissions provoquées par son départ ; qu'au-delà de cette solidarité qui teinte ces témoignages au contenu déjà formel d'une subjectivité suspecte, la société BATI DOLE produit de son côté des pièces qui non seulement confirment cette solidarité mais la révèlent comme de nature à s'exercer au détriment de l'employeur ; qu'en effet M. Guy C... embauché depuis 1997 et chef de secteur au magasin de Dole indique avoir rencontré beaucoup de problèmes dans l'exercice de ses fonctions avec Mme X... car il n'a jamais voulu « faire partie de sa cour », au point qu'il en est arrivé à demander à redevenir simple vendeur ; que M. Daniel L..., également chef de secteur et embauché depuis 1998, témoigne quant à lui que M. Y... ne venait que peu souvent au magasin de Dole, au plus une demi-journée par semaine et qu'il fallait « être très proche de la vie privée de Mme X... pour être considéré dans le travail » ; qu'il ajoute qu'il n'a vu Mme Z... sur le site de Dole qu'une ou deux fois ; que M. Michel N..., directeur d'un autre magasin qui a été amené à assurer l'intérim de la direction du magasin de Dole, témoigne dans une attestation rédigée le 21 août 2010 qu'à plusieurs reprises Messieurs L... et C... lui ont indiqué qu'ils subissaient des menaces et des pressions émanant de salariés « sous la coupe » de Mme X... pour revenir sur leurs attestations produites en faveur de l'employeur ; que la société BATI DOLE verse en outre aux débats des directives manuscrites rédigées par Mme X... (sous le diminutif " Nath " et avec la signature de Mme X...) et adressées le 10 novembre 2005 aux salariés sous sa subordination ; que ces écrits ne traduisent nullement une position fragilisée voire une crainte de l'appelante à l'égard de son supérieur hiérarchique mais plutôt un pouvoir certain de cette dernière dans sa position de directrice de magasin voire une résistance à son supérieur hiérarchique, alors que Mme X... soutient pourtant qu'elle subissait des faits de harcèlement depuis 2004 imputables à M. Y... ; qu'en effet, dans une note adressée au salarié prénommé Eric, Mme X... écrit « il faut ranger la plate forme ainsi que ton atelier avant inventaire. J'ai demandé à Vincent de te donner la main car il sait ce que je veux. Je sais, c'est con, c'est nul, je te fais chier mais ce n'est pas souvent alors considère que c'est mon cadeau de Noël ! Non mais cela fait déjà 3 fois que Y... me le demande et je n'arrive plus à donner d'excuse. » (sic) ; que M. Hervé M..., gendre de M. Y..., témoigne dans un écrit du 24 juin 2008, alors qu'il était directeur du magasin de Pontarlier, que Mme X... lui a confié à plusieurs reprises qu'elle oeuvrait pour se faire licencier et qu'elle avait monté un dossier pour harcèlement moral en bénéficiant du soutien de la majorité des salariés, et qu'il avait personnellement constaté un fonctionnement désordonné du magasin et une ambiance de travail déplorable au sein du personnel ; que si dans une nouvelle, attestation établie le 31 décembre 2009 M. M..., qui entretemps a perdu sa situation professionnelle et est à présent en conflit avec son beau père, indique « avoir été contraint et forcé par M. Y...... de produire une fausse déclaration sur l'honneur contre Mme X... » parce que M. Y... lui a remis « en mains propres ladite attestation rédigée informatiquement », M. M... n'indique à aucun moment dans ce nouvel écrit établi en faveur de Mme X... que les renseignements contenus dans son attestation initiale n'émanent pas de lui et sont inventés, étant d'ailleurs observé que certaines indications y figurant ne sont données par aucun autre élément versé aux débats (notamment celle relative au fait que Mme X... lui avait confié à plusieurs reprises que ses arrêts maladie étaient dus au fait qu'elle essayait d'avoir un enfant) ; que M. Ludovic D..., embauché en 2003 comme chef de secteur au magasin de Pontarlier, et qui a été amené à occuper le poste de Mme X... durant son absence puis après son licenciement et plus précisément à compter du 2 juillet 2007, témoigne qu'il a trouvé une surface de vente désorganisée, un personnel livré à lui-même et qu'il a appris de divers collaborateurs que Mme X... « pratiquait ouvertement et quotidiennement un management très particulier reposant sur la ségrégation, le favoritisme et le copinage » ; que si M. D... a, dans les mêmes termes que M. M... et alors qu'il n'est plus employé par la société BATI DOLE, rédigé ensuite une attestation en faveur de Mme X... le 19 février 2010 en soutenant que M. Y... l'avait forcé à recopier une attestation rédigée par ses propres soins dans son intérêt professionnel en agissant de la même façon avec Messieurs C... et L..., M. D... se contente toutefois de remettre uniquement en cause son jugement sur la personne de Mme X..., et nullement les indications que contenait le témoignage qu'il a rédigé de sa propre main sur l'état du magasin de Dole et le management de Mme X... lors de son arrivée ; qu'il précise en effet qu'il n'a vu l'appelante que deux à trois jours, et qu'elle lui semblait « être plus proche de la dépression nerveuse que d'une personne sereine au sein de son travail » ; Que M. Joseph E..., animateur régional de la centrale M. Bricolage, témoigne que M. Y... lui avait indique ses difficultés avec la directrice du magasin du Dole qu'il n'arrivait plus a manager, alors que la