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28/03/2012 | FRANCE | N°11-11981

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2012, 11-11981


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 décembre 2010), que M. X..., engagé depuis le 1er juillet 1981 par la société Munivyle en qualité de représentant exclusif, devenu cadre au sein de la division sol et revêtement à compter du 1er février 1985 et, exerçant en dernier lieu les fonctions de délégué commercial grand public ingénieur, a été licencié pour faute grave le 26 septembre 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une

faute grave et de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que la l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 décembre 2010), que M. X..., engagé depuis le 1er juillet 1981 par la société Munivyle en qualité de représentant exclusif, devenu cadre au sein de la division sol et revêtement à compter du 1er février 1985 et, exerçant en dernier lieu les fonctions de délégué commercial grand public ingénieur, a été licencié pour faute grave le 26 septembre 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre du 26 septembre 2008 visait le vol commis le 10 septembre 2008 et reprochait au salarié de ne pas avoir immédiatement averti son employeur de ce qui s'était passé le jour même ; qu'en retenant seulement «la volonté de dissimuler», les articles ayant été placés «dans les poches intérieures de sa veste de costume», et non la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention frauduleuse pour écarter l'étourderie, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ que le salarié faisait valoir que, sous le coup d'une forte émotion, il avait paniqué et signé le document présenté par le responsable du magasin Castorama sans le lire et que s'il y avait indiqué reconnaître «les faits», il n'avait pour autant jamais admis avoir volé mais seulement avoir par étourderie passé les caisses sans régler le prix de la prise et de la plaque ; qu'en affirmant que le salarié n'était pas fondé à soutenir qu'il avait signé l'imprimé sans en comprendre le sens en raison du seul intitulé «avis de vol à l'étalage», la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge doit analyser les documents produits aux débats ; que, pour expliquer son étourderie, le salarié soutenait que, suite à son rendez-vous avec le responsable du rayon revêtement de sol du magasin Castorama, il avait rencontré M. Y..., salarié Castorama, avec lequel il avait bavardé une vingtaine de minutes avant de se diriger vers la sortie et que la durée de cet entretien, qui expliquait son oubli de régler ses achats, était expressément confirmée par le témoignage produit par l'employeur de l'agent de sécurité ayant procédé à son interpellation ; qu'en retenant que le salarié avait reconnu lors de l'entretien préalable n'avoir échangé que quelques mots avec M. Y... ce qui contredisait sa thèse de la simple étourderie, sans s'expliquer sur les déclarations contraires de l'agent de sécurité du magasin qui venaient conforter ses propres affirmations sur la durée réelle de la conversation qu'il avait eu avec le salarié de Castorama, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le salarié faisait valoir, dans ses conclusions d'appel que, connaissant parfaitement les magasins Castorama, il savait pertinemment que celui de Saint-Martin d'Hères était équipé de caméras de vidée-surveillance, dont il n'avait jamais cherché à se cacher, et que s'il avait vraiment voulu voler du matériel, il aurait fait en sorte de ne pas être filmé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant de nature à démontrer la bonne foi du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que la faute grave privative du préavis résulte d'un fait ou ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que n'est pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, et ne peut donc être qualifié de faute grave l'acte isolé, même commis au préjudice d'un tiers, du salarié ayant une grande ancienneté et n'ayant fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire antérieure ; qu'en l'espèce, quand bien même serait admis le vol d'une prise électrique pour un montant de 50,70 euros, il n'en s'agirait pas moins de l'acte isolé d'un salarié âgé de 59 ans, ayant vingt-sept ans d'ancienneté et n'ayant jamais été sanctionné, apprécié de tous pour ses qualités professionnelles et personnelles qui n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, en sorte qu'en décidant de retenir la faute grave, la cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
