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10/05/2012 | FRANCE | N°10-28314

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 10-28314


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par le Port Autonome de Marseille, devenu Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) à effet du 1er décembre 1981 en qualité d'ouvrier professionnel à la direction des travaux neufs, service réseaux électriques et télécommunications, puis en dernier lieu comme surveillant de travaux principal ; que le 1er juillet 2008, il a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave, par lettre du 7 août 2008 ;
Sur le premier moyen :
Att

endu que le salarié reproche à l'arrêt de dire non-prescrits les faits serva...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par le Port Autonome de Marseille, devenu Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) à effet du 1er décembre 1981 en qualité d'ouvrier professionnel à la direction des travaux neufs, service réseaux électriques et télécommunications, puis en dernier lieu comme surveillant de travaux principal ; que le 1er juillet 2008, il a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave, par lettre du 7 août 2008 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié reproche à l'arrêt de dire non-prescrits les faits servant de base au licenciement pour faute grave alors, selon le moyen :
1°/ d'une part qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que M. X... soulignait, dans des écritures détaillées, que les travaux litigieux, qui avaient bénéficié notamment à la Direction, s'agissant de locaux occupés par elle étaient commandés, visés, contrôlés et réceptionnés par toute une chaîne hiérarchique en sorte que les distorsions reprochées ne pouvaient avoir été ignorées ; qu'en se contentant d'affirmer de manière générale que l'employeur n'avait pu avoir une connaissance exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur qu'à l'occasion des vérifications qu'il a opérées de manière constante en juin 2008, après dénonciation, des factures en litige, sans s'expliquer sur la nature des travaux, leurs bénéficiaires, la chaîne de commande, de contrôle et de réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
2°/ qu'à tout le moins, en ne s'expliquant pas sur ces moyens précis soulevés dans les écritures, elle a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre le salarié dans le détail de son argumentation, a relevé d'une part que les faits reprochés au salarié, survenus au cours des années 2005 à 2007, n'étaient pas prescrits, l'employeur n'ayant pu avoir une connaissance exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur qu'à l'occasion des vérifications qu'il a opérées en juin 2008, après dénonciation, des factures en litige, et d'autre part que la connaissance de sa hiérarchie du nombre d'heures retenues par lui ne pouvait porter sur la vérification matérielle de tous les travaux en régie ; que, par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement, après avoir énoncé plusieurs griefs tirés de faits tenant tant à la certification de prestations non réalisées, qu'à la certification de surfaces non conformes ou de travaux en régie faisait grief à M. X... d'avoir apposé sa signature sur les factures ainsi énoncées, validant ainsi des informations inexactes et de nature à créer un grave préjudice à l'Etablissement, plusieurs milliers d'euros ayant été payés à tort sur la foi de sa signature ; que la cour d'appel qui a écarté la plupart des factures concernées et n'a retenu que la certification de travaux en régie sans définition préalable ni contrôle comme au montant excessif pour une erreur de largement moins de 5 000 euros, a substitué au grief retenu un motif qui n'était pas celui énoncé dans la lettre de licenciement, et violé les articles L. 1121-1, L. 1232-1, et L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu que la lettre de licenciement renvoyant aux résultats de l'expertise alors en cours sur la valeur des prestations sans limiter les griefs aux seules anomalies qui y étaient énumérées, le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu qu'après avoir écarté comme non démontrés ou non imputables au salarié divers manquements qui lui étaient reprochés puis n'avoir retenu comme caractérisée que la seule certification de travaux en régie sans définition préalable ni contrôle de trois factures d'un montant total de 7 487, 30 euros dont le montant, excessif, correspondait au double de la valeur du marché, la cour d'appel retient que le salarié avait commis une faute grave ;
Attendu cependant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'au regard de l'ancienneté du salarié, de l'évolution de sa carrière dans l'entreprise et de l'importance réelle des manquements retenus, ceux-ci ne constituaient pas une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cour est en mesure en cassant partiellement sans renvoi de mettre fin en partie au litige par application de la règle de droit ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi sur la qualification de la faute ;
Dit et juge que les manquements retenus à l'encontre du salarié ne constituent pas une faute grave ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Le Grand Port Maritime de Marseille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit non-prescrits les faits servant de base au licenciement de Monsieur X... et, statuant sur leur fondement, déclaré que ce licenciement était justifié par une faute grave, et débouté en conséquence Monsieur X... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur la fin de non-recevoir, les faits reprochés au salarié, survenus au cours des années 2005 à 2007, ne sont pas prescrits, l'employeur n'ayant pu avoir une connaissance exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur qu'à l'occasion des vérifications qu'il a opérées de manière constante en juin 2008, après dénonciation, des factures en litige ;
ALORS QUE, D'UNE PART, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que Monsieur X... soulignait, dans des écritures détaillées, que les travaux litigieux, qui avaient bénéficié notamment à la Direction, s'agissant de locaux occupés par elle étaient commandés, visés, contrôlés et réceptionnés par toute une chaîne hiérarchique en sorte que les distorsions reprochées ne pouvaient avoir été ignorées ; qu'en se contentant d'affirmer de manière générale que l'employeur n'avait pu avoir une connaissance exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur qu'à l'occasion des vérifications qu'il a opérées de manière constante en juin 2008, après dénonciation, des factures en litige, sans s'expliquer sur la nature des travaux, leurs bénéficiaires, la chaîne de commande, de contrôle et de réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
