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22/03/2012 | FRANCE | N°11-11081

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 mars 2012, 11-11081


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 2154-1 (devenu l'article 2435), troisième alinéa, du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement désormais définitif, M. X... a été condamné pénalement pour diverses escroqueries commises au préjudice de l'Association de retraite des cadres du groupe Mornay Europe (ACGME) et de l'association de prévoyance du groupe Mornay Europe (APGME), lesquelles ont chargé Mme Y..., avocat

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 2154-1 (devenu l'article 2435), troisième alinéa, du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement désormais définitif, M. X... a été condamné pénalement pour diverses escroqueries commises au préjudice de l'Association de retraite des cadres du groupe Mornay Europe (ACGME) et de l'association de prévoyance du groupe Mornay Europe (APGME), lesquelles ont chargé Mme Y..., avocat, de procéder au recouvrement des sommes qui leur ont été allouées à titre de dommages-intérêts ; qu'en exécution de son mandat, l'avocat a fait inscrire deux hypothèques provisoires, dont l'une, venant à expiration le 31 mars 2002, n'a pas été renouvelée, le bien concerné ayant été vendu par acte du 14 janvier ; que les deux associations ont, dans ces conditions, engagé une action en responsabilité contre leur avocat ;
Attendu que pour condamner Mme Y... à réparation, l'arrêt retient que si le bien affecté à la garantie de la créance a été vendu et le prix consigné avant l'expiration de l'inscription provisoire litigieuse, l'acte du 14 janvier 2002 subordonnait la distribution de la somme correspondante aux créanciers hypothécaires à l'obtention d'une inscription définitive à l'issue de la procédure engagée à cette fin par les associations du groupe Mornay et toujours pendante, en sorte qu'en s'abstenant, en l'absence d'inscription définitive, de procéder au renouvellement de l'inscription provisoire avant le 31 mars 2002, l'avocat a, par sa faute, privé les associations du bénéfice de la sûreté garantissant leur créance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans le cas où l'inscription provisoire a produit son effet légal, son renouvellement n'est pas nécessaire lorsque le prix a été consigné, la cour d'appel a, par refus d'application, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute l'ACGME et l'APGME de leur demande indemnitaire formée contre Mme Y... ;
Condamne l'ACGME et l'APGME aux dépens y compris ceux exposés devant les juridictions du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné Madame Y... à payer à l'ACGME et à l'APGME la somme de 460. 000 euros à titre de dommages et intérêts, d'avoir dit que cette somme porterait intérêt au taux légal à compter du 21 octobre 2008, dit que les intérêts seraient capitalisés à compter du 30 août 2010 dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil et d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'avoir condamnée par application de ce texte à payer à l'ACGME et à l'APGME la somme de 6. 000 euros ;
AUX MOTIFS QU'« en vertu du mandat général reçu, Madame Y... qui était en charge de la procédure pénale dirigée contre Gilbert X... avait également mission de préserver la créance de l'ACGME et de l'APGME et en particulier d'inscrire une hypothèque sur le bien immobilier sis à SUZE-LA-ROUSSE ce qu'elle a fait pour que la dite hypothèque prenne effet le 31 mars 1999 ; qu'à cet égard, il y a lieu de souligner que, s'agissant de l'hypothèque inscrite sur les biens immobiliers sis 23-25 rue Octave Mirbeau à MITRY-SUR-MORY (SEINE ET MARNE), Madame Y... a procédé aux formalités d'inscription définitive ; qu'en outre, lorsqu'il a été envisagé la vente de l'immeuble situé à SUZE-LA-ROUSSE, Madame Y... était en relation épistolaire, non seulement avec les dirigeants du Groupe Mornay mais également avec Maître Y..., notaire puisqu'elle a transmis à Madame Z... chef du service juridique du groupe, le projet d'acte de vente en lui demandant notamment le 19 décembre 2001, le nom du signataire du mandat qui, donné par les deux associations et destiné au notaire, portait notamment sur " l'acceptation en renonçant au droit de suite, à ce que le prix soit partagé, eu égard au rang des inscriptions et selon les règles habituelles " ; qu'il suit de ce qui précède qu'il entrait dans le mandat de Mme Y... de renouveler l'inscription d'hypothèque prise sur le bien immobilier sis à SUZE-LA-ROUSSE et, en tout cas, de donner à ses clientes tous conseils utiles à cet égard ; que considérant que l'acte de vente en date du 14 janvier 2002 stipule, sous la rubrique " Prix de vente immobilière " 3°) L'inscription d'hypothèque prise par le Groupe Mornay primant celle du Trésor Public, mais n'étant à ce jour que provisoire en attente d'une ordonnance selon instance actuellement pendante, et non définitive, de convention expresse entre le Groupe Mornay et le Trésor Public, la suite de l'ordre ne sera établi entre les deux créanciers qu'à l'issue de la décision de justice attendue. Jusqu'à cette date la partie du prix de vente restant à distribuer sera consignée » ; qu'il entrait notamment dans la mission du séquestre « de régler les créanciers à due concurrence de leur créance respective, selon le rang de leurs inscriptions, tel qu'il résulte de l'ordre consensuel établi », que selon une autre clause de l'acte de vente, page 16, « tant le Groupe Mornay que le Trésor Public promettent dès à présent de consentir à la mainlevée et à la radiation des inscriptions leur profitant, et ce, dès que l'ordre des rangs hypothécaires leur profitant aurait été définitivement réglé entre eux, par décision de justice » ; qu'en conséquence des clauses qui précèdent, il était indispensable, après la conclusion de la vente et pour conserver le rang de l'hypothèque provisoire qui, prise sur l'immeuble sis à SUZE-LA-ROUSSE, n'avait plus d'effet après le 31 mars 2002, de