LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Chambéry, 22 juin 2010), que la société GM développement (la société) a contesté devant le président d'un tribunal de grande instance les émoluments réclamés par M. X..., notaire, au titre de son intervention dans le processus de vente à son profit d'un ensemble immobilier ; que le président ayant taxé à une certaine somme les honoraires dus au notaire par la société, celle-ci a interjeté appel de l'ordonnance en soutenant que l'acte préparé par le notaire du vendeur ne constituait pas un acte imparfait ouvrant droit à un émolument réduit de moitié en application de l'article 3 du décret du 8 mars 1978 mais un projet d'acte relevant des dispositions de l'article 4 de ce décret ;
Attendu que, pour taxer à la somme de 18 141, 14 euros les émoluments dus par la société à M.
X...
, l'ordonnance retient que la signature de l'acte n'est pas intervenue du seul fait de la société qui s'est purement et simplement dérobée, refusant de signer l'acte aux différentes dates proposées et que les émoluments du notaire doivent être fixés en faisant application des dispositions de l'article 3 du décret du 8 mars 1978 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte n'avait pas été signé par au moins l'une des parties, de sorte qu'il ne constituait pas un acte imparfait ouvrant droit à un émolument réduit de moitié, mais un projet d'acte justifiant d'honoraires pour services rendus, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 juin 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., le condamne à payer à la société GM développement la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils pour la société GM développement
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR taxé à la somme de 18. 141, 14 € le montant des frais dus par la société GMD à Maître Luc X... au titre de son intervention dans le processus alors envisagé de vente par les SCI Le virage et Les oeillasses à la société GM Développement de divers biens immobiliers sis à Sainte Foy Tarentaise au prix de 3 400. 000 €,
AUX MOTIFS QU'" aux termes des dispositions de l'article 3 du décret du 8 mars 1978, portant fixation relatif au tarif des notaires, l'émolument du notaire est réduit de moitié pour les actes imparfaits sur lesquels fait défaut la signature de l'une des parties ; que l'article 4 dispose que les notaires sont rémunérés par des honoraires pour les services rendus dans l'exercice des activités hors émoluments pour l'établissement des actes authentiques ; que l'agence immobilière COURCHEVEL AGENCE, suite à un mandat consenti par la société LE VIRAGE, d'un ensemble immobilier Chalet Gîte Sainte Foy station à Courchevel a informé son mandant par lettre du 31 août 2006 avoir reçu de la société GM DEVELOPPEMENT un manifestation d'intention d'achat ; que par lettre du 1er septembre 2006 signée par son gérant, M. B..., celle-ci a confirmé son " intérêt " pour cette vente au prix " 3. 550, 000 € commissions d'agences compris " ; que cette offre a été retournée à la société GM DEVELOPMENT avec la mention signée " bon pour accord vendeur " ; que l'agence COURCHEVEL a saisi Maître X..., par lettre du 25 septembre 2006 précisant que le prix de vente net vendeur était de 3. 400. 000 € enjoignant copies de son mandat, de l'engagement du vendeur, M. A..., et de l'offre d'acquisition de M. B... signée ; que Maître X... s'est alors adressé au notaire indiqué par la société GM DEVELOPPEMENT, Maître C..., par lettre du 21 septembre 2006 afin d'obtenir des renseignements sur l'acheteur pour " établir le compris de vente " ; qu'il a fait parvenir ce projet de compromis par courriel du 10 octobre 2006 et télécopie du 17 octobre 2006 au notaire de la société GM DEVELOPPEMENT ; que, par lettre du 24 octobre 2006, Maître C... a confirmé, l'intention de la société GM DEVELOPPEMENT " entend régulariser directement l'acte authentique de vente, sans contrat préalable " et confirmé " ne pas avoir d'observations particulières à formuler sur les conditions générales et particulières figurant dans le projet d'avant contrat que vous m'aviez transmis et qui pourront donc figurer sur ledit acte authentique " ; que ce notaire a transmis à son confrère dans ce courrier les éléments sur