LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que la société Raffinerie des Flandres est une filiale de la société Total raffinage marketing venant aux droits de la société Total France, formant, avec les sociétés Total lubrifiants, Total fluides et Total additifs et carburants spéciaux, l'unité économique et sociale " Aval " du groupe Total ; que l'UES est doté d'un comité central d'entreprise et de comités d'établissements, dont l'un au sein de la société Raffinerie des Flandres ; que le 7 septembre 2009, le directeur de la raffinerie a informé le comité d'établissement de sa décision d'arrêter temporairement les unités de production, pour des raisons liées à la conjoncture économique ; que les opérations ont été conduites entre le 12 et le 14 septembre suivant ; que la procédure d'information/ consultation sur le projet de reconversion de la raffinerie en un établissement industriel et technique au service des autres établissements a été engagée le 8 mars 2010 et s'est terminée le 17 juin pour le comité central d'entreprise et le 24 juin 2010 pour le comité d'établissement ; que le 25 mars 2010, le comité central d'entreprise de l'UES, le comité d'établissement de la société Raffinerie des Flandres ainsi que Ies syndicats Sud, CGT et CGT FO ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins que soit ordonnée, sous astreinte, la reprise de la production en vue de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant des décisions de fermeture provisoire puis définitive de l'activité de raffinage sans consultation préalable du comité central d'entreprise et du comité d'établissement ; que cent soixante et un salariés sont intervenus volontairement à la procédure ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise de l'activité de raffinage de la Raffinerie des Flandres dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte, alors, selon le moyen, que si le juge des référés a le pouvoir d'ordonner la mesure qui lui paraît la plus appropriée pour faire cesser le trouble, encore faut-il qu'il caractérise l'adéquation de cette mesure au but poursuivi, et donc sa nécessité ; qu'en considérant que la fermeture provisoire puis définitive de l'établissement de la Raffinerie des Flandres, sans consultation préalable du comité central d'entreprise de l'Ues Aval et du comité d'établissement de la Raffinerie des Flandres, étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite imputable à la société Total raffinage marketing et à la société Raffinerie des Flandres, pour en déduire qu'il convenait d'ordonner la reprise de l'activité de raffinage de la Raffinerie des Flandres dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée, sans même caractériser l'adéquation de cette mesure au regard du trouble résultant de l'absence de procédure de consultation du comité d'entreprise, et partant sa nécessité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la juridiction des référés peut ordonner la suspension des effets d'une mesure prise par l'employeur sans consultation préalable du comité d'entreprise, lorsque celle-ci est obligatoire ; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Mais sur le moyen unique pris en sa seconde branche :
Vu l'article 809 du code de procédure civile ;
Attendu que pour ordonner sous astreinte la reprise de l'activité de raffinage, l'arrêt retient que si la décision de suspendre le raffinage était formellement provisoire dès lors que la reprise était toujours possible, l'arrêt de la production les 12 et 14 septembre 2009, confirmé par l'abandon des opérations de " grand arrêt " en janvier 2010, constituaient une décision qui n'était pas conjoncturelle et provisoire, mais une mesure de nature à affecter le volume et la structure des effectifs, ainsi que les conditions d'emploi et de travail, imposant la mise en oeuvre de la procédure d'information/ consultation, que l'absence de consultation, en amont de cette décision, était constitutive d'un trouble manifestement illicite auquel seule la reprise de l'activité de raffinage était de nature à mettre fin ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les procédures d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel avaient été conduites à leur terme lorsqu'elle s'est prononcée, en sorte qu'une mesure de suspension des effets de la décision de l'employeur était devenue sans objet, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la reprise de l'activité de raffinage de la Raffinerie Flandres dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision sous astreinte de 100 000 € (cent mille euros) par infraction constatée et s'est réservé la connaissance de toute difficulté susceptible de survenir dans l'exécution de l'arrêt et la liquidation de l'astreinte, l'arrêt rendu le 30 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme l'ordonnance de la juridiction des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque du 22 avril 2010 ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour la société Total raffinage marketing et la société Raffinerie des Flandres.