LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant deux offres préalables acceptées le 14 mai 2005 la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est (la caisse) a consenti à M. X... des prêts de 5 140 euros et 3 000 euros, qu'à la suite de la défaillance de l'emprunteur, la caisse l'a assigné, par acte du 28 juillet 2008, en paiement des sommes principales de 3 516,22 euros et de 4 343,84 euros, que M. X... a soulevé la forclusion de l'action en remboursement du prêt de 3 000 euros et formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ;
Attendu que pour écarter la forclusion de l'action en paiement du prêt de 3 000 euros après avoir noté que la caisse exposait que M. X... avait cessé d'en payer les mensualités de remboursement à compter du mois de février 2006, la cour d'appel a retenu que, contrairement à ce que l'emprunteur soutenait, le réechelonnement d'un crédit à la consommation emporte, même s'il porte sur l'intégralité du solde devenu exigible à la suite de la déchéance du terme, report du point de départ du délai de forclusion au premier incident survenu postérieurement, et en a déduit que la caisse était en droit d'invoquer l'exécution de la proposition d'apurement de ses dettes faite par M. X... par lettre du 13 décembre 2007 pour conclure à la recevabilité de la demande ;
Qu'en statuant ainsi alors que le créancier qui s'est prévalu de la déchéance du terme et a de la sorte rendu exigible l'intégralité de sa créance, n'est plus fondé à invoquer un réechelonnement du prêt au sens des dispositions de l'article susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;
Et sur le second moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour limiter à la somme de 2 000 euros les dommages-intérêts alloués à l'emprunteur, la cour d'appel a jugé que le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde avait entraîné pour M. X..., qui ne pouvait prétendre à être déchargé de l'obligation de rembourser le principal, une perte de chance de ne pas contracter les deux crédits litigieux ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé d'office, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que le préjudice allégué consistait en une perte de chance, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement formée au titre du prêt n° 99279370739 de 3 000 euros, en ce qu'il a condamné M. X... à payer au Crédit agricole la somme de 2 863,03 euros avec intérêts au taux de 6,9 % à compter du 10 décembre 2007 et en ce qu'il a condamné le Crédit agricole à payer à M. X... la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde, l'arrêt rendu le 17 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Vu l'article 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la demande en remboursement du prêt n° 99279370739 ;
Déclare irrecevable comme forclose la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est en remboursement du prêt n° 99279370739 ;
Renvoie pour le surplus la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Laugier Caston, avocat de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille douze et signé par M. Charruault, président et par Mme Laumône, greffier de chambre qui a assisité au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action en paiement de la CRCAM du NORD-EST au titre du prêt n° 992799370739 et d'avoir en conséquence condamné Monsieur X... à payer à la Banque la somme de 2.863,03 € avec intérêts au taux de 6,9 % à compter du 10 décembre 2007 ;
AUX MOTIFS QUE le CREDIT AGRICOLE expose que Monsieur X... a cessé de payer les mensualités prévues au prêt à compter du mois de février 2006, mais s'est engagé par lettre du 13 décembre 2007 en réponse à la mise en demeure qui lui avait été adressée, de rembourser sa dette par mensualités de 430€ (320 € pour le prêt maison et 100 € sur le retard) ; qu'elle considère que cet engagement qui a été tenu jusqu'au mois de mars 2008 a emporté un rééchelonnement de la dette qui vaut suspension du délai de forclusion en application de l'article L.311-37 du Code de la consommation ; qu'il fait observer que Monsieur X... n'avait d'ailleurs pas soulevé la forclusion que le tribunal a appliquée d'office ; que Monsieur X... invoque en cause d'appel la forclusion de l'action ; qu'il soutient que le rééchelonnement de la dette sur lequel s'appuie le prêteur pour faire juger que le délai de forclusion n'aurait commencé à courir qu'après, n'emporte pas l'effet prévu à l'article L311-37 alinéa 2 du Code de consommation sur le report du point de départ du délai biennal de forclusion dès lors qu'il ne porte pas sur les modalités de règlement des échéances impayées comme le prévoit ce texte, mais sur les modalités de paiement de l'intégralité de la dette puisque la déchéance du terme est intervenue après la mise en demeure de décembre 