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21/03/2012 | FRANCE | N°11-14586

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 mars 2012, 11-14586


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Grenoble, 31 janvier 2011), rendu en dernier ressort, que Mme X... et six autres salariées de la société Hyparlo, estimant ne pas disposer d'une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance (SMIC) du fait de la prise en compte par l'employeur de la rémunération des temps de pause à raison de 5 % du temps de travail effectif dans le salaire mensuel de référence, ont saisi la juridiction prud'homale de demande

s en paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts ;
Attendu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Grenoble, 31 janvier 2011), rendu en dernier ressort, que Mme X... et six autres salariées de la société Hyparlo, estimant ne pas disposer d'une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance (SMIC) du fait de la prise en compte par l'employeur de la rémunération des temps de pause à raison de 5 % du temps de travail effectif dans le salaire mensuel de référence, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts ;
Attendu que l'employeur fait grief au jugement de le condamner au paiement de sommes à titre de rappel de salaire, congés payés afférents et dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que doivent être prises en compte dans la comparaison entre le salaire réel et le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) les majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, c'est-à-dire toutes les sommes perçues par un salarié en contrepartie ou à l'occasion de son travail, de sorte que sont seules exclues du calcul les primes liées à une situation ou à une sujétion particulière du salarié envers l'entreprise et les primes dont le versement est aléatoire ; que les primes ou sommes versées de façon uniforme et systématique à tous les salariés constituent des «compléments de salaire de fait» et sont à retenir pour effectuer la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le SMIC ; que tel est le cas de la rémunération forfaitaire des temps de pause conventionnellement prévue et équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base, devant être versée de façon uniforme et systématique à tous les salariés, proportionnellement à leur temps de travail effectif et indépendamment de la prise effective d'une pause ; qu'en jugeant du contraire le conseil de prud'hommes a violé l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail, ensemble l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;
2°/ que l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail prévoit que le salaire horaire à prendre en considération pour vérifier l'application du SMIC est celui qui correspond à une heure de travail effectif, «compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire» ; que sauf à vider ce texte de sa substance, les «majorations» qu'il prévoit ne sauraient s'assimiler à la contrepartie directe d'un travail effectif, par hypothèse déjà prise en compte, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait et en écartant la rémunération forfaitaire du temps de pause, équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base, sous le seul prétexte que le temps de pause lui-même ne pouvait être qualifié de «travail effectif», les juges du fond ont violé le texte susvisé par fausse interprétation ;
3°/ qu'aux termes de l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par Arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), les salariés disposent d' «une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif» ; que la rémunération de cette pause, dès lors qu'elle prend la forme d'une majoration de salaire équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base et est donc directement proportionnelle au temps de travail effectif du salarié, lequel influe ainsi directement sur son montant, doit être considérée comme la contrepartie de ce même travail effectif ; qu'en jugeant du contraire, les juges du fond ont violé par fausse interprétation le texte conventionnel précité, ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail ;
4°/ qu'aux termes de l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par Arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), tous les salariés disposent d' «une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif», ladite pause étant définie comme «un temps de repos – payé ou non – compris dans le temps de présence journalier dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue» ; que toutefois, le même texte ne rend obligatoire la prise effective de la pause ainsi définie que pour les salariés qui travaillent par intervalles continus de plus de quatre heures ; qu'il en résulte que le paiement de la «pause payée» n'est pas subordonné à la prise effective d'une pause venant entrecouper le temps de présence journalier dans l'entreprise ; que par conséquent, même à supposer que ne puisse être prise en compte dans le calcul destiné à vérifier le respect du SMIC, la rémunération spécifique prévue par une convention ou un accord collectif ou par un contrat de travail dont peuvent faire l'objet les temps consacrés aux pauses si celles-ci ne constituent pas un travail effectif, la «prime de pause» prévue par le texte conventionnel précité ne correspond pas à cette hypothèse dès lors qu'elle est indifféremment versée aux salariés qui prennent ou non, de façon effective, une pause au cours de leur journée de travail ; que cet élément de rémunération, qui ne vient donc pas rémunérer de façon spécifique une période de pause mais est versé de façon forfaitaire à l'ensemble des salariés proportionnellement à leurs temps de travail respectifs, doit être requalifié en élément de salaire venant rémunérer la prestation de travail elle-même et doit être par conséquent inclus dans l'assiette du SMIC ; qu'en jugeant du contraire, le conseil de prud'hommes a violé, pour cette raison supplémentaire, le texte conventionnel précité ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail ;
