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15/02/2012 | FRANCE | N°10-28536

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 février 2012, 10-28536


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, pris en leurs diverses branches, et réunis, ci-après annexés :
Attendu que Mme Y..., épouse X..., fait grief à l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 octobre 2010) de la débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que les actes authentiques conclus, le 1er février 1996, d'une part, entre Paul Y... et M. Laurent Y... et, d'autre part, entre Paul Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z..., étaient constitutifs de donations déguisées et tendant à ce qu'il soit ordonné le rapport Ã

  la succession de Paul Y... de la valeur des biens cédés aux termes de ces...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, pris en leurs diverses branches, et réunis, ci-après annexés :
Attendu que Mme Y..., épouse X..., fait grief à l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 octobre 2010) de la débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que les actes authentiques conclus, le 1er février 1996, d'une part, entre Paul Y... et M. Laurent Y... et, d'autre part, entre Paul Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z..., étaient constitutifs de donations déguisées et tendant à ce qu'il soit ordonné le rapport à la succession de Paul Y... de la valeur des biens cédés aux termes de ces actes ;
Attendu que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés et par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, estimé que l'intention libérale de Paul Y..., au moment de la conclusion des contrats, n'était pas établie ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que les moyens, inopérants en leurs deux premières branches, ne sont pas fondés pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., épouse X..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y..., épouse X..., la condamne à payer à Mme Y..., épouse Z..., et à MM. Laurent et Claude Y... la somme totale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils pour Mme Y..., épouse X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que l'acte authentique conclu, le 1er février 1996, entre M. Paul Y... et M. Laurent Y... était constitutif d'une donation déguisée et tendant à ce qu'il soit ordonné le rapport à la succession de Paul Y... de la valeur des biens cédés aux termes de cet acte ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Paul Louis Y..., né le 1er novembre 1946, est décédé le 31 mai 2006, laissant pour lui succéder sa mère, Charlotte A...-Y..., sa soeur Monique Y...-X..., son frère Claude Y..., père de deux enfants : Laurent Y... et Hélène Y... épouse Z..../ Attendu que Claude Y... et ses enfants ont renoncé à la succession de Paul Louis Y... par acte du 12 juillet 2006./ Attendu que par acte reçu le 1er février 1996 par Me D..., notaire à Jonzac, Paul Louis Y... avait vendu à son neveu Laurent Y... plusieurs parcelles de terre, vignes, bois taillis, bâtiments agricoles et maison d'habitation situés à Marignac et Saint-Georges-Antignac (17 ha 70 a 81 ca), moyennant le prix de 720 000 F avec réserve d'un droit d'usage et d'habitation sur la maison et trois autres parcelles, le prix étant payé comptant à hauteur de 400 000 F et le solde converti en rente viagère mensuelle de 1 600 F avec indexation./ …/ Attendu que les objets mobiliers garnissant les immeubles étaient restés la propriété de Paul Louis Y... et sont donc entrés dans sa succession./ Attendu que Mme Monique Y...-X... estime que les ventes consenties à ses neveux par son frère Paul Louis Y... sont en réalité des donations déguisées en raison de la vileté du prix et du paiement non spontané des rentes viagères, et qu'il y a lieu de rapporter à la succession la valeur des immeubles ainsi donnés ; qu'elle soutient que les biens vendus à M. Laurent Y... valaient au moins 894 393 F et non pas 720 000 F comme indiqué dans l'acte de vente et que la propriété cédée à Mme Hélène Y...