situation économique du magasin se dégradait, et que lors d'une visite trimestrielle du magasin effectuée le 12 décembre 2006 Mine X... lui avait confie « qu'elle s'était mise en conflit avec M. Y... et qu'elle cherchait du travail ailleurs », qu'elle l'avait invite à déjeuner et qu'elle avait une tenue vestimentaire provocante au point « que j'avais honte de me retrouver au restaurant avec elle » (sic), et que Mme B... était venue se joindre a leur table sur invitation de Mme X... ; que M. E... ajoute que durant le repas Mme X... a demande des renseignements sur l'implantation de l'enseigne en Roumanie où elle souhaitait ouvrir un magasin avec une amie originaire du pays, indiquant « qu'elle voulait à tout prix quitter l'entreprise de Dole pour travailler avec sa copine roumaine sous l'enseigne M. Bricolage Roumanie » ; que M. E... achève son témoignage en indiquant que Mme X... a voulu régler le repas en demandant une note de frais pour deux repas au lieu de trois ;
ET AUX MOTIFS ENFIN QU'outre l'absence d'illustrations concrètes de nature à permettre de présumer des faits de harcèlement, Mme X... se prévaut d'une dégradation de son état de santé a l'origine des arrêts de travail qui se sont cumulés à compter de juin 2006 ; qu'en ce sens elle se prévaut d'éléments médicaux donnés par son médecin généraliste, le docteur Caroline G..., qui indique le 25 mai 2010 que les arrêts maladie « au cours de l'année 2007 étaient en rapport avec un syndrome dépressif avéré », et qui indique dans un écrit du 11 septembre 2007, postérieur au licenciement de l'appelante, qu'elle suit Mme X... depuis environ tin an pour syndrome anxio-dépressif, dans un contexte de conflit de son travail, que « son état s'est aggravé progressivement puis stabilise grâce au suivi et aux arrêts », et que « l'état anxieux persiste » ; que si le syndrome dépressif dont fait état ce médecin généraliste est à l'origine des divers arrêts de travail prescrits a Mme X... notamment à partir de la deuxième partie de l'année 2006, révocation par le docteur G... d'un conflit du travail qui lui a été rapporté par l'appelante ne permet nullement d'imputer a son supérieur hiérarchique la responsabilité de ces troubles de santé ; que Mme X... se prévaut en outre d'un écrit émanant du médecin du travail, le docteur O..., qui indique qu'il l'a vue en visite médicale le 15 juin 2007 et qu'il a constaté « ce jour la une grande fatigue et une détresse importante qui selon ses dires étaient attribuées à des conflits professionnels avec son employeur » ; que, comme le souligne l'employeur, le médecin du travail a eu plusieurs occasions d'examiner Mme X... lors des visites de reprise, et qu'il l'a toujours déclarée apte sans autres commentaires ou réserves, y compris a la date du 15 juin 2007 ; que le médecin du travail n'évoque d'ailleurs aucune doléance faite par Mme X... et relative a une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé en raison d'une situation de harcèlement vécue depuis plusieurs années ; que de l'ensemble de ces éléments verses aux débats il ne ressort pas que Mme Nathalie X... ait été victime à partir de 2004 comme elle le prétend de faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique M. Y... qui ne venait d'ailleurs sur le site du magasin de Dole que ponctuellement, ayant également à visiter d'autres sites comme Villefranche et Lons le Saunier ; qu'il n'est pas plus établi que les arrêts de travail de Mme X... aient été occasionnés par une dégradation de ses conditions de travail ; que c'est par une exacte appréciation des faits que les premiers juges ont rejeté les prétentions de Mme X... au titre du harcèlement moral et de la nullité de son licenciement ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE les articles L. 1152-1 et suivants : « … aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel … » ; que le harcèlement moral se caractérise par la conjonction et la répétition de certains faits laissés à l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Soc 27/ 10/ 2004 n º 04-41. 008) ; que c'est au demandeur d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'il appartient au défendeur, au vu des éléments apportés par le demandeur, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; que les pièces produites par le demandeur sont des attestations de salariés et de clients ainsi que des certificats médicaux ; que les attestations des salariés de la société BATI-DOLE (Messieurs G..., H..., K... et de Madame Z...) et de clients (Monsieur A... et Madame B...- A...) versées au dossier par Madame X... ne présentent en aucun cas des faits précis, datés et circonstanciés de nature à apporter un éclairage suffisant sur la conjonction et la répétition de faits de nature à prouver le harcèlement moral ; que le certificat médical du docteur Bongrain, médecin du travail, établi le 14 septembre 2007, postérieurement au licenciement de Madame X..., reproduit les déclarations de la salariée quant à la cause de sa maladie ; qu'il n'établit pas le caractère professionnel de celle-ci ;
