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14/03/2012 | FRANCE | N°11-13930

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mars 2012, 11-13930


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2009), que M. X..., salarié de la société BNP Paribas (anciennement CFEC) depuis 1968, a demandé par courrier du 27 juin 2000 réitéré le 20 septembre 2000 le bénéfice d'un dispositif de préretraite prévu par l'entreprise dans le cadre d'un plan social ; qu'il a quitté l'entreprise en application de ce dispositif le 25 juin 2001 ; qu'il a fait l'objet d'une mesure de tutelle par décision du juge des tutelles du 18 septembre 2003, la

mesure étant confiée à son épouse ; que celle-ci a saisi le conseil de p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2009), que M. X..., salarié de la société BNP Paribas (anciennement CFEC) depuis 1968, a demandé par courrier du 27 juin 2000 réitéré le 20 septembre 2000 le bénéfice d'un dispositif de préretraite prévu par l'entreprise dans le cadre d'un plan social ; qu'il a quitté l'entreprise en application de ce dispositif le 25 juin 2001 ; qu'il a fait l'objet d'une mesure de tutelle par décision du juge des tutelles du 18 septembre 2003, la mesure étant confiée à son épouse ; que celle-ci a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à dire nul le départ en préretraite de son époux compte tenu de l'altération des facultés mentales de ce dernier au moment des actes litigieux ;
Attendu que Mme X..., agissant ès qualités d'administratrice légale des biens de son époux, fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte au sens de l'article 489 du code civil (dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2009) ne suppose pas qu'une affection ait d'ores et déjà diagnostiquée ; que Mme X..., ès qualités, avait démontré que, lorsqu'elle avait été diagnostiquée courant 2001, l'affection de démence fronto-temporale dont souffrait son époux était déjà à un stade avancé et que tous les médecins spécialistes qui avaient diagnostiqué et confirmé le diagnostic de démence fronto-temporale s'accordaient pour faire remonter la symptomatologie au minimum entre le mois de mai 2000 et le mois d'août 2000 ; que la cour d'appel, qui a constaté que le diagnostic de l'affection avait été posé courant 2001 et qu'il s'agissait d'une maladie évolutive connaissant un développement progressif sur plusieurs années, mais qui a néanmoins considéré que les dispositions de l'article 489 du code civil ne sauraient recevoir application, a violé l'article 489 du code civil dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2009 ;
2°/ que subsidiairement la nullité des actes faits par un majeur en tutelle antérieurement à l'ouverture de cette mesure de protection ne suppose pas la preuve de l'insanité d'esprit au moment où l'acte a été passé mais est seulement subordonnée à la condition que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle ait existé de façon notoire à l'époque où l'acte a été fait ; que M. X... a été placé sous tutelle aux motifs qu'il présentait une altération de ses facultés personnelles ; qu'en exigeant la preuve que M. Jacques X... ait été notoirement atteint de la maladie de Pick alors que l'application de l'article 503 du code civil supposait simplement que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle, c'est à dire l'altération de ses facultés personnelles, ait existé de façon notoire à l'époque où l'acte a été fait, la cour d'appel a violé l'article 503 du code civil dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2009 ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement constaté que les documents versés au dossier par Mme X... n'établissaient pas que son époux ait été atteint, au moment de la signature des actes concernant la préretraite, de troubles mentaux de nature à altérer son consentement, que les correspondances adressées à l'employeur à l'occasion de la demande d'adhésion au dispositif de préretraite ne faisaient pas ressortir l'existence de tels troubles et qu'aucun élément ne permettait de penser que la cause ayant en 2003 conduit à la mise sous tutelle de M. X... ait existé au moment de la signature des actes en 2000, et qu'elle ait été notoire, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour les consorts X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes tendant à voir déclarer nul le départ en préretraite de Monsieur X..., voir dire et juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'une indemnité de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, de dommages et intérêts en indemnisation de la perte d'une chance de bénéficier du statut de longue maladie et du statut d'invalidité prévu par la convention collective ;
