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10/05/2012 | FRANCE | N°10-26926

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 10-26926


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1225-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 10 avril 2006, en qualité d'agent de service hospitalier, par la société Le Château d'Eve, Mme X... a été licenciée le 7 février 2008 pour faute lourde ; que la salariée a demandé l'annulation de ce licenciement en invoquant son état de grossesse ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir, par motifs adoptés, relevé que Mme X... avait informé l'employeur, dans

le délai de quinze jours, de son état de grossesse en joignant une copie du certi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1225-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 10 avril 2006, en qualité d'agent de service hospitalier, par la société Le Château d'Eve, Mme X... a été licenciée le 7 février 2008 pour faute lourde ; que la salariée a demandé l'annulation de ce licenciement en invoquant son état de grossesse ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir, par motifs adoptés, relevé que Mme X... avait informé l'employeur, dans le délai de quinze jours, de son état de grossesse en joignant une copie du certificat médical, constate, par motifs propres, que cette salariée a forcé une pensionnaire à prendre son repas puis a pris la mâchoire inférieure de celle-ci en serrant très fort au point de lui arracher la peau, mais, d'une part relève la difficulté majeure de la décision de poursuivre ou non le repas d'une pensionnaire qui refuse de manger, impliquant l'intervention immédiate d'un responsable, d'autre part retient qu'en l'absence d'encadrement vers lequel la salariée pouvait se tourner en cas de crise d'opposition, l'insistance excessive ayant dérivé en geste violent doit être considérée comme purement accidentelle, s'agissant d'une salariée qui n'a jamais fait l'objet de reproches pour manque de patience lorsqu'elle aide aux repas et dont la résistance à cette tâche, particulièrement difficile, pouvait se trouver passagèrement affaiblie par son début de grossesse ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations l'existence d'une faute grave, la cour d'appel, qui s'est bornée à un motif dubitatif quant à l'existence d'un lien entre la faute et l'état de grossesse, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Le Château d'Eve
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit nul le licenciement de Mme X... et d'avoir condamné la société Le Château d'Eve à payer à cette dernière les sommes de 918,14 € à titre de rappel de rémunération pour salaires perdus pendant la mise à pied outre 91,81 € à titre de congés payés afférents, de 3.128 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 321,80 € à titre de congés payés afférents, de 782 € à titre d'indemnité de licenciement, de 10.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement illicite, de 500 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'acquérir la qualification d'aide soignante et de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L.1225-4 du code du travail, il est interdit à l'employeur de résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée sauf s'il justifie d'une faute grave ; que le fait de rédiger deux attestations à la date des faits n'exclut en rien la valeur probatoire du témoignage de Mme Amina Z..., qui relate précisément que Técianie X... «forçait Mme A... à prendre son repas… Mme A... a fini par cracher… et Técianie a alors pris la mâchoire inférieure en serrant très fort au point de lui arracher la peau» ; que d'autres éléments du dossier confirment la fiabilité d'une telle description dès lors que Mme B..., qui distribuait les médicaments relate avoir entendu Amina Z... dire à Téciani X... «Arrête, arrête, ce n'est pas bien» et que M. Bernard C..., le président directeur général, dans sa lettre du 4 février 2008, adressé à la DRASS, fait savoir qu'alerté par une employée, il s'était immédiatement rendu au chevet de Mme A... et avait vu sur son visage la présence de marques, dont la cour relève qu'elles persistaient le lendemain selon le certificat médical, qui constate une plaie avec excoriation au niveau de la joue gauche ; que la vérité de la scène rapportée par Mme Amina Z... n'est pas remise en cause, en particulier par les attestations fournies à la salariée le 28 février 2008 par ses collègues Mme Liliane D... et Catherine E... pour faire état d'un simple réflexe de défense contre l'émission de nourriture, en utilisant les doigts ouverts comme écran ; que si cette interprétation est conforme à la position soutenue par la salariée depuis l'origine, le fait que Mme Catherine E..., dans sa précédente attestation du 24 janvier 