La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2012 | FRANCE | N°10-26542

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 février 2012, 10-26542


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 24 août 2005 en qualité de chef de produits par la société L'Oréal produits de luxe international (L'Oréal) ; qu'il a été muté à compter du 1er février 2006 au sein de la société Prestige et collections international, puis du 1er juillet 2006 au sein de L'Oréal ; qu'il a été licencié le 26 mars 2007 pour avoir refusé un poste en Chine ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au sal

arié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alo...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 24 août 2005 en qualité de chef de produits par la société L'Oréal produits de luxe international (L'Oréal) ; qu'il a été muté à compter du 1er février 2006 au sein de la société Prestige et collections international, puis du 1er juillet 2006 au sein de L'Oréal ; qu'il a été licencié le 26 mars 2007 pour avoir refusé un poste en Chine ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'est valable la clause par laquelle un salarié embauché par une société à l'issue de son stage accepte, dans le cadre de son projet professionnel défini d'un commun accord avec son employeur, d'être formé dans un premier temps par la société qui l'emploie pour être ensuite muté au sein d'une filiale étrangère du groupe ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre d'embauche du 14 janvier 2005 signée par M. X... que ce dernier, embauché par la société L'Oréal produits de luxe international en qualité de chef de produit, à l'issue de son stage étudiant, avait, avec cette dernière, " envisagé, sous réserve que le salarié donne satisfaction dans ses fonctions actuelles, de lui confier des fonctions au sein d'une société appartenant au groupe L'Oréal en Chine et ceci dans un délai d'environ 2 à 3 ans ", et que les parties avaient convenu des conditions d'une telle mutation (contrat de droit local avec reprise d'ancienneté), ce dont il s'évinçait que le salarié avait été recruté en vue de son affectation en Chine ; qu'en jugeant nulle une telle clause, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'un salarié ne pouvant accepter par avance un changement d'employeur, la clause de mobilité par laquelle M. X... s'était engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe, était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que les dispositions de la clause relative à une obligation de non-concurrence aux termes desquelles le salarié sera tenu à une obligation de non-concurrence à l'égard de l'employeur dès que celui-ci lui en fera la demande ont pour effet de réserver à la société L'Oréal la faculté, après la rupture du contrat de travail, de soumettre M. X... à une obligation de non-concurrence ; que ces dispositions, de caractère potestatif, sont nulles ; qu'il s'ensuit que la clause relative à une obligation de non-concurrence conclue entre les parties constitue une clause de non-concurrence engageant la société dès la rupture du contrat de travail ;
Attendu, cependant, que l'employeur est en droit de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence au moment de la rupture du contrat de travail si les parties lui en ont réservé la faculté dans le contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le contrat de travail de M. X... prévoyait la faculté pour l'employeur de renoncer à la clause de non-concurrence, d'autre part, que la lettre de licenciement indiquait au salarié qu'il n'était pas lié par une clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société L'Oréal produits de luxe international à payer à M. X... une somme à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société L'Oréal produit de luxe international
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société L'OREAL à lui verser 25 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, ainsi que 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Sur le bien-fondé du licenciement de monsieur X... :
Attendu que l'intimée fait valoir que lors de son embauche par la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL, le 24 août 2005, ainsi qu'à chacune de ses mutations dans le groupe, le I " février 2006 auprès de la société PRESTIGE ET COLLECTIONS INTERNATIONAL, et le 1er juillet suivant en réintégrant la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL, monsieur X... a conclu avec chacune de ces sociétés une clause de mobilité au sein du groupe L'OREAL tant en France qu'à l'étranger ; que la lettre du 14 janvier 2005 mentionnait expressément qu'il était envisagé, sous réserve de donner satisfaction dans ses fonctions, de lui confier des fonctions au sein d'une société du Groupe L'OREAL en Chine, dans un délai d'environ 2 à 3 ans ; que monsieur X... ayant refusé d'être affecté dans ce pays alors que ce dernier constituait la zone géographique spécialement convenue entre les parties, son employeur était fondé à le licencier ; Attendu, cependant, que la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par contrat de travail à une société s'engage à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette dernière appartiendrait au même groupe est nulle, dès lors qu'un salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur ; qu'en conséquence, tant les dispositions susvisées de la lettre d'engagement du 14 janvier 2005 invoquant l'éventualité d'une mutation au sein d'une société du Groupe L'OREAL en Chine que la clause de mobilité contenue dans chacun des contrats de travail des 24 août 2005, 1er février et 1er juillet 2006 prévoyant la possibilité d'une mutation ou d'une mise à disposition de monsieur X... au sein d'une autre société du Groupe L'OREAL sont nulles ; Qu'au surplus, la clause de mobilité contenue dans les contrats de travail des 24 août 2005, 1er février et 1 er juillet 2006 ne comporte aucune définition de sa zone géographique d'application, laquelle est étendue, sans autre précision, à toute société du Groupe L'OREAL tant en France qu'à l'étranger ; Que le licenciement de monsieur X... motivé, aux termes de la lettre de licenciement du 26 mars 2007 qui fixe les limites du litige, par son refus d'accepter sa mutation dans une société du groupe L'OREAL en Chine, est en conséquence, sans cause réelle et sérieuse ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée par monsieur X... :
Attendu que contrairement à ce que soutient monsieur X..., la lettre d'engagement du 14 janvier 2005 ne constitue pas un contrat de travail mais une promesse d'embauche ; qu'en effet, dans cette lettre, la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL lui indique " qu'elle lui soumettra lors de son intégration un contrat de travail qui fixera dans le détailles conditions de sa collaboration " ; que ce contrat n'a été établi et signé par les parties que le 24 août 2005, soit près de quatre mois après la fin du second stage effectué par l'intéressé entre le 29 novembre 2004 et le 29 avril 2005 et qu'aucune relation de travail n'a existé entre monsieur X... et la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL au cours de la période du 30 avril au 24 août 2005 ;
