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21/03/2012 | FRANCE | N°11-10944

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 mars 2012, 11-10944


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par le groupement d'employeurs CERA, le 16 juin 2005, en qualité d'employée du service administratif ; qu'elle est devenue le 1er novembre 2006, coordinatrice, catégorie techniciens et agents de maîtrise ; qu'elle a été licenciée le 20 mars 2007, alors qu'elle était enceinte ; qu'invoquant la nullité de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la salariÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par le groupement d'employeurs CERA, le 16 juin 2005, en qualité d'employée du service administratif ; qu'elle est devenue le 1er novembre 2006, coordinatrice, catégorie techniciens et agents de maîtrise ; qu'elle a été licenciée le 20 mars 2007, alors qu'elle était enceinte ; qu'invoquant la nullité de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen ;
1°/ que la remise ou l'envoi par la salariée, dans les formes prévues par l'article R. 1225-1 du code du travail d'un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de l'accouchement ne constituant pas une formalité substantielle, pour que la salariée bénéficie de la protection légale, il suffit qu'en fait l'employeur ait été informé de son état de grossesse ; qu'en l'espèce, l'exposante avait produit une attestation d'une salariée du CERA de laquelle il ressortait qu'elle avait informé son employeur de son état de grossesse dans le courant du mois de décembre 2006 ; que pour juger que l'employeur n'avait pas connaissance de la situation de Mme X... au moment où il avait engagé la procédure de licenciement le 6 mars 2007, la cour d'appel a retenu que l'attestation de Mme Y... manquait de force probante car elle se serait limitée à des considérations vagues selon lesquelles « courant 2006 » elle aurait entendu le directeur général parler de la grossesse de Mélanie X... ; que la décision de la cour d'appel de Grenoble repose ainsi sur une dénaturation de l'attestation de Mme Y... en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification de faute grave qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en outre, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la gravité des faits qui ont conduit au licenciement ; qu'en l'espèce, une salariée enceinte de cinq mois au moment de son licenciement n'ayant jamais fait l'objet en presque deux ans d'aucun avertissement mais ayant au contraire toujours bénéficié de promotions, de primes et d'augmentations régulières de salaire qui a commis des erreurs même répétées dans l'exécution de ses tâches ne saurait être considérée comme ayant commis une faute grave justifiant son licenciement sans préavis ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que l'employeur avait été destinataire de trois avis d'arrêt de travail sans rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse de la salariée et que les attestations produites par celle-ci se bornaient à des considérations vagues, la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'était pas établi que le groupement d'employeurs CERA ait eu connaissance de l'état de grossesse de l'intéressée ;
Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que les multiples erreurs reprochées à la salariée étaient pour la plupart antérieures à son état de grossesse et que leur répétition était révélatrice d'une mauvaise volonté délibérée qui ne pouvait être expliquée par une surcharge de travail ou par l'état de grossesse de celle-ci, la cour d'appel, sans dénaturation, a pu décider que ce comportement rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et caractérisait une faute grave ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 1232-4 et L. 1235-5 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages -intérêts au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt retient que la lettre de convocation à l'entretien préalable précise bien que la salariée peut se faire assister d'un conseiller inscrit sur une liste qu'elle peut se procurer à l'inspection du travail ou à la mairie de son domicile, que le fait que ce courrier ne précise pas l'adresse de la mairie de Vaulx le Milieu ne constitue pas une irrégularité susceptible d'être réparée par des dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de convocation à l'entretien préalable ne mentionnait pas l'adresse de la mairie où la liste des conseillers pouvait être consultée ce qui entraînait pour la salariée un préjudice qu'elle devait réparer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'irrégularité de la procédure, l'arrêt rendu le 7 