LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a souscrit le 22 octobre 1997 auprès de la société AGF aux droits de laquelle se trouve la société Allianz Vie (l'assureur) deux contrats d'assurance sur la vie, l'un dénommé Rente temporaire AGF, l'autre Nov'Actifs pour une somme totale de 304 939,19 euros (2 000 000 francs) pour une durée de 10 ans ; que M. X... a perçu la rente mensuelle temporaire prévue ; qu'au terme de la durée de ces contrats, M. X... a sollicité la restitution de la somme placée; que l'assureur ayant refusé, M. X... l'a assigné en exécution de ces contrats venus à échéance ;
Attendu que pour allouer à M. X... la totalité des sommes qu'il estimait lui être contractuellement dues et condamner l'assureur à les lui verser, l'arrêt énonce que l'assureur lui a donné une fausse information qui l'a empêché de chercher une autre solution financière alors qu'il était encore dans le délai de rétractation, lui faisant ainsi perdre la chance d'atteindre ce résultat ; que l'assureur ne prétend pas qu'un tel placement était impossible ; que la perte de chance est égale au montant du capital placé ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur le moyen tiré de la perte de chance, et alors que M. X... sollicitait la restitution du capital investi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Allianz Vie
L EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie AGF Vie, aujourd'hui dénommée Allianz Vie, à verser à M. Gérard X... la somme de 187.344,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2007 et d'avoir dit que la société AGF Vie devrait également verser à M. X... les intérêts dus sur la somme de 132.058 euros du 27 décembre 2007 au paiement de cette somme ;
AUX MOTIFS QUE les demandes de souscription ont été signées le 22 octobre 1997 et n'ont pas fait l'objet de rétractation ; que, par lettre du 29 octobre 1997 dont l'objet est «confirmation», la direction AGF Assurfinance Normandie a écrit à M. X... la lettre justement rappelée par le premier juge lui confirmant qu'au terme des dix ans son capital disponible sera de 2.095.142 francs ; que cette lettre ne peut avoir valeur contractuelle anéantissant les contrats signés ; mais qu'elle fait la preuve de ce que M. X... souhaitait placer son argent pour une durée de dix ans et retrouver son capital intact à l'issue de cette période et qu'il en avait avisé l'assureur ; que celui-ci devait lui donner les conseils utiles pour parvenir à ce résultat ; qu'au contraire, en lui confirmant que les contrats signés lui permettaient de recouvrer son capital au terme des dix ans, la société AGF a donné à M. X... une fausse information qui l'a empêché de chercher une autre solution financière alors qu'il était encore dans le délai de rétractation, lui faisant ainsi perdre la chance d'atteindre ce résultat ; que la société AGF ne prétend pas qu'un tel placement était impossible et qu'elle a assuré le contraire de sorte que la perte de chance est égale au montant du capital placé (cf. arrêt, p. 3) ;
1°) ALORS QUE le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; qu'il ne peut soulever un moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, M. X..., qui se prévalait à titre subsidiaire d'un manquement de la société Allianz à son obligation d'information et de conseil, sollicitait, à titre d'indemnisation, le versement de la totalité des sommes qu'il estimait lui être contractuellement dues ; qu'il ne sollicitait pas l'indemnisation d'une perte de chance, fût-ce à titre subsidiaire ; qu'en condamnant néanmoins la société Allianz à payer à M. X... la somme de 187.344,33 euros au titre d'une prétendue perte de chance de souscrire un placement garantissant la récupération du capital investi au terme de ce placement, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur le moyen tiré de cette perte de chance, soulevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, A TITRE SUBSIDIAIRE, la réparation du dommage dû à une perte de chance ne peut être que partielle, et doit être mesurée à la chance perdue, sans pouvoir être équivalente à l'avantage perdu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que M. X... avait perdu une chance de souscrire un placement garantissant la récupération du capital investi au terme de ce placement (cf. arrêt, p. 3 § 7) ; qu'en décidant que cette perte de chance était égale au montant du capital placé (cf. arrêt, p. 3 § 8), tandis que le préjudice réparé ne pouvait être équivalent à l'avantage perdu, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil et le principe de la réparation intégrale ;
3°) ALORS QUE, A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, la société Allianz faisait valoir dans ses écritures que trois projets d'investissement avaient été proposés à M. X..., dont l'un seulement prévoyait la restitution du capital investi en fin de contrat, pour l'hypothèse d'un placement de la totalité du capital sur un seul contrat « Nov'Actifs » (cf. concl., p. 6 § 7 et 8) ; qu'elle faisait également valoir que la récupération du capital investi n'était, en revanche, pas possible, dans l'hypothèse de la souscription de deux contrats distincts, finalement retenue par M. X... (cf. concl., p. 6 § 9 et 10 et p. 7) ; qu'en décidant que la perte de chance subie par M. X... était égale au montant du capital placé, au motif que la société AGF ne prétendait pas qu'un placement garantissant la récupération du capital investi était impossible et avait assuré le contraire (cf. arrêt, p. 3 § 8), sans rechercher si la garantie du capital était possible en cas de souscription de deux contrats distincts, comme l'avait choisi M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil et du principe de la réparation intégrale.