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que les décisions de fermeture provisoire puis définitive de l'établissement de la Raffinerie des Flandres sans consultation préalable du comité central d'entreprise de l'Ues Aval et du comité d'établissement de la Raffinerie des Flandres étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite imputable à la société Total Raffinage et Marketing et à la société Raffinerie des Flandres, et d'avoir ordonné la reprise de l'activité de raffinage de la Raffinerie des Flandres dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 000 € par infraction constatée ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 2323-6 du Code du travail dispose que le comité d'entreprise est consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail ou de formation professionnelle ; que l'article L. 2327-2 du Code du travail dispose que le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les pouvoirs du chef d'établissement, il est informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise ; que le protocole d'accord GPCE signé entre les organisations syndicales représentatives et les sociétés de l'Ues Aval du groupe Total le 21 décembre 2007, prévoit une consultation annuelle du comité central d'entreprise chaque mois de décembre portant sur la stratégie de l'entreprise, la fourniture préalable d'un dossier comportant les informations générales utiles et exposant les orientations stratégiques projetées sur une période de 5 ans, il détaille en outre les modalités d'information et de consultation en cas d'adaptation importante comportant des suppressions de postes ; que l'interruption temporaire de la production de la production de la raffinerie des Flandres a été annoncée par un communiqué interne du groupe Total dès le 3 mars 2009 ; que les raisons en sont exposées, notamment la situation très déprimée du marché local ; les modalités en sont précisées « les manoeuvres d'arrêt débuteront le 12 septembre prochain (...) les collaborateurs de la raffinerie continueront de travailler sur le site et de percevoir leur rémunération (...) La raffinerie espère redémarrer le plus vite possible, dès que les conditions du marché le permettront » ; que les opérations d'interruption de la production ont été conduites du 12 au 14 septembre ; que le comité d'établissement en était informé le 7 septembre 2009 ; qu'aux élus qui affirmaient que la décision n'émanait pas du directeur du site, ce dernier, Monsieur X..., a répondu que l'arrêt était conjoncturel, qu'il ne s'agissait pas d'une réponse à un problème structurel ; que les 3 décembre 2009 et 20 janvier 2010 le comité central d'entreprise de l'Ues Aval se réunissait pour la consultation annuelle portant sur la stratégie de l'entreprise ; que les élus du syndicat Sud rappelaient que les salariés de la Raffinerie des Flandres étaient en grève depuis le 5 janvier ; que Monsieur A..., président de l'Ues rappelait qu'un comité central d'entreprise était appelé à examiner cette situation ; que le 1er février 2010, devant le comité central d'entreprise, Monsieur A... évoquait la situation de la Raffinerie des Flandres ; qu'il soulignait qu'il n'est pas encore question d'information/ consultation car l'information nécessaire n'était pas complètement disponible, les éléments dont il disposait ne le satisfaisant pas ; qu'il s'agissait donc simplement d'envisager la situation et l'avenir de la raffinerie et de mettre en place un calendrier de travail ; qu'il précisait que le « grand arrêt » n'aurait pas lieu, « en tout cas pas à la date prévue » ; qu'il convient de préciser que la raffinerie de Flandres étant classée « site Seveso seuil haut », elle est soumise à une inspection de ses installations devant intervenir tous les 6 ans appelée « grand arrêt » ; que la dernière inspection remontant à octobre 2004, il est impératif que les opérations soient effectuées avant octobre 2010, faute de ne plus disposer de l'autorisation d'exploitation ; que le 2 février le groupe Total diffusait un communiqué de presse aux termes duquel si tous les scénarios étaient encore possibles, il n'était pas question que la raffinerie continue de traiter du pétrole brut ; qu'il était par ailleurs annoncé que les travaux du « grand arrêt » ne seraient pas réalisés et que le groupe avait proposé la création d'un centre d'assistance technique ainsi que d'une école de formation ; que le 3 février 2010, se tenait une réunion extraordinaire