LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième banche :
Vu l'article 3 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
Attendu que le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite :
a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ;
et,
b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus ; que le droit de garde visé en a) peut notamment résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat ;
Attendu que l'enfant Sacha est né à Paris le 26 février 2009 ; que sa mère, Mme X..., résidant en France avec l'enfant, s'est mariée, le 22 août 2009, en Allemagne avec M. Y... qui a reconnu Sacha le 3 octobre 2009 ; que Mme X... a séjourné avec son fils en octobre, novembre et décembre 2009 au domicile de M. Y... avant de le quitter, fin décembre 2009 ; que depuis cette date et jusqu'au 17 août 2010, date de son déplacement en France, Sacha a vécu en Allemagne avec son père ;
Attendu que, pour constater le caractère illicite du déplacement, l'arrêt retient, d'abord, que Mme X... a quitté son emploi en novembre 2009, ensuite, qu'elle a résilié le bail de son appartement en décembre 2009, enfin, qu'elle a fait réexpédier son courrier en Allemagne à compter du 20 octobre 2009, de sorte qu'ayant eu, dès l'automne 2009, l'intention d'établir son domicile en Allemagne chez son mari, c'est chez ce dernier que l'enfant avait sa résidence habituelle ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, si M. Y... était, au regard du droit allemand, titulaire d'un droit de garde au sens de la Convention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'illicéité du déplacement de l'enfant Sacha et d'avoir ordonné son retour en Allemagne,
AUX MOTIFS QUE Madame X... a quitté son emploi en novembre 2009, résilié le bail de son appartement en décembre 2009 et fait expédier son courrier vers l'Allemagne à compter du 20 octobre 2009 ; que contrairement à ce qu'elle soutient, ces décisions n'étaient pas liées à sa volonté d'améliorer ses conditions de logement et sa situation professionnelle en France dès lors qu'il résulte des pièces du dossier qu'après son retour en France à la fin de décembre 2009, elle a dû se faire héberger par une amie et que l'emploi qu'elle a trouvé est moins bien rémunéré que le précédent ; qu'il apparait donc qu'à l'automne 2009, Madame X... avait l'intention d'établir son domicile en Allemagne chez son mari, de sorte que c'est chez ce dernier que l'enfant avait sa résidence lorsque le 17 août 2010, l'appelante l'a enlevé,
1) ALORS QUE le déplacement d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde attribué par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que Sacha né en France d'une mère française avec laquelle il avait toujours vécu en France, reconnu 8 mois après la naissance par un père avec lequel il n'avait jamais vécu, a passé quelques semaines chez ce dernier en Allemagne (du 19 octobre au 13 novembre 2009 et du 10 au 22 décembre 2009), avant que sa mère doive quitter précipitamment Allemagne en raison d'un différend majeur avec le père, qui l'avait fait interner et qui a refusé de la laisser emmener l'enfant ; qu'en retenant, au vu de ces constatations, que la résidence habituelle de l'enfant était située en Allemagne, quand il résulte de ce qui précède que l'enfant n'avait effectué chez son père que de brefs séjours, avant que celui-ci ne le retienne de force, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 3 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
2) ALORS QUE la cour d'appel, pour considérer que l'enfant avait sa résidence habituelle chez son père en Allemagne au moment de son déplacement, a estimé qu'à l'automne 2009, Madame X... avait eu l'intention de quitter Paris et de s'établir en Allemagne chez son mari ;
qu'en déduisant le lieu de la résidence habituelle de l'enfant de l'intention qui avait été un temps celle de Madame X..., sans rechercher si cette intention n'avait pas, au vu de l'évolution de la situation, été abandonnée, de sorte qu'on ne pouvait en tirer aucune conséquence, notamment quant au lieu de résidence habituelle de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 3 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
3) ALORS QU'en ne recherchant pas si le fait d'avoir, en décembre 2009, imposé à la mère avec laquelle Sacha avait jusque là toujours vécu, de quitter l'Allemagne sans lui ne rendait pas la présence de l'enfant en Allemagne illicite, de sorte que son retour avec sa mère en France en août 2010 ne pouvait être qualifié de déplacement illicite au regard du caractère lui-même illicite de la présence de l'enfant en Allemagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
4) ALORS QUE le retour de l'enfant suppose qu'il ait été déplacé de façon illicite ; que le déplacement d'un enfant est illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde attribué à une personne par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant a sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ; qu'à supposer que la résidence de Sacha avant son déplacement ait été en Allemagne, la cour d'appel en s'abstenant de rechercher à quelle personne la loi allemande attribuait la garde de l'enfant, né hors mariage et reconnu tardivement par son père, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'illicéité du déplacement de l'enfant Sacha et d'avoir ordonné son retour en Allemagne,
AUX MOTIFS QUE si Monsieur Y... est décrit comme autoritaire par les témoins de Madame X... et si cette dernière l'accuse de l'avoir fait interner abusivement en Allemagne, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que Sacha n'aurait pas été pris en charge correctement par son père ; que celui-ci verse au contraire de multiples pièces établissant que des soins attentifs étaient prodigués à l'enfant ; qu'enfin, il ne saurait être présumé que les juridictions allemandes statuant en matière de responsabilité parentale ne prendraient pas en compte l'intérêt de l'enfant et feraient obstacle à ses relations avec un parent étranger,
1) ALORS QUE dans ses conclusions (P. 15), Madame X... indiquait que Monsieur Y... était le père d'un garçon de 8 ans, Valentin, sujet à des troubles du comportement le rendant violent et agressif ; qu'il avait déjà frappé Madame X... et mordu Sacha ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cette circonstance, de nature à présenter un risque grave pour la sécurité de Sacha, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
2) ALORS QUE Madame X... indiquait encore (p. 14) que le retour de Sacha dans un pays dont il ne connaissait pas la langue ne pouvait que compromettre l'acquisition du langage et l'exposer à un risque psychologique ; qu'en s'abstenant de se prononcer de ce chef, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard de l'article 455 du code de procédure civile.