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11/04/2012 | FRANCE | N°11-84955

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 avril 2012, 11-84955


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Evelyne X..., épouse Y...,- M. Julien Y...,- M. Hugo Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DIJON, en date du 18 mai 2011, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal,

L. 4321-1 du code du travail, 177, 591 et 593 du code de procédure pénale...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Evelyne X..., épouse Y...,- M. Julien Y...,- M. Hugo Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DIJON, en date du 18 mai 2011, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, L. 4321-1 du code du travail, 177, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu ;
"aux motifs le 12 janvier 2007, les services de secours intervenaient suite à un accident mortel du travail sur un chantier de construction d'une maison de retraite ; que la victime, M. Y..., âgé de 55 ans, conducteur grutier d'un camion grue, s'était retrouvée coincée entre le bras de commande de l'engin et le pupitre de commande suite à la pose d'un bloc de béton ; que le camion grue était saisi et placé sous scellé afin d'être expertisé ; que l'autopsie de la victime confirmait que le décès était intervenu à la suite de l'écrasement du thorax de la victime ; que les analyses sanguines de celle-ci ne révélaient aucune absorption d'alcool ou de substances toxiques ; que l'employeur précisait que M. Y... était très compétent dans son travail, qu'il connaissait parfaitement le fonctionnement du camion grue qu'il utilisait depuis l'année 2000 ; qu'il ajoutait que le camion était aux normes mais que la dernière visite remontait à mars 2006, alors que la réglementation prévoyait une visite tous les six mois ; qu'il précisait que, lors de la dernière réunion du CHSCT, il était apparu que l'accident avait trois causes : la rentrée de la flèche télescopique n'avait pas été réalisée, la victime n'était pas positionnée sur le pupitre supérieur du camion et la béquille stabilisatrice avait été relevée, ce qui aurait dû être fait en dernier ; que néanmoins, il ne pouvait fournir aucune certitude sur le déroulement de l'accident ; que les témoignages des personnels travaillant sur le chantier n'apportaient pas d'éclairage sur ce point ; que l'ingénieur de l'APAVE, chargé des vérifications sur le camion-grue après l'accident, relevait des non-conformités et des anomalies, ces dernières pouvant être consécutives à l'accident (fuites hydrauliques, absence de retours automatiques de certains leviers en position neutre, grippage de leviers) ; que la plupart des non-conformités relevées n'avaient manifestement pas de lien avec la survenance de l'accident ; qu'en revanche, il était noté que :- les leviers de commande des stabilisateurs au poste de commande inférieur étaient situés au-dessus des arceaux de protection contre les manoeuvres involontaires ; ces leviers étaient courts et disposés nettement en retrait par rapport au plan vertical passant par les arceaux : la protection contre le risque de manoeuvre intentionnelle n'était pas complètement assurée par ces arceaux, cependant le risque était jugé faible compte tenu de leur sens de manoeuvre ;- le sens de manoeuvre des leviers du mouvement du deuxième bras était inversé par rapport au sens de manoeuvre des leviers du premier bras ; une action vers le haut des leviers du premier bras commandait le mouvement de descente ; une action vers le bas des leviers du deuxième bras commandait le même mouvement ; cette dernière disposition était contraire aux préconisations de l'annexe G de la norme EN 12999/2002 ; il est à noter que la disposition normative vise "principalement à limiter le risque de mouvement dangereux vers l'opérateur, notamment ceux qui entraînent un coincement entre le poste de la commande et la charpente en cas d'appui involontaire sur le levier indépendamment de la cohérence du sens de déplacement" ; que l'expertise technique du camion grue était ordonnée ; que l'expert ne relevait aucune anomalie technique à l'origine de l'accident ; qu'il émettait une hypothèse selon laquelle la victime aurait actionné par mégarde la manette B (déplacement vertical de la grue) située à coté de la manette A (déplacement horizontal) ; qu'il ajoutait que le point 1.2.2 du rapport de l'APAVE mettant en évidence une non-conformité pouvait avoir un lien avec l'accident ; qu'en effet, le sens de manoeuvre des leviers du mouvement du deuxième bras inversé par rapport au sens de manoeuvre du premier bras avait, selon l'expert, une relation évidente avec l'accident ; qu'il précisait néanmoins que la grue avait été construite avant la préconisation de 2002 et que ce type de commande favorisait la cohérence, la descente de la manette actionnant la descente de la charge ; que dans un complément d'expertise, il affirmait que le sens de mouvement des manettes n'avait pas de lien de causalité certain avec la survenance de l'accident et que la grue respectait la réglementation en vigueur au