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21/02/2012 | FRANCE | N°11-85043

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 février 2012, 11-85043


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean-Luc X...,
- M. Armando Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 17 février 2011, qui, pour réalisation de travaux de construction sans assurance de responsabilité et de dommages, les a condamnés, le premier, à 2 000 euros d'amende avec sursis, le second, à 2 000 euros d'amende, et, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mém

oire produit et les observations complémentaires par M. X...;

I-Sur le pourvoi de M. Y...:
...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean-Luc X...,
- M. Armando Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 17 février 2011, qui, pour réalisation de travaux de construction sans assurance de responsabilité et de dommages, les a condamnés, le premier, à 2 000 euros d'amende avec sursis, le second, à 2 000 euros d'amende, et, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit et les observations complémentaires par M. X...;

I-Sur le pourvoi de M. Y...:

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II-Sur le pourvoi de M. X...:

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 462, 510, 512, 591, 592 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué indique : " composition de la cour lors des débats et du délibéré : président : M. Lapeyre, conseillers : MM. Jacob, Pascot ; ministère public : M. Chassard, Greffier : Mlle Madrange " ;

" alors qu'aucune personne autre que les juges qui y participent ne peut assister au délibéré ; que ni le représentant du ministère public ni le greffier ne peuvent être présents lors du délibéré ; que, dès lors, en énonçant que, lors du délibéré, la cour était notamment composée du représentant du ministère public et du greffier, sans indiquer par ailleurs que seuls le président et les conseillers ont délibéré sur l'affaire dans les conditions prévues par la loi, ni préciser que la cour a délibéré conformément à la loi, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son
existence légale " ;

Attendu que l'arrêt constate que la cour d'appel a rendu sa décision après avoir délibéré conformément à la loi ; que cette mention suffit à établir que, contrairement à ce qui est allégué, ni le représentant du ministère public, ni le greffier n'ont assisté au délibéré ;

D'où il suit que ce moyen ne peut être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-28, 111-30, 111-34 du code de la construction, L. 243-3 du code des assurances, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits visés la prévention ;

" aux motifs que cette procédure a nettement démontré, ce que n'est pas et ne peut être contesté que les attestations d'assurance n'avaient pas été demandées pour ces deux chantiers, alors qu'une compagnie d'assurance mettait à la disposition de ce groupement d'artisans par le biais de la fédération française des artisans et constructeurs réunis, une ligne de crédit permettant de garantir le remboursement et la livraison après les délais convenus, une autre compagnie d'assurances assurant de son côté la garantie décennale et la responsabilité civile ;

" alors que les juges doivent se prononcer sur les faits dont ils sont saisis, sans rien y ajouter ; qu'en retenant, à l'encontre du prévenu, l'absence de garantie de livraison à l'échéance qui se distingue des garanties de responsabilité et de l'assurance dommage, la cour d'appel qui s'est prononcée sur des faits qui n'étaient pas visés dans l'ordonnance de renvoi a violé l'article 388 du code de procédure pénale " ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 121-1 et 121-3 du code pénal, L. 243-3 du code des assurances, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable d'avoir ouvert un chantier sans assurance dommage et sans assurance responsabilité prévues par le code de la construction et le code des assurances ;

" aux motifs que, malgré les contestations émises par M. Z..., il est suffisamment établi que ce dernier a continué à gérer la société ACR jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et que de ce fait, il est resté le gérant de celle-ci depuis sa création comme l'a fort justement considéré le tribunal en des motifs que la cour adopte, étant précisé que les coprévenus ont réitéré à l'audience de la cour leurs déclarations respectives et concordantes selon lesquelles il n'avait quitté la société que la veille de l'ouverture de la procédure collective et s'était toujours comporté comme le véritable responsable de la société ; qu'enfin, il résulte de la procédure, que l'élément moral des infractions reprochées ne saurait être contesté et, c'est, à juste titre, que le tribunal a retenu les prévenus, en leur qualité de gérant de droit ou défait, dans les liens de la prévention, étant rappelé qu'en l'absence de recours de sa part la condamnation est définitive en ce qui concerne M. A...;