6°/ que le salarié faisait enfin valoir dans ses conclusions d'appel que la société Gerflor n'avait pas perdu la clientèle du magasin Castorama de Saint-Martin d'Hères qui n'avait pas exigé son licenciement, ce que ne démentait nullement l'employeur qui n'apportait pas la preuve de la dégradation de ses relations avec son client ou d'une demande de ce dernier en vue d'obtenir le prononcé d'une sanction ; qu'en retenant néanmoins la faute grave d'un salarié qui se trouvait à quelques mois de la retraite et n'avait pas encouru un seul reproche en vingt-sept ans mais, au contraire, avait bénéficié de l'entière confiance de son employeur, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'appréciant souverainement les pièces produites et sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, la cour d'appel a constaté que les faits de vol reprochés au salarié étaient établis ;
Attendu, ensuite, que ces agissements commis au préjudice d'un client de l'employeur caractérisent une faute grave, alors même que l'objet soustrait est de faible valeur et que le salarié auquel le manquement isolé est reproché a une ancienneté importante et n'a fait l'objet d'aucun reproche antérieur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes en paiement d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, de sa demande au titre du paiement de la mise à pied conservatoire et de sa demande au titre des dommagesintérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à bon droit que le premier juge a estimé que les faits litigieux procèdent d'une volonté délibérée et non d'une étourderie comme il est a tort soutenu ; qu'en effet, il résulte de la relation des faits fournie par M. B... à l'origine de l'interpellation de M. X... que celui-ci a été surpris en train de charger la marchandise litigieuse composée d'une prise et d'une plaque d'une valeur totale de 50, 70°€, dans les poches intérieures de sa veste de costume, ce que M. C... confirme lui-même après visionnage du film vidéo en indiquant que la surveillance de l'intéressé a été consécutive à la découverte d'actes de dissimulation de matériel électrique et autres dans ses poches ; que la relation des faits fournie par M. B... en ce qu'il est indiqué qu'ayant été interpellé alors qu'il venait de franchir le sas de sortie M. X... a aussitôt reconnu les faits et s'est excusé se trouve confirmée par le mis en cause lorsque celui-ci explique, dans le cadre de l'entretien préalable, qu'étant surpris et même choqué, il n'a pas su argumenter ; qu'il n'existe pas de contradiction entre la relation faite par M. B... quant au comportement de l'intéressé lors de la découverte des faits et celle fournie par M. C... es qualité de directeur de magasin lequel explique que M. X... aurait, pour justifier ses actes, dit qu'il devait se rendre à son véhicule pour avoir laissé ses papiers dès lors que M. X... a luimême bien précisé lors de l'entretien préalable qu'après avoir accepté de régler le montant de ses achats (ce qui a été fait à l4 H 10 comme il résulte du ticket remis) il avait été conduit dans le bureau des agents, où il s'était retrouvé en face du directeur du magasin alerté entre temps ce pourquoi il a pu avoir une réaction différente (dans l'imprime de vol il est indiqué que l'entretien avec M. X... s'est déroulé de 14 h 08 à 14h18) ; que M. X... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il aurait signé l'imprimé soumis à sa signature sans en comprendre le sens (lors de l'entretien préalable il indique avoir signé le document qu'on lui présentait sans même le lire) dès lors que l'imprimé utilisé est dépourvu de toute ambiguïté en ce qu'il porte comme en-tête la mention suivante : "avis de vol à l'étalage" ; que la société GERFLOR SAS n'a par ailleurs pas manqué de relever que si le salarié avait été victime de la mésaventure malencontreuse dont il argue, il n'aurait pas manqué de la tenir informée de leur survenance dans les délais les plus rapides à l'effet de prévenir tout risque de malentendu ce qui n'a pas été le cas puisque, ainsi qu'il résulte de la relation fournie par le directeur des ventes Résidentiel France Gerflor, l'employeur ayant été avisé des faits en fin de journée à l'initiative du magasin CASTORAMA c'est lui qui a dû demander à son salarié de s'expliquer sur ce qui s'était passé lors de son passage chez le client CASTORAMA ; qu'iI y a lieu enfin de constater que la production tardive d'une attestation émanant de M. Y... procède d'une tentative maladroite de M. X... pour essayer de donner du crédit à la version fournie par lui dans la mesure où luimême avait reconnu lors de l'entretien préalable qu'ils avaient juste échangé quelques mots et où pour le surplus, dans l'attestation établie par lui, ledit M. Y... se garde bien de parler de l'interpellation de M. X... ; que la volonté de dissimuler étant ainsi bien établie, il y a lieu, réformant le jugement attaqué en ce qu'il a retenu, pour faire droit à la contestation soulevée par M. X..., que les faits litigieux procédaient d'une étourderie, de dire que les faits reprochés sont bien constitutifs d'une faute dont la gravité a été telle qu'elle n'a pas permis de maintenir la relation contractuelle même pendant le temps limite du préavis ce pourquoi, M. X... sera débouté de l'ensemble de ses prétentions (arrêt p.4-5) ;
ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre du 26 septembre 2008 visait le vol commis le 10 septembre 2008 et reprochait au salarié de ne pas avoir immédiatement averti son employeur de ce qui s'était passé le jour même ; qu'en retenant seulement « la volonté de dissimuler », les articles ayant été placés « dans les poches intérieures de sa veste de costume », et non la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention frauduleuse pour écarter l'étourderie, a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile, ensemble L 1232-6 du code du travail ;
ALORS QUE le salarié faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p.3 et 9), que, sous le coup d'une forte émotion, il avait paniqué et signé le document présenté par le responsable du magasin CASTORAMA sans le lire et que s'il y avait indiqué reconnaître « les faits », il n'avait pour autant jamais admis avoir volé mais seulement avoir par étourderie passé les caisses sans régler le prix de la prise et de la plaque ; qu'en affirmant que le salarié n'était pas fondé à soutenir qu'il avait signé l'imprimé sans en comprendre le sens en raison du seul intitulé « avis de vol à l'étalage », la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE le juge doit analyser les documents produits aux débats ; que, pour expliquer son étourderie, le salarié soutenait dans ses conclusions d'appel (p.9) que, suite à son rendezvous avec le responsable du rayon revêtement de sol du magasin Castorama, il avait rencontré M. Y..., salarié Castorama, avec lequel il avait bavardé une vingtaine de minutes avant de se diriger vers la sortie et que la durée de cet entretien, qui expliquait son oubli de régler ses achats, était expressément confirmée par le témoignage produit par l'employeur de l'agent de sécurité ayant procédé à son interpellation ; qu'en retenant que le salarié avait reconnu lors de l'entretien préalable n'avoir échangé que quelques mots avec M. Y... ce qui contredisait sa thèse de la simple étourderie, sans s'expliquer sur les déclarations contraires de l'agent de sécurité du magasin qui venaient conforter ses propres affirmations sur la durée réelle de la conversation qu'il avait eu avec le salarié de Castorama, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE le salarié faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p.8-9), que, connaissant parfaitement les magasins Castorama, il savait pertinemment que celui de Saint Martin d'Hères était équipé de caméras de vidée-surveillance, dont il n'avait jamais cherché à se cacher, et que s'il avait vraiment voulu voler du matériel, il aurait fait en sorte de ne pas être filmé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant de nature à démontrer la bonne foi du salarié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE la faute grave privative du préavis résulte d'un fait ou ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que n'est pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, et ne peut donc être qualifié de faute grave l'acte isolé, même commis au préjudice d'un tiers, du salarié ayant une grande ancienneté et n'ayant fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire antérieure ; qu'en l'espèce, quand bien même serait admis le vol d'une prise électrique pour un montant de 50,70°€, il n'en s'agirait pas moins de l'acte isolé d'un salarié âgé de 59 ans, ayant 27 ans d'ancienneté et n'ayant jamais été sanctionné, apprécié de tous pour ses qualités professionnelles et personnelles qui n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, en sorte qu'en décidant de retenir la faute grave, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS QUE le salarié faisait enfin valoir dans ses conclusions d'appel (p.10), que la société GERFLOR n'avait pas perdu la clientèle du magasin CASTORAMA de SAINT MARTIN D'HERES qui n'avait pas exigé son licenciement, ce que ne démentait nullement l'employeur qui n'apportait pas la preuve de la dégradation de ses relations avec son client ou d'une demande de ce dernier en vue d'obtenir le prononcé d'une sanction ; qu'en retenant néanmoins la faute grave d'un salarié qui se trouvait à quelques mois de la retraite et n'avait pas encouru un seul reproche en 27 ans mais, au contraire, avait bénéficié de l'entière confiance de son employeur, la Cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11981
Date de la décision : 28/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 10 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2012, pourvoi n°11-11981


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, Me Ricard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11981
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