-Z...coûtait entre 70 000 € et 90 000 € alors que le débirentier n'a versé qu'une somme de 13 985, 87 €./ Attendu cependant qu'il convient de rappeler que le vendeur s'était réservé un droit d'usage et d'habitation pour chacune des maisons et qu'ainsi les acheteurs n'en avait pas la jouissance immédiate, ce qui réduisaient forcément la valeur des biens cédés ; qu'au moment des ventes, Paul Louis Y... était âgé de 49 ans et que le contrat était parfaitement aléatoire, s'agissant d'une personne d'âge mûr mais ayant encore une longue espérance de vie ; que son décès survenu à l'âge de 59 ans était totalement imprévisible et relève de l'aléa inhérent à toute constitution de rente viagère./ Attendu qu'une somme de 720 000 F ne constitue pas un vil prix pour les biens cédés à Laurent Y... de même que le montant de la rente mise à la charge d'Hélène Y...-Z..., étant rappelé que les modalités de paiement du prix comportaient un aléa lié à la durée de vie imprévisible du vendeur et au maintien du droit d'habitation au profit du vendeur./ Attendu que dans ces conditions les premiers juges ont estimé à bon droit que le prix convenu avec M. Laurent Y... ne pouvait pas être qualifié de vil ou de dérisoire à l'époque et que l'aléa tenant au paiement d'une rente viagère était particulièrement important en raison de l'âge du vendeur./ Attendu en outre qu'il n'est pas contesté que le vendeur a veillé au paiement de chaque rente y compris au moyen d'actions coercitives et que le tribunal en a déduit à juste titre que cette façon de procéder était manifestement contraire à l'intention libérale qui aurait pu animer le vendeur puisqu'il avait tout mis en oeuvre pour être payé de l'intégralité des sommes dues./ …/ Attendu que les premiers juges ont parfaitement admis que si les ventes n'avaient pas été conclues aux meilleurs prix, ceux-ci n'étaient pas dérisoires ni vils, d'autant que, comme l'appelante elle-même le souligne, l'oncle était très proche de ses neveux./ Attendu que le fait pour Paul Louis Y... d'être employé par la commune où il résidait et dont son frère Claude était le maire, ne permet pas davantage de qualifier les ventes de libéralités déguisées./ Attendu enfin que les prix de vente, s'ils n'étaient pas conformes aux données du marché de l'époque, n'étaient cependant ni vils ni dérisoires, ce qui ne permet pas de retenir l'intention libérale du vendeur et que dans ces conditions l'expertise sollicitée par l'appelante n'est pas nécessaire ; que sa demande à ce titre sera donc rejetée étant observé qu'en rejetant la qualification de donations déguisées, les premiers juges ne pouvaient que rejeter la demande d'expertise de Mme Monique Y...-X... et qu'après une motivation implicite, la formule employée au dispositif " déboute Monique Y... épouse X... de l'ensemble de ses demandes " constituait bien une réponse à cette prétention./ Attendu que chacun des actes de vente prévoit qu'à l'expiration du droit d'usage et d'habitation, les héritiers auront un délai de quatre mois à compter du jour du décès pour enlever le mobilier garnissant les maisons, lequel fait partie de la succession de Paul Louis Y... et que dans ces conditions les premiers juges ont condamné à bon droit Mme Y...-X... à libérer les lieux, sous astreinte./ Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris » (cf., arrêt attaqué, p. 3 à 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « Monique X... soutient en premier que l'acte de vente qui a été passé le 1er février 1996 entre son père et son neveu Laurent Y... constitue une donation déguisée soumise à rapport pour le montant excédant la quotité disponible au motif que le prix convenu de 720 000 frs était dérisoire au regard de la valeur réelle des biens à l'époque de la vente et que la rente viagère qui a été prévue pour payer le solde n'a pas été indexée ni payée régulièrement./ Pour établir qu'il s'agit d'une donation déguisée, Monique X... doit d'abord prouver que la vente a été conclue à un prix dérisoire, sans contrepartie véritable, et que le vendeur était animé d'une intention libérale./ L'acte de vente notarié reçu par Maître D..., notaire à Jonzac, a porté sur diverses parcelles de terre, pré, vignes, bois taillis sur lesquelles est édifiée une maison d'habitation avec bâtiments d'exploitation sur la commune de Marignac et de Saint Georges Antignac, évalués à 568 000 frs ainsi que sur du matériel agricole d'une valeur de 32 000 frs./ Cette