l'identification de sa cliente, la société GM DEVELOPPEMENT, forme sociale, siège social, numéros d'identification et indication de son gérant, M. Joseph B... ; que par télécopies et courriel du 8 novembre 2006, Maître X... a adressé à son confrère le notaire de la société GM DEVELOPPEMENT un projet d'acte modifié et a fixé la signature de l'acte au 14 novembre 2006 à 15 H 30 dans son étude à Gresy sur Isère ; que, faisant référence à une conversation téléphonique avec Maitre C..., Maître X... par courriel du 14 novembre 2006, dont la teneur n'a pas été contestée, a pris acte de l'accord du client acheteur sur le projet d'acte et indiqué qu'il faillait trou ver une date de signature arrêtée directement entre. les parties, M. A... et M. B... ; que des rendez vous fixés les 29 novembre 2006 à 19 heures puis, 1er décembre 2006 à 13 heures n'ont pas été honorés par M. B... ainsi qu'il ressort du courriel de Maître X... du 29 novembre 2006 ; qu'il est établi que Maître C... a écrit à la société GM DEVELOPPEMENT le 6 décembre 2006 en lui demandant de bien vouloir le fixer sur l'avancement du dossier, et de lui " confirmer plusieurs disponibilités pour la fixation d'un rendez-vous de signature " ; que par courriel du 8 décembre 2006, le vendeur, M. A... de la société civile immobilière LE VIRAGE, réitérant clairement son intention de vendre le bien, a fait savoir à Maître X... qu'il avait contacté directement M. B..., représentant de la société GM DEVELOPPEMENT, qui lui avait indiqué détenir les fonds malgré des difficultés de transfert et qu'il n'y avait aucune raison pour que la vente soit annulée de son coté ; que Maître X... a adressé à la société GM DEVELOPPEMENT le 16 mars 2007 un courrier lui rappelant que le " travail a été effectué à votre demande et en accord avec votre notaire " et qu'il lui adressait la facture correspondante ; que devant la carence de cette société Maître X... a saisi la Chambre interdépartementale des notaires de Savoie qui par courrier du 12 octobre 2007 a estimé qu'il s'agit d'un acte imparfait et certifié ses émoluments, le 21 novembre 2007, à concurrence de 18. 141, 14 € ; que c'est dans ces circonstances que le notaire a fait taxer ses honoraires suivant l'ordonnance critiquée par la société appelante ; qu'il résulte de l'analyse des éléments sus exposés qu'un accord sur la vente du bien immobilier Chalet Gite Sainte Foy station à Bonsconseil Courchevel entre la société LE VIRAGE, représentée par les époux A..., et la société GM DEVELOPPEMENT, représentée par M. B..., au prix global de 3. 400. 000 € a été formé et réitéré tout au long des échanges entre elles, et en particulier en ce qui concerne l'acheteur dans le courrier de son notaire du 24 octobre 2006 ; que le projet d'acte authentique a été établi dans le cadre de l'accord entre les parties par le notaire, Maître X..., et communiqué à toutes les parties qui ne l'ont jamais contesté ; que les allégations de l'appelante quant à une absence de lien entre les parties sont clairement infondées ; qu'enfin si les vendeurs ont réitéré leur intention de vendre, la signature de l'acte n'est pas intervenue du fait imputable exclusivement à la société GM DEVELOPPEMENT qui s'est purement et simplement dérobée refusant de signer l'acte aux différentes dates proposées ; que dès lors doit être confirmée l'ordonnance déférée qui, faisant application des dispositions de l'article 3 du décret susmentionné, a fixé les émoluments dus au notaire à la somme de 18. 141, 14 € ; que la société GM DEVELOPPEMENT n'est pas fondée à alléguer que l'ordonnance de taxation est dépourvue de fondement juridique celle-ci ayant au contraire fait application des dispositions de l'article 3 susvisé ; que par ailleurs si l'appelant s'appuie, pour contester la décision critiquée, sur un avis du Conseil supérieur du notariat cet élément d'appréciation, en opposition d'ailleurs avec l'avis de la Chambre interdépartementale, ne saurait s'imposer au juge qui dans son ordonnance a procédé à une analyse et à une qualification exactes des faits de la cause ; que les affirmations de l'appelante sur les montants " troublants " des honoraires du notaire sont sans pertinence au regard de l'application en l'espèce de l'article 3 du décret du 8 