du comité d'établissement dans un climat social tendu, les salariés étant en grève depuis près d'un mois ; que le procès verbal de cette réunion n'a pas été approuvé par Monsieur X... ; qu'il a été établi par les élus d'après leurs notes ; qu'au titre des interventions du directeur d'établissement, sont mentionnées les déclarations suivantes « La création du centre de formation et d'assistance technique correspond à un besoin identifié dans le groupe (...), sa création à Flandres a été actée au travers d'un communiqué de presse, son emplacement est justifié à Flandres pour maintenir la présence de Total dans le Dunkerquois et pour utiliser la compétence des salariés » ; qu'il est relevé en fin de document que le président note que le grand arrêt ne se fera pas et qu'un redémarrage n'est pas envisagé ; que lors de la session extraordinaire du comité central d'entreprise du 8 mars 2010, Monsieur Y..., membre de l'équipe de direction de l'Ues Aval réaffirmait que le « grand arrêt » n'aurait pas lieu ; qu'il exposait que les études relatives au maintien d'une activité de raffinage sur le site des Flandres avaient été conduites selon quatre scénarios dont aucun n'améliorait la situation actuelle ; que le projet de la direction était exposé ; qu'il consiste en la transformation de la raffinerie en un établissement industriel et technique au service des autres établissements du groupe avec trois activités permettant d'assurer 240 emplois : un centre d'assistance technique pour les opérations de raffinage ; une école de formation aux métiers techniques du pétrole ; une plate-forme logistique pour l'approvisionnement de la région ; que la direction du groupe évoquait, lors de cette réunion, la création de 420 postes de travail ; que toutefois il ressort du document intitulé « projet de mesures sociales d'accompagnement » transmis au CCE le 8 mars, qu'il s'agit bien de 240 postes créés, les 180 autres étant assurés par mutation dans une autre raffinerie du groupe (80 postes) ou dans d'autres structures (30 postes), par un départ dans le cadre d'un dispositif « DACAR » (20 personnes), les 50 deniers emplois étant espérés par la création d'un terminal, méthanier avec Edf, dans lequel le groupe Total aurait une participation de 10 % et qui a fait l'objet d'une lettre d'intention – la décision finale étant subordonnée à l'accord de l'ensemble des investisseurs ainsi qu'à l'obtention des autorisations administratives ; qu'il ressort de ce rappel chronologique que la procédure de consultation du comité d'entreprise, prévue par la loi et par l'accord GPCE, qui s'imposait dans la mesure où le projet de reconversion de la raffinerie Flandres a une incidence sur l'emploi puisque 124 postes sont appelés à disparaître ainsi que sur que les conditions de travail compte tenu du changement d'activité, a été engagée le 8 mars 2010 ; que la direction de l'Ues Aval du groupe Total ne le conteste pas et soutient que le choix de cette date est légitime dans la mesure où la décision d'interrompre la production n'était que provisoire, conjoncturelle et qu'elle ne relevait que de la responsabilité du chef d'établissement » et qu'« il apparaît cependant que si la décision de suspendre le raffinage pouvait être prise par le directeur de l'établissement, elle était explicitement revendiquée par Monsieur A... qui déclarait le 8 mars 2010 « Je vous garantis que quand nous avons interrompu les opérations mi-septembre, nous étions, Monsieur Y...et moi dans la même situation que celle qui prévalait lorsque nous avons décidé d'arrêter Fort Arthur au mois d'avril » ; que si cette décision était formellement provisoire en ce que la reprise de la production était toujours possible, le rapport d'inspection du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement du Nord-Pas-de-Calais en date du 12 mars 2010 en atteste en ce qu'il précise que « les installations ont été disposées depuis le 12 septembre 2009 dans la configuration d'un démarrage potentiel en 48 heures », les motifs qui en ont été donnés lors de la réunion du 8 mars, au-delà de simples difficultés conjoncturelles, sont de nature structurelle. Ainsi Monsieur A... exposait-il le 8 mars « Dans les 12 mois qui ont précédé l'interruption de la production à Flandres, plus de 50 % de la production de cette raffinerie ne trouvait pas preneur, le problème essentiel de Flandres n'est pas un problème d'investissement mais que l'hinterland de cette raffinerie est de deux millions et demi de tonnes. Or une raffinerie de 2 millions et demi de tonnes efficace n'existe pas, c'est un fait, il n'y a pas moyen d'y échapper » ; que par ailleurs le document intitulé « projet d'évolution de l'établissement de Flandres » communiqué le 8 mars 2010 étudie le maintien d'une