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14/03/2012 | FRANCE | N°11-17011

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 mars 2012, 11-17011


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 3 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 27 janvier 2001 à Lyon ; que deux enfants, Tibo, né le 13 avril 2003 et Tom, né le 27 décembre 2004, sont issus de leur union ; que la famille s'est installée au Chili dans le courant de l'année 2006 ; que le couple s'est séparé en avril 2008 ;

que les enfants sont revenus en France avec leur mère le 3 juin 2010 ; qu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 3 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 27 janvier 2001 à Lyon ; que deux enfants, Tibo, né le 13 avril 2003 et Tom, né le 27 décembre 2004, sont issus de leur union ; que la famille s'est installée au Chili dans le courant de l'année 2006 ; que le couple s'est séparé en avril 2008 ; que les enfants sont revenus en France avec leur mère le 3 juin 2010 ; que, par décision du 8 juin 2010, la cour d'appel de Santiago (Chili) a confirmé la décision des premiers juges et autorisé la mère et ses deux fils à sortir du territoire pour se rendre en France pour une durée de 15 jours ; que, dès son arrivée sur le territoire, Mme Y... a déposé, le 10 juin 2010, une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales français ; que, saisi directement par le père d'une demande de retour en application de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le tribunal de grande instance de Nîmes, par jugement du 7 septembre 2010, l'a débouté de cette demande ;
Attendu que, pour dire que le non-retour des enfants n'est pas illicite et débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient qu'en l'absence de décision de justice, et conformément à l'article 225, alinéa 1, du code civil chilien, la garde des enfants incombait à la mère, le refus du père de donner son autorisation à la sortie du territoire national chilien ne lui conférant pas de droit de garde au sens de l'article 3 de la Convention ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'aucune décision de justice n'était intervenue s'agissant du droit de garde, que l'article 49, alinéa 1, de la loi chilienne du 3 février 1967 soumettait, en l'absence de décision judiciaire, la sortie du territoire de l'enfant à l'autorisation de ses deux parents, et que la décision rendue le 8 juin 2010 par la cour d'appel de Santiago n'avait autorisé la sortie du territoire chilien des mineurs pour se rendre en France que pour une durée de quinze jours, de sorte que son inobservation caractérisait un non-retour illicite au sens du texte susvisé, la cour d'appel l'a violé ;
PAR SES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme Y..., épouse X..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant au prononcé de mesures propres à s'assurer le retour urgent de ses enfants, Tibo et Tom, au Chili;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que les enfants Tibo et Tom vivaient de manière régulière depuis 2006 au Chili, où ils se trouvaient scolarisés, avant de revenir en France avec leur mère le 3 juin 2010 ; qu'il s'ensuit que le droit de garde qui s'exerce à leur égard doit s'apprécier au regard des dispositions du Code civil Chilien, applicable dans le pays où ils avaient leur résidence habituelle, immédiatement avant leur départ; que l'article 225 alinéa 1er de ce Code dispose que si les parents vivent séparément, la garde des enfants incombe à la mère; que l'article 229 du même Code précise que «le père ou la mère qui n'a pas la garde de l'enfant ne serai ni privé du droit ni ne restera exempt du devoir qui consiste à maintenir avec lui une relation directe et régulière, qu'il exercera avec la fréquence et la liberté accordée avec le parent qui en la charge, ou, à défaut, avec celle que le juge estimera convenir à l'enfant» ; que l'article 49 alinéa 1er de la loi du 3 février 1967 réglant la sortie du territoire chilien énonce que « si la situation de garde de l'enfant légitime n'a pas été confiée par le juge à l'un de ses parents ou à un tiers, l'enfant ne peut sortir du territoire sans l'autorisation de ses deux parents» ; que l'application de ces dispositions légales à la situation personnelle des parties permet de retenir qu'à la date de son départ au Chili, Madame Y... exerçait seule le droit de garde à l'égard des enfants communs; que le couple s'est en effet séparé au mois d'avril 2008 et aucune décision de justice n'est intervenue depuis cette date s'agissant du droit de garde des parents, de sorte que la garde des enfants incombe à la mère, conformément aux dispositions de l'article 225 alinéa 1er du Code civil chilien;
QUE par ailleurs, il convient de relever que la décision rendue le 11 novembre 2009 et la procédure d'appel qui s'en est suivie, ne concernent qu'une demande d'autorisation judiciaire pour sortir du pays avec les enfants, présentée par Madame Y..., en l'absence précisément de décision judiciaire confiant la garde des enfants à l'un de ses parents ou à un tiers; que le départ de Madame Y... vers la France avec ses enfants, sans attendre la décision de la Cour d'appel de Santiago (effet suspensif de l'appel à l'encontre de la décision l'y autorisant) ne caractérise donc pas un déplacement illicite dès lors qu'elle était seule titulaire du droit de garde au sens de la Convention de La Haye et pouvait en conséquence changer le lieu de la résidence habituelle des enfants et le fixer en France, pays d'origine des deux parents et dans lequel vivent leurs familles respectives; que le refus du père de donner son autorisation à la sorite du territoire national chilien ne saurait lui conférer le droit de garde au sens de l'article 3 de la Convention;
