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11/04/2012 | FRANCE | N°11-10994

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 avril 2012, 11-10994


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué tel que rectifié, que la société Hermès Sellier a confié à la société DHL Danzas air et ocean, aux droits de laquelle se trouve la société DHL Global Forwarding (la société DHL), le transport de colis de marchandises de Pantin à destination d'un magasin Hermès situé à Londres ; que les marchandises, après avoir été acheminées par voie aérienne, ont été confiées à la société Saints Transport LTD, de droit anglais, pour la phase terrestre du transport en Angle

terre ; que lors de la livraison, les marchandises ont été volées ; que la société ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué tel que rectifié, que la société Hermès Sellier a confié à la société DHL Danzas air et ocean, aux droits de laquelle se trouve la société DHL Global Forwarding (la société DHL), le transport de colis de marchandises de Pantin à destination d'un magasin Hermès situé à Londres ; que les marchandises, après avoir été acheminées par voie aérienne, ont été confiées à la société Saints Transport LTD, de droit anglais, pour la phase terrestre du transport en Angleterre ; que lors de la livraison, les marchandises ont été volées ; que la société Hermès Sellier a été indemnisée par ses assureurs, les sociétés Helvetia assurances, Generali assurances IARD, venant aux droits de la société La Lutece, Allianz marine et aviation, dans son dernier état la société Allianz Global Corporate et Speciality, et la société Albingia (les assureurs) ; que les assureurs ont assigné la société DHL en dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu que les assureurs font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société DHL à leur payer la somme de 2 888,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2005 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil et rejeté le surplus de leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que tenu d'une obligation de résultat, le commissionnaire de transport ne peut prétendre à une limitation de sa responsabilité en cas de faute personnelle ; que le commissionnaire de transport qui sait ou ne peut raisonnablement ignorer que les marchandises qui lui sont confiées comportent un risque particulier de vol a l'obligation de donner à son substitué tout instruction quant à des précautions particulières à prendre en vue d'en assurer la sécurité ; qu'en condamnant dès lors le commissionnaire de transport dans les seules limites de ses plafonds conventionnels sans avoir aucunement recherché s'il avait donné de telles instructions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5 du code de commerce ;
2°/ que le commissionnaire de transport dispose de toute latitude pour organiser librement le transport par les voies et les moyens de son choix ; qu'il lui appartient de solliciter de son donneur d'ordre les instructions nécessaires pour assurer la sécurité des marchandises ; que la cour d'appel a cependant retenu que la société Hermès ne prétendait pas avoir donné des instructions précises à la société DHL qui n'auraient pas été respectées par celle-ci ou que cette dernière n'aurait pas transmises à son substitué ; qu'en statuant ainsi sans avoir recherché s'il n'appartenait pas à la société DHL de solliciter de son donneur d'ordre lesdites instructions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5 du code de commerce ;
