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10/05/2012 | FRANCE | N°11-11070

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 11-11070


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 1226-10 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 24 février 2003 en qualité d'ouvrier porcher par la société Massard ; que son contrat de travail a été transféré à la société Y... devenue société civile d'exploitation agricole Sogifra ; que victime d'un accident du travail survenu le 25 mai 2003, il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 2 décembre 2004 ; qu'à l'i

ssue d'une visite de reprise en date du 20 décembre 2004, le médecin du travail a, se...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 1226-10 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 24 février 2003 en qualité d'ouvrier porcher par la société Massard ; que son contrat de travail a été transféré à la société Y... devenue société civile d'exploitation agricole Sogifra ; que victime d'un accident du travail survenu le 25 mai 2003, il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 2 décembre 2004 ; qu'à l'issue d'une visite de reprise en date du 20 décembre 2004, le médecin du travail a, selon un avis visant un danger immédiat, déclaré le salarié inapte à son poste ; que ce salarié a été licencié le 12 janvier 2005 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir relevé que les deux structures constituant un groupe occupaient tout au plus, sans chauffeurs à temps partiel, une douzaine de salariés, retient que dès lors que M. X... était devenu physiquement inapte au poste de porcher, il ne démontrait pas que l'employeur pouvait envisager de le reclasser sur un poste du même type même en aménageant ce poste ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'analyser les possibilités de permutation entre les deux sociétés dont elle constatait l'appartenance à un groupe, a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation du chef de l'arrêt relatif au débouté de la demande en dommages-intérêts en application de l'article L. 1226-15 du code du travail entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif relatif à l'allocation de dommages-intérêts pour absence d'information par écrit des motifs s'opposant au reclassement, les deux indemnités susvisées n'étant pas cumulables ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts en application de l'article L. 1226-15 du code du travail et lui alloue la somme de 3 400 euros à titre de dommages-intérêts pour non information des motifs qui s'opposent au reclassement, l'arrêt rendu le 28 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Sogifra aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Sogifra à payer à la SCP Baraduc et Duhamel la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté Monsieur Gilles X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de l'article L. 1226-15 du Code du travail ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' «il résulte des éléments aux débats qu'au moment du licenciement litigieux la société Sogifra n'occupait habituellement que neuf salariés de sorte qu'elle n'était pas dans l'obligation de procéder à l'élection de délégués du personnel et que le moyen tiré de l'absence de consultation des délégués du personnel au sens de l'article L. 122-32-5 du Code du travail est inopérant ; qu'il n'est pas établi qu'une convention ou qu'une décision de justice avait reconnu l'existence au sein du groupe Y..., à la date de mise en oeuvre du licenciement litigieux, d'une unité économique et sociale, l'intimée faisant valoir au surplus, sans être réellement contredite, que le groupe occupait habituellement à cette même date largement moins de 50 salariés, les registres d'entrée et de sortie du personnel des deux sociétés Y... Frères et Sogifra faisant apparaître une douzaine de salariés ; que le salarié ne produit aucun élément de nature à démontrer une fraude aux dispositions sur la représentation du personnel ; que la lettre de licenciement était rédigée dans ces termes «par lettre en date du 27 décembre 2004, nous vous avons adressé une convocation à un entretien préalable en vue d'examiner la mesure de licenciement que nous envisageons à votre égard ; au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs de cet éventuel licenciement ; nous vous rappelons les raisons qui nous conduisent à appliquer cette mesure ; en effet, nous avons fait l'acquisition des porcheries situées à «le Chancillon» sur la commune de Creys-Mepieu anciennement exploitées par la société Massard ; cette unité de production nécessite la présence de trois porchers ; par ailleurs, nous avons reçu un courrier de la Msa daté du 20 décembre 2004 dans lequel le médecin du Travail nous annonçait votre inaptitude au poste d'ouvrier porcher ; nous sommes donc dans l'incapacité de vous proposer un autre poste» ; qu'elle mentionne bien, d'une part, l'inaptitude physique du salarié et, d'autre part, l'impossibilité de reclassement et ne comporte pas d'irrégularité formelle de ce chef ; que l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du Travail au sens des articles L. 241-10-1 devenu L. 4624-1 du même Code ; qu'en l'espèce, lors de l'examen médical de reprise, le médecin du Travail avait émis l'avis suivant, le 20 décembre 2004 : «ouvrier porcher, inapte au poste d'ouvrier porcher dans votre entreprise ; Monsieur X... est inapte à la marche prolongée, à l'enjambement des murets de loges, à la marche sur terrain glissant, à la manipulation répétée de charges d'un poids supérieur à 40 kg ; en vertu de l'article R. 241-51-1 (risque de danger immédiat pour la santé de