vente a été conclue avec une clause de réserve du droit d'usage et d'habitation au bénéfice de Paul Louis Y... évaluée à 120 000 ff./ Il n'est pas discuté que Laurent Y... a réglé au comptant la somme de 400 000 frs, le solde de 320 000 frs étant converti en rente viagère et annuelle indexée sur l'indice mensuel des prix à la consommation, payable mensuelle à raison de 1 600 frs le premier de chaque mois./ Pour démontrer que la vente a été consentie à vil prix, Monique X... se fonde sur les estimations immobilières du Journal Officiel du 24 août 1997 ainsi que sur plusieurs évaluations d'agences immobilières qui ont été réalisées à sa demande./ Les évaluations immobilières ont été réalisées en août 2007, sans visite de l'immeuble d'habitation et sur la base du descriptif verbal fait par la requérante./ Bien évidemment, l'état d'entretien réel des biens en 1996 ne pouvait être connu des agents immobiliers de sorte que les évaluations qu'ils ont établies sont particulièrement discutables, car réalisées sur la base de données incomplètes et non vérifiables./ Enfin, ces évaluations ont été faites en fonction d'immeuble libre de toute occupation, ce qui ne correspond pas aux conditions de la vente de 1996./ Monique X... soutient que si l'immeuble n'a pas été vendu à son " meilleur prix " la démonstration est faite de ce qu'il s'agit d'un prix dérisoire, caractérisant la donation déguisée et l'intention libérale du vendeur./ En réalité, ces attestations immobilières ont été réalisées sur des éléments trop incomplets pour considérer que les estimations présentées sont le reflet fidèle de l'état du marché pour ce type de bien en 1996./ En effet, à cette époque, l'engouement pour un corps de ferme, nécessitant en général des travaux de rénovation importants, n'est pas comparable à celui qui s'est développé dans la région, notamment auprès de la clientèle étrangère, friande de ce type d'habitation./ Enfin, à supposer démontrer que cette vente n'a pas été conclue au meilleur prix, il n'en reste pas moins que le prix convenu de 720 000 frs représentait une somme conséquente pour l'époque, qui ne peut être qualifiée de vile ou de dérisoire./ Cette vente a été suivie du paiement comptant d'une somme de 400 000 frs, le solde étant réglé par une rente viagère./ Compte tenu de l'âge du vendeur en février 1996 (49 ans), l'aléa tenant au paiement d'une rente viagère, était particulièrement important./ Laurent Y... prenait en effet l'engagement de régler une rente pendant de nombreuses années puisque Paul Louis Y... ne présentait à cette époque aucune affectation ou maladie particulière, laissant présumer une fin de vie écourtée./ Sur la base d'une espérance de vie moyenne de 70 ans, Laurent Y... pouvait escompter régler cette rente une vingtaine d'année, représentant une somme d'environ 400 000 frs, hors d'indexation./ Il démontre par la production de ses relevés de compte " Crédit Agricole " que cette rente payable mensuellement a été réglée chaque mois dès février 1996, son oncle n'hésitant pas à lui réclamer, via les services d'un huissier, son indexation./ Cette façon de procéder est manifestement contraire à l'intention libérale qui aurait animé le vendeur, celui-ci mettant tout en oeuvre pour être payé de l'intégralité des sommes dues./ Cette intention libérale ne se déduit pas plus de la situation professionnelle de Paul Y... qui ne travaillait plus pour la municipalité de Marignac depuis deux ans et n'avait plus de rapport hiérarchique avec son frère Claude, maire de la commune./ Monique X... ne rapporte pas la preuve d'un prix de vente dérisoire, d'une absence de contrepartie à cette vente et enfin de l'intention libérale du vendeur./ En considération de l'ensemble de ces éléments, son argumentation, selon laquelle cette vente constitue une donation déguisée soumise à rapport, ne peut être retenue, rendant sans objet la demande d'expertise./ … Les ventes consenties aux défendeurs n'étant pas remises en cause, ils sont en droit d'exiger la libération complète de leur immeuble par l'enlèvement des meubles qui s'y trouvent et qui dépendent de la succession acceptée sous bénéfice d'inventaire par Madame X..../ En sa qualité d'héritière, elle devra enlever les meubles, tels qu'ils sont recensés dans les procès-verbaux d'inventaire des 7 septembre et 20 octobre 1996 selon les modalités et délais précisés au dispositif du jugement » (cf., jugement entrepris, p. 4 à 6 ; p. 7) ;