3°/ que la simple faute personnelle du commissionnaire le prive du bénéfice de la limitation conventionnelle d'indemnisation ; qu'en décidant "qu'à la supposer même établie, la faute, au demeurant non constituée, alléguée par la société Hermès, ne caractériserait pas une faute lourde personnelle du commissionnaire", la cour d'appel a violé l'article L. 132-5 du code de commerce par ajout d'une condition qui n'y figurait pas ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Hermès ne prétend pas avoir donné des instructions précises à la société DHL qui n'ont pas été respectées par celle-ci ou que cette dernière n'a pas transmises à son substitué, l'arrêt retient que les marchandises transportées étant destinées à un magasin Hermès, leur caractère sensible ne pouvait être ignoré ; que l'arrêt retient encore qu'aucune faute n'a été commise par la société DHL dans le choix du transporteur local qui avait déjà livré ce magasin, dans le choix de l'acheminement ou dans le suivi du transport ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autres recherches, a pu décider que la faute personnelle de la société DHL, au demeurant non constituée, ne caractérisait pas une faute lourde de nature à la priver de la clause limitative d'indemnisation prévue à l'article 7.2.1. de ses conditions générales d'intervention ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article L. 132-6 du code de commerce, ensemble l'article 29 de la convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que le transport exécuté par la société Saints Transport LTD n'est pas soumis à la CMR et que dès lors la société Hermès ne justifie pas que doivent être écartées les limitations de garantie conventionnelles prévues par l'article 7.2.1. des conditions générales d'intervention de la société DHL ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la société Saints Transport LTD n'avait pas commis une faute lourde de nature à priver la société DHL du bénéfice de limitation conventionnelle de responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement en ce que celui-ci avait déclaré la société DHL Gobal Frwarding mal fondée en son exception de défaut d'intérêt à agir, l'arrêt rendu le 17 juin 2010, rectifié le 18 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société DHL Global Forwarding aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonction de président à l'audience publique du onze avril deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour la société Helvetia assurances et autres
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, infirmant la décision des premiers juges, condamné la Société DHL STOCK EXPRESS, venant aux droits de la Société DHL DANZAS AIR et OCEAN (FRANCE), à payer aux sociétés HELVETIA ASSURANCES, GENERALI ASSURANCES IARD, ALLIANZ GLOBAL et SPECIATY et ALBINGIA la seule somme de 2.888,80 €, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2005 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil et débouté ces sociétés du surplus de leur demande,
AUX MOTIFS QUE « … , les seules limites conventionnelles d'indemnisation que la société DHL peut invoquer dans ses rapports avec son client sont celles contenues dans ses conditions générales d'intervention à l'article 7.2.1. ;
La société Hermès prétend cependant voir écarter ces limites au motif que le substitué de la société DHL a commis une faute lourde ;
C'est dès lors à la société Hermès d'apporter la preuve que la faute lourde du transporteur routier pourrait avoir pour effet, en l'espèce, de priver le commissionnaire de ses propres plafonds d'indemnisation ;
Or, si l'article 29 de la CMR prévoit expressément qu'en cas de faute lourde du transporteur routier, il ne peut se prévaloir des causes qui limitent ou excluent sa responsabilité et que dans cette hypothèse, le commissionnaire de transporteur, qui s'est substitué le transporteur qui a commis une faute lourde, perd lui-même la faculté de s'en prévaloir, le transport national exécuté par la société de transports Saints Transport Ltd n'est pas soumis à la CMR et aucune des parties ne le prétend ;
Dès lors, la société Hermès ne justifie pas que devraient être écartées les limitations de garantie conventionnelles prévues par l'article 7.2.1. des conditions générales d'intervention lesquelles sont applicables dans tous les cas où la responsabilité de DHL est engagée, pour quelque cause et à quelque titre que ce soit, y compris donc à titre de commissionnaire ;
En dernier lieu, la société Hermès fait valoir que les limitations d'indemnisation conventionnelles ne sont pas applicables en raison de la faute personnelle de la société DHL ;

