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06/03/2012 | FRANCE | N°10-27256

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2012, 10-27256


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1121-1 et L. 2281-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé le 1er juin 2005 par la société Manus facilities management en qualité d'agent de sécurité a été licencié pour faute le 24 juillet 2008, des propos injurieux et diffamatoires envers le chef d'entreprise et un acte d'insubordination lui étant reprochés ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sér

ieuse, l'arrêt énonce que la référence faite par le salarié lors de l'entretien du 11 jui...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1121-1 et L. 2281-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé le 1er juin 2005 par la société Manus facilities management en qualité d'agent de sécurité a été licencié pour faute le 24 juillet 2008, des propos injurieux et diffamatoires envers le chef d'entreprise et un acte d'insubordination lui étant reprochés ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que la référence faite par le salarié lors de l'entretien du 11 juin 2008 à un camp de concentration peut être considérée comme "une simple référence historique", le camp de concentration servant de modèle universel au même titre que le goulag à toute forme abusive de surveillance et donc ne pas viser personnellement le chef d'entreprise à l'encontre duquel aucune injure personnelle n'a d'ailleurs été adressée ;

Qu'en statuant ainsi alors que le salarié avait qualifié son lieu de travail de camp de concentration, au cours d'un entretien avec le chef d'entreprise dont il connaissait la nationalité allemande, ce qui caractérisait un abus de la liberté d'expression du salarié à l'aide de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;.

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour la société Manus facilities management.

La société Manus Facilities fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée, en conséquence, à verser à ce dernier la somme de 13.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE le courrier de licenciement vise comme premier grief des « manquements à la discipline » ce qui est un grief vague et général qui ne peut être retenu, précision faite que s'il s'agit du grief tenant à la pose d'un post-it sur une caméra, ce grief a déjà été sanctionné par l'avertissement verbal infligé à monsieur X... de l'entretien du 11 juin 2008 et ne peut donc être sanctionné une seconde fois ; que les deux autres griefs concernent « l'insubordination et les propos injurieux à l'égard du chef d'entreprise », griefs explicités dans le troisième paragraphe de la lettre de licenciement et que l'employeur entend établir par l'attestation de madame Y..., qui a indiqué : « le 17 juin 2008, alors que j'étais à l'époque employée par Manus FM comme assistante, j'ai assisté monsieur Z...
A... lors d'un entretien avec monsieur X.... Monsieur X... avait été convoqué pour s'expliquer car il avait dégradé une caméra de surveillance en collant un papier dessus. Monsieur Z... a posé calmement les questions et monsieur X... s'est énervé, parlant de façon agressive. Il a alors comparé le site de travail à un camp de concentration alors qu'il savait que monsieur Z... et moi-même sommes allemands. Ensuite il a quitté la pièce alors que l'entretien n'était pas terminé, et en claquant la porte. A aucun moment monsieur Z... n'a élevé la voix ni proféré de menaces à l'encontre de monsieur X... pendant cet entretien » ; que toutefois il ressort des pièces communiquées aux débats que concernant la caméra sur laquelle monsieur X... avait posé un post-it, ce qu'il ne conteste pas, (indiquant qu'il voulait éviter d'être filmé pendant qu'il déjeunait), il apparaît que la société Manus Facilities Management n'établit nullement que ce système de vidéo surveillance soit installé dans un local de travail, ni que la CNIL ait été régulièrement informée de la présence de cette caméra puisque les courriers de cette institution en date du 29 août 2008 et du 13 novembre 2008 auxquels la société Manus Facilities Management se réfère dans ses réponses ne sont pas produits et que l'on ignore donc si la réglementation relative à la caméra dont il est question a été respectée ; que de même l'on ignore si monsieur X... a été personnellement avisé de la présence de cette caméra, de même que le lieu exact dans lequel elle était implantée puisque la société Manus Facilities Management qui a la charge de la preuve, n'établit pas qu'il se soit agi exclusivement d'un lieu de travail, monsieur X... soutenant sans être sérieusement contredit que cette caméra était installée dans le coin cuisine réservé aux salariés pour leur temps de pause ; que dès lors la référence faite par monsieur X... lors de l'entretien du 11 juin 2008 à un camp de concentration peut être considérée comme une simple référence historique, le camp de concentration servant de modèle universel au même titre que le goulag à toute forme abusive de surveillance et donc ne pas viser personnellement le chef d'entreprise à l'encontre duquel aucune injure personnelle n'a d'ailleurs été adressée ; que par cette métaphore monsieur X... a exprimé son opinion personnelle sur son cadre de travail, de sorte que l'employeur a extrapolé en se croyant personnellement visé, précision faite que les propos traduits lors dudit entretien l'ont été par une personne dont les compétences à ce titre ne sont nullement établies ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige de sorte que monsieur X... n'ayant « proféré » ni propos injurieux ni propos discriminatoires « à l'encontre du chef d'entreprise », le grief ne peut être retenu ; que par ailleurs ne constitue pas un acte d'insubordination le fait pour monsieur X... d'abréger un entretien au cours duquel il est accusé d'avoir « dégradé » une caméra de surveillance alors que ladite dégradation ne saurait être constituée par le fait d'avoir apposé un post-it sur l'appareil ; que pour le même motif l'énervement reproché à monsieur X... ne saurait être fautif ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré qui a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; qu'eu égard à l'ancienneté de monsieur X..., plus de trois ans, aux circonstances du licenciement et au préjudice dont il justifie tant sur le plan familial, que sur le plan professionnel puisque son congé individuel de formation a été du fait de licenciement annulé mais compte tenu de ce qu'il ne justifie d'aucune recherche active d'emploi ni de ses revenus en qualité d'auto-entrepreneur à compter du 1er mai 2010, il y a lieu de fixer à 13.000 euros le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ... ; que par ailleurs les bulletins de salaire de juin 2008 et juillet 2008 présentent des retenues de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire respectivement de 417,11 euros et de 400,75 euros, soit un total de 871.86 euros qui doivent être restitués à monsieur X..., outre la somme de 87,18 euros au titre des congés payés y afférents ;

1°) ALORS QUE les propos outrageants utilisés par un salarié pour critiquer la politique de gestion menée au sein d'une société constituent nécessairement une injure personnelle dirigée à l'encontre du directeur de celle-ci; que la cour d'appel qui, pour juger que le licenciement de M.Rouvello était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a énoncé que le fait pour le salarié de comparer, au cours d'un entretien avec le directeur de la société, le site de travail à un « camp de concentration » ne constituait pas une injure personnelle envers ce dernier, a violé les articles L. 1235-1, L.2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE caractérise une injure excédant les limites d'une liberté normale d'expression l'emploi par un salarié de termes injurieux pour critiquer la politique de gestion menée par le directeur de la société ; qu'en s'abstenant encore de rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que le salarié avait connaissance de la nationalité allemande du directeur de la société ne rendait pas nécessairement ses propos assimilant le site de travail à un « camp de concentration » constitutifs d'une injure personnelle envers la politique de gestion menée par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1, L.2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) ALORS QU'en se fondant sur la circonstance inopérante qu'un précédent grief tiré de la dégradation d'une caméra vidéo, pour lequel le salarié avait déjà reçu un avertissement, n'était pas établi au regard des doutes existant sur la conformité du système de vidéo-surveillance et en déduisant de celle-ci que l'assimilation par le salarié du site de travail à un « camp de concentration » pouvait être considérée comme une simple référence historique, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27256
Date de la décision : 06/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2012, pourvoi n°10-27256


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27256
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