mars 1978, portant fixation relatif au tarif des notaires " (ordonnance attaquée, p. 2 à 4),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'" il est constant que le notaire a droit à une rémunération pour le travail accompli pour un acte qui ne s'est pas réalisé. qu'en l'espèce, il s'évince des éléments du dossier que la signature de l'acte de cession de biens immobiliers entre les parties susvisées à été reportée à plusieurs reprises avant d'être annulé à la seule initiative de l'acquéreur lequel avait fait part, par l'intermédiaire de son notaire (cf. le courrier du 24 octobre 2006), de son intention de régulariser directement l'acte authentique sans avant contrat préalable et indiquait ne pas avoir d'observations particulières à formuler sur les conditions générales et particulières déjà transmises tout en faisant part des éléments d'identification de son client. Que le défaut de régularisation notarié étant imputable au seul acquéreur, ce dernier doit en supporter les conséquences ; que l'état de frais visé par la Chambre interdépartementale des notaires de Savoie et de Haute-Savoie le 20 novembre 2007 n'appelant, au vu des conditions envisagées, aucune observation, il sera fait droit à la demande en taxation de Me Luc X..., notaire à Grésy sur Isère " (ordonnance, p. 1),
1°) ALORS QUE le juge doit, à peine de nullité de la décision qu'il prononce, répondre à l'ensemble des moyens qui lui sont soumis par les parties ;
Qu'en l'espèce, la société GM Développement soutenait dans ses écritures d'appel (p. 7) qu'il n'avait pas sollicité Maître Luc X... pour préparer un projet d'acte et qu'il n'avait pas davantage demandé à son notaire, Maître C..., de missionner un autre notaire ; que la société en concluait qu'en l'absence de lien contractuel avec Maître X..., elle ne pouvait être tenue à une quelconque somme à son égard ;
Que, pour considérer que la société GM Développement était tenue de payer des émoluments à Maître X..., le premier président de la cour d'appel a relevé « qu'un accord sur la vente du bien immobilier Chalet Gite Sainte Foy station à Bonsconseil Courchevel entre la société Le Virage, représentée par les époux A..., et la société GM Développement, représentée par M. B..., au prix global de 3. 400. 000 € a été formé et réitéré tout au long des échanges entre elles, et en particulier en ce qui concerne l'acheteur dans le courrier de son notaire du 24 octobre 2006 ; que le projet d'acte authentique a été établi dans le cadre de l'accord entre les parties par le notaire, Maître X..., et communiqué à toutes les parties qui ne l'ont jamais contesté ; que les allégations de l'appelante quant à une absence de lien entre les parties sont clairement infondées » ;
Qu'en se contentant de relever l'existence de relations entre le vendeur et la société GMD, sans répondre au moyen péremptoire des écritures de la société GMD selon lequel il n'y avait aucun lien contractuel entre elle-même et le notaire, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'à la différence de l'acte imparfait qui est celui sur lequel fait défaut la signature de l'une au moins des parties, le projet d'acte n'est signé par personne ; que, concernant l'acte imparfait, l'émolument du notaire est réduit de moitié conformément à l'article 3 du décret n° 78-262 du 8 mars 1968, tandis que, pour le projet d'acte, le notaire est rémunéré en fonction du temps passé et de l'importance et de la difficulté du travail fourni, conformément aux dispositions de l'article 4 dudit décret ;
Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'à la demande du vendeur, Maître Luc X..., notaire, a établi un projet d'acte de vente au profit de la Sarl GM Développement ; que ce projet d'acte n'a été signé ni par le vendeur, ni par l'acquéreur potentiel ; qu'en l'absence d'acte imparfait, seule une rémunération en fonction du temps passé et de l'importance et de la difficulté du travail fourni pouvait être demandée par le notaire ;
Qu'en considérant néanmoins qu'il s'agissait d'un acte imparfait pour lequel le notaire pouvait obtenir un émolument réduit de moitié, le premier président de la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 3 et, par refus d'application, l'article 4 du décret n° 78-262 du 8 mars 1978.