AUX MOTIFS QUE Mme X..., es qualités, poursuit la nullité de la demande de départ en pré-retraite formulée par son mari, ensemble au visa des articles 489 et 503 du code civil ; tout d'abord, le premier de ces textes énonce : "Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. Mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. Du vivant de l'individu, l'action en nullité ne peut être exercée que par lui, ou par son tuteur ou curateur, s'il lui en a été ensuite nommé un. Elle s'éteint par le délai prévu à Varticle 1304" ; nonobstant toutes assertions contraires de l'appelante, es qualités, il ne résulte pas formellement des productions que son mari ait été atteint de la maladie de Pick, diagnostiquée à partir de 2001, lors de sa demande de mise en pré-retraite, formulée puis réitérée par courriers des 27 juin et 20 septembre 2000 ; la preuve, restant lui incomber, de l'existence d'un trouble mental avéré présenté par son époux dès cette époque n'est en effet pas même rapportée aux termes du rapport établi le 24 janvier 2007 par le Docteur Y..., dont elle se prévaut à hauteur d'appel ; pour autant, ce rapport, n'ayant aucune vocation d'expertise judiciaire, pour n'avoir été requis que par l'intéressée elle-même, es qualités, n'encourt aucune des critiques formulées à son encontre par l'intimée, et notamment pas au titre du moyen prétendument pris d'une violation du principe du contradictoire, que son auteur, intervenant à titre purement officieux, n'était en rien tenu de respecter, en sorte que sa méconnaissance est insusceptible d'emporter une quelconque sanction ; un tel rapport n'en constitue donc pas moins une pièce, parmi d'autres, du dossier, et qui, pour avoir été unilatéralement établi, en raison même de son caractère purement officieux, et au terme d'opérations n'ayant certes pas été davantage menées contradictoirement, a cependant été régulièrement produit aux débats devant de la Cour, et comme tel valablement soumis à la discussion contradictoire de la SA UCB ; force est toutefois de constater, quand bien même il n'existe aucun motif de rejeter cette pièce des débats, qu'un tel rapport, même circonstancié et documenté sur le plan médical, ne permet pas de retenir définitivement que M. X... ait présenté un trouble mental constitué lors de la présentation de sa demande de mise en pré-retraite, formulée le 27 juin, puis renouvelée le 20 septembre 2000 ; bien plus, les termes de ses deux courriers adressés à cette occasion à son employeur, dont l'énoncé des motifs ne révèle pas plus que la rédaction formelle la moindre anomalie, sont bien loin de trahir, à cette époque, aucune déficience consommée des facultés mentales de l'intéressé ; il s'ensuit que les dispositions contenues en l'article 489 précité du code civil ne sauraient recevoir application en la cause ; ensuite, et aux termes de l'article 503 du même code : "Les actes antérieurs pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits " ; pour prospérer la demande de nullité suppose ici rapportée, la preuve, ensemble, de l'existence, au moment de l'acte, de la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle, d'une altération suffisamment grave des facultés mentales de l'intéressé en étant alors résultée pour justifier l'annulation de cet acte, et de la notoriété, contemporaine de celui-ci, de cette cause ayant ensuite présidé à l'ouverture de la tutelle ; Or il s'évince en premier lieu des circonstances de l'espèce que la maladie de Pick, dont il devait certes ensuite s'avérer que M. X... était malheureusement atteint, n'a jamais été diagnostiquée par les divers spécialistes consultés que bien après sa demande de pré-retraite, et même postérieurement à son départ effectif de l'entreprise, car seulement en fin d'année 2001, puis courant 2002 ; en effet, le diagnostic de cette maladie n'était porté qu'à l'issue de différentes investigations, ayant consisté en autant