La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2012 | FRANCE | N°11-11786

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 mai 2012, 11-11786


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ; que ce droit est perpétuel, inaliénable et imprescriptible ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., graphiste, a été chargé en 1998 par la société Conseil communication Normandie (CCN) de la réalisation de divers documents ; que les parties ont cessé leur collabora

tion en 2004 ; que lui reprochant d'avoir poursuivi, en violation de ses droits d'auteur...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ; que ce droit est perpétuel, inaliénable et imprescriptible ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., graphiste, a été chargé en 1998 par la société Conseil communication Normandie (CCN) de la réalisation de divers documents ; que les parties ont cessé leur collaboration en 2004 ; que lui reprochant d'avoir poursuivi, en violation de ses droits d'auteur, l'exploitation du visuel qu'il avait créé à cette occasion, M. X... a déposé plainte pour contrefaçon à l'encontre de la société CCN ; que cette dernière a recherché sa responsabilité du fait du dépôt, selon elle téméraire, de cette plainte, après que celle-ci eut fait l'objet d'une décision de classement sans suite ; que M. X... a sollicité reconventionnellement le paiement de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à ses droits moraux et patrimoniaux d'auteur ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à la société CCN la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts et pour le débouter de ses demandes reconventionnelles, l'arrêt, après avoir qualifié le visuel revendiqué d'oeuvre de commande utilisée pour la publicité, retient qu'en application de l'article L.132-31 du code de la propriété intellectuelle, la cession des droits sur ce visuel s'était opérée au profit de la société CCN en 1998 et que la plainte pour contrefaçon déposée le 24 novembre 2005 par M. X... était donc mal fondée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, M. X... invoquait également une atteinte portée à son droit moral d'auteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Conseil communication Normandie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Conseil communication Normandie à payer à la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat de M. X..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille douze et signé par M. Charruault, président et par Mme Laumône, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la responsabilité de M. Patrick X... à l'égard de la Société COMPAGNIE DE COMMUNICATION, d'avoir en conséquence condamné M. X... à payer à la Société COMPAGNIE DE COMMUNICATION la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, et d'avoir rejeté les demandes de M. X... tendant à être indemnisé par la Société COMPAGNIE DE COMMUNICATION de son préjudice moral et de son préjudice patrimonial ;

Aux motifs que « la Société COMPAGNIE DE COMMUNICATION exerce à Rouen une activité d'agence publicité ; qu'à compter de 1998, elle s'est vue confier l'organisation de la publicité du Salon Normand du Vin ; que dans le cadre de cette mission, elle a fait appel à Patrick X..., graphiste, auquel elle a confié la réalisation des documents, affiches, invitations se rapportant à cet événement annuel ; qu'à cette occasion, un visuel original a été élaboré ; que les parties ont cessé leur collaboration à compter de l'année 2004 mais CCN a poursuivi l'exploitation du visuel ; que le 24 novembre 2005, Patrick X... a déposé plainte contre elle pour contrefaçon, reprochant essentiellement à CCN la réutilisation du visuel dont il était l'auteur sans son autorisation , mais cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite ; (…) que l'oeuvre de commande est celle dont un producteur suscite la réalisation, en exprimant éventuellement ses exigences, la finance, puis l'utilise ; que tel est exactement le cas en l'espèce ; que selon l'article L. 132-31 du Code de la propriété intellectuelle, dans le cas d'une oeuvre de commande utilisée pour la publicité, le contrat entre le producteur et l'auteur entraîne, sauf clause contraire, cession au producteur des droits d'exploitation de l'oeuvre, dès lors que ce contrat précise la rémunération distincte due pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre en fonction notamment de la zone géographique, de la durée d'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du support ; qu'en l'espèce, il est en effet regrettable que les parties n'aient pas jugé utile de formaliser par écrit leur accord ; que cependant le texte précité se borne à exiger, pour que la cession des droits d'exploitation de l'oeuvre qu'il prévoit s'opère, que les modalités de cette exploitation soient prévues, sans prescrire de forme particulière à cette fin ; qu'or à la lecture du devis et des factures intéressant la première année de collaboration entre les parties, la Cour ne peut que constater que tel est bien le cas, puisque les différents éléments de la rémunération de Patrick X... étaient ventilés entre d'une part la création du visuel en lui-même, et d'autre part son application sur différents supports, tels que dépliants, coupon/chèque, affiches, cartes d'invitation etc. ; qu'en outre, les années suivantes, Patrick X... s'est borné à demander paiement du travail d'adaptation du visuel aux manifestations organisées par la suite, ce qui confirme que le visuel lui-même, dont la conception avait déjà été payée, était bel et bien considéré par les deux parties comme déjà cédé ; qu'une limitation dans le temps et dans l'espace n'avait d'ailleurs pas lieu d'être puisqu'il s'agissait d'un visuel réalisé pour une manifestation précise, soit le Salon Normand du Vin, se tenant dans un lieu déterminé, soit à Rouen ; que dès lors, la cession des droits sur le visuel créé par Patrick X... s'étant opéré en 1998, sa plainte pour contrefaçon était mal fondée ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce que les demandes de Patrick X... tendant à l'indemnisation du prétendu préjudice causé par l'exploitation sans autorisation de son oeuvre seront rejetées, les présents motifs étant substitués à ceux du jugement ; que la mise enjeu de la responsabilité de Patrick X... suppose démontrée, avant tout examen du préjudice, la faute commise par lui ; qu'il est justifié de la plainte pénale déposée le 30 novembre 2005 par Patrick X..., et il vient d'être démontré qu'elle était mal fondée ; qu'elle procède dès lors d'une imprudence fautive de la part de son auteur, entrant dans les prévisions de l'article 1382 du Code civil ; que son retentissement néfaste sur l'honorabilité de CCN, elle-même à l'origine de la perte de confiance de certains de ses clients importants, et notamment du COMET (Comité d'Organisation de Manifestations Economiques et Touristiques domicilié au Parc Expo de l'agglomération rouennaise) est démontré tant par les courriers du COMET invitant CCN à modifier le visuel utilisé, du 28 septembre 2006, ou lui indiquant, le 25 avril 2006, que les ennuis judiciaires créés par Patrick X... le conduisaient à ne pas confier à CCN la rénovation complète de leur site Internet, que la perte de chiffre d'affaire réalisé avec le COMET est également patente, étant observé qu'elle ne peut être assimilée à une perte de résultat, et qu'il n'est par ailleurs pas justifié du règlement effectif du nouveau visuel utilisé par CCN » ;

