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07/03/2012 | FRANCE | N°11-80763

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mars 2012, 11-80763


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Bertrand X...,
- Mme Catherine Y..., épouse X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 17 juin 2010, qui les a condamnés, chacun, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, le premier, pour abus de biens sociaux, faux et usage, la seconde, pour falsification de chèques, usage et recel, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire

commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassatio...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Bertrand X...,
- Mme Catherine Y..., épouse X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 17 juin 2010, qui les a condamnés, chacun, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, le premier, pour abus de biens sociaux, faux et usage, la seconde, pour falsification de chèques, usage et recel, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63-4, alinéa 1er, du code de procédure pénale, 591, 593 et 802 du même code, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, après avoir constaté la nullité de la procédure de garde à vue d'un chef d'entreprise (M. X..., le demandeur) et des pièces subséquentes, l'arrêt attaqué a déclaré réguliers les procès-verbaux 2006/705/47, /50, /53, /54, /58 et /59 ainsi que le mandement de citation à l'audience correctionnelle, considérant que ceux-ci trouvaient leur support dans des actes antérieurs ;

"alors que l'annulation de la mesure de garde à vue d'un mis en cause ainsi que celle des actes subséquents, prononcée pour absence d'avocat au cours de la mesure de garde à vue, s'étend nécessairement à la citation, lorsque celle-ci trouve son origine dans l'enquête diligentée, dans les auditions des personnes mises en cause et dans les déclarations des témoins, lesquelles ont toutes été annulées, quand bien même ces personnes n'ont jamais été entendues à un autre moment ; qu'en présumant que le mandement de citation n'était pas affecté par la nullité de la mesure de garde à vue et de toutes les déclarations des personnes entendues, bien qu'il eût reposé uniquement sur ces éléments viciés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations" ;

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, la cour d'appel, qui a annulé la garde à vue du prévenu et les pièces subséquentes dont elle était le support nécessaire, s'est conformée tant au droit conventionnel invoqué qu'aux dispositions des articles 63-4 et 802 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2-1 du protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, article préliminaire du code de procédure pénale, 496, 520 et 591 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, après avoir confirmé le jugement entrepris sur la nullité de la procédure de garde à vue et des actes subséquents, à l'exception des procès-verbaux 2006/705/47, /50, /53, /54, /58 et /59 et du mandement de citation à l'audience correctionnelle, l'arrêt attaqué l'a infirmé sur la culpabilité et sur la peine des prévenus, puis a déclaré le chef d'entreprise (M. X..., demandeur) coupable d'abus de biens sociaux, de faux et d'usage de faux, et son épouse (Mme X..., également demanderesse) coupable de tous les faits reprochés, avant de les condamner chacun à la peine de trois mois d'emprisonnement assortie du sursis ;

"alors que la règle du double degré de juridiction reprise à l'article 2 du protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et affirmée dans la décision du Conseil constitutionnel du 19-20 janvier 1981, constitue un principe substantiel auquel il ne peut être dérogé que par des exceptions législatives strictement interprétées ; que les dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale, qui imposent l'évocation lorsque le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée des formes prescrites par la loi à peine de nullité, sont écartées lorsque le jugement confirmé en appel a uniquement statué sur une exception de nullité sans se prononcer sur le fond ; qu'en omettant de renvoyer l'affaire devant le premier juge et en infirmant le jugement sur la déclaration de culpabilité et sur la peine qui n'avaient pas été précédemment examinées, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés" ;

Attendu que les juges du second degré, après avoir, à bon droit, annulé la mesure de grade à vue et les pièces subséquentes dont elle était le support nécessaire, ont évoqué et statué au fond, en application de l'article 520 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte susvisé, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 121.3 du code pénal, L. 242-6 3° et suivants du code de commerce, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un chef d'entreprise (M. X..., le demandeur) coupable d'abus de biens sociaux et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement assortie du sursis ;

