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12/04/2012 | FRANCE | N°11-12483

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 avril 2012, 11-12483


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 20 janvier 2002 en qualité d'agent de propreté puis devenue chef d'équipe par la société Entreprise nettoyage et services, a été licenciée pour faute lourde le14 avril 2005 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 3141-26 du code du travail ;
Attendu que pour dire le lic

enciement fondé sur une faute lourde, l'arrêt retient l'existence d'un stratagème ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 20 janvier 2002 en qualité d'agent de propreté puis devenue chef d'équipe par la société Entreprise nettoyage et services, a été licenciée pour faute lourde le14 avril 2005 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 3141-26 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute lourde, l'arrêt retient l'existence d'un stratagème délibérément mis en oeuvre par la salariée avec les membres de sa famille afin d'obtenir paiement d'heures de travail inexistantes ou à en augmenter artificiellement le nombre et que ce comportement lui est : "assurément imputable sous la qualification d'une faute lourde, eu égard à l'intention de nuire aux intérêts de l'employeur ainsi manifestée" :
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire à l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une faute lourde et rejette les demandes indemnitaires afférentes, l'arrêt rendu le 16 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Entreprise nettoyage et services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a, par confirmation, débouté le/la salarié(e) de ses demandes formées au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE la SARL ENS se prévaut de diverses attestations, émanant de Mmes Z... et A..., ainsi que de MM. B... et C..., salariés de l'entreprise, dont cette seule qualité reste toutefois notoirement insuffisante à rendre leurs attestations irrecevables, ni même seulement suspectes de la nécessaire partialité que l'appelante se plaît à tort à leur prêter ; que Mme Z... relate ainsi: "Je suis salariée de la société ENS depuis plus de deux ans, et je travaille sur le site du studio 107 à LA PLAINE SAINT DENIS, et notre chef d'équipe, Mme X... Karima, jusqu' 'au mois de mars 2005, Mme Karma s'absente souvent. Et comme son mari travaille avec nous, c'est lui qui fait son travail et il nous fait faire son travail à lui. Pour le reste de l'équipe, et quand on lui pose la question elle est où Karima, il nous répond sur un autre plateau du moment, on sait qu'elle n'est pas là, et c'est son mari qui signe pour elle. Et c'est la même chose quand quant à M. X... Karim (mari) quand il s'absente, c'est Mme Karima qui s'arrange pour faire faire son travail par le reste de l'équipe sans que le responsable s'en aperçoive, et cela à plusieurs reprises dans le mois. Quant à M. X... Majid, il s'absente tout le temps et tous les mois et cela des fois pendant des semaines, et c'est le reste de l'équipe qui fait le travail. Quant à M. X... Jaouad, je ne l'ai jamais vu travailler sur le chantier" ; Que Mme A... rapporte pour sa part: "Je travaille avec la Société ENS sur le site studio 107 à LA PLAINE SAINT DENIS. J'ai constaté que M. X... Majid n'est pas venu pendant des mois, et c'est nous, les autres salariés, qui travaillons à sa place à la demande de la chef Mme X... Karima, et que M. X... Karima ne vient pas travailler tous les jours. Quant à M X..., je ne l'ai jamais vu sur le site" ; Que M. B... indique encore: "Je soussigné ... certifie sur l'honneur de témoigner contre Mme Karima, qui, depuis un bon moment, ne s'entendait plus avec nous, les autres employés de cette entreprise. Depuis 2 ans, Mme Karima me faisait travailler à la place de son mari, M. Karim, ainsi que son fils, M. Majid. Jusqu'à ce jour, leur absence a été justifiée par le patron lui-même. depuis ce temps, mon temps est devenu normal qui l'aurait pu être depuis 2 ans. Je témoigne aujourd'hui contre Karima devant les autorités, comme prévu par la loi" ; Que M. C... déclare quant à lui: "atteste sur l'honneur travailler avec: - Karima (chef d'équipe) ; - Karim ; - Majid (occasionnellement). N. B. : Par ailleurs, je n'ai jamais travaillé avec M. Jaouad" ; qu'il résulte de ces attestations précises, concordantes et circonstanciées, se corroborant ainsi les unes les autres, et émanant du reste de l'équipe affectée par la SARL ENS au studio 107 de LA PLAINE SAINT DENIS, que Mme X... avait en réalité mis en place un stratagème, ayant consisté, au préjudice de l'entreprise, à gonfler artificiellement les heures de présence, voire à mentionner des heures de travail totalement inexistantes, tant pour elle-même que pour les membres de sa famille, à savoir, M. Boufalja X..., son mari, ainsi que leurs fils, MM. Jaouad et Majid X..., sur le site du studio 107 où ils étaient tous affectés ;
