LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2010), que, le 9 octobre 2002, l'administration fiscale a mis en demeure la société luxembourgeoise Polonium, détentrice des parts de la société française Prunus elle-même propriétaire d'immeubles en France, de déposer sa déclaration afférente à l'exonération de taxe de 3 % due sur la valeur vénale de ces derniers, pour les années 1998 à 2000 ; qu'estimant incomplètes les déclarations produites le 13 novembre 2002, l'administration a, le 10 mars 2004, mis en recouvrement une certaine somme au titre de cette taxe, des pénalités et des intérêts de retard ; qu'après rejet de sa réclamation, la société Polonium, aux droits de laquelle vient la société Vantage Media Group, a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargée de cette imposition ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Vantage Media Group fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que, par un arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2011 (pourvoi n° 11-40.019), le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité des dispositions de l'article 990 E 2° et 3° du code général des impôts comme étant contraires aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi, d'égalité devant l'impôt et de libre consentement à l'impôts énoncés respectivement aux articles 1er de la Constitution et 6, 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a appliqué ces textes ; que l'arrêt attaqué sera donc annulé par voie de conséquence de la décision de non-conformité à la Constitution que rendra le Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que, par décision n° 2011-165 QPC du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a dit que les 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, dans leur rédaction issue du paragraphe II de l'article 29 de la loi n° 92-1376 de finances pour 1993, sont conformes à la Constitution ; que, dès lors, le moyen est sans objet ;
Et sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société Vantage Media Group fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, toutes les restrictions aux mouvements des capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdits ; que ce texte s'oppose à une législation nationale, telle que celle résultant des dispositions des articles 990 D et suivants du code général des impôts, qui, d'une part, exonère les sociétés établies en France de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, alors qu'elle subordonne cette exonération, pour les sociétés établies dans un autre Etat membre, à l'existence d'une convention d'assistance administrative conclue entre la République française et cet Etat en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou à la circonstance que, par application d'un traité comportant une clause de non-discrimination selon la nationalité, ces sociétés ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde que celle à laquelle sont assujetties les sociétés établies en France, et, d'autre part, ne permet pas à la société établie dans un autre Etat membre de fournir des éléments de preuve permettant d'établir l'identité de ses actionnaires personnes physiques ; que l'intégralité du dispositif légal institué par les articles 990 D et suivants du code général des impôts est ainsi contraire au droit communautaire issu du traité ; qu'en en faisant néanmoins l'application en l'espèce pour exclure la société Polonium du bénéfice du régime dérogatoire prévu par les 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, la cour d'appel a violé l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne ;
2°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en frappant un patrimoine brut sans tenir compte de l'endettement grevant les immeubles taxés, les articles 990 D et suivants du code général des impôts, qui ne prévoient aucun mécanisme de plafonnement, méconnaissent les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; qu'en faisant application de ces textes en l'espèce, la cour d'appel a violé ces stipulations ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'il ressort de l'arrêt rendu le 11 octobre 2007 (affaire C-451/05) par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) que le dispositif prévu par les articles 990 D et suivants du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, n'était contraire au principe de libre circulation des capitaux que dans la mesure où il aboutissait à priver, en toutes circonstances, les personnes morales établies dans un État membre de l'Union européenne qui n'entraient pas dans le champ d'application d'une convention d'assistance ou ne relevaient pas d'un traité prévoyant une clause de non-discrimination en matière fiscale, de la faculté de démontrer qu'elles ne poursuivaient pas un objectif frauduleux ; qu'après avoir relevé qu'à la différence de la société en cause dans l'affaire soumise à la CJCE, la société Polonium n'était pas régie par la loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929, l'arrêt retient que la convention fiscale franco-luxembourgeoise s'appliquait et que la société Polonium disposait de la faculté de déposer les déclarations lui permettant de bénéficier de l'exonération de taxe prévue par l'article 990 E 2° du code général des impôts ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit l'absence d'atteinte aux principes posés par l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne ainsi que par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vantage Media Group aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 2 500 euros au directeur général des finances publiques ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du vingt mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour la société Vantage Media Group
IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR débouté la société POLONIUM de toutes ses demandes tendant au dégrèvement de la taxe sur la valeur vénale des immeubles et à la décharge des pénalités,
AUX MOTIFS QUE l'arrêt de la cour de justice des communautés européennes du 11 octobre 2007 était intervenu à la suite d'une demande de décision préjudicielle présentée dans le cadre d'un litige opposant le directeur général des impôts à la société Elisa à qui, alors qu'elle avait rempli ses obligations déclaratives, l'administration fiscale avait refusé le bénéfice de l'exonération prévue à l'ancien article 990 E 2° et 3° du code général des impôts au motif que, société holding régie par la loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929, elle ne pouvait valablement invoquer la clause d'assistance administrative prévue à l'article 22 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise dès lors que cette convention ne s'appliquait pas à ce type de société conformément aux lettres échangées le 8 septembre 1970 par les deux Etats ; que, dans sa décision, la Cour de justice avait dit pour droit que l'article 56 du traité devait être interprété en ce sens qu'il s'opposait à une législation nationale, telle que celle résultant des dispositions des articles 990 D et suivants du code général des impôts, qui exonérait les sociétés établies en France de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, alors qu'elle subordonnait cette exonération, pour les sociétés établies dans un autre État membre, à l'existence d'une convention d'assistance administrative conclue entre la République française et cet Etat, en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou à la circonstance que, par application d'un traité comportant une clause de non-discrimination selon la nationalité, ces sociétés ne devaient pas être soumises à une imposition plus lourde que celle à laquelle étaient assujettie, des sociétés établies en France, et ne permettait pas à la société établie dans un autre État membre de fournir des éléments de preuve permettant d'établir l'identité de ses actionnaires personnes physiques ; que le dispositif prévu par les articles 990 D et suivants du code général des impôts dans leur rédaction antérieure à la loi du 25 décembre 2007, n'était donc contraire au principe de libre circulation des capitaux que dans la mesure où il aboutissait à priver, en toutes circonstances, les personnes morales établies dans un État membre de l'Union européenne qui n'entraient pas dans le champ d'application d'une convention d'assistance ou ne relevaient pas d'un traité prévoyant une clause de non-discrimination en matière fiscale, de la faculté de démontrer qu'elles ne poursuivaient pas un objectif frauduleux ; qu'or tel n'était pas le cas de la société POLONIUM, société anonyme de participation financière soumise à la législation luxembourgeoise et ayant son siège de direction effective au Luxembourg, à qui, à la différence de la société holding régie par la loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929, s'appliquait la convention fiscale franco-luxembourgeoise et qui disposait de la faculté, dont elle avait d'ailleurs usé dans les conditions ci-dessous décrites, pour pouvoir prétendre au bénéfice de l'exonération sur le fondement de l'article 990 E 2° du code général des impôts, de déposer des déclarations n°2746 ; qu'en ce qui concernait le dépôt des déclarations, la société POLONIUM, mise en demeure de déposer ses déclarations par un courrier du 9 octobre 2002, avait effectué cette formalité le 13 novembre 2002 au titre des années 1998 et 2002 mais que certaines de ses déclarations s'étaient révélées incomplètes, ce qui avait conduit l'administration à lui refuser le bénéfice de l'exonération de la taxe de 3 % pour les années 1998, 1999 et 2000 ; qu'en effet, concernant les années 1998 et 1999, les déclarations ne mentionnaient pas les biens détenus ainsi que leurs situations et leur valeur vénale au 1e r janvier de l'année ; que, concernant l'année 2000, le document ne mentionnait pas l'immeuble situé 2, rue du Cirque ; que la société POLONIUM n'était pas fondée à justifier ces carences déclaratives en opposant à l'administration, d'une part, une autonomie de gestion de la société PRUNUS ainsi que l'impossibilité où elle se serait trouvé de prendre connaissance de ses actifs, alors qu'elle détenait 100 % du capital de cette société, ou en opposant à l'administration, d'autre part, une prétendue connaissance de la situation et de la consistance des immeubles appartenant à la société PRUNUS du fait du dépôt d'une déclaration de cette société, circonstance qui ne pouvait à l'évidence l'exonérer de ses propres obligations déclaratives ; que la société POLONIUM ne pouvait sérieusement invoquer le caractère confiscatoire de l'imposition critiquée dès lors qu'elle était susceptible de bénéficier d'une exonération en déposant des déclarations complètes, conditions qui avaient d'ailleurs été remplies pour les années 2001 et 2002 au titre desquelles elle avait été exonérée de la taxe ; qu'au demeurant, concernant les observations à portée générale sur la conformité de la taxe de 3 % à la Constitution ainsi que la Convention européenne des droits de l'homme, le Conseil constitutionnel, appelé à statuer sur la constitutionnalité de la loi de finances pour 1990 et plus particulièrement sur les dispositions de son article 105 modifiant les dispositions de la loi de finances du 29 décembre 1982 instituant la taxe de 3 %, avait décidé que le législateur «a pu sans méconnaître ni l'article 13 ni l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen fixé le taux de la taxe mentionnée à l'article 990 D du code