d'examens médicaux, réalisés à partir du mois d'août 2001 (scanner cérébral, IRM encéphalique, exploration de ses troubles du comportement en service neurologique), puis de l'examen des débits sanguins cérébraux pratiqué fin octobre 2001, à l'issue duquel le Dr Z... confirmait, en novembre 2001, le diagnostic pressenti d'une maladie fronto-temporale, qui était ensuite, et en tant que de besoin, définitivement corroboré par le Pr A..., en août 2002 ; il est acquis aux débats que le salarié n'avait auparavant jamais fait l'objet, dans la période contemporaine de sa décision de solliciter son départ en pré-retraite, du moindre suivi médical à raison des troubles qui étaient ensuite ainsi décelés sur sa personne ; les seules modifications du comportement de M. X..., telles que relatées par voie de certificats médicaux, ou autres attestations de familiers ou proches, et en les faisant remonter, du moins pour certaines de ces pièces, à l'été 2000, ne fournissent cependant aucune indication sur l'origine ou la teneur précise, ni, surtout, quant à la gravité des changements alors constatés ; au surplus, le généraliste et médecin traitant de M, X... évoquait lui-même, en février 1998, puis 2000, des épisodes anxio-dépressifs dans un contexte de plans sociaux successifs, ayant pu expliquer une évolution du comportement de l'intéressé, constaté en 2001, et notamment marqué par une agressivité forte envers son entourage, sans toutefois permettre d'établir dès cette époque un quelconque lien avec la maladie de Pick ; par ailleurs, le médecin du travail ne devait pas plus déceler chez le salarié, y compris à la faveur d'une dernière visite intervenue le 14 novembre 2000, la moindre anomalie entrant dans ce registre comme s'analysant en des symptômes de cette maladie ; à cet égard, s'il est vrai que le médecin du travail n'est pas nécessairement le mieux placé pour poser le diagnostic d'une telle maladie, il reste qu'il aurait néanmoins été raisonnablement alerté par des symptômes ou manifestations comportementales anormaux, et aurait alors émis toutes réserves sur l'aptitude de l'intéressé, ou souhaité le revoir lors d'une seconde visite, voire l'aurait orienté vers son médecin traitant en vue de l'éventuelle consultation de tout spécialiste ; rien ne milite donc en l'occurrence en faveur de la preuve de l'existence, au moment de l'acte, de la cause ayant ensuite déterminé l'ouverture de la mesure de tutelle ; ensuite, et en deuxième lieu, la SA UCB souligne encore pertinemment qu'en tenant même pour établies les prémices de la maladie de Pick lors du départ de M. X... en pré-retraite, en juin 2001, que la preuve de la réalité de troubles mentaux suffisamment graves pour caractériser son incapacité à mesurer la portée de son départ de l'entreprise au titre de ce régime de préretraite n'en serait pas davantage rapportée ; il est en effet admis que cette maladie connaît un développement progressif sur une durée pouvant habituellement varier entre deux et quatre ans, sans présenter, dans un premier temps, aucune manifestation tangible et objective chez le sujet d'une quelconque atteinte de ses facultés intellectuelles, étant, à tout le moins au début, préservées ; il s'en déduit que, les seules difficultés initialement éprouvées par M. X... pour s'exprimer ne permettaient pas d'y déceler des signes avant-coureurs de la maladie de Pick, et ne signaient pas plus une quelconque détérioration des facultés intellectuelles du salarié ; il apparaît au demeurant que le comportement professionnel de l'intéressé n'était alors empreint d'aucune anomalie, ainsi qu'en font foi des rapports d'expertise immobilière établis en son nom en mai, juin, novembre et jusqu'en décembre 2000, au titre de son activité habituelle, même si les éditions informatiques en étant seules produites aux débats ne sont certes pas signées de sa main ; en tout état de cause, le seul constat de l'absence d'apposition de la signature de M. X... sur ces documents reste notoirement insuffisant pour en déduire, - comme l'appelante, es qualités, le soutient, sans toutefois autrement en justifier par le moindre élément ou commencement de preuve -, que de tels rapports auraient en réalité été finalisés, sinon même rédigés en leur entier, par d'autres que son mari, ayant selon elle alors été incapable de