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14/03/2012 | FRANCE | N°11-88498

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 2012, 11-88498


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Johann X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 4 novembre 2011, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de viols aggravés, a prononcé sur sa requête en nullité d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 23 janvier 2012, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 197-1, 198, 199, 574 et ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Johann X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 4 novembre 2011, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de viols aggravés, a prononcé sur sa requête en nullité d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 23 janvier 2012, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 197-1, 198, 199, 574 et 593 du code de procédure pénale, vice de forme, vice de procédure, manque de base légale ;

"en ce que les mentions de l'arrêt attaqué n'établissent pas que la personne mise en examen ou son avocat ont eu la parole en dernier ;

"alors que devant la chambre de l'instruction, le mis en examen lorsqu'il est présent aux débats, ou son avocat lorsqu'il demande à présenter des observations, doivent nécessairement avoir la parole en dernier ; qu'ainsi, méconnaît les exigences de l'article 199 du code de procédure pénale l'arrêt attaqué qui ne constate pas que M. X..., mis en examen, ou son conseil, aient eu la parole en dernier" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer de ce que Me Kochel, substituant Me Guimard, avocat de la personne mise en examen, a eu la parole le dernier ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 170, 171, 172, 173, 174, 194, 197, 199, 200, 206, 209, 216, 217, 593, 801 et 802 du code de procédure pénale, 3, 5, 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi ;

"aux motifs que M. X... a reçu notification de ses droits conformément au cadre légal en vigueur lors de la garde à vue dont il a fait l'objet les 28 février et 13 mars 2011 ; qu'aux termes de l'article 62 de la Constitution, que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que, dans sa décision n° 2010-14 du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a effectivement estimé que la législation française n'instituait pas des garanties appropriées au bénéfice de la personne gardée à vue, s'agissant notamment des exigences du procès équitable résultant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme quant à la notification du droit au silence et à l'assistance effective d'un avocat, mais que toutefois, faisant valoir que l'abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction et entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil en a différé les effets au 1er juillet 2011 ; qu'en effet, l'application immédiate de cette abrogation, alors même que les normes de droit positif ont été respectées par les personnes ayant concouru à la procédure, aurait pour conséquence, en nuisant à la manifestation de la vérité judiciaire, de priver la société et les victimes du bénéfice des conséquences susceptibles d'en résulter, dans une procédure, portant sur des faits d'une particulière gravité, s'agissant d'agressions sexuelles imputées à un professionnel de la santé sur des mineurs particulièrement vulnérables ; que les articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales imposent aux Etats de garantir aux victimes, par une législation pénale et procédurale adaptée, une enquête et des poursuites efficaces ; que ces exigences, non contradictoires avec le droit des personnes à un procès équitable, sont incompatibles avec l'abrogation rétroactive de dispositions de procédure pénale qui pourrait les priver de la faculté de faire valoir des éléments de preuve recueillis conformément aux textes en vigueur ; que le principe de sécurité juridique, garant de l'égalité des citoyens devant la loi, est l'un des fondements de toute société démocratique ; que la Cour européenne des droits de l'homme a considéré qu'il constituait l'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit, et corrélativement du droit à un procès équitable ; que l'absence de modulation dans le temps des effets d'une abrogation confère nécessairement à la loi, expression d'une volonté générale censée s'imposer à tous, une relativité ne permettant plus de la considérer avec sérénité comme la norme certainement applicable ; que l'article 66 de la Constitution confère à l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, la charge de faire respecter le principe, dans les conditions prévues par la loi, selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu ; qu'il résulte des articles 63 et 77 du code de procédure pénale que le procureur de la République est informé dès le début d'une mesure de garde à vue, qu'il peut ordonner que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté et qu'il lui appartient d'apprécier la nécessité du maintien de la personne en garde à vue et de l'éventuelle prolongation de cette mesure ; que les pouvoirs ainsi conférés à cette autorité judiciaire sont soumis au principe constitutionnel de proportionnalité ; que le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée s'imposant aux autorités judiciaires, a jugé conforme à l'article 66 de la Constitution les pouvoirs conférés aux magistrats du parquet, dans le cadre des enquêtes dont ils ont la charge, lors des 48 heures suivant le placement de la personne en garde à vue ; que M. X... a été présenté au juge d'instruction moins de vingt heures après la levée de sa garde à vue conformément aux dispositions de l'article 803-3 du code de procédure pénale ; que, dès lors, aucune violation de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ne peut être invoquée ; que la garde à vue de M. X..., régulièrement contrôlée par une autorité judiciaire, a été réalisée selon la législation alors en vigueur quant au régime de l'assistance d'un conseil et à celui du droit au silence, sachant que c'est seulement au stade du jugement, pour autant que la procédure fasse l'objet d'un renvoi devant la juridiction du fond, et non pas au stade de l'instruction préparatoire, que peut s'apprécier in concreto, conformément aux prescriptions de la Cour européenne des droits de l'homme, le respect du principe d'un procès équitable, selon les motifs ayant déterminé la décision ; que, dès lors, aucune nullité d'un acte ou d'une pièce de la procédure n'est encourue jusqu'à la cote D 121 ;

"alors qu'il se déduit de l'article 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute personne placée en garde à vue doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ; que les états adhérents à la Convention européenne des droits de l'homme sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que la mesure de garde à vue litigieuse, au cours de laquelle M. X... n'a pas bénéficié de l'assistance d'un avocat dès la première heure et n'a pas été avisé de son droit de garder le silence, ne saurait être annulée dès lors que cette mesure est tout à la fois antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2011 et à la date du 1er juillet 2011 fixée par le Conseil constitutionnel pour inviter le législateur à modifier les dispositions légales relatives à la garde à vue, tout en admettant que les conditions dans lesquelles cette garde à vue s'est déroulée ne sont pas conformes aux règles du procès équitable, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Vu l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'il se déduit de ce texte que toute personne placée en garde à vue doit, dés le début de cette mesure, être informée du droit de se taire ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... a été placé en garde à vue du 28 février 2011 à 9 h 15 au 1er mars 2011 à 18 h 50 avant d'être présenté à un juge d'instruction qui l'a mis en examen du chef de viols sur une mineure de quinze ans ; que, le 29 juillet 2011, il a présenté une requête aux fins d'annulation des pièces de procédure relatives à la garde à vue ainsi que de la procédure subséquente en faisant valoir, notamment, qu'il n'avait pas reçu notification de son droit de se taire dés le début de sa garde à vue ;

Attendu que, pour rejeter la requête sur ce point, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies au cours de la garde à vue étaient irrégulières, d'annuler ces actes et de procéder ainsi qu'il est prescrit par les articles 179 et 206 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 4 novembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-88498
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 04 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mar. 2012, pourvoi n°11-88498


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.88498
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