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'association Citoyenneté et emploi Rhône-Alpes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Citoyenneté et emploi Rhône Alpes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame X... était justifié par une faute grave et d'avoir en conséquence débouté l'intéressée de toutes ses prétentions ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte des dispositions de l'article L. 1225-4 du Code du travail que lorsqu'une salariée est en état de grossesse médicalement constatée, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ;Qu'il est de jurisprudence constante que la salariée bénéficie de la protection légale dès lors qu'il est établi que l'employeur a effectivement connaissance de son état de grossesse ;Qu'il convient donc de rechercher dans un premier temps si la preuve est rapportée que le groupement d'employeurs CERA avait connaissance de l'état de grossesse de Mélanie X... lorsqu'il a engagé la procédure de licenciement le 6 mars 2007 ;Qu'à cette date, l'employeur avait été destinataire d'un arrêt de travail initial du 10 janvier 2006 et de deux avis de prolongation des 11 et 13 janvier 2006 ;Que ces trois avis mentionnent tous que l'arrêt de travail est sans rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse, le premier avis de prolongation mentionnant du surmenage et de la fatigue ;Qu'aucun autre document médical n'était en possession de l'employeur le 6 mars 2007 ;Que les attestations que produit Mélanie X... pour combler ce vide médical ne sont pas de nature à établir la connaissance qu'avait l'employeur de l'état de grossesse ;Que celles qui émanent des membres de sa famille et de son compagnon, directement intéressé par l'issue du litige, pourraient manquer de sincérité ;Que le témoignage de sa mère, Chantal X... est pour le moins exagéré en ce qui concerne les horaires de travail allégués, ce qui le prive également de crédibilité sur les informations qui auraient été échangées au téléphone entre sa fille et l'employeur au sujet de la grossesse ;Que l'attestation de Jennifer Y... manque tout autant de force probante, celle-ci se limitant à des considérations vagues selon lesquelles « courant 2006 », elle aurait entendu le directeur général parler de la grossesse de Mélanie X... ;Qu'en l'état de ces éléments, il n'est pas établi que le groupement d'employeurs CERA avait connaissance de l'état de grossesse de Mélanie
X..., qui ne peut donc utilement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 1225-4 du Code du travail ;Qu'il convient de rechercher dans un second temps si les griefs faits à Mélanie X... dans la lettre de licenciement sont fondés et s'ils sont susceptibles de justifier la rupture immédiate du contrat de travail ;Que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, comporte sur 8 pages la liste des erreurs imputées à la salariée dans la gestion des salaires, des prêts, des acomptes, de la facturation, dans la tenue des pièces comptables et des documents administratifs et dans la communication externe ;Que dans ses conclusions, Mélanie X... ne conteste pas la réalité de ces erreurs, mais réplique que de nombreux faits sont prescrits, que les erreurs sont révélatrices de l'ampleur de sa charge de travail, et que l'état de grossesse peut constituer une circonstance atténuante ;Qu'en tout état de cause, l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif ;Que le moyen tiré de la prescription ne peut utilement être invoqué ;Qu'en effet si de nombreuses erreurs relatives à l'établissement des salaires ont été commises au cours de l'année 2006, le groupement d'employeurs CERA justifie qu'il n'en a eu connaissance qu'au début du mois de janvier 2007 lorsqu'il a préparé la clôture du bilan ;Que dès lors que l'établissement des bulletins de salaire ne donnait lieu à aucune observation de la part des salariés concernés, l'employeur n'était pas en mesure de connaître les erreurs commises ;Que les erreurs reprochées à Mélanie X... et qui sont pour la plupart antérieures à son état de grossesse, sont relatives à des sommes trop versées sur les salaires pour un montant de 321,26 euros en ce qui la concerne et de 2.524 euros pour neuf autres salariés ;Que la lettre de licenciement donne également l'exemple de salariés qui ont perçu un salaire inférieur à celui auquel ils pouvaient prétendre ;Qu'il est également reproché à Mélanie X... d'avoir effectué des rappels de prime sans en laisser aucune trace sur le bulletin de salaire ou dans le dossier du salarié, d'avoir payé des sommes en trop sur un solde de tout compte (487 euros), d'avoir versé à certains salariés des acomptes sur salaires non validés par