"aux motifs que M. X... a expliqué une partie des faits par des erreurs d'imputation en raison de ce que les comptes de l'entreprise et ses comptes personnels étaient ouverts dans la même agence bancaire ; qu'il s'agissait, en l'espèce, de trois encaissements de 6 212,06 euros, de 250 euros et de 227,24 euros et qu'il en allait de même pour les versements Eurodisney et des frais de publicité ; que, par ailleurs, l'utilisation indue d'une comptable de la SAS au profit des SCI n'était pas réellement contestée ; que, s'agissant des remboursements de frais kilométriques, les explications de M. X... liées à des seuils à ne pas dépasser dans un contrat de leasing n'apparaissaient guère convaincantes au vu des témoignages recueillis, pas plus que celles concernant la somme de 13 400 euros ; qu'en ce qui concernait les sommes versées à M. Z..., M. X... invoquait à présent une transaction visant à solder des heures supplémentaires non rémunérées et réclamées par celui-ci : la faible durée du contrat et son caractère de contrat à temps partiel ne convainquaient pas de la véracité de cette justification, faisant suite à une argumentation précédente en première instance invoquant le versement d'indemnités de licenciement, quand M. Z... était titulaire d'un contrat à durée déterminée ; qu'au vu des témoignages recueillis et des dernières explications à hauteur d'appel, les éléments constitutifs des infractions étant réunis, il convenait de retenir le prévenu dans les liens de la prévention s'agissant des faits d'abus de biens sociaux ;

"alors que le délit d'abus de biens sociaux est une infraction intentionnelle qui suppose la preuve de la volonté de la commettre ; qu'en se bornant à indiquer que les explications du prévenu n'étaient pas suffisantes pour convaincre le juge de la véracité de ses explications, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de la loi et a privé sa décision de tout motif ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 121.3 et 441-1 du code pénal, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un chef d'entreprise (M. X..., le demandeur) coupable de faux et d'usage de faux et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement assortie du sursis ;

"aux motifs que, s'agissant des falsifications du bail, l'examen des pièces montrait que l'infraction était établie, de même que celle d'usage de ce document falsifié ; qu'au vu des témoignages recueillis et des dernières explications à hauteur d'appel, les éléments constitutifs des infractions étant réunis, il convenait de retenir le prévenu dans les liens de la prévention s'agissant des faits de faux et d'usage de faux ;

"alors que les délits de faux et d'usage de faux sont des infractions intentionnelles qui supposent la preuve de la volonté de commettre l'infraction ; qu'en se bornant à indiquer que l'examen des pièces montrait que les infractions de faux et d'usage de faux étaient établies, sans autrement préciser sur quels éléments elle se serait fondée pour considérer que les falsifications alléguées étaient volontaires, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a reconnu le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fonds des faits et circonstances de la cause ainsi que les éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 121-1 et 321-1 du code pénal, L. 654-1 et L. 654-2 2° du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoirs, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'épouse (Mme X..., la demanderesse) d'un chef d'entreprise coupable de tous les faits reprochés, dont celui de recel de chèques issus de la banqueroute commise par le mari et l'a condamnée à la peine de trois mois d'emprisonnement assortie du sursis ;

"alors que le délit de recel de choses n'est caractérisé que si la chose détenue provient d'un crime ou d'un délit initial, dûment constitué ; que la décision de relaxe du chef du délit de banqueroute par détournement d'actif, prononcée au bénéfice du dirigeant de la société, faute d'élément matériel établi, excluait toute qualification consécutive du délit de recel de chèques provenant du délit de banqueroute susvisé, l'infraction initiale ne pouvant être commise que par le dirigeant de la société en état de redressement judiciaire ; qu'en déclarant l'épouse coupable du délit de recel de chèques issus du délit de banqueroute pour lequel le mari avait été relaxé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de pouvoir" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'après avoir relaxé M. X... du chef de banqueroute aux motifs que les faits niés par lui n'étaient pas établis au vu des pièces non annulées, l'arrêt, pour condamner Mme X... du chef de recel de ce délit, se borne à énoncer qu'elle a reconnu les faits tant devant le tribunal que devant la cour d'appel ;

Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas l'infraction originaire dont elle aurait bénéficié, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

I - Sur le pourvoi de M. X... :

Le REJETTE ;

Il- Sur le pourvoi de Mme X... :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 17 juin 2010, en toutes ses dispositions relatives à Mme X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 3 000 euros la somme que M. X... devra payer à Me A..., es qualités de Iiquidateur judiciaire de la société Agence ABP ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande formée de ce chef à l'encontre de Mme X... ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-80763
Date de la décision : 07/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 17 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mar. 2012, pourvoi n°11-80763


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.80763
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