QU'à tout le moins, en ne s'expliquant pas sur ces moyens précis soulevés dans les écritures, elle a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... justifié par une faute grave, et de l'avoir en conséquence débouté de toutes ses demandes au titre de la mise à pied et de la rupture, et des indemnités amiante ;
AUX MOTIFS QUE la certification de prestations non réalisées n'est pas caractérisée ; en effet ce grief repose sur les relations, par l'employeur, de la déclaration d'un informateur anonyme et, par l'expert M. Y... mandaté par ce même employeur, de dires d'utilisateurs ou occupants non identifiés sans preuve directe, témoin ou constatation ; elle est en outre contestée par M. X... comme effectivement invérifiable compte tenu de la modification des lieux depuis les travaux ainsi que non fondée aux motifs, d'une part, d'une erreur sur la facturation des bureaux 210-211-212 (mention de la dépose de sol souple au lieu du ragréage réalisé) et, d'autre part, de l'existence de revêtements relativement aux factures des bureaux 405-406-412 et 411 (présence d'une gaze peinte et de parties tapissées au droit des meubles muraux) ; la certification de surface non conformes est établie mais non imputable personnellement à M. X... ; il s'avère, en effet, au regard des vérifications et conclusions justifiées de l'expert, que, d'une part, la méthode du vide pour plein, qui consiste à ne pas déduire les surfaces non travaillées, n'avait pas à être appliquée dans le cadre du marché passé selon la procédure adaptée retenu en l'espèce, lequel relève du bordereau de prix unitaires appliqués au métré réel des travaux exécutés ; que, d'autre part, cette application a eu pour effet d'entraîner une majoration, globalement importante, des facturations, soit de l'ordre de 10 à 99 % pour 80 % des vérifications opérées par le technicien ; M. X... justifie cependant, suivant lettre de la société SOMAPEINT du 2 septembre 2005 postérieure à sa candidature du 31 août et l'attestation de M. B A..., ancien chef d'atelier, que cette méthode avait cours dans l'entreprise et qu'elle était validée par la hiérarchie ; la certification de travaux en régie sans définition préalable ni contrôle comme au montant excessif correspondant au double de la valeur du marché est elle-même caractérisée, outre le caractère inadapté du recours fréquent à la régie pour nombre de travaux pour lequel M. X... excipe de la connaissance et de l'acceptation de sa hiérarchie ; il en est ainsi :- des factures des bureaux 210-211 et 212 (78 h pour 2730 € pour une évaluation expertale à 734, 01 €) ;- des factures relatives aux stores (3204, 50 € pour une estimation à 1655, 70 €) ;- de la facturation du vernissage de la table de la salle de réunion (main d'oeuvre de 40 heures pour 1552, 80 € soit 158, 77 € le mètre carré pour une évaluation expertale de 87 € le mètre carré) ; excepté pour cette dernière facture pour laquelle il fait état de la nécessité de travaux particulièrement longs, dont 16 heures de mise en place de protections puis de ponçage et de vernissage des mobiliers muraux et placards en soubassement, M. X... n'avance pas d'explication sur le nombre d'heures facturées, se référant essentiellement au prix unitaire, qui n'est pas en cause, de 35 € de l'heure fixé par le chef de service, M. Z..., dans une lettre du 17 mai 2006 et excipant, là encore, de la connaissance et de la responsabilité de sa hiérarchie, lesquelles ne pouvaient cependant pas, la première, porter sur la vérification matérielle de tous les travaux en régie ni, la seconde, l'exonérer de sa responsabilité personnelle dans l'exécution de ses propres tâches de définition, surveillance et contrôle de ces travaux et de leur facturation ; ce manquement est constitutif d'une faute contractuelle qui, par son importance au niveau tant de l'effet attaché à la certification confiée à M. X... que des conséquences financières préjudiciables issues de sa défaillance, relève de la qualification de faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié sans maintien de celui-ci dans l'entreprise durant le délai de préavis ;
ALORS QUE, D'UNE PART la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement, après avoir énoncé plusieurs griefs tirés de faits tenant tant à la certification de prestations non réalisées, qu'à la certification de surfaces non conformes ou de travaux en régie faisait grief à Monsieur X... d'avoir apposé sa signature sur les factures ainsi énoncées, validant ainsi des informations inexactes et de nature à créer un grave préjudice à l'Etablissement, plusieurs milliers d'euros ayant été payés à tort sur la foi de sa signature ; que la Cour d'appel qui a écarté la plupart des factures concernées et n'a retenu que la certification de travaux en régie sans définition préalable ni contrôle comme au montant excessif pour une erreur de largement moins de 5000 euros, a substitué au grief retenu un motif qui n'était pas celui énoncé dans la lettre de licenciement, et violé l'article L. 1121-1, L. 1232-1, et L. 1232-6 du code du travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART et en toute hypothèse ne peut constituer une faute grave la seule certification par un salarié ayant 28 ans d'ancienneté, une importante progression de carrière au vu de ses services et de très multiples travaux à contrôler de 3 factures inexactes au plus pour des travaux d'importance réduite ; qu'en disant le licenciement pour faute grave justifié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS au demeurant QUE la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;
QUE s'agissant de la facture de vernissage de la table de la salle de réunion, la cour d'appel a constaté que Monsieur X... faisait état de la nécessité de travaux particulièrement longs ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette argumentation et en retenant néanmoins pour acquis le caractère excessif de la facture sans en donner de motifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; QUE Monsieur X... soutenait en outre (pp. 15 s) que les évaluations présentées par l'employeur avaient été faites sur la base d'une expertise dont les résultats définitifs ont été établis postérieurement au licenciement, non contradictoire, et n'apportant pas, comme telle, la preuve de l'exagération des factures ; qu'en retenant les conclusions de cette « expertise » ; que la cour d'appel qui a retenu les chiffres ainsi avancés sans s'expliquer sur ces moyens a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

