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10/05/2012 | FRANCE | N°10-28510

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 10-28510


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1225-4 du code du travail ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et qu'en application du second, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étra

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1225-4 du code du travail ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et qu'en application du second, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement, de maintenir le contrat ; que la lettre de licenciement doit mentionner l'un des motifs ainsi exigés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 3 janvier 2005 par la société La Caudresienne blanchiment teintures apprêts en qualité d'aide au laboratoire puis de laborantine ; qu'elle a avisé l'employeur de son état de grossesse le 17 décembre 2008 ; que, licenciée pour motif économique le 16 février 2009, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour rejeter sa demande tendant à voir déclarer son licenciement nul, l'arrêt retient que les difficultés économiques de l'entreprise et la suppression de l'emploi de la salariée étaient établies, que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement et que le licenciement était étranger à la grossesse de l'intéressée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur n'avait pas précisé dans la lettre de licenciement en quoi il se trouvait dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée pendant les périodes de protection dont elle bénéficiait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cour d'appel s'étant, pour écarter la discrimination invoquée par la salariée, fondée sur le fait que le licenciement de celle-ci s'inscrivait dans un ensemble de licenciements pour motif économique en respectant les règles relatives à de tels licenciements, la cassation relative à la nullité du licenciement de Mme X... en lien avec les règles applicables en cas de grossesse, entraîne par voie de conséquence celle du chef de l'arrêt relatif au débouté de la demande en dommages et intérêts au titre de la discrimination liée à cet l'état ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en reclassification et a condamné la société La Caudresienne blanchiment teintures apprêts à payer à Mme X... les sommes de 7 169,67 euros et de 716,97 euros à titre de rappels de salaire et de congés payés, l'arrêt rendu le 29 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société La Caudresienne blanchiment teintures apprêts aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Caudresienne blanchiment teintures apprêts à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, d'avoir « dit le licenciement économique de Mme Y... fondé par une cause réelle et sérieuse » et d'avoir débouté celle-ci des demandes y afférentes ;
Aux motifs qu'aux termes des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre prévue à cet article ; que la lettre de licenciement est motivée comme la Cour l'a citée dans la partie Faits et procédure du présent arrêt ; qu'en application de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'il résulte des éléments comptables produits aux débats, notamment du bilan arrêté au 31 août 2008, que la société La Caudresienne subissait une perte d'exploitation de 104.000 euros et une perte nette comptable de 48.000 euros ; que la note explicative remise aux délégués du personnel lors de la réunion extraordinaire du 26 janvier 2009 exposait la dégradation de l'activité de l'entreprise, la diminution du chiffre d'affaires, les mesures de suppression d'emploi déjà prises en 2008, le chômage partiel, le contrôle des achats, des dépenses et la suppression d'un service ; que la lettre adressée le 20 février à la Direction départementale du travail et de l'emploi détaillait le personnel licencié et la suppression de l'emploi de laborantine ; que les difficultés économiques n'étaient pas terminées et rendaient nécessaires le licenciement de cinq autres salariés au mis de juillet 2009 ; qu'il apparaît au vu du registre du personnel que Mme Y... n'était pas remplacée dans son emploi de laborantine ; que les résultats comptables arrêtés au 31 août 2009 révélaient encore une perte d'exploitation de 751.737 euros et une perte nette comptable de 605.388 euros ; que les difficultés économiques et la suppression de l'emploi de laborantine sont établies ; qu'en application de l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'il résulte des pièces versées aux débats, notamment des lettres du 26 janvier 2009 adressées aux sociétés Riechers Marescot, Sophie Halette, LDF et Lace Clipping et de leurs réponses négatives, que la société La Caudresienne a effectivement recherché le reclassement professionnel de Mme Y... avant de procéder à son licenciement pour motif économique ; que les mesures sociales d'accompagnement du licenciement collectif prévoyaient la mise en place d'une cellule de reclassement ; que l'employeur a respecté son obligation de reclassement ; qu'aux termes des dispositions de l'article L.1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité … ; que toutefois l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; qu'il n'est pas discuté que l'état de grossesse de Mme Y... était connu de l'employeur et que son contrat de travail n'était pas suspendu au jour de son licenciement ; que son état de grossesse était sans incidence sur la régularité de son licenciement provoqué par une compression de personnel arrêtée dans le cadre général de l'entreprise ; que le licenciement collectif de huit personnes pour motif économique et la suppression du poste de laborantine étaient étrangers à la grossesse de Mme Y... ; que l'employeur pouvait rompre son contrat de travail pour un motif économique réel et sérieux ; que le jugement est infirmé de ce chef ;