Qu'il s'ensuit qu'au moment de son licenciement, monsieur X... comptait dans l'entreprise une ancienneté inférieure à deux ans ; Qu'en conséquence, sont applicables les dispositions de l'article L 1235-5, alinéa 2, du Code du travail selon lesquelles le salarié peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi ; Attendu que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le préjudice subi par monsieur X... du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 25. 000 €, au paiement de laquelle il convient de condamner la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL à titre de dommages-intérêts »
ALORS QU'est valable la clause par laquelle un salarié embauché par une société à l'issue de son stage, accepte dans le cadre de son projet professionnel défini d'un commun accord avec son employeur, d'être formé dans un premier temps par la société qui l'emploie pour être ensuite muté au sein d'une filiale étrangère du groupe ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre d'embauche du 14 janvier 2005 signée par Monsieur X... que ce dernier, embauché par la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL en qualité de chef de produit, à l'issue de son stage étudiant, avait, avec cette dernière, « envisagé, sous réserve que le salarié donne satisfaction dans ses fonctions actuelles, de lui confier des fonctions au sein d'une société appartenant au Groupe L'OREAL en Chine et ceci dans un délai d'environ 2 à 3 ans », et que les parties avaient convenu des conditions d'une telle mutation (contrat de droit local avec reprise d'ancienneté), ce dont il s'évinçait que le salarié avait été recruté en vue de son affectation en Chine ; qu'en jugeant nulle une telle clause, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L1221-1 et L1222-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société L'OREAL à verser à Monsieur X... la somme de 23. 030, 80 € au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence
AUX MOTIFS QUE « l'intimée fait valoir que la clause relative à une obligation de non concurrence contenue dans les contrats de travail des 24 août 2005, 1er février 2006 et 1er juillet 2006 ne constitue pas une clause de non-concurrence, mais une « pré-clause de non-concurrence », dès lors que sa mise en oeuvre est subordonnée à la décision de l'employeur ; que cette clause n'ayant jamais été actionnée par la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL, monsieur X... n'était tenue à aucune obligation de non-concurrence ;
Attendu, cependant, que les dispositions de la clause relative à une obligation de non-concurrence aux termes desquelles le salarié sera tenu à une obligation de non-concurrence, à l'égard de l'employeur dès que celui-ci lui en fera la demande, ont pour effet de réserver à la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL la faculté, après la rupture du contrat de travail, de soumettre monsieur X... à une obligation de non-concurrence ; que ces dispositions, de caractère potestatif, sont nulles ; Qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'intimée, la clause relative à une obligation de non-concurrence conclue entre les parties constitue une clause de non-concurrence qui engageait la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL dès la rupture du contrat de travail ;
Attendu que monsieur X... justifie avoir perçu à la suite de son licenciement des allocations de chômage jusqu'en avril 2008 ; qu'il établit ainsi avoir respecté son obligation de non concurrence pendant la durée de douze mois stipulée dans cette clause ; qu'il est donc en droit de prétendre pour toute cette période, au paiement par la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL de la contrepartie financière à son obligation de non-concurrence, fixée par ladite clause aux deux tiers de ses appointements mensuels de 2. 878, 85 e, Qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL à verser à monsieur X..., au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, la somme de (2. 878, 85 € X 2/ 3) X 12 = 23. 030, 80 € »
1. ALORS QUE seule est nulle la clause par laquelle l'employeur se réserve la faculté après la rupture du contrat de travail qui fixe les droits des parties, de soumettre le salarié à une interdiction de concurrence ; qu'en l'espèce il résultait du contrat de travail de Monsieur X... qu'il « sera tenu, à l'égard de la Société à une obligation de non-concurrence, dès qu'elle lui en fera la demande par lettre recommandée avec avis de réception, dans les conditions suivantes, qui ont été déterminées au vu des dispositions de la convention collective applicable au sein de la Société au jour de la signature du présent engagement » ; qu'il résultait des dispositions de la convention collective de la chimie applicables, qu'une clause de non-concurrence ne peut être introduite qu'en cours de contrat, ce dont il s'évinçait que la faculté réservée à l'employeur d'activer la clause ne pouvait être exercée qu'avant la rupture du contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur ne pouvait valablement activer la clause de non concurrence de son salarié même avant la fin du contrat de travail et que cette clause était nulle, la Cour d'appel a violé les articles L1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2. ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'employeur est en droit de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence au moment de la rupture du contrat de travail si les parties lui en ont réservé la faculté dans le contrat de travail ; qu'en l'espèce, la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de Monsieur X... prévoyait que « La Société se réserve expressément la faculté de renoncer au bénéfice de cette obligation à tout moment, notamment dans l'hypothèse où elle deviendrait sans intérêt pour elle » ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt attaqué que dans la lettre de licenciement, il avait été précisé « nous vous rappelons que vous n'êtes pas lié par une clause de non-concurrence », ce dont il s'évinçait qu'à supposer la clause applicable, la société y avait renoncé au moment du licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que le salarié y était soumis, la Cour d'appel a violé les articles L1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
3. ALORS ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT QUE la nullité de la condition purement potestative entraine la nullité de l'obligation contractée sous condition ; qu'ayant constaté que la condition tenant à la décision unilatérale de l'employeur d'activer la clause de non-concurrence était nulle, la Cour d'appel ne pouvait alors juger que l'obligation de non-concurrence mise à la charge du salarié demeurait valable et condamner l'employeur à lui verser la contrepartie financière ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1174 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26542
Date de la décision : 16/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 fév. 2012, pourvoi n°10-26542


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26542
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award