l'intéressé en cas de reprise du travail) il n'aura pas de deuxième examen médical à 15 jours d'intervalle et Monsieur X... est déclaré ce jour inapte au poste d'ouvrier porcher» ; que cet avis indiquait clairement le poste et les activités pour lesquelles le salarié était inapte ; que la société Sogifra n'avait pas à solliciter de proposition de reclassement auprès du médecin du Travail, comme le lui reproche le salarié mais devait rechercher dans l'entreprise et dans le groupe des postes de reclassement compatibles avec ces propositions du médecin du Travail, y compris par mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que le président de la société Sogifra, signataire des lettres de la procédure de licenciement, était Monsieur François Y... par ailleurs directeur administratif de la société Y... Frères comme le démontre le registre d'entrée et de sortie du personnel ; que l'intimée justifie que la holding Y... n'a été créée qu'en septembre 2006, donc postérieurement à la rupture ; que la même personne étant responsable des deux structures qui constituaient le groupe en 2005, aucun argument opérant ne peut être tiré de l'absence de consultation écrite de la société Y... Frères par la société Sogifra sur des postes de reclassement ; que l'examen de ces registres des deux sociétés confirme qu'à la date des faits, les deux sociétés occupaient tout au plus une douzaine de salariés ; que les siège sociaux de ces sociétés sont établis au même lieu-dit ; que dès lors que Monsieur Gilles X... était devenu physiquement inapte au poste de porcher, il ne démontre pas que l'employeur pouvait envisager de le reclasser sur un poste du même type même en aménageant ce poste, dès lors que le métier de porcher expose inévitablement au moins aux risques d'enjambement des murets de loges et de marche sur terrain glissant, y compris pour la partie de l'élevage concernant des porcelets de moins de 40 kg ; que la société intimée fait observer que les postes de chauffeur livreur comportaient des taches de chargement et livraison soit de sacs de 40 kg soit de porcs charcutiers ; que ces dernières taches exposaient l'opérateur au risque de marche sur terrain ou sol glissant et à la manipulation répétée de charges d'un poids supérieur à 40 kg ; qu'il n'est pas démontré qu'il existait dans l'entreprise des postes de chauffeur ne comportant que des taches de conduite même à temps partiel ; que l'employeur n'est pas tenu de créer un poste ; que la décision de mise en oeuvre de la procédure après un délai de trois jours ouvrables n'apparaît pas hâtive et qu'il n'apparaît pas que l'employeur avait méconnu son obligation de recherche d'un reclassement ; que les premiers juges ont donc fait une exacte appréciation des éléments qui leur étaient soumis en déboutant Monsieur Gilles X... de sa demande de dommages et intérêts présentée au titre de l'article L. 1226-15 du Code du travail» ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : «les termes de la conclusion du médecin du Travail, il s'avère impossible de reclasser Monsieur X... dans son établissement d'origine, la société Sogifra n'emploie que des ouvriers porchers ; que l'autre société du groupe n'emploie que neuf personnes à des postes similaires à celui tenu par Monsieur X..., ou à des postes nécessitant la manutention de charges supérieures à 40 Kg, ou encore à des postes administratifs ; que le nombre de salariés de l'établissement n'atteint pas les 10 salariés, il n'y a donc pas de délégués du personnel ; que le Conseil dit qu'il n'y a pas lieu de verser des dommages et intérêts pour non recherche de reclassement» ;
ALORS QUE d'une part l'avis du médecin du Travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise et à l'impossibilité de son reclassement dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur qui a licencié le salarié d'établir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de le reclasser, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ;qu'en énonçant que Monsieur X... ne démontrait pas que l'employeur avait envisagé de la reclasser sur un poste de même type en aménageant son temps de travail ou même en transformant ce poste, la Cour d'appel a fait peser la charge de la preuve de l'impossibilité de reclassement sur le salarié et a violé les articles L. 1226-10 du Code du travail et 1315 du Code civil ;
ALORS QUE d'autre part la brièveté du délai écoulé après l'avis d'inaptitude démontre à lui seul qu'il n'y a eu aucune tentative sérieuse de reclassement ; qu'en décidant que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, quand il ressortait de ses constatations que l'employeur avait pris la décision de mettre en oeuvre la procédure de licenciement trois jours après avoir été informé de l'inaptitude du salarié, ce dont il résultait que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du Code du travail ;
ALORS QU'enfin le groupe au sein duquel doivent être recherchées les possibilités de reclassement d'un salarié est constitué par les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en se bornant à constater que la holding Y... n'avait été créée que postérieurement au licenciement, sans même rechercher si au moment du licenciement il n'existait pas une possibilité de permutation du personnel au sein des sociétés Y... et Sogifra dont elle avait constaté qu'elles étaient dirigées par le même responsable, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11070
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 28 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°11-11070


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11070
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