QUE par ailleurs, Monsieur X... invoque la violation de son droit de visite, prétendant conserver un tel droit (potentiel) qu'il peut donc exercer à tout moment, le divorce n'ayant pas été prononcé et le droit de garde n'ayant pas fait l'objet d'une décision judiciaire (notamment par voie de l'homologation d'un accord entre les parents) permettant d'en organiser les modalités concrètes; que la Convention de La Haye prévoit en son article 21 qu'une demande visant l'organisation ou la protection de l'exercice effectif d'un droit de visite peut être adressée à l'autorité centrale d'un Etat contractant selon les mêmes modalités qu'une demande visant au retour de l'enfant; qu'aucune décision judiciaire n'est intervenue entre les parties pour assurer à Monsieur X... l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement et a fortiori l'existence d'une résidence alternée; qu'il apparaît au contraire que les relations père-enfants étaient difficiles du fait de l'attitude paternelle sans que la mère soit décrite comme faisant obstacle à ces relations; qu'il ressort des écritures de Monsieur X... qu'au contraire Madame Y..., à l'occasion de ses déplacements professionnels, confiait régulièrement les enfants au père avant que les difficultés ne surgissent entre les parties dans le courant de l'année 2009 ; que Monsieur X... ne justifie pas avoir alors sollicité une décision de l'autorité judiciaire chilienne pour obtenir un droit de visite susceptible de s'exercer dans des conditions d'apaisement, compte tenu du climat conflictuel existant au sein du couple; que la reconnaissant par la loi chilienne d'un droit de visite d'un parent non gardien (article 229 du Code civil chilien) ne constitue pas, en l'absence d'un droit de visite (réglementé judiciairement), un droit de visite dont la protection peut être poursuivie par la Convention; qu'il ressort des conclusions concordantes des parties sur ce point que Monsieur X..., ressortissant français, expatrié au Chili, n'a pas usé de cette faculté alors même qu'il déclarait « ne pas être sûr de rester au Chili» ; qu'aucune régularité selon accord amiable homologué n'en est justifiée et aucune décision de justice n'est venu réglementer son exercice ;
QU'il ressort des procédures versées aux débats que Monsieur X... ne conteste pas la compétence du juge du divorce français devant lequel il a comparu volontairement; qu'il a sollicité le renvoi de la tentative de conciliation (il n'a pas été cité selon les règles applicables pour les défendeurs résidant à l'étranger) et a sollicité l'interdiction de sortie des enfants du territoire français sans l'autorisation des deux parents, ce qui a été accepté par Madame Y... ; que dans son assignation du 26 juillet 2010, Monsieur X... n'a sollicité ni la fixation de la résidence habituelle des enfants à son domicile, ni même un droit de visite et d'hébergement sur les enfants ; que celui-ci ne conteste pas la faculté pour lui de rentrer les enfants lors de séjours en France, ainsi que Madame Y... l'a proposé dans sa requête en divorce (durée des vacances scolaires du père) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur X... ne peut se prévaloir d'aucun accord amiable ou droit de visite judiciairement fixé permettant de caractériser un déplacement ou non-retour illicites, sauf à considérer comme il le prétend qu'il « conserve un droit de visite qu'il peut exercer à tout moment », privant ainsi la notion de droit de garde de sa substance, en lui ôtant en particulier le droit de décider du lieu de la résidence habituelle des enfants qui, dans un tel contexte de droit de visite indéterminé permanent, aurait pour conséquence de le rendre intangible; qu'en l'état de ces éléments, le déplacement et le non retour illicites des enfants Tibo et Tom n'est pas caractérisé;
ALORS d'une part QU'aux termes de l'article 49 alinéa 1er de la loi du 3 février 1967 réglant la sortie du territoire chilien, « si la situation de garde de l'enfant légitime n'a pas été confiée par le juge à l'un de ses parents ou à un tiers, l'enfant ne peut sortir du territoire sans l'autorisation de ses deux parents» ; qu'en jugeant que Madame Y... pouvait quitter le territoire chilien avec ses enfants Tibo et Tom X... sans l'accord de leur père, au motif qu'elle bénéficiait en vertu de l'article 225 du Code civil chilien de la garde des enfants, quand seul le parent qui s'est vu accorder la garde des enfants par un juge peut quitter le territoire chilien avec les enfants sans l'accord de l'autre parent, la Cour a dénaturé les termes clairs et précis du texte susvisé en violation de l'article 1134 du Code civil;
ALORS d'autre part QU'en jugeant que Madame Y... pouvait quitter le territoire chilien avec ses enfants Tibo et Tom X... sans l'accord de leur père au motif qu'elle détenait le droit de garde en vertu de l'article 225 alinéa 1er du Code civil chilien, tout relevant d'une part qu'en vertu de l'article 49 alinéa 1er de la loi du 3 février 1967 réglant la sortie du territoire chilien « si la situation de garde de l'enfant légitime n'a pas été confiée par le juge à l'un de ses parents ou à un tiers, l'enfant ne peut sortir du territoire sans l'autorisation de ses deux parents» et d'autre part « qu'aucune décision de justice n'est intervenue (. ..) s'agissant du droit de garde des parents », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, desquelles il s'évinçait que Madame Y... ne pouvait quitter le territoire chilien avec ses enfants sans l'accord de leur père;