ALORS QUE, de première part, tout avantage résultant de la modicité d'un prix de vente peut constituer une donation, sans qu'il soit nécessaire que ce prix de vente soit vil ou dérisoire ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes, que le prix de vente stipulé par l'acte authentique conclu, le 1er février 1996, entre M. Paul Y... et M. Laurent Y... n'était ni vil, ni dérisoire, quand elle constatait que ce prix de vente n'était pas conforme aux données du marché de l'époque à laquelle cet acte avait été conclu, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 893, ensemble de l'article 843 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause ;
ALORS QUE, de deuxième part, un acte aléatoire peut constituer une donation, lorsque ses conditions sont telles que, motivé par une intention libérale, il a, dans tous les cas, pour effet d'appauvrir une de ses parties et d'enrichir corrélativement une autre de ses parties ; qu'en se fondant, dès lors, pour débouter Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes, sur le caractère aléatoire de l'acte authentique conclu, le 1er février 1996, entre M. Paul Y... et M. Laurent Y..., résultant de la stipulation d'un droit d'usage et d'habitation au profit de M. Paul Y... et de la conversion d'une partie de ce prix de vente en une rente viagère à la charge de M. Laurent Y..., quand elle constatait que le prix de vente prévu par cet acte authentique n'était pas conforme aux données du marché de l'époque à laquelle cet acte avait été conclu et quand il en résultait que les conditions de cet acte étaient telles qu'il avait pour effet, dans tous les cas et quel que soit la date du décès de M. Paul Y..., d'appauvrir M. Paul Y... et d'enrichir corrélativement M. Laurent Y... et que, motivé par une intention libérale, il pouvait constituer une donation, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 893, ensemble de l'article 843 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause ;
ALORS QUE, de troisième part, l'existence de l'intention libérale ayant animé une partie à un acte s'apprécie au jour de la formation de cet acte ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir l'absence d'intention libérale ayant animé M. Paul Y... et pour débouter, en conséquence, Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes, que M. Paul Y... avait veillé au paiement de chaque rente, y compris au moyen d'actions coercitives, et que cette façon de procéder était contraire à l'intention libérale qui aurait pu l'animer puisqu'il avait tout mis en oeuvre pour être payé de l'intégralité des sommes dues, quand, en se déterminant de la sorte, elle ne se fondait que sur des circonstances postérieures à la date de formation de l'acte authentique conclu entre M. Paul Y... et M. Laurent Y... ne caractérisant pas l'absence d'intention libérale de M. Paul Y... à la date de formation de cet acte, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 893, ensemble de l'article 843 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que l'acte authentique conclu, le 1er février 1996, entre M. Paul Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z..., était constitutif d'une donation déguisée et tendant à ce qu'il soit ordonné le rapport à la succession de Paul Y... de la valeur des biens cédés aux termes de cet acte ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Paul Louis Y..., né le 1er novembre 1946, est décédé le 31 mai 2006, laissant pour lui succéder sa mère, Charlotte A...-Y..., sa soeur Monique Y...-X..., son frère Claude Y..., père de deux enfants : Laurent Y... et Hélène Y... épouse Z..../ Attendu que Claude Y... et ses enfants ont renoncé à la succession de Paul Louis Y... par acte du 12 juillet 2006./ …/ Attendu que par acte reçu le 1er février 1996 par Me D..., Paul Louis Y... avait vendu à sa nièce Hélène Y...-Z..., une maison d'habitation avec terrain (8 a 59 ca) située à Aucun (Hautes-Pyrénées) toujours avec réserve d'un droit d'usage et d'habitation, moyennant le paiement d'une rente viagère annuelle de 8 400 F payable mensuellement et avec indexation./ Attendu que les objets mobiliers garnissant les immeubles étaient restés la propriété de Paul Louis Y... et sont donc entrés dans sa succession./ Attendu que Mme Monique Y...-X... estime que les ventes consenties à ses neveux par son frère Paul Louis Y... sont en réalité des donations déguisées en raison de la vileté du prix et du paiement non spontané des rentes viagères, et qu'il y a lieu de rapporter à la succession la valeur des immeubles ainsi donnés ; qu'elle soutient que les biens vendus à M. Laurent Y... valaient au moins 894 393 F et non pas 720 000 F comme indiqué dans l'acte de vente et que la propriété cédée à Mme Hélène Y...-Z...coûtait entre 70 000 € et 90 000 € alors que le débirentier n'a versé qu'une somme de 13 985, 87 €./ Attendu cependant qu'il convient de rappeler que le vendeur s'était réservé un droit d'usage et d'habitation pour chacune des maisons et qu'ainsi les acheteurs n'en avait pas la jouissance immédiate, ce qui réduisaient forcément la valeur des biens cédés ; qu'au moment des ventes, Paul Louis Y... était âgé de 49 ans et que le contrat était parfaitement aléatoire, s'agissant d'une personne d'âge mûr mais ayant encore une longue espérance de vie ; que son décès survenu à l'âge de 59 ans était totalement imprévisible et relève de l'aléa inhérent à toute constitution de rente viagère./ Attendu qu'une somme de 720 000 F ne constitue pas un vil prix pour les biens cédés à Laurent Y... de même que le montant de la rente mise à la charge d'Hélène Y...-Z..., étant rappelé que les modalités de paiement du prix comportaient un aléa lié à la durée de vie imprévisible du vendeur et au maintien du droit d'habitation au profit du vendeur./ …/ Attendu que de même en ce qui concerne la vente consentie à Mme Hélène Y...-Z...le tribunal de grande instance a retenu également à bon escient que la conversion du prix de vente en rente annuelle et viagère indexée ne permettait pas de caractériser un prix dérisoire qui démontrerait l'intention libérale du vendeur, lequel s'était réservé un droit d'usage et d'habitation durant toute sa vie et qu'en outre il était tout à fait imprévisible que le vendeur décéderait dix années après la vente alors qu'il n'avait pas encore atteint l'âge de soixante ans ; que l'élément aléatoire certain ne permet pas de caractériser une donation déguisée au profit de la nièce ; que l'action dont fait état l'appelante, engagée par l'oncle à l'encontre de sa nièce pour obtenir le paiement de sa rente exclut encore l'intention libérale du vendeur./ Attendu que les premiers juges ont parfaitement admis que si les ventes n'avaient pas été conclues aux meilleurs prix, ceux-ci n'étaient pas dérisoires ni vils, d'autant que, comme l'appelante elle-même le souligne, l'oncle était très proche de ses neveux./ Attendu que le fait pour Paul Louis Y... d'être employé par la commune où il résidait et dont son frère Claude était le maire, ne permet pas davantage de qualifier les ventes de libéralités déguisées./ Attendu enfin que les prix de vente, s'ils n'étaient pas conformes aux données du marché de l'époque, n'étaient cependant ni vils ni dérisoires, ce qui ne permet pas de retenir l'intention libérale du vendeur et que dans ces conditions l'expertise sollicitée par l'appelante n'est pas nécessaire ; que sa demande à ce titre sera donc rejetée étant observé qu'en rejetant la qualification de donations déguisées, les premiers juges ne pouvaient que rejeter la demande d'expertise de Mme Monique Y...-X... et qu'après une motivation implicite, la formule employée au dispositif " déboute Monique Y... épouse X... de l'ensemble de ses demandes " constituait bien une réponse à cette prétention./ Attendu que chacun des actes de vente prévoit qu'à l'expiration du droit d'usage et d'habitation, les héritiers auront un délai de quatre mois à compter du jour du décès pour enlever le mobilier garnissant les maisons, lequel fait partie de la succession de Paul Louis Y... et que dans ces conditions les premiers juges ont condamné à bon droit Mme Y...