2007 ; qu'il ajoute que toutes les sommes qu'il a réglées postérieurement à son engagement pris par lettre du 13 décembre 2007 précitée ont été affectées au remboursement du prêt immobilier et non pas aux deux crédits litigieux ; qu'il ne conteste pas que sa proposition d'apurement faite par lettre du 13 décembre 2007 visait non seulement le prêt immobilier, mais aussi les deux crédits litigieux, ni que cette proposition a été acceptée ; que, contrairement à ce qu'il soutient, le rééchelonnement d'un crédit à la consommation, même s'il porte sur l'intégralité du solde devenu exigible ensuite de la déchéance du terme emporte report du point de départ du délai de forclusion au premier incident intervenu après ce rééchelonnement en application de l'article L311-37 du Code de la consommation ; que l'action en paiement ayant été introduite par assignation du 28 juillet 2008, soit moins de deux ans après le 13 décembre 2007 est recevable ; que le jugement sera infirmé sur ce chef ;
ALORS QUE Monsieur X... ayant soutenu, comme le constatait l'arrêt attaqué, que les sommes réglées postérieurement à son engagement de remboursement du 13 décembre 2007 avaient été exclusivement affectées au remboursement du prêt immobilier, et offrait à cet égard diverses preuves (pièces 55 à 61 visées en page 6 de ses conclusions), de sorte que le rééchelonnement n'avait concerné que ce seul prêt immobilier, la Cour d'appel ne pouvait, quand bien même la proposition d'apurement faite par lettre du 13 décembre 2007 visait le prêt immobilier et les deux crédits litigieux, retenir que le point de départ du délai de forclusion avait été reporté au premier incident intervenu après ce rééchelonnement ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé par fausse application l'article L.311-37 du Code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité le montant des dommages et intérêts dus par la CRCAM du NORD-EST en réparation du préjudice causé par le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde à la seule somme de 2.000 € ;
AUX MOTIFS QUE les trois prêts que la CAISSE de CREDIT AGRICOLE consentait à Monsieur X... le 14 mai 2005, soit les deux en cause ainsi qu'un prêt immobilier d'un montant en principal de 46.774 € remboursable par mensualités de 329,47 € allaient créer une charge de remboursement mensuel de prêts de 579,56 € excédant les capacités financières de celui-ci ; qu'elle aurait donc dû le mettre en garde contre le risque de ne pas pouvoir faire face à ses engagements financiers en raison de son endettement, ce qu'elle n'a pas fait, commettant une faute ; que, pour caractériser le préjudice que lui cause le défaut de mise en garde du prêteur, Monsieur X... se borne à affirmer que l'octroi abusif des prêts litigieux lui cause un préjudice financier certain correspondant au montant des sommes dues au titre du capital et des intérêts ; que le préjudice que cause l'absence de mise en garde du prêteur consiste dans la perte de chance de ne pas avoir souscrit les crédits ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a bénéficié des fonds qui lui ont été prêtés et ne peut donc en l'absence de démonstration d'un préjudice caractérisé, être déchargé de son obligation de remboursement du principal, sauf à s'enrichir ce qu'interdisent les principes régissant l'indemnisation du préjudice subi dans le cadre d'une action en responsabilité ; qu'en revanche, le fait d'avoir contracté les deux prêts litigieux, l'oblige à rembourser au-delà du principal, les intérêts contractuels et les intérêts moratoires qui continuent à courir ainsi que la pénalité sur le prêt n° 99279370739 ; qu'en conséquence, la perte de chance de ne pas avoir contracté les deux crédits, qui est évaluée à 50 %, lui cause un préjudice qu'il y a lieu de fixer à 2.000 euros ;
1°) ALORS QUE les parties au litige n'avaient pas analysé le préjudice subi par Monsieur X... à la suite de l'absence de mise en garde de la Banque uniquement en une perte de chance de ne pas avoir souscrit les crédits litigieux ; que, dès lors, la Cour d'appel qui, pour caractériser le dommage occasionné par la faute de la Banque, a relevé d'office le moyen tiré de la perte de chance sans inviter les parties à s'en expliquer préalablement, a violé l'article 16 du Code de procédure civile et le principe de la contradiction ;
2°) ALORS QUE la Cour d'appel, qui avait constaté que la Banque avait commis une faute consistant à avoir accordé à Monsieur X... trois prêts, dont les deux litigieux et un prêt immobilier, excédant les capacités financières de celui-ci et à ne pas l'avoir mis en garde contre le risque de ne pas pouvoir faire face à ses engagements financiers, n'a pu limiter le préjudice subi aux seules conséquences des deux prêts litigieux et a, par suite, violé l'article 1149 du Code civil.