activité de raffinage suivant quatre scénarios, mais cette hypothèse est écartée au motif qu'ils conduisent tous à une dégradation de la marge sur coûts variables ; qu'enfin la décision de mettre un terme aux préparatifs du « grand arrêt », dans le courant du mois de janvier en résiliant les contrats passés avec, les prestataires extérieurs, alors même qu'en l'absence de cette procédure, la raffinerie allait être privée de son autorisation de produire dès le mois d'octobre, confirme que l'éventualité d'une poursuite de l'activité de raffinage sur le site n'était plus envisagée dès cette date ; que ces observations imposent de retenir que l'arrêt de la production de la raffinerie de Flandres du 12 au 14 septembre 2009, confirmé par l'abandon des opérations de « grand arrêt » courant janvier constituait non une décision conjoncturelle et provisoire mais bien une mesure de nature à affecter le volume et la structure des effectifs ainsi que les conditions d'emploi et de travail, au sens de l'article L. 2323-6 du Code du travail et de la directive 2002/ 14/ CE du parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, prévoyant, en son article 4, que l'information et la consultation recouvrent « les décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou clans les contrats de travail » ; qu'il en résulte qu'en ne soumettant pas cette mesure à la consultation préalable du comité d'entreprise de l'Ues ainsi que du comité d'entreprise de l'établissement dans les conditions prévues par la loi et par l'accord GPCE, la direction a généré un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle statue en ce sens ; qu'en revanche, la reprise de l'activité de raffinage est seule de nature à mettre fin au trouble ainsi caractérisé ; qu'il y a lieu en conséquence d'ordonner cette reprise, sous astreinte de 100 000 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « les sociétés Total Raffinage Marketing et Raffinerie des Flandres affirment que les marges dégagées par l'activité de raffinage se sont dégradées ; qu'elles ont été divisées par quatre entre le deuxième trimestre de l'année 2008 et le deuxième trimestre de l'année 2009 et se sont de même, ensuite, révélées déficitaire à hauteur de 100 000 millions d'euros par mois ; que plusieurs raffineries contrôlées par Total Raffinage Marketing ont ainsi connu divers déboires ; que celle de Port Arthur (Etats-Unis d'Amérique) a été arrêtée pendant un mois au cours de l'année 2009 ; que celle de Lindsey (Royaume-Uni) a connu un sort similaire au cours de l'été dernier ; que d'autres raffineries françaises ont été amenées à réduire leur production et que la société la Raffinerie des Flandres a été amenée, dans ces circonstances, à suspendre temporairement son activité de raffinage dans l'attente d'une reprise durable dont les conditions ne se sont pas, jusqu'à ce jour, présentées ; que les sociétés défenderesses prétendent plus précisément que la Raffinerie des Flandres, dont la capacité de raffinage est de l'ordre de 7 millions de tonnes par an, présente une capacité de production modeste ; qu'elle ne pouvait plus couvrir les frais qu'elle engageait, avoisinant 120 millions d'euros l'an, bénéficiait d'un marché intérieur d'écoulement de sa production limité à la région Nord-Pas de Calais et au Nord de la région île de France et exposait une perte de 60 millions d'euros depuis le début de l'année 2010 ; que le directeur de la société de la Raffinerie des Flandres se bornait à annoncer au comité d'établissement, le 7 septembre 2009, sa décision d'arrêter temporairement les unités de production à compter du 14 septembre suivant en ajoutant que les salariés devaient se tenir prêts à reprendre rapidement l'activité ; que la persistance de cette situation et le mouvement de grève initié le 12 janvier 2010 amenaient le directeur des ressources humaines du groupe Total, François Viaud, à rassembler les organisations syndicales représentatives les 21 et 23 février 2010 et à indiquer, notamment, que le comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale Aval se réunirait le 8 mars 2010 afin de présenter les programmes d'investissements susceptibles d'être réalisés au cours des cinq prochaines années et d'amorcer une réflexion sur l'évolution des activités de la Raffinerie des Flandres devant aboutir au mois de juin 2010 en s'engageant à ce qu'il n'ait aucune fermeture ou cession d'une autre raffinerie au cours de cette même période ; que les sociétés défenderesses soutiennent encore que le personnel de la Raffinerie des Flandres n'a nullement été invité à ne plus se présenter sur son lieu de travail, même n'assurait plus, en substance, que des tâches de surveillance des installations, de sécurité et de maintenance nécessitant la constitution