Alors, de première part, que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut de ces mentions la motivation de la lettre de licenciement est imprécise et celuici ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant « le licenciement économique de Mme Y... fondé par une cause réelle et sérieuse » au seul visa de la lettre de licenciement dont le contenu n'était pas cité dans les motifs de sa décision, et sans avoir constaté que l'employeur aurait énoncé dans ladite lettre l'incidence de la cause économique par lui alléguée sur l'emploi de la salariée, dont il se contentait de déclarer qu'il supprimait le poste de laborantine, la Cour d'appel a violé les articles L.1232-6, L. 1233-3 et L. 1233-16 du Code du travail, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, de seconde part, que selon l'article L.1232-6 du Code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement, l'article L.1225-4 du même Code disposant quant à lui que l'employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l'accouchement ou à l'adoption, de maintenir le contrat pendant la période de protection dont bénéficie la salariée ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, notifiée pendant la période de protection, se contentait d'affirmer l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée au regard des pertes d'exploitation subies, de la baisse du chiffre d'affaires et de perspectives inquiétantes, tous éléments avancés par l'employeur pour justifier la suppression du poste de laborantine occupé par Madame Y... sans établir l'incidence de ces éléments sur le contrat de travail de la salariée ; que ladite lettre ne visant pas l'un des motifs prévus par l'article L.1225-4 du Code du travail, la Cour d'appel aurait dû en déduire la nullité du licenciement ; qu'à défaut, elle a violé cet article, ensemble l'article L.1232-6 du même Code ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'indemnité formée par la salariée pour discrimination fondée sur la grossesse ;
Aux motifs qu' en vertu de l'article L.1142-1 du code du travail, nul ne peut résilier le contrat de travail d'un salarié en considération du sexe, de la situation de famille ou de la grossesse sur la base de critères de choix différents selon le sexe, la situation de famille ou la grossesse ; que ces dispositions visent le détournement de pouvoir de l'employeur qui prononce une rupture dans l'unique but de discriminer un salarié pour un des motifs exposés ci-dessus ; que le licenciement de Mme Y... s'inscrivait dans une série de licenciements pris à l'égard d'autres salariés en considération d'une situation économique difficile parfaitement justifiée ; que l'employeur retenait les critères légaux de l'ancienneté de service dans l'entreprise, des charges de famille, des qualités professionnelles, des difficultés de reclassement et de la polyvalence pour établir l'ordre des licenciements ; qu'il n'apparaît pas que la situation de grossesse de Mme Y... intervenait dans la décision de supprimer l'emploi de laborantine dont les tâches principales étaient reprises directement par le responsable de laboratoire ; que l'employeur proposait le 3 novembre 2009 à Mme Y... un poste de rifleur et un poste de raseur dans le cadre de la priorité de réembauchage ; que la volonté de discrimination en raison de la grossesse n'est pas établie ; que cette demande nouvelle d'indemnité n'est pas fondée et doit être rejetée ;
Alors que selon les dispositions conjuguées des articles L.1132-1 et L.1142-1 du Code du travail, le principe de non-discrimination interdit à l'employeur de licencier une salariée en raison de son état de grossesse, la faculté de résiliation du contrat d'une salariée enceinte se limitant au cas de faute grave et à celui d'impossibilité avérée et dûment justifiée de maintenir le contrat de travail nonobstant l'état de grossesse ; qu'en se contentant, pour écarter la demande indemnitaire de Madame Y..., d'énoncer que « la volonté de discrimination en raison de la grossesse n'est pas établie », motif pris de ce que les principales tâches jusqu'alors effectuées par la salariée avaient été « reprises directement par le responsable du laboratoire » et de l'existence d'offres de reclassement, quand il lui incombait de déduire de l'absence de précision dans la lettre de licenciement des motifs non liés à la grossesse pour lesquels l'employeur se trouvait dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail durant la période de protection dont bénéficiait la salariée, la Cour d'appel a violé les articles précités, ensemble l'article 1315 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28510
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°10-28510


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28510
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