lui-même y pourvoir ; sur le fond, et alors que l'on ne saurait donc raisonnablement retenir que le salarié n'en serait pas l'auteur, ces rapports ne recèlent aucune anomalie patente allant dans le sens d'une atteinte consommée de ses facultés intellectuelles ; de surcroît, les entretiens d'évaluation de M. X... intervenus les 23 décembre 1997, 25 mars 1999, et 14 avril 2000, s'étant soldés par une appréciation globale notée A/B ou A, ("A", pour une excellente performance, au-delà du niveau requis ; "B", pour de bonnes performances, conformes au niveau requis), militent encore en faveur de l'accomplissement parfaitement correct de ses fonctions par l'intéressé ; il en est d'ailleurs ainsi, tant en 1997, qu'en 1999, puis en 2000, dès lors que la seule réserve émise en 1999 sur la fiabilité de ses travaux, - alors qualifiée "I", soit insuffisante -, ne procédait que d'un problème ponctuel, selon l'appréciation de l'autorité hiérarchique elle-même, ainsi libellée : "L'autonomie souffre cependant parfois d'1 excès de précipitation due au désir de répondre à des exigences personnelles de volume. D'où 1 manque de fiabilité dans les conclusions remises, que ce soit sur le fond comme sur la forme ", nécessitant donc une meilleure vérification et relecture, non sans ajouter d'ailleurs aussitôt : "Difficultés qui paraissent très aisées à résoudre compte tenu du niveau de compétence de l'intéressé" ; au demeurant, l'année suivante, soit le 14 avril 2000, une amélioration de ce seul point faible, intéressant la fiabilité, était consignée en ces termes : « Réalisation d'expertises respectant les impératifs de fiabilité dans les conclusions données, les objectifs en délai et en volume fixés » ; il suit de là, le manque ponctuel de fiabilité, précédemment relevé, ayant été utilement réparé l'année suivante, que l'intéressé disposait encore de toutes les ressources nécessaires pour accomplir ses tâches à la satisfaction de son employeur, sans avoir d'ailleurs jamais véritablement démérité pour ce seul motif d'une défaillance, dès lors seulement transitoire, constatée, en 1999, dans la fiabilité de ses travaux ; rien ne permet non plus à l'appelante, es qualités, d'affirmer autrement que son mari aurait été en dernier lieu confiné dans un bureau de quelque 5 m2, pour en déduire que l'employeur l'aurait ainsi "mis au placard", conscient qu'il était de ses insuffisances professionnelles, imputables à une déficience intellectuelle, dont il aurait ensuite tiré parti jusqu'à finalement le pousser à formuler sa demande de pré-retraite ; il n'est en effet pas démontré que M. X... ait jamais été spécialement contraint d'occuper un bureau d'une superficie si réduite, ni que l'employeur l'ait davantage acculé à un départ en pré-retraite auquel il n'aurait pas entendu sciemment souscrire en toute connaissance de cause, en mettant à profit une prétendue déficience de ses facultés mentales et intellectuelles dont l'existence n'est elle-même nullement établie ; la seule attestation de M. B..., ayant certes qualité d'huissier de justice à LYON, ne constitue toutefois pas, même si elle est établie sur son papier à en-tête professionnel, un acte d'huissier ayant la valeur probante attachée à un tel exploit, - du moins quant aux seules mentions y étant portées par l'officier ministériel dans l'exercice de ses fonctions et rendant compte de ses diligences et constatations personnelles -, mais ne revêt que la valeur d'une simple attestation, au sens des articles 200 et suivants du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, ainsi que le relève à bon droit l'intimée ; cette attestation, aux termes de laquelle il aurait été donné à son auteur de constater que M. X... présentait des troubles du comportement, notamment de l'élocution et de l'attention, constatés dès le 9 avril, puis le 15 octobre 1997, et s'étant ensuite sensiblement aggravés le 21 avril 2000, reste, en tant que telle, insuffisante à témoigner de l'altération effective des facultés mentales et intellectuelles de l'intéressé ; de même, la mention finale, en ce même document, du constat, le 15 octobre 1997, de l'occupation par M. X... d'un petit bureau d'environ 5 m2, sans aucun dossier devant lui, au lieu, précédemment, le 9 avril de la même année, d'un grand bureau sur lequel étaient éparpillés quelques