5°/ qu'en déclarant que la «prime de pause» payée aux salariés ne devait pas être prise en compte dans le calcul destiné à la vérification du respect du SMIC sans vérifier si les salariés concernés prenaient effectivement des pauses durant leur temps de présence journalier dans l'entreprise, condition nécessaire pour que la «prime de pause» puisse être considérée comme une rémunération spécifique auxdites pauses et non comme une contrepartie du temps de travail posté, le conseil de prud'hommes a derechef privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;
Mais attendu que dès lors qu'il n'est pas contesté que pendant les pauses, les salariées n'étaient pas à la disposition de l'employeur de sorte que celles-ci ne constituaient pas du temps de travail effectif, les primes les rémunérant, qui ne sont pas la contrepartie du travail, sont exclues du salaire devant être comparé au SMIC ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hyparlo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Hyparlo
Il est fait grief au jugement attaqué, tel que rectifié et complété par le jugement du 9 mai 2011, d'AVOIR dit que la société HYPARLO avait versé aux salariées demanderesses une rémunération inférieure au SMIC et de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, congés payés y afférents et rappel de prime de pause, outre les frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « les bulletins de salaire des salariés font apparaître une ligne rémunération mensuelle pour 151,67 heures, et une ligne forfait pause ; que le cumul des deux fait apparaître une rémunération conforme au SMIC horaire, ce qui n'est pas le cas si le forfait pause n'est pas inclus ; que la question que le Conseil de Prud'hommes doit se poser est de savoir si la rémunération du temps de pause, prévue par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et l'accord d'entreprise CARREFOUR, est un complément de salaire, au sens de l'article D 3231-6 du Code du Travail, devant être intégré pour la vérification de l'application du SMIC ; qu'aux termes de l'article D3231-6 du Code du travail, le salaire horaire à prendre en considération pour l'application de l'article D2231-5 du Code du Travail est celui qui correspond à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire ; que sont exclues les sommes versées à titre de remboursement de frais, les majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et la prime de transport ; que le principe qui prévaut est que le SMIC garantissant le salaire de la prestation élémentaire de travail, seuls les éléments qui correspondent à la contrepartie de cette prestation de travail doivent en conséquence être retenus pour vérifier si le SMIC est atteint ou non ; qu'aucune des parties ne conteste que le temps de pause n'est pas un travail effectif tel que défini par les articles L3121-1 et L3121-2 du Code du Travail ; que cela est d'ailleurs conforme à la convention collective applicable et à l'accord d'entreprise CARREFOUR ; que l'article 5-4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, indique : «On entend par « pause» un temps de repos – payé ou non – compris dans le temps de présence journalier dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue ; que la « coupure » interrompt la journée de travail de façon collective (fermeture de l'établissement) ou individuelle (temps imparti par roulement, pour le déjeuner par exemple). Les pauses et coupures sont fixées au niveau de chaque entreprise ou établissement en fonction de l'organisation du travail qui y est en vigueur ; qu'une pause payée est attribuée à raison de 5% du temps de travail effectif » ; que l'article 2 du titre 18 de l'accord d'entreprise CARREFOUR sur l'organisation du travail rappelle que les temps de pause sont pointés, permettant ainsi aux salariés de vaquer librement à leurs occupations personnelles ; que cet article prévoit en outre un temps de pause obligatoire pour une durée de travail continue d'un quart d'heure pour 4 heures, de 20 minutes pour 6 heures, d'une demi-heure pour 6 heures ou plus ; que ce temps de repos obligatoire est destiné à préserver la santé et la sécurité du salarié ; qu'en rémunérant un temps de pause sur la base de 5% du temps de travail, effectif, l'employeur rémunère un temps qui n'est pas un temps de travail, un temps imposé et déterminé par une disposition légale, sur lequel le salarié n'influe pas ; que les primes qui ne constituent pas une contrepartie du travail et dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas sont exclues du salaire devant être comparé au SMIC ; que dès lors il n'est pas contesté que pendant les pauses, les salariées n'étaient pas à la disposition de l'employeur de sorte que lesdites pauses ne constituaient pas du temps de travail effectif, les primes les rémunérant, qui ne sont pas la contrepartie du travail et dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas, sont exclues du salaire devant être comparé au SMIC ; que dès lors, il sera fait droit aux demandes des salariés, en tenant compte des observations de la SA HYPARLO, tout en soulignant que les primes de vacances et de treizième mois ont été intégrées par les salariées dans le salaire pour voir si le SMIC était respecté, et ce pour les mois où elles ont été versées » ;
1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART QUE doivent être prises en compte dans la comparaison entre le salaire réel et le SMIC les majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, c'est-à-dire toutes les sommes perçues par un salarié en contrepartie ou à l'occasion de son travail, de sorte que sont seules exclues du calcul du salaire devant être au moins égal au SMIC, les primes liées à une situation ou à une sujétion particulière du salarié envers l'entreprise et les primes dont le versement est aléatoire ; que les primes ou sommes versées de façon uniforme et systématique à tous les salariés constituent des « compléments de salaire de fait » et sont à retenir pour effectuer la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimum de croissance ; que tel est le cas de la rémunération forfaitaire des temps de pause conventionnellement prévue et équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base, devant être versée de façon uniforme et systématique à tous les salariés, proportionnellement à leur temps de travail effectif et indépendamment de la prise effective d'une pause ; qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du Code du travail, ensemble l'article 5-4 de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;
2°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE l'article D. 141-3 recod.