ALORS en outre QU'aux termes de l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 relative à l'enlèvement illicite d'enfants, le déplacement ou le non retour d'un enfant est illicite lorsqu'il a lieu en violation du droit de garde; que constitue un droit de garde au sens de ce texte le droit de visite d'un des parents lui conférant le droit de s'opposer à la sortie du territoire de son enfant, de sorte que le déplacement effectué en violation d'un tel droit est illicite; qu'en rejetant la demande de Monsieur X... aux fin de voir reconnaître un déplacement et un non retour illicites de ses enfants, et de statuer sur leur retour urgent, au motif qu'il n'était pas titulaire de la garde des enfants, tout en relevant qu'il bénéficiait, en vertu de la loi chilienne, d'un droit de visite lui permettant de s'opposer à leur sortie du territoire, à défaut de décision judiciaire attribuant la garde de l'enfant à la mère, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du texte susvisé;
ALORS enfin et à titre subsidiaire, QU'en matière de droits indisponibles, il appartient au juge français de mettre en oeuvre, même d'office la règle de conflits de loi, de rechercher la teneur du droit étranger et de l'appliquer, sous réserve qu'il ne soit pas contraire à l'ordre public international français; que dans toute décision le concernant, l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale, et chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec lui et respecter les liens qu'il entretient avec l'autre parent; qu'à supposer que la loi chilienne applicable au litige autorise la mère ayant la garde des enfants à quitter définitivement le territoire chilien avec eux malgré l'opposition du père détenteur d'un droit de visite à leur égard, sans autorisation judiciaire en ce sens et sans que soit pris en compte l'intérêt des enfants, la Cour d'appel, en appliquant cette loi contraire à l'ordre public international français, a violé les articles les articles 3 et 373-2 du Code civil, et l'article 3-1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 sur les droits de l'enfant.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant au prononcé de mesures propres à s'assurer le retour urgent de ses enfants, Tibo et Tom, au Chili;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... ne justifie pas avoir alors sollicité une décision de l'autorité judiciaire chilienne pour obtenir un droit de visite susceptible de s'exercer dans des conditions d'apaisement, compte tenu du climat conflictuel existant au sein du couple; qu'il ressort des pièces de procédure versées aux débats que Monsieur X... ne conteste pas la compétence du juge du divorce français devant lequel il a comparu volontairement; qu'il a sollicité le renvoi de la tentative de conciliation (il na pas été cité selon les règles applicables pour les défendeurs résidant à l'étranger) et a sollicité l'autorisation des deux parents, ce qui a été accepté par Madame Y...; que dans son assignation du 26 juillet 2010, Monsieur X... n'a sollicité ni la fixation de la résidence habituelle des enfants à son domicile, ni même un droit de visite et d'hébergement sur les enfants; que celui-ci ne conteste pas la faculté pour lui de rencontrer les enfants lors de séjours en France, ainsi que Madame Y... l'a proposé dans sa requête en divorce (durée des vacances scolaires du père) ;
ALORS d'une part QUE dans toutes les décisions qui le concernent, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale; que le juge saisi d'une demande mettant en cause un enfant ne peut statuer sans rechercher si sa décision est compatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en rejetant la demande de Monsieur X... tendant au prononcé de mesures propres à s'assurer le retour urgent de ses enfants au Chili, sans rechercher si cette mesure n'était pas de nature à préserver l'intérêt supérieur des enfants partis vivre définitivement en France avec leur mère sans autorisation judiciaire en ce sens, sans l'accord de leur père et sans qu'il en soit informé, la Cour a violé l'article 3§1 de la Convention internationale de New-York du 20 novembre 1980 relative aux droits de l'enfant ;
ALORS en outre QUE le parent dont le droit de garde ou de visite a été violé par le déplacement illicite de son enfant a le droit d'obtenir son retour immédiat, quand bien même il n'aurait pas encore saisi un juge aux fins de fixer les modalités de garde, d'hébergement et de droit de visite de cet enfant; qu'en rejetant la demande de Monsieur X... au motif qu'il n'avait pas sollicité la fixation de la résidence des enfants à son domicile ni même un droit de visite ou d'hébergement, la Cour d'appel a violé les articles premier et 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-17011
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 02 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 mar. 2012, pourvoi n°11-17011


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17011
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