général des impôts à 3 % alors même que le taux de l'impôt de solidarité sur la fortune est au maximum de 1,5 % et retenir pour assiette de cette taxe la valeur vénale des immeubles possédés par les sociétés n'y ayant pas leur siège social, sous la seule réserve des exemptions énoncées à l'article 990 E du code précité et sans prévoir une possibilité de déduction du passif ; qu'ainsi l'article 105 n'a pas, en tout état de cause, pour conséquence d'affecter le champ d'application de dispositions antérieures qui seraient inconstitutionnelles» (Conseil constitutionnel, décision du 29 décembre 1989, n°89-268 DC, § 78) ; que concernant en second lieu l'article 1e r du protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'homme, le principe du droit au respect des biens consacré ne s'opposait pas à ce que le législateur national instituât une imposition établie en fonction de la valeur foncière d'un bien ; que, si l'application de ce principe s'opposait en revanche à ce que la mise en oeuvre d'une imposition de cette nature conduisît à ce qu'elle fût d'un niveau tel par rapport à la valeur du bien qu'elle équivalût à une «confiscation» de ce dernier, ce n'était qu'à la condition que ladite «confiscation» trouvât son origine dans l'application du texte fiscal et que le contribuable eût justifié qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour faire face à ses obligations (CAA Paris 29 novembre 2002, n°01PA03042, 01PA03911 et 02PA00842), seconde condition qui n'était précisément pas remplie en l'espèce ; que concernant plus spécialement la situation de la société POLONIUM, cette société n'était pas en droit d'opposer les résultats réalisés au titre des années en litige au montant de la taxe, dans la mesure où aucun lien ne pouvait être établi entre ces deux données et que les rappels qui lui avaient été notifiés le 7 mai 2003 ne pouvaient agir sur ses résultats, avec la précision qu'elle avait réalisé un déficit de 2.538.019 francs au titre de l'année 1998 et le bénéfice de 460.803 francs au titre de l'année 2000, alors que la base taxable annuelle était respectivement de 16.600.000 francs et 34.600.000 francs ; que la contribuable ne justifiait pas non plus avoir été dans l'obligation de céder une partie de son patrimoine pour acquitter ses charges fiscales, l'administration étant de surcroît fondée à lui objecter que les comparaisons auxquelles elle procédait n'étaient pas pertinentes, dans la mesure où l'assiette de la taxe était constituée de la valeur vénale des biens immobiliers en cause, non sujette à contestation, soit 16.600.000 francs au titre de l'année 1998 et 34.600.000 francs au titre des années 1999 et 2000, étant en tout état de cause observé que le montant des redressements notifiés – 3.709.437 francs – par rapport à une telle valeur n'était pas d'un niveau tel qu'il équivalût à une «confiscation» ; que dès lors l'administration avait procédé à bon droit au redressement contesté et rejeté les réclamations de la société POLONIUM,
ALORS QUE, par un arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2011 (pourvoi n° 11-40.019) le Conseil Constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité des dispositions de l'article 990 E 2° et 3° du code général des impôts comme étant contraires aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi, d'égalité devant l'impôt et de libre consentement à l'impôts énoncés respectivement aux articles 1e r de la Constitution et articles 6, 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a appliqué ces textes ; que l'arrêt attaqué sera donc annulé par voie de conséquence de la décision de non-conformité à la Constitution que rendra le Conseil Constitutionnel,
ALORS EN OUTRE QUE, selon l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, toutes les restrictions aux mouvements des capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdits ; que ce texte s'oppose à une législation nationale, telle que celle résultant des dispositions des articles 990 D et suivants du code général des impôts, qui, d'une part, exonère les sociétés établies en France de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, alors qu'elle subordonne cette exonération, pour les sociétés établies dans un autre Etat membre, à l'existence d'une convention d'assistance administrative conclue entre la République française et cet Etat en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou à la circonstance que, par application d'un traité comportant une clause de non-discrimination selon la nationalité, ces sociétés ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde que celle à laquelle sont assujetties les sociétés établies en France, et, d'autre part, ne permet pas à la société établie dans un autre Etat membre de fournir des éléments de preuve permettant d'établir l'identité de ses actionnaires personnes physiques ; que l'intégralité du dispositif légal institué par les articles 990 D et suivants du code général des impôts est ainsi contraire au droit communautaire issue du traité ; qu'en en faisant néanmoins l'application en l'espèce pour exclure la société POLONIUM du bénéfice du régime dérogatoire prévu par les 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, la cour d'appel a violé l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne,
ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en frappant un patrimoine brut sans tenir compte de l'endettement grevant les immeubles taxés, les articles 990 D et suivants du code général des impôts, qui ne prévoient aucun mécanisme de plafonnement, méconnaissent les stipulations de l'article 1e r du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; qu'en faisant application de ces texte en l'espèce, la cour d'appel a violé ces stipulations.