documents, n'est pas significative, faute d'être en soi pertinente, ni même seulement corroborée par le surplus des éléments de la cause, étant même contredite par les plans des locaux versés aux débats par l'intimée, ne faisant apparaître aucun bureau d'une telle superficie ; il est en revanche constant que l'état de santé de M. X... s'est révélé véritablement préoccupant à partir du milieu de l'année 2001, à la fin de laquelle le diagnostic était posé, pour se dégrader ensuite en 2002, puis 2003, et présider à l'ouverture d'une mesure de protection en la forme d'une tutelle prononcée par jugement du 18 septembre 2003 ; enfin, et en troisième lieu, il n'est pour autant, en l'occurrence, aucune preuve de la notoriété de la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle dès la conclusion de l'acte dont l'annulation est à présent poursuivie ; la réalité, du temps de l'exercice de son activité professionnelle, d'une altération des facultés mentales et intellectuelles de l'intéressé, n'étant déjà pas à ce point évidente pour les membres de sa famille et ses proches, échappait en effet d'autant plus à l'employeur, pour lequel aucun signe ne militait en ce sens, et ce, en l'état notamment de la constante aptitude du salarié à l'issue de ses visites régulières auprès des services de la médecine du travail, dont la dernière, en date du 14 novembre 2000 ; force est ainsi de constater qu'aucune des conditions requises par l'article 503 précité du code civil n'est ici remplie, qui permette davantage sur le fondement de ce texte qu'au visa des prescriptions sus-énoncées de l'article 489 du même code de prononcer la nullité de la demande de départ en pré-retraite souscrite puis réitérée par M. X..., au motif qu'il n'aurait pas pris une telle décision en disposant de toutes ses facultés et donc en parfaite connaissance de cause ; il s'évince tout au contraire d'une attestation délivrée le 4 février 2008 par M. DE C..., indiquant : « Lors du 7ème plan social de l'UCB, la direction de l'UCB ENTREPRISES m'a indiqué que poste chargé de communication était supprimé. Elle m'a demandé de chercher une solution sur place. J'ai donc été proposer à mon voisin de bureau, M. Jacques X..., sachant qu'il était âgé de 59 ans, de me laisser son poste d'expert immobilier, ce qui lui permettait de partir en retraite sans attendre d'avoir cumulé 160 trimestres de cotisations, tout en profitant des dispositions favorables du plan social. Après quelques jours de réflexion, M. Jacques X... m'a donné son accord et c'est ainsi qu'il m'a laissé sa place début 2001 » ; la décision de l'intéressé était mûrement réfléchie ; il résulte de tout ce qui précède que le jugement entrepris, ayant à bon droit débouté Mme X..., es qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, doit être confirmé en ses entières dispositions ;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE l'article 489 du Code Civil énonce : "Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. Mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte " ; l'article 503 énonce : "les actes antérieurs (au jugement d'ouverture de la tutelle) pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits" ; en l'espèce, le premier bilan neurologique de Monsieur X... en date du 30 août 2001 fait état d'une apraxie se traduisant par des mouvements involontaires, une lecture lente aux oublis, une fluence verbale réduite et parasitée, des troubles du jugement et une perte d'initiative ; le diagnostic d'une maladie fronto temporale n'était confirmée que le 14 novembre 2001 et la requête en placement sous tutelle déposée le 27 mai 2003, que la décision de prendre sa préretraite manifestée le 27 juin 2000 a été réitérée par le salarié le 20 septembre 2000 ; aucune altération de ses facultés mentales, aucune absence de discernement ne sont invoqués pour fonder l'action en nullité ; d'ailleurs, le médecin du travail avait déclaré le 14 novembre 2000 Monsieur X... apte sans réserve ; enfin, l'entretien annuel d'évaluation du 14 avril 2000 ne fait état d'aucune difficulté professionnelle, l'appréciation d'ensemble portant la mention très bien ; l'existence d'un trouble mental n'étant nullement établi au moment de l'acte, il n'y a pas lieu à application de l'article 489 du Code Civil ; la nullité prévue par l'article 503 du Code