2008, a implicitement exprimé le sentiment d'un geste qui choque, et fait réagir en disant à l'intéressée «maintenant ça suffit» rend douteuse la sincérité de la version ultérieure apportée pour atténuer la responsabilité de sa collègue ; que cependant, la faute lourde suppose l'intention de nuire ; qu'en l'espèce, l'employeur ne présente pas les éléments qui permettraient à la cour, mieux que les premiers juges, de considérer que la salariée, se trouvant dans ses fonctions lors du repas du 23 janvier 2008, que les pensionnaires prennent en commun avec l'aide de plusieurs agents de service, cherche à lui nuire lorsqu'elle ne sait plus s'y prendre et devient agressive ; que la faute lourde a été justement écartée ; que l'aide au repas suppose l'accord de la pensionnaire qui en bénéficie ; que lorsque celle-ci ne veut pas manger, la décision de poursuivre ou non le repas en vue notamment d'en arriver aux médicaments qui sont administrés avec le dessert, selon ce qu'indique la salariée sans être contredite, constitue une difficulté majeure impliquant l'intervention, immédiate, d'un responsable qui doit alors juger de la méthode de l'employeur, ne relevant plus de l'aide mais du soin ; qu'en l'absence d'encadrement vers lequel se tourner en cas de crise d'opposition, l'insistance excessive de Mme X..., ayant dérivé en un geste violent, doit être considérée comme purement accidentelle, s'agissant d'une salariée qui n'avait jamais fait l'objet de reproches pour un manque de patience lorsqu'elle aide aux repas et dont la résistance à cette tâche, particulièrement difficile, pouvait se trouver passagèrement affaiblie par son début de grossesse ; que dans de telles circonstances, la faute commise par la salariée justifiait certainement une réaction disciplinaire de l'employeur mais pas la rupture de son contrat ; que le conseil de prud'hommes a donc également justement écarté la faute grave ; qu'il résulte des productions que le 19 février 2008, dans le délai prévu à l'article L.1225-5 du code du travail, la salariée a adressé à l'employeur un certificat médical justifiant qu'elle est en état de grossesse ; que le conseil de prud'hommes qui de ce fait a déclaré le licenciement nul sera approuvé ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE n'est pas nul le licenciement de la salariée en état de grossesse qui se rend coupable d'une faute grave non liée à cet état ; que constitue nécessairement une faute grave non liée à l'état de grossesse le fait, pour une salariée occupant les fonctions d'agent de service hospitalier, de porter atteinte à l'intégrité physique d'une pensionnaire âgée de 84 ans et de lui causer une blessure à la joue, au seul motif que celle-ci refusait de terminer son dîner ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L.1225-5 du code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU' en affirmant que la violence manifestée par Mme X... devait être considérée comme «purement accidentelle», puis en estimant ensuite que «la faute commise par la salariée justifiait certainement une réaction disciplinaire de l'employeur mais pas la rupture de son contrat» (arrêt attaqué, p. 4 § 7 et 8), cependant que si l'événement litigieux avait été effectivement accidentel, il n'y aurait pas eu lieu de sanctionner la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.1225-5 du code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que si la lettre de licenciement notifiée à Mme X... faisait état de la violence infligée à Mme A..., elle évoquait également le grief tiré de ce que Mme X... avait «gavé cette pensionnaire à un tel point qu'elle a dû cracher les aliments que vous tentiez de lui faire avaler, afin de ne pas étouffer» ; que dans ses conclusions d'appel (p. 16 § 1 et 2), la société Le Château d'Eve faisait valoir que, selon une étude réalisée par des spécialistes de la maltraitance des personnes âgées, régulièrement versée aux débats, «le fait de nourrir de force trop rapidement un résident est constitutif d'une maltraitance physique sur une personne vulnérable» ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE n'est pas nul le licenciement de la salariée en état de grossesse, dès lors que le maintien de son contrat de travail est impossible pour un motif étranger à la grossesse ; que dans ses conclusions d'appel (p. 20 § 3), la société Le Château d'Eve faisait valoir qu'en toute hypothèse, les faits commis par Mme X... rendaient impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'en laissant là encore sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26926
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 29 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°10-26926


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26926
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