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20/03/2012 | FRANCE | N°11-84186

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 mars 2012, 11-84186


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Catherine X..., épouse Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentente légale de ses enfants mineurs Jean-Baptiste et Pierre-François Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 25 mars 2011, qui, dans la procédure suivie contre Mme Frédérique Z... du chef de blessures involontaires aggravées en récidive, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits

en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Catherine X..., épouse Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentente légale de ses enfants mineurs Jean-Baptiste et Pierre-François Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 25 mars 2011, qui, dans la procédure suivie contre Mme Frédérique Z... du chef de blessures involontaires aggravées en récidive, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles préliminaire du code de procédure civile, 2, 418 et 515 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, ensemble violation du principe de la réparation intégrale, des droits de la défense et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que la cour a jugé irrecevable la demande de la victime d'un accident de la circulation routière tendant à voir réparer au titre de ses préjudices patrimoniaux la perte de gains professionnels futurs ;

"aux motifs qu'il est de jurisprudence constante, fondée sur les articles 418, alinéa 3, et 515, alinéa 3, du code de procédure pénale qu'une juridiction répressive n'est régulièrement saisie d'une demande en dommages-intérêts formée par une partie civile qu'autant que celle-ci en a précisé le montant ; qu'une partie civile ne peut en cause d'appel former aucune demande nouvelle et qu'il ne lui est possible de demander une augmentation des dommages-intérêts qu'elle a sollicités du tribunal que pour le préjudice souffert depuis la décision de première instance ; que le premier juge a, en l'occurrence, fait valoir : « qu'il faut constater que la demande présentée par Mme Y... n'a pas été chiffrée ; qu'au dispositif de ses conclusions, il est demandé, au titre du total des préjudices patrimoniaux, condamnation à paiement des défendeurs à hauteur de 23 324,52 euros ; que cette somme lui a d'ores et déjà été allouée au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires ; que le tribunal ne saurait, sans statuer « ultra petita », allouer à Mme Y... une somme supérieure à ce qu'elle demande » ;

"aux motifs encore qu'il convient de relever que ce constat est exact puisqu'il résulte des actes de la procédure qu'aux termes de ses ultimes écritures, enregistrées au greffe du tribunal le 3 décembre 2009, Mme Y... a exprimé les motifs qui lui paraissaient conduire à admettre l'existence d'une perte de gains futurs, mais a souligné que «n'étant pas actuellement en mesure de les chiffrer, Mme Y... émet des réserves sur ce point» ajoutant que sa perte devait correspondre finalement à une «rente à capitaliser et arrérages échus», non chiffrée, et que le «total des préjudices patrimoniaux» était donc égal à «23 324,52 euros hors créance de la caisse et rente et arrérages échus» ; qu'à la page 9 de ses écritures, partie dispositif, est reproduite cette même dernière incidente : « voir liquider à la somme de 23 324,52 euros le préjudice patrimonial de Mme Y..., hors créance de la caisse et rente et arrérages échus » ; que son actuelle prétention, chiffrée à la demande expresse de Mme Frédérique Z..., correspond donc à une demande nouvelle puisqu'elle n'a pas été soumise à une discussion contradictoire devant le tribunal et elle est, comme telle, irrecevable devant la cour ;

"1) alors qu'il ne résulte nullement des conclusions d'appel n° 2 de l'auteur de l'infraction et de sa compagnie d'assurances qu'a été soulevée l'exception drastique de procédure que le juge a, ce faisant, retenu d'office ; que l'interdiction faite par l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale à la partie civile de former, en cause d'appel, une demande nouvelle n'est pas d'ordre public, d'où la violation des textes et principes cités au moyen ;

"2) alors que, en toute hypothèse, la cour a retenu l'irrecevabilité de la demande sans avoir invité les parties, et spécialement la partie civile à s'exprimer sur ce point, d'où une méconnaissance des exigences de la défense, ensemble d'un procès à armes égales ;

"3) alors que, en toute hypothèse, il ne s'agissait pas d'une demande nouvelle devant la cour puisqu'aux termes des conclusions déposées en première instance pour l'audience du 14 décembre 2009, la partie civile sollicitait déjà l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs en fournissant au tribunal les éléments nécessaires à l'évaluation au jour du jugement de ce préjudice évolutif, la partie civile ayant fait état d'un préjudice annuel et se prévalant du barème de capitalisation permettant de décompter à la fois les arrérages déjà échus et le capital restant à constituer pour l'évolution future de la situation jusqu'à l'âge de sa retraite ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en relevant d'office un moyen non évoqué par le prévenu et son assureur et pour cause, la cour viole par fausse application les articles 418, alinéa 3, et 515, alinéa 3, du code de procédure pénale et par refus d'application l'article 2 du même code, l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale" ;

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale ;

Attendu que le préjudice causé par une infraction doit être déterminé au jour de la décision ; que les dispositions du second de ces textes, prohibant en cause d'appel les demandes nouvelles, ne sauraient interdire à une partie civile de préciser le montant de sa demande pour un chef de dommage déjà soumis au débat en première instance, afin de tenir compte de la date à laquelle son préjudice est évalué ;

Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Mme X... a été victime et Mme Z..., déclarée tenue à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de la partie civile demandant, notamment, que lui soit allouée, au titre de sa perte de gains futurs à compter du 1er janvier 2007, la somme de 59 483,04 euros, soit 19 683,34 euros au titre des arrérages échus entre le 1er janvier 2007 et le 1er juillet 2010 et 39 799,70 euros au titre de la capitalisation, à compter de cette dernière date ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande au titre des pertes de gains futurs, l'arrêt énonce que cette prétention, chiffrée à la demande expresse de Mme Z..., est nouvelle, faute d'avoir été soumise au débat contradictoire devant le premier juge ;

Mais attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que, devant le tribunal correctionnel, la partie civile, après avoir fixé sa perte de gains actuels, avait évalué sa perte de gains futurs à un montant annuel, capitalisé à la date du jugement, en considération de l'euro de rente défini selon un barème précis, et augmenté des arrérages échus entre le 1er janvier 2007 et le jugement à intervenir, et qu'ainsi le premier juge avait été saisi de cette demande chiffrée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 25 mars 2011, en ses seules dispositions relatives aux pertes de gains futurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Mme X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-84186
Date de la décision : 20/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 25 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 mar. 2012, pourvoi n°11-84186


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.84186
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