Civil ne présente pour le juge qu'un caractère facultatif ; elle suppose la preuve de l'existence, au moment de l'acte, de la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle et la preuve du caractère notoire de cette cause ; il est constant que la maladie de PICK qui affecte Monsieur X... n'a été diagnostiquées que plusieurs mois après son départ en préretraite ; les symptômes de cette maladie se traduisent par des troubles du comportement ; à cet égard, Madame X... verse aux débats l'attestation de Maître Daniel D..., huissier de justice, établie le 13 juin 2003 qui relate un entretien le 9 avril 1997 à 11 heures avec Monsieur X... qui avait des absences, s'arrêtait brutalement de parler, le regardait fixement, le 15 octobre 1997 avait des absences et des difficultés d'élocution sérieuses et le 21 avril 2000 bégayait très fréquemment et avait des absences plus fréquentes et plus rapprochées ; cette attestation ne peut qu'être appréciée avec circonspection, étant constaté que Monsieur X... avait fait l'objet de l'entretien d'évaluation annuel ci dessus évoqué le 14 avril 2000 soit quelques jours avant le dernier entretien qu'il avait eu avec Monsieur D... ; la demanderesse ne verse aucun élément probant établissant que son mari présentait des troubles comportementaux antérieurement ou concomitamment à sa décision de prendre sa préretraite ; les différentes pièces produites par la demanderesse (certificats médicaux , attestations d'amis) font état de changements dans le comportement de Monsieur X... apparus à partir de l'été 2000 alors que sa décision était déjà prise ; en tout état de cause les symptômes de la maladie n'étaient ni franchement déclarés ni notoirement connus au mois de juin 2000, Monsieur D... ne suivant aucun traitement médical à cette époque et la Médecine du Travail l'ayant reconnu apte le 14 novembre 2000 ; il convient en conséquence de constater qu'aucune des conditions exigées par l'article 503 du Code Civil n'est démontrée et de rejeter en conséquence les demandes ;
ALORS QUE l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte au sens de l'article 489 du Code Civil (dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2009) ne suppose pas qu'une affection ait d'ores et déjà diagnostiquée ; que Madame X... es qualité avait démontré que, lorsqu'elle avait été diagnostiquée courant 2001, l'affection de démence fronto-temporale dont souffrait son époux était déjà à un stade avancé et que tous les médecins spécialistes qui avaient diagnostiqué et confirmé le diagnostic de démence fronto-temporale s'accordaient pour faire remonter la symptomatologie au minimum entre le mois de mai 2000 et le mois d'août 2000 ; que la Cour d'appel, qui a constaté que le diagnostic de l'affection avait été posé courant 2001 et qu'il s'agissait d'une maladie évolutive connaissant un développement progressif sur plusieurs années, mais qui a néanmoins considéré que les dispositions de l'article 489 du Code Civil ne sauraient recevoir application, a violé l'article 489 du Code Civil dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2009;
ALORS subsidiairement QUE la nullité des actes faits par un majeur en tutelle antérieurement à l'ouverture de cette mesure de protection ne suppose pas la preuve de l'insanité d'esprit au moment où l'acte a été passé mais est seulement subordonnée à la condition que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle ait existé de façon notoire à l'époque où l'acte a été fait ; que Monsieur X... a été placé sous tutelle aux motifs qu'il présentait une altération de ses facultés personnelles ; qu'en exigeant la preuve que Monsieur Jacques X... ait été notoirement atteint de la maladie de Pick alors que l'application de l'article 503 du Code Civil supposait simplement que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle, c'est à dire l'altération de ses facultés personnelles, ait existé de façon notoire à l'époque où l'acte a été fait, la Cour d'appel a violé l'article 503 du Code Civil dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2009.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-13930
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 mar. 2012, pourvoi n°11-13930


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13930
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