renouveler cette inscription ou d'inscrire une hypothèque définitive ; que sur ce point, il sera noté que l'inscription définitive du titre, tel qu'il résulte du jugement correctionnel du 30 mai 2002, ne pouvait être prise avant que le rang ne rétroagisse au 31 mars 1999, date de l'inscription de l'hypothèque provisoire, dès lors que ladite inscription définitive est faite après la date de validité de l'hypothèque provisoire de sorte que le 4 septembre 2003, Maître Y... a pu écrire au trésorier de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) : « Maître Y..., représentant le Groupe Mornay, m'a indiqué avoir déposé le 2 7 juin 2002 un bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive qui lui a été refusé par le bureau des hypothèques, faute du renouvellement en temps utile de l'inscription » ; considérant qu'en s'abstenant d'inscrire un renouvellement de l'hypothèque provisoire ou d'inscrire une hypothèque définitive avant le 31 mars 2002 de façon à ce que soit maintenu le rang profitant aux deux associations, Mme Y... a commis une faute professionnelle dont elle doit réparation ; considérant qu'il ressort notamment d'une lettre du Trésorier-payeur général de Drôme en date du 11 mars 2004 que le solde disponible sur le prix de vente de l'immeuble, à savoir : la somme de 478. 594, 86 euros, a profité à la trésorerie de Saint-Paul-Trois-Châteaux ; que, si l'inscription d'hypothèque provisoire avait été renouvelée et son rang conservé, la créance des deux associations aurait été préservée en sorte que, malgré l'instance pendante et relative à l'ordre des rangs hypothécaires, elles auraient eu une très forte chance de percevoir la somme susdite ; qu'il y a donc lieu d'arrêter le montant de l'indemnisation revenant aux associations à la somme de 460. 000 euros ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement frappé d'appel et de condamner Mme Y... à payer à l'A. C. G. M. E. et à l'A. P. G. M. E. la somme de 460. 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que, par application des dispositions de l'article 1 153-1, alinéa 2, dernière phrase, du Code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2008, date de l'assignation introductive d'instance ; que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du même code pourvu qu'ils soient dus au moins pour une année entière et ce, à compter du 30 août 2010, date de la première demande formée par conclusions signifiées devant la Cour » ;
1°) ALORS QUE le renouvellement d'une inscription provisoire d'hypothèque n'est pas obligatoire lorsque le bien grevé a été vendu avant l'expiration du délai de validité de l'inscription provisoire et son prix consigné, les créanciers l'ayant accepté ; qu'en retenant, pour juger que Madame Y... avait commis une faute professionnelle en s'abstenant de renouveler l'inscription provisoire d'hypothèque, dès lors qu'elle n'avait plus d'effet deux mois après la conclusion de la vente du bien grevé, sans rechercher comme elle y était invitée, si, dès lors que le prix de vente du bien grevé avait été consigné, les créanciers hypothécaires l'ayant accepté, ce renouvellement n'était pas inutile, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2435 al. 3 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la perte de chance ne peut tendre qu'à l'indemnisation du défaut d'obtention du bénéfice d'un processus aléatoire qui ne s'est pas déroulée et ne saurait pallier la carence du demandeur à l'action dans la preuve lui incombant de l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec la faute invoquée ; qu'en retenant dès lors, pour condamner Madame Y... à indemniser les associations de la perte de leurs créances que si l'inscription d'hypothèque provisoire avait été renouvelée, elles auraient eu, malgré l'instance pendante et relative à l'ordre des rangs hypothécaires, une très forte chance de percevoir cette somme, quand les sommes que l'inscription en cause aurait permis au créancier de recevoir pouvaient être déterminées de façon certaine ou quasi certaine, l'ignorance subsistant sur ce point ne résultant que de la carence des demanderesses à l'action à établir le rang de l'inscription qu'elles prétendaient avoir perdu et les sommes qu'elle aurait permis de recevoir, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, Madame Y... soutenait que les associations du Groupe MORNAY n'avaient pas tenté de recouvrer leur créance au moyen de l'hypothèque qu'elles avaient prise sur le bien de Monsieur X... situé à MITRY MORY bien qu'elle fût intervenue en février 2004 pour leur indiquer que Monsieur X... avait trouvé un acquéreur pour le prix de 129. 500 euros (conclusions du 17 juin 2010, p., al. 4 et 5) ce dont il résultait qu'elles n'avaient pas mis en oeuvre toutes les sûretés que lui avait consenties son débiteur de sorte qu'elles ne pouvaient justifier d'aucun préjudice certain ; qu'en jugeant pourtant que Madame Y... devait indemniser ses clients de la perte de leurs créances, sans répondre à ce moyen, la Cour d'appel a méconnu l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-11081
Date de la décision : 22/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

HYPOTHEQUE - Hypothèque judiciaire - Inscription provisoire - Renouvellement - Obligation - Exclusion - Cas - Consignation du prix de vente du bien donné en garantie

Dans le cas où l'inscription provisoire d'hypothèque a produit son effet légal, son renouvellement n'est pas nécessaire lorsque le prix de vente du bien donné en garantie a été consigné


Références :

Cour d'appel de Paris, 9 novembre 2010, 09/242727
article 1147 du code civil

article 2154-1 ancien du code civil (devenu l'article 2435 de ce code)

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 mar. 2012, pourvoi n°11-11081, Bull. civ. 2012, I, n° 64
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 64

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Rapporteur ?: M. Jessel
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11081
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