LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été victime d'un accident corporel le 3 avril 2009, causé par un train en marche ; qu'il a sollicité de la SNCF en référé l'indemnisation provisionnelle de son préjudice ;
Attendu que pour condamner la SNCF à verser à M. X... une provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, la cour d'appel a énoncé que le transporteur ferroviaire tenu envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle que soit sa gravité, présente les caractères de la force majeure ;
Qu'en statuant ainsi sur le fondement de la responsabilité contractuelle sans constater l'exécution d'un contrat de transport entre la SNCF et M. X..., de sorte qu'il existait une contestation sérieuse sur l'existence de l'obligation invoquée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la SNCF.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance du 5 octobre 2009 qui, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, avait ordonné une expertise et condamné la SNCF à verser à M. X... une provision de 3. 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et D'AVOIR, y ajoutant, condamné la SNCF au paiement d'une provision complémentaire d'un montant de 15. 000 € ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, « dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier » ; que le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute d'imprudence de la victime que si cette faute, quelle que soit sa gravité, présente les caractères de force majeure ; qu'il résulte tant du témoignage de M. Y... que du visionnage de l'enregistrement vidéo que les circonstances de l'accident ne sont pas celles décrites par la victime ; qu'aux jour et heure dits, M. X... s'est approché d'un train en marche, s'est " appuyé " sur celui-ci et a alors chuté, son pied tombant dans l'intervalle entre le quai et le train et étant écrasé par ce dernier ; qu'un tel comportement n'étant ni manifestement imprévisible, ni manifestement irrésistible, le droit à une indemnisation de la victime n'est pas sérieusement contestable, comme l'a justement estimé le premier juge ; qu'il résulte du rapport du 22 mars 2010, dont les conclusions ne sont pas contestées, que l'expert judiciaire donne l'avis suivant : prix de la douleur : 4, 5/ 7 ; préjudice esthétique : 3/ 7, l'intéressé ayant dû être amputé du pied droit ; qu'aucun organisme social n'ayant été mis en cause, il y a lieu d'accorder à l'intéressé une provision complémentaire de 15. 000 euros ;
1°/ ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision à la partie qui se prétend créancière que si l'existence de l'obligation sur laquelle se fonde sa créance n'est pas sérieusement contestable ; que l'obligation de sécurité de résultat du transporteur ferroviaire à l'égard des voyageurs, de nature contractuelle, suppose l'existence, entre eux, d'un contrat de transport matérialisé par l'achat et la remise d'un billet et ne s'applique qu'à compter du moment où le voyageur monte dans le train jusqu'à ce qu'il achève d'en descendre ; qu'en l'espèce, M. X... s'est introduit dans la gare sans titre de transport ; que le témoignage de M. Y..., visé par la cour, confirme cette absence de titre de transport ; que selon ses propres constatations, la cour a relevé que M. X... était à l'extérieur d'un train roulant, dont il s'est « approché », de sorte que ni il n'y montait, ni il n'en descendait ; qu'il résultait de l'ensemble de ces circonstances que, pour le moins, l'existence d'un contrat de transport et la qualité de voyageur de M. X..., justifiant une obligation de sécurité de résultat de la SNCF à son égard, étaient sérieusement contestables ; qu'en décidant le contraire, par substitution de motifs, pour accorder à M. X... la provision qu'il réclamait, nonobstant le constat de ses affirmations mensongères, la cour a violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE la SNCF, sur le fondement de la vidéo et du témoignage de M. Y..., intégrés au dossier pénal, a soutenu, approuvée en cela par la cour, le caractère mensonger des allégations de M. X..., lequel prétendait avoir chuté au sortir d'un train qui l'avait transporté afin de faire peser sur la SNCF, à son profit, une obligation de sécurité de résultat non satisfaite ; qu'il s'ensuivait que l'existence même de cette obligation, de nature contractuelle, était à la fois sérieusement contestable et dûment contestée ; qu'en décidant dès lors de confirmer à M. X... l'allocation d'une provision et de lui accorder une allocation complémentaire sur le fondement de cette obligation contractuelle, la cour, qui a tranché une question de fond qui échappait à sa compétence, a violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE la cour a constaté que les circonstances de l'accident n'étaient pas celles décrites par la victime et qu'aux jour et heure dits, M. X... s'était approché d'un train en marche, s'était " appuyé " sur celui-ci et avait alors chuté, son pied tombant dans l'intervalle entre le quai et le train et étant écrasé par ce dernier ; qu'il résultait de ces constatations que, M. X... n'étant pas voyageur au moment des faits, la SNCF ne pouvait être jugée débitrice d'une obligation de sécurité de résultat à son égard ni, a fortiori, être condamnée sur un tel fondement ; qu'en jugeant le contraire, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE l'obligation de sécurité de résultat résulte d'un contrat de transport conclu entre le transporteur et les voyageurs ; qu'en retenant en l'espèce qu'elle était applicable, sans avoir constaté l'existence d'un tel contrat entre la SNCF et M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile ;
5°/ ALORS QUE l'obligation de sécurité de résultat du transporteur ferroviaire à l'égard de ses voyageurs ressortit à sa responsabilité contractuelle, sur le fondement d'un contrat de transport ; qu'en ce domaine, la réparation s'étend aux dommages prévus entre les parties ou prévisibles au regard de l'objet du contrat (art. 1150 du code civil) ; que le caractère prévisible et irrésistible du dommage ne pouvait donc être apprécié, compte tenu de l'obligation de sécurité de résultat mise à la charge de la SNCF, qu'au regard d'un contrat de transport qui aurait dû être conclu entre elle et M. X..., susceptible de définir le champ de cette prévisibilité ; qu'en l'espèce, le témoignage de M. Y..., reçu par la cour, établissait que l'accident de M. X... était survenu alors qu'il s'était introduit dans la gare sans titre de transport et du fait de sa seule imprudence, alors qu'il n'était pas en train de monter dans une voiture ; qu'il s'ensuivait que M. X... n'avait pas la qualité de voyageur, ni la SNCF celle de transporteur à son égard ; qu'en imposant pourtant à la SNCF d'établir le caractère imprévisible et irrésistible du comportement de M. X... au regard d'une obligation de sécurité de résultat, de nature contractuelle, sans avoir retenu ni recherché aucun élément permettant d'établir l'existence d'un contrat de transport, au regard duquel ce caractère devait être nécessairement apprécié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile.