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21/02/2012 | FRANCE | N°11-84640

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 février 2012, 11-84640


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Raymond X...,- La Compagnie d'assurances Groupama Alsace, devenue Groupama grand-est, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2011, qui, pour blessures involontaires et refus de priorité, a condamné le premier à deux amendes de 1 000 et 200 euros, ainsi qu'à trois mois de suspension du permis de conduire et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;


Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Raymond X...,- La Compagnie d'assurances Groupama Alsace, devenue Groupama grand-est, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2011, qui, pour blessures involontaires et refus de priorité, a condamné le premier à deux amendes de 1 000 et 200 euros, ainsi qu'à trois mois de suspension du permis de conduire et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 232-2 et R. 415-7 du code de la route, 222-19 et 222-19-1 du code pénal, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a retenu la culpabilité de M. X... des chefs de blessures involontaires et méconnaissance d'une obligation de céder le passage, a prononcé sur la répression et les intérêts civils ;
"aux motifs qu'il est constant que M. X..., qui s'était arrêté au cédez-le-passage et avait vu une moto arriver sur sa gauche, a redémarré estimant avoir le temps de passer ; que selon l'expert, il a, ce faisant, soit commis une erreur d'appréciation de la distance, soit perdu de précieuses secondes au démarrage ; que le spécialiste, qui a écarté comme manifestement incohérente l'estimation de la distance avancée par le prévenu, soit 2 à 300 mètres, a expressément relevé que l'automobiliste avait pris la décision de traverser l'axe prioritaire alors que « la manoeuvre était un peu juste en temps et qu'il manquait une seconde pour que la traversée se fasse dans des conditions normales de sécurité » ; que cette traversée de la route par l'automobiliste conduisait successivement M. Y... à tenter une manoeuvre d'évitement, en se déportant sur la gauche en accélérant, puis à ralentir et à freiner ; que ce comportement, qui explique que la collision ait eu lieu alors que la voiture avait fini de traverser, était considéré par l'expert comme totalement irrationnel tant par le choix prématuré d'une manoeuvre d'évitement que du fait d'un brusque changement de stratégie ; qu'il retenait, de ce fait, que le mécanisme de l'accident impliquait les deux automobilistes ; que le prévenu argue, par l'intermédiaire de son conseil, d'une vitesse très excessive du motard qui expliquerait qu'il n'ait pu convenablement apprécier le temps que celui-ci allait mettre pour arriver au carrefour, il importe néanmoins de relever que telle n'était pas sa version lors de son audition le 5 mai 2008, peu après les faits, puisqu'il mentionnait seulement ne pas avoir bien pu apprécier la vitesse de la moto ; que, par ailleurs, l'expert mandaté par le tribunal correctionnel a estimé ne pas disposer d'éléments suffisants, au vu de ses constatations, pour imputer une vitesse excessive au motard tandis qu'il a, par ailleurs, clairement indiqué que l'augmentation de puissance de la moto n'avait pas eu d'incidence notoire dans le mécanisme de l'accident ; qu'au vu des éléments ci-dessus énoncés, il est établi que le prévenu n'a pas respecté l'obligation qui lui incombait, aux termes de l'article R. 415-7 du code de la route, de céder le passage aux véhicules circulant sur l'autre route et de ne s'y engager qu'après s'être assuré qu'il pouvait le faire sans danger ; que cette violation de l'obligation de sécurité fixée par le texte susvisé est à l'origine de l'accident ayant occasionné à M. Y... de lourdes blessures conduisant à une incapacité totale de travail d'une durée supérieure à trois mois ; que c'est dès lors à juste titre, que le tribunal correctionnel de Saverne a retenu la culpabilité de M. X... et il y a lieu de confirmer la décision sur ce point ;
"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que pour juger que M. X... n'avait pas respecté une obligation de céder le passage aux véhicules circulant sur l'autre route et de ne s'y engager qu'après s'être assuré qu'il pouvait le faire sans danger et que cette violation d'une obligation de sécurité était à l'origine de l'accident, la cour d'appel a adopté les conclusions de l'expert selon lesquelles monsieur Y... avait soit commis une erreur d'appréciation de la distance, soit perdu de précieuses secondes au démarrage ; qu'en statuant par de tels motifs, qui sont hypothétiques et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie ; qu'ainsi, le doute profite au prévenu ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'égard de M. X... après avoir adopté les conclusions de l'expert selon lesquelles M. Y... avait soit commis une erreur d'appréciation de la distance, soit perdu de précieuses secondes au démarrage, sans pour autant lever cette incertitude, la cour d'appel a méconnu les textes et principes précités" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à une intersection entre une voie prioritaire et une route secondaire, M. Pascal Y..., qui circulait sur la première, a été grièvement blessé, lors d'une collision entre sa motocyclette et l'arrière du véhicule automobile conduit par M. X..., qui, venant de la route secondaire comportant un panneau de céder-le-passage, terminait le franchissement du croisement ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de blessures involontaires et de refus de priorité, l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir rappelé que le prévenu, qui s'était arrêté devant le panneau de céder-le-passage, avait vu une moto arriver sur sa gauche et avait néanmoins redémarré en estimant avoir le temps de passer, retient que, ce faisant, il n'a pas respecté l'obligation de ne s'engager sur la voie prioritaire qu'après s'être assuré qu'il pouvait le faire sans danger ; que les juges ajoutent que la violation de cette obligation de sécurité est à l'origine de l'accident au cours duquel la partie civile a été blessée ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les griefs allégués ne sont pas encourus ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, R. 413-17 du code de la route, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, méconnaissance des termes du litige ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... entièrement responsable du préjudice occasionné à la partie civile, la décision étant déclarée commune à la compagnie Groupama Grand Est ;
"aux motifs qu'il est constant que M. X..., qui s'était arrêté au cédez-le-passage et avait vu une moto arriver sur sa gauche, a redémarré estimant avoir le temps de passer ; que selon l'expert, il a, ce faisant, soit commis une erreur d'appréciation de la distance, soit perdu de précieuses secondes au démarrage ; que le spécialiste, qui a écarté comme manifestement incohérente l'estimation de la distance avancée par le prévenu, soit 2 à 300 mètres, a expressément relevé que l'automobiliste avait pris la décision de traverser l'axe prioritaire alors que « la manoeuvre était un peu juste en temps et qu'il manquait une seconde pour que la traversée se fasse dans des conditions normales de sécurité » ; que cette traversée de la route par l'automobiliste conduisait successivement M. Y... à tenter une manoeuvre d'évitement, en se déportant sur la gauche en accélérant, puis à ralentir et à freiner ; que ce comportement, qui explique que la collision ait eu lieu alors que la voiture avait fini de traverser, était considéré par l'expert comme totalement irrationnel tant par le choix prématuré d'une manoeuvre d'évitement que du fait d'un brusque changement de stratégie ; qu'il retenait, de ce fait, que le mécanisme de l'accident impliquait les deux automobilistes ;
"et aux motifs que le conseil de M. Y..., appelant à titre principal, sollicite par ses conclusions du 8 avril 2011 l'infirmation du jugement en ce que celui-ci a ordonné un partage de responsabilité et invite la cour à déclarer M. X... entièrement responsable des conséquences civiles de l'accident et à renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel de Saverne pour qu'il statue sur intérêts civils après dépôt du rapport d'expertise, et à condamner le susnommé au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 475 du code de procédure pénale ; qu'il fait valoir que l'accident du 3 mai 2008 a pour unique cause, au regard des dispositions du code de la route, le non-respect par le conducteur adverse du cédez-le-passage et qu'il ne saurait être reproché à M. Y... la manoeuvre d'évitement, tentée avant le freinage, laquelle ne peut être regardée comme une faute pouvant entraîner un partage de responsabilité ; que les reproches faits par l'expert et par la défense à la partie civile ont trait à la manière, dont celle-ci a réagi en constatant que la voiture s'était engagée en dépit du cédez-le-passage et en prenant conscience que l'automobiliste n'aurait pas fini de traverser avant son arrivée au carrefour ; qu'il est donc fait grief à M. Y... de ne pas avoir choisi la manoeuvre qui se serait révélée adaptée pour éviter l'accident ; que cet élément a été repris par le premier juge, qui a considéré que la partie civile avait réagi de manière inadéquate en voyant un obstacle surgir devant elle, comportement fautif ayant contribué à la réalisation de l'accident et qui a retenu un partage de responsabilité, M. X... n'étant déclaré responsable qu'à hauteur d'un tiers du préjudice occasionné ; que l'accident à l'origine des blessures de M. Y... est survenu du fait de la violation par M. X... des dispositions de l'article R. 415-7 du code de la route relatives aux intersections gouvernées par un cédez-le-passage ; que le prévenu a été reconnu coupable de cette contravention et du délit de blessures involontaires entraînant une incapacité totale de travail d'une durée supérieure à trois mois par le conducteur d'un véhicule ; que, quand bien même, le choix opéré par M. Y... pour tenter d'éviter la collision a pu se révéler peu judicieux, celui-ci n'est que la conséquence de la faute pénale initiale commise par M. X..., lequel, en tant qu'usager venant d'une route secondaire, ne devait en aucun cas perturber la circulation de la route prioritaire, ce que l'expert rappelle d'ailleurs dans son rapport ; qu'il s'ensuit, alors qu'aucune violation du code de la route n'a été établie à l'encontre du motard, que M. X... doit être déclaré intégralement responsable du préjudice causé à la partie civile ;
"1°) alors que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure ; que la circonstance, qu'un conducteur a commis une faute initiale, ne permet pas d'écarter le lien de causalité entre la faute du conducteur-victime et son propre préjudice ; qu'en déclarant M. X... entièrement responsable du préjudice causé à M. Y... au motif erroné que le choix peu judicieux opéré par ce dernier n'était que la conséquence de la faute pénale initiale commise par M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes précités ;
"2°) alors que la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur du véhicule impliqué dans l'accident ; qu'à supposer, que la cour d'appel ait écarté le caractère fautif du comportement de M. Y... en considération du comportement fautif de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes précités ;
"3°) alors que tout conducteur doit rester constamment maître de sa vitesse et doit régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles ; qu'en retenant, qu'aucune violation du code de la route n'était établie à l'encontre du motard, après avoir pourtant relevé que le comportement de M. Y..., qui s'était déporté sur la gauche en accélérant puis avait ralenti et freiné, a été considéré par l'expert comme totalement irrationnel tant par le choix prématuré d'une manoeuvre d'évitement que du fait d'un brusque changement de stratégie et que ce choix avait pu se révéler peu judicieux, de telles circonstances caractérisant un défaut de maîtrise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
"4°) alors, en tout état de cause, qu'en ne recherchant pas si le comportement de M. Y... lors de l'accident, dont l'expert avait souligné le caractère irrationnel et inadapté, n'était pas constitutif d'un défaut de maîtrise au sens de l'article R. 413-17 du code de la route, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes visés au moyen ;
"5°) alors que dans ses conclusions d'appel du 8 avril 2011, M. Y... lui-même avait reconnu que la manoeuvre d'évitement par l'avant du véhicule pouvait lui être reprochée ; qu'en écartant toute infraction au code de la route de la part de M. Kindle, la cour d'appel a méconnu les termes du litige ;
"6°) alors subsidiairement que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'en se bornant à écarter une violation du code de la route par M. Y... sans rechercher, comme elle y était invitée, si le comportement de ce dernier lors de l'accident, dont l'expert avait souligné le caractère irrationnel et inadapté, n'était pas, à tout le moins, constitutif d'une faute de nature à limiter ou à exclure son droit à réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes visés au moyen" ;
Attendu que, pour dire le prévenu entièrement responsable des conséquences dommageables de cet accident de la circulation, l'arrêt, après avoir rappelé le comportement fautif du prévenu, relève qu'aucune violation du code de la route n'est établie à l'encontre du motard ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations d'où il résulte que le conducteur victime n'a commis aucune faute ayant contribué à la réalisation de son dommage, et abstraction faite du motif surabondant relatif au comportement fautif de l'autre conducteur impliqué dans l'accident, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-84640
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 23 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 fév. 2012, pourvoi n°11-84640


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.84640
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