ET AUX MOTIFS qu'au regard de ce qui précède, le procédé ayant consisté à mentionner des heures de travail inexistantes voire, à tout le moins à en gonfler artificiellement le nombre, la salariée doit être déboutée de la demande en paiement de quelconques heures supplémentaires effectuées par elle ;
ALORS QUE, premièrement, les juges du fond ne peuvent rejeter une demande fondée sur l'accomplissement d'heures supplémentaires impayées sans exiger de l'employeur qu'il fournisse des éléments précis de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; de sorte qu'en l'espèce, en rejetant la demande de Madame Karima X... découlant de l'accomplissement d'heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur des attestations de collègues de travail travaillant à temps partiel, contestant l'accomplissement de ces heures de travail et des cahiers de présence incomplets et dépourvus de force probante établis par le personnel de sécurité, pièces insusceptibles de justifier précisément les heures de travail effectivement réalisées et, en toute hypothèse, de mettre à néant les décomptes résultant des pointages effectués par la salariée, sans exiger de l'employeur qu'il fournisse, comme il y était tenu, des éléments de nature à justifier précisément les horaires effectivement réalisés par la/le salarié(e), la cour d'appel a violé les dispositions des articles 3171-4, L. 3121-22, L. 3121-24, L. 3121-25, L. 3121-20, L. 3122-1 et L. 3121-23, du code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, les juges du fond doivent analyser, ne serait-ce que sommairement, les pièces régulièrement produites aux débats par les parties à l'instance ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est bornée à analyser les attestations d'autres salariés de la société ENS travaillant à temps partiel, contestant l'accomplissement de ces heures de travail et les cahiers de présence établis par le personnel de sécurité, produits par l'employeur, pièces insusceptibles de justifier précisément les heures de travail effectivement réalisées par Madame Karima X..., sans analyser, ne serait-ce que sommairement, les multiples attestations du personnel des équipes participant aux émissions de télévision, régulièrement produites aux débats par Madame Karima X..., ni même en faire état, bien que ces attestations faisaient toutes ressortir que Madame Karima X... était présente et disponible, du matin jusqu'au soir, pour accomplir sa mission contractuelle à la totale satisfaction du client de la société ENS, la société TF1, à laquelle la totalité des heures décomptées par Madame Karima X... a, au demeurant, été facturée par la société ENS ; de sorte qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a décidé que le licenciement reposait sur une faute lourde et débouté, en conséquence, la salariée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la SARL ENS se prévaut de diverses attestations, émanant de Mmes Z... et A..., ainsi que de MM. B... et C..., salariés de l'entreprise, dont cette seule qualité reste toutefois notoirement insuffisante à rendre leurs attestations irrecevables, ni même seulement suspectes de la nécessaire partialité que l'appelante se plaît à tort à leur prêter ; que Mme Z... relate ainsi: "Je suis salariée de la société ENS depuis plus de deux ans, et je travaille sur le site du studio 107 à LA PLAINE SAINT DENIS, et notre chef d'équipe, Mme X... Karima, jusqu' 'au mois de mars 2005, Mme Karma s'absente souvent. Et comme son mari travaille avec nous, c'est lui qui fait son travail et il nous fait faire son travail à lui. Pour le reste de l'équipe, et quand on lui pose la question elle est où Karima, il nous répond sur un autre plateau du moment, on sait qu'elle n'est pas là, et c'est son mari qui signe pour elle. Et c'est la même chose quand quant à M. X... Karim (mari) quand il s'absente, c'est Mme Karima qui s'arrange pour faire faire son travail par le reste de l'équipe sans que le responsable s'en aperçoive, et cela à plusieurs reprises dans le mois. Quant à M. X... Majid, il s'absente tout le temps et tous les mois et cela des fois pendant des semaines, et c'est le reste de l'équipe qui fait le travail. Quant à M. X... Jaouad, je ne l'ai jamais vu travailler sur le chantier" ; Que Mme A... rapporte pour sa part: "Je travaille avec la Société ENS sur le site studio 107 à LA PLAINE SAINT DENIS. J'ai constaté que M. X... Majid n'est pas venu pendant des mois, et c'est nous, les autres salariés, qui travaillons à sa place à la demande de la chef Mme X... Karima, et que M. X... Karima ne vient pas travailler tous les jours. Quant à M X..., je ne l'ai jamais vu sur le site" ; Que M. B... indique encore: "Je soussigné ... certifie sur l'honneur de témoigner contre Mme Karima, qui, depuis un bon moment, ne s'entendait plus avec