ALORS QUE, D'UNE PART, s'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque, les juges doivent rechercher si ces faits pris dans leur ensemble ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour débouter Madame X... de ses demandes de nullité de son licenciement et d'indemnités au titre du harcèlement moral, la cour se borne à analyser isolément chacun des faits de harcèlement invoqués ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, appréhendés dans leur globalité, les faits établis ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour prive sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et 1154-1 du Code du travail, violés ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, en présence de faits établis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter Madame X... de ses demandes de nullité de son licenciement et d'indemnités au titre du harcèlement moral, la Cour d'appel considère qu'aucun fait n'est de nature à permettre de présumer des faits de harcèlement et qu'il n'est pas établi que l'état dépressif de la salariée soit lié à ses conditions de travail ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que l'employeur avait prononcé à l'encontre de la salariée deux sanctions dont une mise à pied qu'il avait finalement annulée, que la salariée avait à subir en public des débordements verbaux d'une grande brutalité de la part de son supérieur hiérarchique et que la santé de la salariée était altérée, de tels éléments faisant présumer un harcèlement, la Cour viole les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à sa vie privée ;
AUX MOTIFS QUE la société BATI DOLE conteste le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Mme Nathalie X... la somme de 5 500 € de dommages et intérêts pour violation de la vie privée, en retenant que l'employeur a consulté les messages électroniques de Mme X... hors sa présence, et qu'il a diffusé ou a porté aux débats de manière unilatérale le contenu d'informations privées ; que l'employeur a versé aux débats quatre courriels émanant du poste informatique professionnel de Mme Nathalie X... avec des dates d'envoi du lundi 29 mai 2006 à 1h53, du 29 mai 2006 puis à 23h56, du dimanche 25 juin 2006 à 12h55, et du 12 juin 2008 à 00h20 ; que l'employeur se prévaut de ce que ces courriels ont été adressés par Mme X... à l'aide de son outil informatique professionnel, et de ce qu'ils ont été découverts lors de la prise de son bureau par M. D... ; que les connexions établies par un salarié sur des sites internes pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors la présence du salarié ; qu'en l'espèce la mauvaise foi de l'employeur invoquée par Mme X... est d'autant moins crédible que la découverte des courriels en cause est intervenue après le licenciement de Mme X... ; que les courriels en cause ont été trouvés par le successeur de Mme X... et portés ainsi à la connaissance de l'employeur, situation d'autant plus logique que M. D... a forcement pris matériellement possession des outils de travail auparavant mis à la disposition de Mme X..., dont l'outil informatique ; que la salariée ne prétend d'ailleurs à aucun moment avoir clairement utilisé un mode d'identification de ses correspondances informatiques comme entretenues à caractère personnel ; que Mme X... soutient par ailleurs qu'il s'agit de faux courriels qui n'ont pas été rédigés par elle, au regard des heures d'envoi, et au regard de la date d'envoi s'agissant du dernier courriel comportant une date d'envoi postérieure au licenciement ; que cette allégation de faux, qui est contestée par l'employeur qui quant à lui soutient qu'il s'agit pour le dernier courriel de la date de réimpression du courriel, implique que Mme Nathalie X... ne peut réclamer réparation pour ces courriels qui ne comporteraient par là même aucune violation du secret des correspondances et aucune indiscrétion véridique sur sa vie privée ; qu'en conséquence Mme X... ne peut valablement demander réparation pour violation du secret des correspondances, et que le jugement déféré sera infirmé sur ce point en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts à la salariée ;
ALORS QUE, D'UNE PART, il résulte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble de l'article 9 du Code civil que chacun a droit au respect de sa vie privée ; que la production lors d'une instance prud'homale de faux courriels censés émaner d'un salarié et comportant de fausses informations personnelles porte atteinte à la vie privée de l'intéressé et lui ouvre droit à réparation ; qu'en l'espèce, pour débouter Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à sa vie privée, la Cour juge en substance que la salariée ne peut tout à la fois alléguer que les courriels produits par l'employeur sont des faux et ne comportent ainsi aucune indiscrétion véridique et demander réparation pour atteinte à sa vie privée ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole les textes susvisés ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, la Cour se borne à énoncer que l'accusation de faux qu'elle porte à l'encontre de courriels produits par l'employeur est contestée par ce dernier ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur l'authenticité desdits courriels, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble des articles 4 et 9 du Code civil et de l'article 12 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11252
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 05 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°11-11252


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11252
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