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29/02/2012 | FRANCE | N°10-24889

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 février 2012, 10-24889


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 juillet 2010), que M. X..., engagé le 1er août 1998 en qualité de technicien chef d'équipe chargé d'une mission commerciale par la société Guigard et associés, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur d'exploitation ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 24 juillet 2007 ;
Attendu que la société Guigard et associés fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse e

t de la condamner à lui verser diverses sommes et à rembourser aux organismes conce...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 juillet 2010), que M. X..., engagé le 1er août 1998 en qualité de technicien chef d'équipe chargé d'une mission commerciale par la société Guigard et associés, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur d'exploitation ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 24 juillet 2007 ;
Attendu que la société Guigard et associés fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui verser diverses sommes et à rembourser aux organismes concernés des indemnités de chômage dans la limite de six mois alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une faute, au demeurant grave, le fait pour un salarié qui encadre une équipe de caristes, tous titulaires du permis de conduire de chariots élévateurs, d'en modifier la constitution sans s'assurer que le salarié remplaçant est titulaire dudit permis dont il n'ignore pas le caractère obligatoire et sans en référer à son responsable, fait susceptible de mettre en cause la responsabilité civile et pénale de son employeur; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que, sans autorisation de sa supérieure hiérarchique, M. X... qui encadrait l'équipe de caristes sur le site de Vinexpo, avait pris seul la décision de remplacer M. Y..., cariste titulaire du permis exigé pour la conduite de chariot élévateur, par M. Z... qui n'appartenait pas à cette équipe et ne détenait pas ledit permis ; qu'en se fondant sur les motifs inopérants tirés de ce que M. X... n'avait pas reçu de délégation expresse de pouvoir en matière de sécurité, ce qui l'aurait privé de toute autonomie d'initiative, qu'il n'aurait reçu aucune consigne précise en ce qui concerne le travail à accomplir ou qu'il aurait travaillé sous l'autorité de sa responsable d'agence, pour en déduire que rien ne permettait d'établir une faute du salarié, quand la faute résultait précisément de son initiative intempestive, la cour d'appel a violé les articles L. 4122-1 et L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que la lettre de licenciement reprochait à M. X... qui encadrait l'équipe de caristes sur le site de Vinexpo, d'avoir pris l'initiative de remplacer un salarié titulaire du permis (CACES) pour conduire un chariot élévateur, par un salarié non titulaire de ce permis, ce qui présentait un danger à l'égard des personnes présentes sur le site et était de nature à engager la responsabilité de l'employeur; qu'en écartant tout manquement fautif de M. X... aux motifs qu'il n'aurait pas eu de «responsabilité sur l'appréciation des qualités techniques des salariés que l'employeur lui demande d'encadrer», qu'il n'aurait pas été «chargé spécialement de la sécurité» ou encore qu'il n'aurait pas reçu de «consigne précise en ce qui concerne son travail», quand il lui appartenait de rechercher si précisément la faute de M. X..., dont elle a elle-même constaté qu'il n'avait pas de pouvoir, ne consistait pas précisément à avoir usé d'un pouvoir dont il ne disposait pas, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels que fixés par la lettre de licenciement et a violé les articles L. 1232-6, 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que la méconnaissance par le salarié de son obligation de sécurité envers lui-même ou envers les autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail, quand bien même n'aurait-il pas reçu de délégation de pouvoir de l'employeur, est constitutive d'un manquement à ses obligations professionnelles ; qu'en affirmant que «ce n'est que dans le cadre d'une délégation de pouvoir expresse que l'employeur peut mettre en cause la responsabilité du salarié en question», pour en déduire que faute pour la société Guigard et associés de justifier d'une telle délégation ou de consigne donnée par le donneur d'ordre, M. X... ne pouvait se voir reprocher un manquement à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles L. 4122-1 et L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que, constatant qu'il n'était pas établi que M. X... savait que le salarié auquel il avait confié la conduite d'un chariot élévateur en remplacement d'un autre n'était pas titulaire du permis nécessaire et retenant qu'il n'avait reçu ni délégation en matière de sécurité ni consigne particulière lui attribuant la responsabilité de l'appréciation des qualités techniques des collaborateurs que l'employeur le chargeait d'encadrer, la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a pu décider que les faits n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1, elle a décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Guigard et associés, la société Bauland-Gladel-Martinez et M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Guigard et associés et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Guigard et associés, la société Bauland-Gladel-Martinez et M. A... .
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, D'AVOIR condamné la société Guigard et associés à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés afférente, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour préjudice subi en matière d'information relative au droit individuel à la formation ainsi que de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois;