moment de sa fabrication, la préconisation de 2002 ne s'appliquant pas à la date de construction de celle-ci en 1999 ; qu'ainsi, à l'issue de l'information, il que :- aucune certitude ne peut être forgée tant sur la base de l'enquête de police que des investigations techniques, étant rappelé qu'il n'y a eu aucun témoin direct de l'accident dont M. Y... a été la victime ;- l'erreur de ce dernier ou son imprudence ne sont nullement établies ; qu'au demeurant, à les supposer établies, elles n'exonéreraient nullement son employeur d'une éventuelle responsabilité ; que cependant, pas plus que l'erreur de manipulation, le lien de causalité entre les non-conformités du camion grue et l'écrasement de la victime n'a pas pu être démontré de manière certaine ;- la grue respectait la réglementation en vigueur au moment de sa fabrication, la préconisation de 2002 ne s'appliquant pas à la date de construction de la grue en 1999 ;- ce type de commande favorisait la cohérence, la descente de la manette actionnant la descente de la charge ;- aucun procès-verbal de l'inspection du travail concernant d'éventuels manquements aux règles d'hygiène et de sécurité n'a été établi, le juge d'instruction relevant par ailleurs que sa saisine n'était pas étendue à d'éventuels manquements aux règles d'hygiène et de sécurité ;
1°) "alors que tenu d'une l'obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, l'employeur doit d'assurer que les instruments de travail qu'il met à la disposition de ses salariés respectent les normes réglementaires de sécurité en vigueur lors de leur utilisation ; que dès lors, en se fondant, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, sur la circonstance que la norme EN 12999/2002, à laquelle la grue de chargement litigieuse n'était pas conforme, était postérieure à la date de fabrication de cet engin, la chambre de l'instruction s'est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale ;
2°) "alors qu'en affirmant que la plupart des non-conformités relevées par l'APAVE n'avaient manifestement pas de lien avec la survenance de l'accident sans répondre au mémoire des consorts Y... qui faisait valoir qu'au nombre des non-conformités et anomalies relevées par l'APAVE susceptibles d'avoir un lien de causalité certain avec l'accident figurait l'absence de système de verrouillage mécanique ou électrique interdisant la réalisation de mouvements de déplacement des bras de la grue dans un ordre non chronologique, système qui aurait empêché qu'en l'espèce le télescope ne soit replié avant d'être rentré, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;
3°) "alors en tout état de cause qu'en se fondant encore, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, sur la circonstance qu'aucune certitude ne pouvait être forgée tant sur la base de l'enquête de police que sur celle des investigations techniques, sans constater qu'aucun acte d'information complémentaire, telle une contre-expertise, d'ailleurs sollicitée par les parties civiles, ne serait de nature à faire la lumière sur les causes de l'accident, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'occupé à la pose d'un bloc de béton à l'aide d'un camion-grue sur un chantier de construction d'une maison pour le compte de la société "SAE Terrade", M. Y..., conducteur-grutier de cette entreprise, a été mortellement blessé par écrasement du thorax après avoir été coincé entre le bras de commande de la grue et le pupitre de cette commande ; que le procureur ayant requis l'ouverture d'une information du chef d'homicide involontaire, les ayants droit de la victime se sont constitués partie civile ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, l'arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que pas plus que l'erreur de manipulation, le lien de causalité entre des non-conformités du camion-grue et l'écrasement de la victime n'a pu être démontré de manière certaine, que la grue respectait la réglementation en vigueur au moment de sa fabrication, la préconisation de 2002 ne s'appliquant pas à la date de construction de la grue en 1999 et que ce type de commande favorisait la cohérence, la descente de la manette actionnant la descente de la charge ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme le demandaient les parties civiles dans les conclusions auxquelles il n'a pas été répondu, si une faute en relation avec l'accident n'avait pas été commise, alors qu'elle relevait que la grue en cause ne respectait pas la réglementation en vigueur au temps de cet accident et que la finalité de celle-ci visait principalement à limiter le risque de mouvement dangereux vers l'opérateur, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 18 mai 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Buisson conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-84955
Date de la décision : 11/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, 18 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 avr. 2012, pourvoi n°11-84955


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.84955
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