LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 mai 2010), qu'engagé en qualité de chauffeur grand routier du 1er octobre 1976 à juillet 2005 par la société EGT Asport, M. X..., adhérent à la CFDT, y exerçait un mandat de délégué du personnel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de dommages-intérêts du salarié pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen, que la condamnation pénale définitive du gérant d'une société pour des faits de discrimination syndicale et la réparation du préjudice du salarié qu'elle employait et qui s'était constitué partie civile s'oppose à ce qu'il obtienne ensuite de la juridiction prud'homale des dommages-intérêts de l'employeur pour discrimination syndicale à raison des mêmes faits ; qu'en ayant décidé le contraire, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal et l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le tribunal correctionnel avait condamné M. Y... personnellement, tandis que les demandes présentées devant elle visaient la société EGT Asport, la cour d'appel, en déclarant recevable la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale présentée par M. X..., a fait une exacte application du texte susmentionné ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen, que le salarié qui obtient d'une juridiction pénale l'indemnisation du préjudice subi en raison de la discrimination syndicale dont il a été victime ne peut être indemnisé une seconde fois de ce même préjudice par une juridiction civile ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que le juge pénal avait statué sur les conséquences civiles de la discrimination syndicale dont avait été victime M. X..., résultant d'un refus de primes de non-accident et de la circulation dans un véhicule non équipé d'un chauffage additionnel, a réparé une seconde fois ce même préjudice, violant ainsi le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait persisté dans son attitude discriminatoire, tandis que le tribunal correctionnel n'était saisi que pour les faits compris entre 2003 et 2004, la cour d'appel a souverainement apprécié le montant du préjudice en résultant pour le salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société EGT Asport aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EGT Asport à payer à M. X... la somme de 1 250 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour la société EGT Asport.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé recevable l'action de M. X... tendant à obtenir la condamnation de son employeur la Sarl EGT Asport à lui payer des dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Aux motifs que par jugement définitif du 18 novembre 2008, le tribunal correctionnel de Troyes avait condamné M. Y..., gérant de la Sarl EGT Asport, pour discrimination syndicale à l'encontre notamment de M. X... et du délit d'entrave, délégué du personnel, pour l'avoir privé de la possibilité de consulter librement les décomptes de temps de services ; que pour s'opposer à la demande du salarié, la Sarl EGT Asport invoquait l'autorité de la chose jugée, privant son salarié de la possibilité de solliciter devant une juridiction prud'homale des dommages-intérêts pour discrimination syndicale dès lors que la juridiction répressive avait accueilli sa constitution de partie civile lui allouant 1.500 € de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondues ; que toutefois l'employeur ne pouvait utilement soulever ce moyen, dès lors que la demande formée devant la juridiction prud'homale visait l'employeur et non le gérant de l'entreprise ;
Alors que la condamnation pénale définitive du gérant d'une société pour des faits de discrimination syndicale et la réparation du préjudice du salarié qu'elle employait et qui s'était constitué partie civile s'oppose à ce qu'il obtienne ensuite de la juridiction prud'homale des dommages-intérêts de l'employeur pour discrimination syndicale à raison des mêmes faits ; qu'en ayant décidé le contraire, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal et l'article 1351 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Sarl EGT Asport à payer à M. X... la somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Aux motifs qu'il ressortait des motifs décisoires de la juridiction répressive qu'en refusant à M. X... le bénéfice de primes de non-accident auxquelles il pouvait légitimement prétendre, alors que les autres salariés de l'entreprise en bénéficiaient et en le faisant circuler dans un véhicule non équipé d'un chauffage additionnel, alors que l'employeur indiquait à la barre du tribunal que « l'attribution des véhicules neufs était à la discrétion de la direction aux fins de récompenser en priorité les chauffeurs les plus méritants et non ceux qui entravent l'entreprise », l'employeur avait procédé à une discrimination syndicale à l'encontre de M. X... dont il était bien fondé à demander la réparation ; qu'en effet, l'employeur avait persisté dans cette attitude discriminatoire ;
Alors que le salarié qui obtient d'une juridiction pénale l'indemnisation du préjudice subi en raison de la discrimination syndicale dont il a été victime ne peut être indemnisé une seconde fois de ce même préjudice par une juridiction civile ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que le juge pénal avait statué sur les conséquences civiles de la discrimination syndicale dont avait été victime M. X..., résultant d'un refus de primes de non-accident et de la circulation dans un véhicule non équipé d'un chauffage additionnel, a réparé une seconde fois ce même préjudice, violant ainsi le principe de la réparation intégrale du préjudice.