QUE Monsieur X... soutenait encore (p. 13-14) que les travaux en régie étaient nécessairement d'un coût unitaire plus élevé que les travaux normaux, avec un taux de majoration contractuel et non au m ² ; qu'il n'a pas été répondu à cette argumentation en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
QUE, en tout état de cause, Monsieur X... soulignait que les évaluations par lui faites et les méthodes employées étaient approuvées par sa hiérarchie et la conséquence de l'organisation du service ; qu'il soulignait que « l'expert » avait lui-même jugé très insuffisantes les méthodes de vérification au sein de la hiérarchie ; qu'il ajoutait que rien ne se réalisait sans l'aval de celle-ci et que son supérieur avait également été sanctionné, mais de manière moindre, pour motif réel et sérieux, et avait bénéficié d'une transaction favorable ; qu'en se contentant d'affirmer généralement que Monsieur X... ne se prévalait pas utilement de la connaissance et de la responsabilité de sa hiérarchie « lesquelles ne pouvaient cependant pas, la première, porter sur la vérification matérielle de tous les travaux en régie ni, la seconde, l'exonérer de sa responsabilité personnelle dans l'exécution de ses propres tâches de définition, surveillance et contrôle de ces travaux et de leur facturation », la cour d'appel qui a statué par des motifs généraux sans examiner les circonstances de l'espèce a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28314
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°10-28314


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28314
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