complète d'équipes de quart et la présence les personnels de jour ; que le report du « grand arrêt » des installations, destiné à permettre la surveillance minutieuse des équipements de production imposée par la loi, prévu initialement au cours du mois de mars 2010, s'analyse enfin comme une mesure provisoire qui ne préjuge en rien du sort réservé au site ; que cependant que les dispositions de l'article L. 2323-6 du Code du travail imposent l'information et la consultation préalable du comité d'entreprise sur toutes les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle ; que dans les sociétés composant l'unité économique et sociale Aval qui regroupe notamment les activités de raffinage et de distribution du groupe Total, des comités d'établissement et un comité central d'entreprise ont été constitués ; que dans cette configuration, le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement et doit ainsi, informer et consulter sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise, conformément aux prescriptions de l'article L. 2327-2 du Code du travail ; que le protocole d'accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences signé entre les organisations syndicales représentatives et les sociétés de l'unité économique et sociale Aval le 21 décembre 2007 prévoyait à cet égard une consultation annuelle du comité central d'entreprise chaque mois de décembre sur la stratégie de l'entreprise, la fourniture préalable, un mois auparavant, d'un dossier comprenant deux parties l'une relative à l'environnement économique de l'activité de raffinage mentionnant l'évolution du marché mondial des produits pétroliers, la présentation des grands équilibres mondiaux, la description de l'état des entreprises concurrentes et l'impact éventuel de nouvelles réglementation ; l'autre concernant les orientations stratégiques projetées sur une période de cinq ans précisant la politique d'investissements, les grands projets envisagés ainsi qu'un certain nombre de données sociales indiquant notamment les prévisions d'évolution des effectifs pour l'année en cours et les deux années suivantes ; que ce protocole d'accord prévoyait par ailleurs, en page quatre, l'information subséquente des comités d'établissements des orientations stratégiques de l'entreprise et, même, leur consultation lorsque la mise en oeuvre de ces orientations était susceptible d'influencer l'organisation, la gestion ou la marche générale de l'établissement ; que de surcroît ledit protocole détaillait précisément les modalités d'information et de consultation du comité central d'entreprise en cas d'adaptation importante comportant des suppressions de poste et concernant plusieurs établissements ; qu'il envisageait ainsi, en pages 15 à 18, la tenue d'une première réunion de présentation, dénommée C. C. E. 0, au cours de laquelle était remise une documentation expliquant les raisons de la réorganisation envisagée ainsi qu'un projet de plan de sauvegarde de l'emploi ; que la tenue dans un délai minimal de 40 jours d'une deuxième réunion dite C. C. E 1 dédiée à la présentation détaillée du projet ; que l'organisation d'une troisième réunion, C. C. E. 2, réservée à la présentation des conclusions des rapports des experts éventuellement désignés par le comité central d'entreprise ; que la présentation, au cours d'une quatrième réunion C. C. E. 3, des comptes rendus des commissions économiques et emplois constituées au sein du comité ; que l'information et la consultation, après les troisième et quatrième réunions, des comités d'établissements concernés ; qu'il s'ensuit que l'obligation légale d'information et de consultation préalable s'appliquait autant au comité central d'entreprise qu'au comité d'établissement de la Raffinerie des Flandres ; qu'en l'espèce, le comité central d'entreprise et le comité d'établissement de la Raffinerie des Flandres n'apparaissent pas avoir été préalablement informés et consultés sur la décision de fermer temporairement les unités de production de la Raffinerie des Flandres alors que cette décision, annoncée aux termes d'un communiqué interne diffusé par la direction des ressources humaines de la société Total Raffinage Marketing le 3 septembre 2009, était prise pour une durée indéterminée et qu'elle concernait à l'évidence, en raison de son ampleur, la marche générale de l'entreprise, s'inscrivant de surcroît dans un contexte économique défavorable mais prévisible marqué par la fermeture pendant le mois de mars de l'année 2009 de la raffinerie texane de Port Arthur aux Etats-Unis, de celle de Lindsey au Royaume-Uni entre le 4 août 2009 et le 3 septembre 2010 et de celle d'une unité de distillation atmosphérique en Normandie, le 5 août 2009, toutes appartenant au groupe Total ; que la