Cependant il ne peut tiré du fait que trois années plus tard en 2007, un nouveau vol s'est produit dans des circonstances exactement similaires la preuve qu'en 2004, aucun précédent n'étant invoqué à cette date, le commissionnaire aurait commis une faute personnelle ;
Il ne résulte pas non plus des circonstances du vol et de ce que la société DHL tenterait de dédouaner le transporteur en faisant valoir qu'il a été abusé par des malfrats, l'aveu implicite par la société DHL de ce qu'elle n'aurait pas donné d'instructions spécifiques ou qu'elle n'aurait pas attiré son attention sur des mesures spécifiques à mettre en oeuvre, compte tenu de la valeur de la marchandise ;
La société Hermès ne prétend pas avoir donné des instructions précises à la société DHL qui n'auraient pas été respectées par celle-ci ou que cette dernière n'aurait pas transmises à son substitué ;
Les marchandises transportées étant clairement destinées à un magasin Hermès, le transporteur routier substitué ne pouvait ignorer le caractère sensible de ces marchandises et ce d'autant qu'il résulte de ce rapport d'enquête que le transporteur avait déjà livré ce magasin, sans que le commissionnaire de transport ait à lui donner des consignes précises, en l'absence d'instructions de son client ;
Ce rapport ne révèle aucune faute dans le choix de la société de transports locale ou dans le choix de l'acheminement, dans le suivi du transport, imputable au commissionnaire, décrit les circonstances du vol et notamment que le chauffeur en question avait déjà livré de la marchandise dans ce magasin, qu'il savait que la marchandise devait transiter par l'entrée principale et qu'il n'a pourtant pas appelé ses supérieurs pour relater ce qui se passait ;
A la supposer même établie, la faute, au demeurant non constituée, alléguée par la société Hermès, ne caractériserait pas une faute lourde personnelle au commissionnaire (arrêt p. 10, deux derniers §, p. 11 et p.12, § 1, 2 et 3) ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE la CMR est inapplicable à la commission de transport ; que nonobstant la stipulation d'une clause limitative de sa responsabilité, le commissionnaire de transport répond de l'entier dommage en cas de faute lourde du substitué dont il s'est porté garant ; qu'en refusant dès lors de se prononcer sur l'incidence de la faute lourde commise par le transporteur sur la responsabilité du commissionnaire de transport au motif inopérant pris du défaut de soumission du transport litigieux à l'article 29 de la Convention CMR, la Cour d'Appel a violé par refus d'application l'article L. 132-6 du Code de commerce, ensemble l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandise par route dite CMR ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE nonobstant la stipulation d'une clause limitative de sa responsabilité, le commissionnaire de transport répond de l'entier dommage en cas de faute lourde du substitué dont il s'est porté garant ; que la faute lourde est caractérisée par une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle ; qu'il ressortait des propres constatations de l'arrêt que le transporteur routier substitué ne pouvait ignorer le caractère sensible des marchandises clairement destinées à un magasin Hermès, et qu'ayant déjà livré ce magasin, il savait qu'elles devaient transiter par l'entrée principale (arrêt attaqué p. 11, dernier § et p. 12, § 1 et 2) ; qu'en ayant cependant déchargé les marchandises dans une impasse menant vers un parking à l'arrière de l'immeuble adossé au magasin Hermès sans s'être assuré de l'identité de la personne à laquelle il les remettait et sans avoir même appelé ses supérieurs pour relater ce qui se passait, le transporteur a nécessairement commis une faute lourde dont le commissionnaire doit entièrement répondre ; qu'en condamnant dès lors le commissionnaire dans les seules limites de ses plafonds conventionnels nonobstant la faute lourde de son substitué, la Cour d'appel (…) n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 132-6 du Code de commerce ;
3°/ ALORS, encore, QUE tenu d'une obligation de résultat, le commissionnaire de transport ne peut prétendre à une limitation de sa responsabilité en cas de faute personnelle ; que le commissionnaire de transport qui sait ou ne peut raisonnablement ignorer que les marchandises qui lui sont confiées comportent un risque particulier de vol a l'obligation de donner à son substitué tout instruction quant à des précautions particulières à prendre en vue d'en assurer la sécurité ; qu'en condamnant dès lors le commissionnaire de transport dans les seules limites de ses plafonds conventionnels sans avoir aucunement recherché s'il avait donné de telles instructions, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5 du Code de commerce ;
4°/ ALORS, aussi, QUE, le commissionnaire de transport dispose de toute latitude pour organiser librement le transport par les voies et les moyens de son choix ; qu'il lui appartient de solliciter de son donneur d'ordre les instructions nécessaires pour assurer la sécurité des marchandises ; que la Cour d'Appel a cependant retenu que la Société Hermès ne prétendait pas avoir donné des instructions précises à la Société DHL qui n'auraient pas été respectées par celle-ci ou que cette dernière n'aurait pas transmises à son substitué (arrêt attaqué p. 11, § pénultième) ; qu'en statuant ainsi sans avoir recherché s'il n'appartenait pas à la Société DHL de solliciter de son donneur d'ordre lesdites instructions, la Cour d'Appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5 du Code de commerce.
5°/ ALORS, enfin, QUE, la simple faute personnelle du commissionnaire le prive du bénéfice de la limitation conventionnelle d'indemnisation ; qu'en décidant « qu'à la supposer même établie, la faute, au demeurant non constituée, alléguée par la Société Hermès, ne caractériserait pas une faute lourde personnelle du commissionnaire », (arrêt attaqué p. 12, § 3), la Cour d'appel a (…) violé l'article L. 132-5 du Code de commerce par ajout d'une condition qui n'y figurait pas.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-10994
Date de la décision : 11/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 avr. 2012, pourvoi n°11-10994


Composition du Tribunal
Président : M. Gérard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10994
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