nous, les autres employés de cette entreprise. Depuis 2 ans, Mme Karima me faisait travailler à la place de son mari, M. Karim, ainsi que son fils, M. Majid. Jusqu'à ce jour, leur absence a été justifiée par le patron lui-même. depuis ce temps, mon temps est devenu normal qui l'aurait pu être depuis 2 ans. Je témoigne aujourd'hui contre Karima devant les autorités, comme prévu par la loi" ; Que M. C... déclare quant à lui: "atteste sur l'honneur travailler avec: - Karima (chef d'équipe) ; - Karim ; - Majid (occasionnellement). N. B. : Par ailleurs, je n'ai jamais travaillé avec M. Jaouad" ; qu'il résulte de ces attestations précises, concordantes et circonstanciées, se corroborant ainsi les unes les autres, et émanant du reste de l'équipe affectée par la SARL ENS au studio 107 de LA PLAINE SAINT DENIS, que Mme X... avait en réalité mis en place un stratagème, ayant consisté, au préjudice de l'entreprise, à gonfler artificiellement les heures de présence, voire à mentionner des heures de travail totalement inexistantes, tant pour elle-même que pour les membres de sa famille, à savoir, M. Boufalja X..., son mari, ainsi que leurs fils, MM. Jaouad et Majid X..., sur le site du studio 107 où ils étaient tous affectés ; que la réalité des agissements ainsi perpétrés par Mme X..., de concert avec les autres membres de sa famille, s'évince de surcroît de la confrontation des fiches de pointage les concernant établies par la salariée avec les cahiers de présence, révélant de nombreuses anomalies, ce qui n'est pas sérieusement contestable ; que ces incohérences, sur lesquelles aucune explication pertinente ni même seulement plausible n'est fournie, loin d'avoir pu relever de la commission de simples erreurs, procèdent en réalité du stratagème délibérément mis en oeuvre par Mme X... avec les membres de sa famille au détriment de leur commun employeur, et que celui-ci n'a jamais découvert qu'à la suite d'investigations opérées en mars 2005 ; que le fait pour Mme X... d'avoir, en sa qualité de chef d'équipe, ainsi procédé par voie de tels agissements volontaires et délibérés, lui est assurément imputable sous la qualification d'une faute lourde, eu égard, par-là même, à l'intention de nuire aux intérêts de l'employeur ainsi manifestée par l'intéressée ; qu'il convient donc, dans ces conditions, et sans qu'il y ait dès lors lieu de suivre la salariée dans le détail de son argumentation, étant par suite et pour le surplus tout aussi inopérante, de juger son licenciement valablement prononcé pour faute lourde ;
ALORS QUE, premièrement, la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution de la décision cassée ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué, à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif à l'accomplissement des heures de travail par Madame Karima X..., entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt décidant que le licenciement repose sur une faute lourde en raison du « gonflement » des heures de travail réalisée et déboutant, en conséquence, celle-ci salariée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, en application de l'article 625 du code de procédure civile;
ALORS QUE, deuxièmement, la faute lourde est caractérisée par une intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Madame Karima X... avait commis une faute lourde sans caractériser une intention de nuire à la société ENS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1232-1, L. 1235-1, L. 1234-1 et L. 1234-9, du code du travail ;
ALORS QUE, troisièmement, la charge de la preuve de la faute lourde incombe à l'employeur ; de sorte qu'en s'appuyant sur les seules énonciations des attestations des salariés de la société ENS et des cahiers de présence établis par le personnel de sécurité, lesquels éléments n'étaient pas de nature à justifier précisément du nombre d'heures de travail accomplies par Madame Karima X... pour considérer que celle-ci aurait falsifié les feuilles de pointage, sans analyser aucun des éléments versés aux débats par la salariée et notamment les multiples attestations des membres des équipes participant à la réalisation et à la production des émissions de télévision, qui faisaient clairement ressortir que les consorts X... étaient constamment présents et disponibles, pour accomplir leur mission contractuelle à la totale satisfaction du client de la société ENS, la société TF1, à laquelle la totalité des heures décomptées par Madame Karima X... était, au demeurant, facturée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1232-1, L. 1235-1, L. 1234-1 et L. 1234-9, du code du travail, ensemble de l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-12483
Date de la décision : 12/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 avr. 2012, pourvoi n°11-12483


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.12483
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