société de la Raffinerie des Flandres et la société Total Raffinage Marketing ne peuvent à cet égard, affirmer avoir rempli leur obligation pour l'une, le 7 septembre 2009, à l'occasion d'une réunion du comité d'établissement de la raffinerie des Flandres et pour l'autre, tardivement, le 3 décembre 2009, lors d'une réunion ordinaire du comité central d'entreprise, dès lors qu'il ne ressort pas des extraits des procès verbaux versés au débat qu'elles ont remis aux membres élus de ces organismes les pièces justificatives leur permettant d'asseoir une conviction et de fournir un avis motivé sur la pertinence du projet de fermeture provisoire, les salariés se trouvant cantonnés, l'essentiel, à des activités de sécurité et de maintenance des installations ; que le comité central d'entreprise et le comité d'établissement de la Raffinerie des Flandres n'apparaissent pas, ensuite, avoir davantage été préalablement informés et consultés sur la décision d'arrêter définitivement l'activité principale de raffinage de pétrole brut de cette dernière ; qu'en effet, le premier février 2010, Michel A..., directeur général de la société Total Raffinage Marketing, déclarait, à l'occasion de la réunion du comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale Aval qu'il présidait, qu'il ne disposait pas encore des éléments lui permettant de donner une information complète et de consulter le comité sur le sort de la Raffinerie des Flandres, il affirmait le contraire dans un communiqué de presse diffusé par le groupe Total le 2 février 2010 et repris ensuite par l'Agence France presse dans une dépêche du 8 février 2010 dans laquelle il déclarait que « tous les scénarios sont encore possibles mais il n'est pas question que la raffinerie continue à traiter du pétrole brut » ; que s'il est vrai qu'une décision s'entend d'une manifestation de volonté d'un organe dirigeant qui oblige l'entreprise, il ne s'en déduit pas que toute décision implique nécessairement que des mesures précises et concrètes soient prises ; qu'un projet ou des orientations, mêmes formulées en des termes généraux, doivent être soumis à consultation du comité central d'entreprise lorsque leur objet est assez déterminé pour que leur adoption ait une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise dès lors que la discussion ultérieure de mesures spécifiques d'application n'est pas de nature à remettre en cause dans son principe le projet ou les orientations déjà adoptées ; qu'en l'espèce, l'information et la consultation du comité central d'entreprise est intervenue tardivement, le 8 mars 2010, à l'occasion d'une première réunion de présentation, dénommée C. C. E. 0 par référence au protocole d'accord signé le 21 décembre 2007 ; que la réunion dite C. C. E. 1 est intervenue le 15 mars 2010 ; que les réunions appelées C. C. E. 2 et C. C. E. 3 ne sont prévues que le 18 mai et le 17 juin 2010, date à laquelle l'avis des élus du comité central d'entreprise sera recueilli ; qu'au vu des éléments précédemment analysés et de l'ensemble des pièces du dossier, il apparaît donc que les attributions du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de la Raffinerie des Flandres n'ont pas été respectées, ces deux comités n'ayant pas été préalablement consultés au sens de la loi, et que l'attitude adoptée par les sociétés défenderesses justifie la compétence du juge des référés ;
ALORS D'UNE PART QUE si le juge des référés a le pouvoir d'ordonner la mesure qui lui paraît la plus appropriée pour faire cesser le trouble encore faut-il qu'il caractérise l'adéquation de cette mesure au but poursuivi, et donc sa nécessité ; qu'en considérant que la fermeture provisoire puis définitive de l'établissement de la Raffinerie des Flandres, sans consultation préalable du comité central d'entreprise de l'Ues Aval et du comité d'établissement de la Raffinerie des Flandres, étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite imputable à la société Total Raffinage Marketing et à la société Raffinerie des Flandres, pour en déduire qu'il convenait d'ordonner la reprise de l'activité de raffinage de la Raffinerie des Flandres dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 000 € par infraction constatée, sans même caractériser l'adéquation de cette mesure au regard du trouble résultant de l'absence de procédure de consultation du comité d'entreprise, et partant sa nécessité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE tant en appel qu'en première instance, le juge doit se placer au jour où il se prononce pour ordonner ou refuser une mesure ; qu'en ordonnant la reprise de l'activité de raffinage quand bien même à la date où elle statuait le trouble n'existait plus, la Cour d'appel a violé l'article 809 du Code de procédure civile.