Alors que, de première part, le droit moral est inaliénable ; que le contrat de commande d'une oeuvre de l'esprit emporte cession des droits d'exploitation de l'oeuvre, à l'exclusion du droit moral de l'auteur ; que pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. X... à l'encontre de la COMPAGNIE DE COMMUNICATION du fait de l'utilisation non consentie de son oeuvre par cette dernière postérieurement à l'expiration du contrat de commande passé entre les parties, l'arrêt énonce que la cession des droits sur le visuel créé par M. X... était intervenue en vertu d'un contrat de commande conclu entre les parties en 1998, et qu'ainsi la plainte pénale déposée par M. X... au titre de l'utilisation illicite de son oeuvre était mal fondée ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait expressément dans les motifs de son arrêt que l'exploitation du visuel avait été poursuivie sans l'accord de M. X... après l'expiration du contrat de commande, ce qui constituait une atteinte au droit moral de l'auteur, la Cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Alors que, de deuxième part, le dépôt d'une plainte n'est constitutif d'une faute que lorsqu'il a été effectué avec témérité ou légèreté blâmable ; qu'en se bornant à énoncer, pour faire droit à la demande indemnitaire formée par la COMPAGNIE DE COMMUNICATION à l'encontre de M. X..., que la plainte pénale déposée par ce dernier était mal fondée et que, dès lors, elle procédait d'une imprudence fautive de la part de son auteur, ce sans rechercher ni préciser si le dépôt de cette plainte avait été effectué par M. X... de manière téméraire ou avec une légèreté blâmable, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Alors que, de troisième part, en toute hypothèse, la faute de l'auteur d'un acte dommageable s'apprécie à la lumière de son comportement et non des conséquences de cet acte ; que pour faire droit à la demande indemnitaire formée par la COMPAGNIE DE COMMUNICATION à l'encontre de M. X..., l'arrêt énonce que la plainte pénale déposée par ce dernier avait eu un "retentissement néfaste pour l'honorabilité de la COMPAGNIE DE COMMUNICATION" et était à l'origine tant d'une perte de confiance de la part de certains de ses clients importants que d'une perte de chiffre d'affaires avec le Comité qui l'avait mandatée pour créer un visuel pour le Salon Normand du Vin ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à établir le caractère fautif du dépôt de la plainte par M. X..., la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-11786
Date de la décision : 04/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 03 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 mai. 2012, pourvoi n°11-11786


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11786
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award