" et aux motifs adoptés, que ce défaut d'obtention des garanties avant tout commencement des travaux, outre qu'il caractérise matériellement les infractions, apparaît d'autant plus surprenant que lesdites garanties avait été demandées et délivrées pour d'autres chantiers (cf. notamment H..., I...et J...) ; qu'en fait, l'explication a été donnée par Mme B..., secrétaire de la FFACB, la fédération ayant ultérieurement refusé de délivrer les attestations en l'absence de production par ACR de ses comptes sociaux ; que M. C..., conducteur de travaux chez ACR a confirmé que MM. Z...et Y..., informés de cette situation, lui avait explicitement demandé de commencer les travaux du chantier D...malgré l'absence de justificatifs des garanties ; que, l'un et l'autre sont donc malvenus à invoquer un défaut d'élément moral des infractions reprochées ;

" 1°) alors que la responsabilité pénale est une responsabilité du fait personnel ; qu'il appartient aux juges de constater qu'il peut se voir imputer l'élément moral de l'infraction ; que le délit des articles L. 243-3 du code des assurances suppose une intention coupable ; que la cour d'appel a considéré que le prévenu pouvait se voir imputer les infractions commises au motif qu'il était gérant de la société ayant passé le contrat de construction et sollicité les fonds ; qu'en l'état de tels motifs, alors qu'elle constatait par motifs adoptés, qu'un autre gérant de droit avait décidé avec le gérant de fait, de procéder à l'ouverture de l'un des chantiers sans assurances, selon une décision qui relevant aussi de ses pouvoirs, ce qui n'avait dès lors pas à faire l'objet d'une vérification par les autres gérants, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;

" 2°) alors qu'en tout état de cause, en ne recherchant pas qui avait décidé de l'ouverture du chantier des époux E...alors que les garanties n'avaient pas été obtenues, l'ouverture du chantier des époux D...
F...ayant été décidée par un autre gérant que le prévenu et en ne recherchant, en l'absence de décision d'ouverture de chantier de sa part, si, au moins, le prévenu savait que les assurances en cause n'avaient pas été obtenues pour les deux chantiers en cause, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé aucun acte personnel du prévenu permettant de lui imputer l'ouverture des chantiers, ni sa connaissance de tels faits au moment de leur réalisation, a méconnu le principe susénoncé ;

" 3°) alors qu'enfin, à supposer que le délit résulte d'une négligence et imprudence, la cour d'appel qui n'a pas constaté que les chantiers avaient été ouverts par le prévenu, celui-ci ne pouvant avoir à répondre de la négligence d'un autre gérant qui aurait procédé à cette ouverture sans autorisation, elle n'a pu caractériser une telle faute à l'encontre du prévenu ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et sans excéder sa saisine, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de réalisation de travaux de construction sans assurance de responsabilité et de dommages dont elle a déclaré le prévenu, co-gérant de droit de la société ACR, personnellement coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 388, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X...à payer solidairement avec les autres prévenus, des dommages et intérêts aux parties civiles outre des sommes au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

" alors que l'action civile n'est recevable qu'au profit de la personne pouvant invoquer un préjudice personnel résultant directement de l'infraction ; que dans les conclusions déposées pour le prévenu, il était soutenu que les parties civiles ne pouvaient obtenir des dommages et intérêts pour l'absence de garantie décennale et de garantie dommage ouvrage, dès lors que ces garanties n'avaient pas eu vocation à s'appliquer, les maisons prévues au contrat n'ayant pas été construites ; que seule l'absence de livraison aurait pu justifier la réparation d'un tel préjudice mais que l'absence d'une telle garantie n'étant pas visée à la prévention, les parties civiles ne pouvaient obtenir réparation du préjudice résultant de son absence ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Vu l'article 2 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention n'est recevable que si le dommage a été causé directement par l'infraction ;

Attendu que, pour condamner M. X...à payer, solidairement avec les autres prévenus, des dommages-intérêts aux parties civiles, outre des sommes au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que les parties civiles ont nécessairement subi un préjudice d'ordre matériel ou financier ainsi qu'un préjudice moral ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si le préjudice des parties civiles était la conséquence directe des délits de réalisation de travaux de construction sans assurance de responsabilité et de dommages dont le prévenu avait été déclaré coupable, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de MM. Y..., Z...et A...qui ne se sont pas pourvus ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, l'arret susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 17 février 2011, mais en ses seules dispositions civiles, et étend la cassation à MM. Y..., Z...et A...qui ne se sont pas pourvus, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Mirguet conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-85043
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 17 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 fév. 2012, pourvoi n°11-85043


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.85043
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