D. 3231-6 du Code du travail prévoit que le salaire horaire à prendre en considération pour vérifier l'application du SMIC est celui qui correspond à une heure de travail effectif, « compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire» ; que sauf à vider ce texte de sa substance, les « majorations» qu'il prévoit ne sauraient s'assimiler à la contrepartie directe d'un travail effectif par hypothèse déjà rémunéré, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait et en écartant la rémunération forfaitaire du temps de pause, équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base, sous le seul prétexte que le temps de pause lui-même ne pouvait être qualifié de «travail effectif», les juges du fond ont violé le texte susvisé par fausse interprétation ;
3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT QU 'aux termes de l'article 5-4 de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par Arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), les salariés disposent d' « une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif » ; que la rémunération de cette pause, dès lors qu'elle prend la forme d'une majoration de salaire équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base et est donc directement proportionnelle au temps de travail effectif du salarié, lequel influe ainsi directement sur son montant, doit être considérée comme la contrepartie de ce même travail effectif ; qu'en jugeant du contraire, les juges du fond ont violé par fausse interprétation le texte conventionnel précité, ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du Code du travail ;
4°/ ALORS, ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT QU 'aux termes de l'article 5-4 de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par Arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), tous les salariés disposent d'«une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif », ladite pause étant définie comme « un temps de repos – payé ou non – compris dans le temps de présence journalier dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue » ; que le même texte ne rend obligatoire la prise effective de la pause ainsi définie que pour les salariés qui travaillent par intervalles continus de plus de quatre heures ; qu'il en résulte que le paiement de la «pause payée» n'est pas subordonné à la prise effective d'une pause venant entrecouper le temps de présence journalier dans l'entreprise ; que par conséquent, même à supposer que l'employeur ne puisse inclure dans le calcul des salaires, afin de les porter au niveau du salaire minimum de croissance, la rémunération spécifique prévue par une convention ou un accord collectif ou par un contrat de travail dont peuvent faire l'objet les temps consacrés aux pauses si celles-ci ne constituent pas un temps de travail effectif, la « prime de pause » prévue par le texte conventionnel précité ne correspond pas à cette hypothèse dès lors qu'elle est indifféremment versée aux salariés qui ne prennent pas de façon effective une pause au cours de leur journée de travail ; que cet élément de rémunération, qui ne vient donc pas rémunérer de façon spécifique une période de pause mais est versé de façon forfaitaire à l'ensemble des salariés, doit être requalifié en élément de salaire venant rémunérer la prestation de travail elle-même et doit être par conséquent inclus dans l'assiette du SMIC ; qu'en jugeant du contraire, le conseil de prud'hommes a violé le texte conventionnel précité ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du Code du travail ;
5°/ ALORS, A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, QU'en déclarant que la «prime de pause» payée aux salariées ne devait pas être incluse dans l'assiette du calcul destiné à la vérification du respect du SMIC sans vérifier si les salariées concernées prenaient effectivement des pauses durant leur temps de présence journalier dans l'entreprise, condition nécessaire pour que la « prime de pause» puisse être considérée comme une rémunération spécifique auxdites pauses et non comme la contrepartie du temps de travail effectif, le conseil de prud'hommes a derechef privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-14586
Date de la décision : 21/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 31 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 mar. 2012, pourvoi n°11-14586


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14586
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