la direction, d'avoir omis de facturer des prestations à des partenaires pour 6.829 euros, 1.588 euros, 3.710 euros, 997 euros, de n'avoir pas réglé l'intégralité des charges dues à l'URSSAF (avec un différentiel de 8.000 euros), d'avoir commis des erreurs dans les virements en inversant les bénéficiaires, autant d'erreurs qui ne sont pas contestées et qui sont établies par les pièces produites ;Que cette énumération non exhaustive des fautes reprochées est révélatrice d'une mauvaise volonté délibérée qui ne peut être expliquée par une surcharge de travail qui ne résulte d'aucune pièce probante, ou par l'état de grossesse ultérieur ;Que la répétition des manquements de la salariée dans l'accomplissement de son travail habituel, caractérise une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail ;Qu'il convient d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prudhommes ;Que la lettre de convocation à l'entretien préalable précise bien que la salariée peut se faire assister d'un conseiller inscrit sur une liste qu'elle peut se procurer à l'inspection du travail ou à la mairie de son domicile ;Que le fait que ce courrier ne précise pas l'adresse de la mairie de Vaulx Milieu (38090) ne constitue pas une irrégularité susceptible d'être réparée par des dommages-intérêts ;Que Mélanie X... sera déboutée de toutes ses demandes ;
1°ALORS QUE la remise ou l'envoi par la salariée, dans les formes prévues par l'article R. 1225-1 du Code du travail d'un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de l'accouchement ne constituant pas une formalité substantielle, pour que la salariée bénéficie de la protection légale, il suffit qu'en fait l'employeur ait été informé de son état de grossesse ; qu'en l'espèce, l'exposante avait produit une attestation d'une salariée du CERA de laquelle il ressortait qu'elle avait informé son employeur de son état de grossesse dans le courant du mois de décembre 2006 ; que pour juger que l'employeur n'avait pas connaissance de la situation de Madame X... au moment où il avait engagé la procédure de licenciement le 6 mars 2007, la Cour d'appel a retenu que l'attestation de Madame Y... manquait de force probante car elle se serait limitée à des considérations vagues selon lesquelles « courant 2006 » elle aurait entendu le directeur général parler de la grossesse de Mélanie X... ; que la décision de la Cour d'appel de Grenoble repose ainsi sur une dénaturation de l'attestation de Madame Y... en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2°ALORS QUE la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification de faute grave qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en outre, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la gravité des faits qui ont conduit au licenciement ; qu'en l'espèce, une salariée enceinte de cinq mois au moment de son licenciement n'ayant jamais fait l'objet en presque deux ans d'aucun avertissement mais ayant au contraire toujours bénéficié de promotions, de primes et d'augmentations régulières de salaire qui a commis des erreurs même répétées dans l'exécution de ses tâches ne saurait être considérée comme ayant commis une faute grave justifiant son licenciement sans préavis ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
3°ALORS QUE en tout état de cause la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner la faculté pour le salarié, lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel de l'entreprise, de se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département, préciser l'adresse de l'inspection du travail et de la mairie où cette liste est tenue à la disposition des salariés ; que l'omission d'une de ces adresses constitue une irrégularité de procédure ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel de Grenoble a constaté que la lettre de convocation adressée à Madame X... précisait bien que la salariée pouvait se faire assister d'un conseiller inscrit sur une liste qu'elle pouvait se procurer à l'inspection du travail ou à la mairie de son domicile ; que la Cour d'appel a cependant constaté que le courrier ne précisait pas l'adresse de la mairie de Vaulx Milieu; qu'en jugeant que ce fait ne constituait pas une irrégularité susceptible d'être réparée par des dommages intérêts, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-4 et D. 1232-5 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-10944
Date de la décision : 21/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 07 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 mar. 2012, pourvoi n°11-10944


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10944
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