LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2010), que la société Civile Foncière, aux droits de laquelle est venue la société l'Epargne Foncière, était propriétaire dans un immeuble en copropriété, de lots donnés à bail à la société Club des Nations ; qu'une assemblée générale du 28 avril 1999 a autorisé le syndic à engager une action contre la société Civile Foncière et sa locataire en se prévalant de l'occupation irrégulière d'une partie de l'un des lots dénommée "vide du local commercial" ; que la société Civile Foncière a assigné le syndicat des copropriétaires du 5 rue de Lagny (le syndicat) en annulation de cette décision ; qu'en cause d'appel, une expertise a été ordonnée ; que, l'assemblée générale des copropriétaires du 15 septembre 2004 a décidé l'abandon de la procédure et que, par arrêt du 25 janvier 2006, les époux X... et Mmes Z... et A... (les consorts X..., Z... et A...) ont été déclarés recevables en leur intervention volontaire ; que la décision de l'assemblée générale du 15 septembre 2004 a été annulée par arrêt du 3 juillet 2008 et qu'elle a été réitérée par une décision d'assemblée générale du 27 mai 2009 dont la régularité a été contestée ; que les copropriétaires intervenants ont demandé le rétablissement des lieux en l'état et la condamnation de la société l'Epargne Foncière à leur payer des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de remise en état des consorts X..., Z... et A..., l'arrêt retient que les travaux réalisés dans le lot appartenant à la société l'Epargne Foncière n'étaient contraires ni à la destination, ni à la solidité de l'immeuble et ne constituaient pas en eux-mêmes une atteinte aux droits des autres copropriétaires, ce dont il résultait que ces derniers n'avaient pas qualité pour agir seuls en démolition ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'aménagement de l'entresol ne portait pas atteinte aux parties communes ou n'était pas contraire aux dispositions du règlement de copropriété, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 566 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en cause d'appel les parties peuvent expliciter les prétentions virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande des consorts X..., Z... et A... en payement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'article 554 du code de procédure civile rend irrecevables les demandes formées par les intervenants volontaires qui n'ont pas été soumises aux premiers juges ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive qui trouvait son fondement dans un dommage né de la procédure d'appel, constituait l'accessoire de l'action en démolition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les consorts X..., Z... et A... des fins de leur demande en dommages intérêts et de leur demande en démolition, l'arrêt rendu le 3 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Epargne Foncière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Epargne Foncière et la condamne à payer aux consorts X..., Z... et A... la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande du syndicat des copropriétaires 5, rue de Lagny à Paris ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux conseils pour les consorts X..., A... et Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté les époux X... ainsi que Mesdames Z... et A... des fins de leur demande en démolition de la «mezzanine » créée dans le lot de la société EPARGNE FONCIERE,
AUX MOTIFS QUE « l'aménagement d'une mezzanine dans le volume appartenant à la société EPARGNE FONCIERE n'est contraire ni à la destination, ni à la solidité de l'immeuble et ne constitue pas en lui-même une atteinte aux droits des autres copropriétaires ; qu'il n'est pas de nature à nuire aux intérêts des copropriétaires intervenants ; qu'il en résulte que ceux-ci n'ont pas qualité pour agir seuls en démolition, l'action n'appartenant qu'à la copropriété représentée par son syndic » ;
ALORS QUE, premièrement, un copropriétaire est recevable à agir, pour faire cesser les agissements d'un autre copropriétaire, sans qu'aucune autre condition ne soit exigée, dès lors qu'il y a atteinte à une partie commune ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le point de savoir s'il y avait ou non atteinte à une partie commune de la part du copropriétaire défendeur, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, et 31 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, un copropriétaire est recevable à agir, sans qu'aucune autre condition ne soit exigée, dès lors que son action tend au respect du règlement de copropriété ; qu'en s'abstenant de rechercher si tel était le cas en l'espèce, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, et 31 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevable la demande formée par Monsieur et Madame X... et Mesdames Z... et A... et visant à l'octroi de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 554 du Code de procédure civile rend irrecevable les demandes formées par les intervenants volontaires qui n'ont pas été soumises aux premiers juges ; qu'ainsi leur demande en paiement de dommages et intérêts est irrecevable de ce chef » ;
ALORS QUE, si en principe une demande nouvelle est irrecevable, il est fait exception à cette solution, notamment si la demande formée pour la première fois en cause d'appel est l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande formée en première instance ; que faute de s'être expliqués sur ce point, s'agissant de la demande de dommages et intérêts, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 566 du Code de procédure civile.