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14/03/2012 | FRANCE | N°11-10772

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mars 2012, 11-10772


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L.1232-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 28 juin 2000 n° 98-41.570) que M. X..., engagé le 19 mars 1983, en qualité de chauffeur livreur poids lourds par la société base de Chaulnes a été licencié pour faute grave le 28 octobre 1993 au motif qu'il avait détérioré un transpalette ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que si la faute de négligence ne saura

it suffire à retenir la faute du salarié, ajoutée aux précédentes, elle constitu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L.1232-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 28 juin 2000 n° 98-41.570) que M. X..., engagé le 19 mars 1983, en qualité de chauffeur livreur poids lourds par la société base de Chaulnes a été licencié pour faute grave le 28 octobre 1993 au motif qu'il avait détérioré un transpalette ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que si la faute de négligence ne saurait suffire à retenir la faute du salarié, ajoutée aux précédentes, elle constitue la violation grave et répétée des obligations résultant du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige invoquait comme motif du licenciement un seul fait fautif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que le manquement reproché au salarié dans la lettre de licenciement rendait impossible son maintien dans l'entreprise ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi sur la qualification de faute grave ;

DIT que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, pour qu'il soit statué sur les points restant en litige ;
Condamne la société base de Chaulnes aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société base de Chaulnes à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X...

MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant à ce que la Société BASE DE CHAULNES (employeur) soit condamnée à lui verser des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnités de préavis et de congés payés afférents, et de l'AVOIR en outre condamnée à verser à la Société BASE DE CHAULNES une indemnité de 600 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur X..., engagé le 19 mars 1983 en qualité de chauffeur livreur poids lourds pas la S.A. BASE DE CHAULNES a été licencié pour faute grave par une lettre du 28 octobre 1993 motivée comme suit : « Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 26 octobre 1993 en présence de Monsieur Y... et Madame Z..., nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis ni indemnité, pour faute grave et ceci pour les raisons exposées lors de cet entretien, à savoir : - faute d'avoir pris toutes les dispositions nécessaires pour protéger le matériel, vous avez détérioré un engin de manutention que l'entreprise vous avait confié pour effectuer votre travail. En effet, le samedi 9 octobre 1993, vous avez rendu à l'entreprise un transpalette complètement broyé, alors que vous l'aviez pris le matin même en parfait état de fonctionnement puisque vous avez déchargé deux livraisons avec cet engin de manutention. En conséquence, la date de rupture définitive de votre contrat de travail est fixée au jour de la première présentation à votre domicile de la présente lettre » ; que contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur X... a saisi le Conseil de prud'hommes de PERONNE de demandes indemnitaires ; que sur son appel, la Cour d'appel d'AMIENS l'a débouté de ses demandes par un arrêt confirmatif du 30 octobre 1997, lequel a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2000 ; que la Cour d'appel, saisie comme Cour de renvoi, confirme le jugement en ce qu'il a retenu l'imputabilité à Monsieur X... des dégâts constatés le 9 octobre 1993 sur le transpalette en raison d'un défaut d'arrimage ; que Monsieur A..., manutentionnaire, dans son attestation confirmée devant les juges rapporteurs, a précisé qu'il l'avait « aidé à décharger de la remorque un transpalette qui était complètement broyé et posé sur 2 ½ palettes. Monsieur X... m'a alors expliqué que le transpalette était tombé du hayon » ; que Monsieur B..., dans son attestation du 11 janvier 1995 (qu'il ne rétractera que sept ans plus tard), précise que « j'étais présent sur le quai transport, Monsieur X... Jacques a ramené un transpalette complètement broyé et a dit que la Base n'était pas à un engin près » ; que l'enquête des conseillers rapporteurs sur les lieux fait état de ce que le transpalette était gravement endommagé, de ce qu'en outre le mécanicien avait retrouvé le matériel à l'atelier le mardi en prenant son poste, matériel dont le moteur était désolidarisé du reste de l'appareil, des traces de béton figurant sur le moteur ou réducteur et sur le reste de l'appareil, le timon était tordu, et de ce qu'enfin, Monsieur Y..., responsable transports, avait déclaré qu'aucun dégât n'apparaissait dans le camion ; que l'importance des dégâts, les déclarations sus-rappelées et les constatations effectuées sur place par les conseillers rapporteurs apportent la démonstration de ce que la désolidarisation du matériel est due à sa chute du hayon suite au mauvais arrimage par Monsieur X... qui, salarié dans l'entreprise en qualité de chauffeur routier depuis 10 ans, connaissait parfaitement cette obligation de solide arrimage, étant constaté qu'il ne conteste pas que l'obligation d'arrimage lui incombe et qu'il a procédé lui-même à l'arrimage ;
ET QUE, si cette faute de négligence ne saurait suffire à retenir la faute (grave) du salarié, même si le coût de réparation a été très important pour l'entreprise (43 170,53 francs HT), ajoutée aux autres fautes précédemment commises et sanctionnées (le 7 avril 1992 pour défaut de ponctualité, le 8 décembre 1992 pour refus d'effectuer une livraison programmée, le 20 avril 1993 pour défaut de contrôle d'un chargement ayant engendré des erreurs de destination et pour avoir, lors d'un déchargement, cassé un combis d'alcool), elle constitue la violation grave et répétée des obligations résultant du contrat de travail caractérisant la faute grave ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur A... ayant déclaré que Monsieur X... lui avait dit : « Le transpalette est tombé du hayon », celui-ci soulignant avoir dit : « a dû tomber d'un hayon » ; que Monsieur X... a souligné à l'agent de trafic qui l'a reçu à son retour, avoir eu un problème, ajoutant : « Vous en saurez plus lundi » ; qu'un chauffeur livreur nous a indiqué que les transpalettes étaient dans un bon état général, mais que lui en emmenait rarement car, bien que le hayon du camion soit assez stable, il y avait toujours un risque de chute du transpalette et de ce fait, n'en prenait jamais lorsque quelqu'un serait à la réception, ceci étant connu au départ ; que Monsieur Y..., responsable transport, a affirmé qu'aucun dégât n'apparaissait dans le camion ; que le transpalette était donc amarré correctement pendant les deux convoyages ; mais que l'examen du transpalette endommagé a montré qu'il est très probable qu'il soit tombé pour être dans cet état ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QU'un motif de simple affirmation équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant que « la désolidarisation du matériel est due à sa chute du hayon suite au mauvais arrimage réalisé par Jacques X... » sans étayer ce motif par aucune preuve, les éléments de preuve par ailleurs relevés par la Cour d'appel ne faisant aucune référence à un quelconque mauvais arrimage par le salarié, et l'attestation de Monsieur Y... relevée par les premiers juges indiquant même, au contraire, que l'arrimage avait été effectué correctement, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un motif de pure affirmation équivalant à un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; que l'ensemble des éléments de preuve - tels que retenus par l'arrêt et le jugement - concernent, soit l'état du transpalette au départ de la première livraison (correct), soit son état à l'arrivée (broyé), soit encore, l'arrimage du transpalette entre les deux convoyages (correct) ;qu'en retenant la réalité d'un défaut d'arrimage imputable au salarié, la Cour d'appel qui n'a pas exigé de l'employeur qu'il démontre celle-ci, et qui l'a présumée au vu d'éléments ne concernant pas la réalité de cette faute, a violé, par refus d'application, les articles L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, si un doute subsiste, il profite au salarié ; que Monsieu X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que les éléments fournis par la Société BASE DE CHAULNES ne permettant pas d'établir la réalité du défaut d'arrimage qui lui était imputé, il existait un doute qui devait lui profiter ; qu'il avait ainsi fait valoir que les attestations produites par l'employeur s'étaient faites l'écho de ses propres paroles en ce qui concerne l'état du transpalette à l'arrivée à l'entreprise, tandis que l'attestation de Monsieur C... produite par lui établissait avec certitude, s'agissant du réceptionnaire chez le client qui avait été le témoin direct des déchargements, d'une part, que le transpalette « fonctionnait mais pas normalement », et d'autre part, qu'« à aucun moment il n'était tombé du camion ou du quai ou n'avait subi de choc violent » ; que Monsieur X... avait ajouté, dans les écritures précitées, en ce qui concerne cette attestation, qu'en réalité, compte tenu de l'état du transpalette de l'entreprise, il avait dû utiliser celui du client, le premier ayant été correctement rangé et sanglé dans la remorque, et qu'en outre cette attestation devait être rapprochée de celle de Monsieur Y... qui avait affirmé aux conseillers rapporteurs qu'aucun défaut ne transparaissait dans le camion, ce qui excluait toute négligence de la part de Monsieur X... dans l'arrimage du matériel qui avait été tout à fait correctement sanglé ; que l'exposant avait invité la Cour d'appel à déduire de ces éléments de fait et de preuve que le transpalette, qui avait par ailleurs été utilisé par d'autres salariés au cours de diverses manipulations, avait pu être endommagé antérieurement à sa propre utilisation lors du premier trajet, ce qui expliquait son fonctionnement défectueux, éventuellement en tombant d'un hayon, et que ce matériel avait finalement cassé au cours du transport suite aux secousses inhérentes à celui-ci, malgré son arrimage correct, et s'était ainsi trouvé à l'arrivée avec le moteur désolidarisé, sans que la moindre négligence ne puisse lui être reprochée ; que le salarié avait fait valoir l'existence d'un doute quant à la version des faits fournie par l'employeur ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait Monsieur X..., s'il ne subsistait pas un doute devant lui profiter au vu des éléments qu'il avait fournis, et plus particulièrement au vu de l'attestation de Monsieur Y... indiquant que l'arrimage avait été correct, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1, alinéa 2, du Code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'une même faute ne peut être sanctionnée deux fois ; qu'en retenant à titre de motif de licenciement des fautes déjà sanctionnées antérieurement, les 7 avril 1992, 8 décembre 1992 et 20 avril 1993, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1131-1 du Code du travail ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en relevant que, si le défaut d'arrimage constitue une négligence ne pouvant être imputée à faute grave, cette faute à laquelle il convient d'ajouter les autres fautes précédemment commises et sanctionnées les 7 avril 1992, 8 décembre 1992 et 20 avril 1993, constituait la violation grave et répétée des obligations résultant du contrat de travail caractérisant la faute grave, quand la lettre de licenciement reprochait uniquement au salarié le défaut d'arrimage du transpalette à l'exclusion de toute autre faute, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en s'abstenant de rechercher en quoi les fautes qu'elle avait reprochées au salarié, tirées, en premier lieu, d'un défaut d'arrimage d'un transpalette, et en deuxième lieu, d'un défaut de ponctualité, d'un refus d'effectuer une livraison programmée, et enfin d'un défaut de contrôle d'un chargement, avait rendu impossible l'exécution du contrat de travail, y compris pendant la durée limitée du préavis, la Cour d'appel a, de nouveau, violé par refus d'application les articles L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-10772
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 mar. 2012, pourvoi n°11-10772


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10772
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