AUX MOTIFS QUE la lecture du contrat de travail ne fait pas apparaître que M. X... ait une quelconque responsabilité sur l'appréciation des qualités techniques des salariés que l'employeur lui demande d'encadrer; que bien au contraire, le contrat en question, (même si l'intéressé est mieux rémunéré dans le dernier état de sa situation passant à une position cadre) le définit comme un véritable subalterne du chef d'agence; qu'aucun élément ne permet de considérer qu'il ait connaissance des dossiers personnels de ses collaborateurs ou qu'il soit chargé spécialement de la sécurité, en relation avec une possibilité d'appréciation des compétences de ces derniers; qu'aucune fiche de poste n'est versée aux débats sur les compétences précises de M. X...; qu'aucun élément provenant du donneur d'ordres (le client Vinexpo) ne justifie d'une détermination technique particulière des salariés devant évoluer sur le site; qu'aucune consigne précise de l'entreprise n'est produite, ni en ce qui concerne le travail à accomplir, qui restera pour la Cour inconnu dans son fondement exact! ni sur les instructions que M. X... devaient appliquer; que dans cette incertitude dans laquelle s'inscrit ce licenciement force est de rappeler qu'en application des dispositions des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail, il appartient à l'employeur tenu d'une obligation de sécurité de résultat de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité dans l'entreprise au sens que la loi définit dans les dispositions ainsi développées par les textes susvisés; qu'et, lorsqu'il confie les tâches à un travailleur il doit prendre en considération les capacités de l'intéressé à mettre en oeuvre les dispositions nécessaires (article L.4121-4 du Code du travail) ; que les obligations du travailleur, définies par les dispositions de l'article L.4122-1 du Code du travail, sont conditionnées par (les instructions de l'employeur» ; qu'à ce sujet, il appartient à ce dernier de veiller aux conditions de sécurité applicables dans l'entreprise en considération des textes applicables à l'activité de cette dernière; que ce n'est que dans le cadre d'une délégation expresse (assortie de l'autorité nécessaire pour veiller à l'observation des dispositions en vigueur à un salarié pourvu de la compétence adéquate) que l'employeur peut mettre en cause la responsabilité du salarié en question; qu'en effet le salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par son employeur n'engage pas sa responsabilité car il ne peut se voir reprocher une faute dans l'accomplissement de la mission d'organisation et de surveillance qui lui est confiée lorsque le chef d'entreprise ou l'un de ses supérieurs hiérarchiques supervise le déroulement des tâches (comme tel est le cas en l'espèce) en rapport avec cette mission, supprimant ainsi l'autonomie d'initiative inhérente à toute délégation effective serait-elle d'usage ou ponctuelle; qu'en l'espèce, il appartenait à la responsable de l'agence dont il est fait état ci-dessus de prendre les dispositions adéquates plutôt que de tenter d'engager la responsabilité de M. X...; qu'aucun élément susceptible de mettre en cause la responsabilité personnelle et surtout contractuelle de M. X... n'est établi à l'issue de l'analyse qui précède, l'employeur échouant dans la démonstration qui lui incombe d'établir une faute du salarié; que par voie de conséquence, c'est à tort que le premier juge a relevé que ce salarié aurait pu méconnaître ses obligations en matière de sécurité en ne procédant pas à des investigations, lesquelles, en réalité, ne relevaient pas du ressort de ce dernier; qu'enfin, compte tenu des incertitudes liées à cette situation le doute doit « a fortiori» profiter au salarié;
1° ALORS QUE constitue une faute, au demeurant grave, le fait pour un salarié qui encadre une équipe de caristes, tous titulaires du permis de conduire de chariots élévateurs, d'en modifier la constitution sans s'assurer que le salarié remplaçant est titulaire dudit permis dont il n'ignore pas le caractère obligatoire et sans en référer à son responsable, fait susceptible de mettre en cause la responsabilité civile et pénale de son employeur; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que, sans autorisation de sa supérieure hiérarchique, M. X... qui encadrait l'équipe de caristes sur le site de Vinexpo, avait pris seul la décision de remplacer M. Y..., cariste titulaire du permis exigé pour la conduite de chariot élévateur, par M. Z... qui n'appartenait pas à cette équipe et ne détenait pas ledit permis; qu'en se fondant sur les motifs inopérants tirés de ce que M. X... n'avait pas reçu de délégation expresse de pouvoir en matière de sécurité, ce qui l'aurait privé de toute autonomie d'initiative, qu'il n'aurait reçu aucune consigne précise en ce qui concerne le travail à accomplir ou qu'il aurait travaillé sous l'autorité de sa responsable d'agence, pour en déduire que rien ne permettait d'établir une faute du salarié, quand la faute résultait précisément de son initiative intempestive, la Cour d'appel a violé les articles L.4122-1 et L. 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail;
2° ALORS QUE la lettre de licenciement reprochait à M. X... qui encadrait l'équipe de caristes sur le site de Vinexpo, d'avoir pris l'initiative de remplacer un salarié titulaire du permis (CACES) pour conduire un chariot élévateur, par un salarié non titulaire de ce permis, ce qui présentait un danger à l'égard des personnes présentes sur le site et était de nature à engager la responsabilité de l'employeur; qu'en écartant tout manquement fautif de M. X... aux motifs qu'il n'aurait pas eu de « responsabilité sur l'appréciation des qualités techniques des salariés que l'employeur lui demande d'encadrer », qu'il n'aurait pas été «chargé spécialement de la sécurité» ou encore qu'il n'aurait pas reçu de « consigne précise en ce qui concerne son travail », quand il lui appartenait de rechercher si précisément la faute de M. X..., dont elle a elle-même constaté qu'il n'avait pas de pouvoir, ne consistait pas précisément à avoir usé d'un pouvoir dont il ne disposait pas, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige tels que fixés par la lettre de licenciement et a violé les articles L.1232-6, 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail;
3° ALORS ENFIN QUE la méconnaissance par le salarié de son obligation de sécurité envers lui-même ou envers les autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail, quand bien même n'aurait-il pas reçu de délégation de pouvoir de l'employeur, est constitutive d'un manquement à ses obligations professionnelles; qu'en affirmant que « ce n'est que dans le cadre d'une délégation de pouvoir expresse que l'employeur peut mettre en cause la responsabilité du salarié en question », pour en déduire que faute pour la société Guigard et associés de justifier d'une telle délégation ou de consigne donnée par le donneur d'ordre, M. X... ne pouvait se voir reprocher un manquement à ses obligations contractuelles, la Cour d'appel a violé les articles L.4122-1 et L. 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-24889
Date de la décision : 29/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 20 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 fév. 2012, pourvoi n°10-24889


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.24889
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