-X... à libérer les lieux, sous astreinte./ Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris » (cf., arrêt attaqué, p. 3 à 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « Monique X... soutient en deuxième lieu que la vente qui est intervenue le même jour au profit d'Hélène Z...constitue de la même façon une donation déguisée./ cette vente porte sur un immeuble d'habitation situé sur la commune d'Aucun dans les Hautes-Pyrénées moyennant le paiement d'une rente annuelle et viagère indexée de 8 400 FF payable mensuellement à compter du 1er mars 1996, le vendeur se réservant un droit d'usage et d'habitation sa vie durant./ Les mêmes observations doivent être reprises sur la valeur des attestations qui ont été faites en août 2007 par plusieurs agences immobilières de la région, sans visite intérieure de l'immeuble et sans connaissance de son état réel à l'époque de la vente./ Ces éléments de comparaison sont insuffisants à caractériser le prix dérisoire qui démontrerait l'intention libérale du vendeur./ Cette transaction a fait l'objet d'une contrepartie effective puisque Hélène Z...établit par ses relevés de compte " La Poste ", " Banque Populaire " et " Crédit Agricole " qu'elle a payé cette pension entre 1996 et mai 2006 pour un montant total reconnu de 91 741, 27 frs soit 13 985, 87 €./ La circonstance que Louis Y... est décédé 10 ans après la vente alors qu'il n'avait pas encore 60 ans fait partie intégrante de l'aléa qui concerne ce type de transaction./ Pour autant, cet événement ne peut être reproché à faute à Hélène Z..., laquelle avait exécuté ses obligations jusque-là./ Considérant que les éléments propres à caractériser la donation déguisée ne sont pas plus établis dans cette deuxième transaction./ Monique X... doit être également déboutée de ce chef de demande./ Les ventes consenties aux défendeurs n'étant pas remises en cause, ils sont en droit d'exiger la libération complète de leur immeuble par l'enlèvement des meubles qui s'y trouvent et qui dépendent de la succession acceptée sous bénéfice d'inventaire par Madame X..../ En sa qualité d'héritière, elle devra enlever les meubles, tels qu'ils sont recensés dans les procès-verbaux d'inventaire des 7 septembre et 20 octobre 1996 selon les modalités et délais précisés au dispositif du jugement » (cf., jugement entrepris, p. 6 et 7) ;
ALORS QUE, de première part, tout avantage résultant de la modicité d'un prix de vente peut constituer une donation, sans qu'il soit nécessaire que ce prix de vente soit vil ou dérisoire ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes, que le prix de vente stipulé par l'acte authentique conclu, le 1er février 1996, entre M. Paul Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z..., n'était ni vil, ni dérisoire, quand elle constatait que ce prix de vente n'était pas conforme aux données du marché de l'époque à laquelle cet acte avait été conclu, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 893, ensemble de l'article 843 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause ;
ALORS QUE, de deuxième part, un acte aléatoire peut constituer une donation, lorsque ses conditions sont telles que, motivé par une intention libérale, il a, dans tous les cas, pour effet d'appauvrir une de ses parties et d'enrichir corrélativement une autre de ses parties ; qu'en se fondant, dès lors, pour débouter Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes, sur le caractère aléatoire de l'acte authentique conclu, le 1er février 1996, entre M. Paul Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z..., résultant de la stipulation d'un droit d'usage et d'habitation au profit de M. Paul Y... et de la conversion du prix de vente en une rente viagère à la charge de Mme Hélène Y..., épouse Z..., quand elle constatait que le prix de vente prévu par cet acte authentique n'était pas conforme aux données du marché de l'époque à laquelle cet acte avait été conclu et quand il en résultait que les conditions de cet acte étaient telles qu'il avait pour effet, dans tous les cas et quel que soit la date du décès de M. Paul Y..., d'appauvrir M. Paul Y... et d'enrichir corrélativement Mme Hélène Y..., épouse Z...et que, motivé par une intention libérale, il pouvait constituer une donation, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 893, ensemble de l'article 843 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause ;
ALORS QUE, de troisième part, l'existence de l'intention libérale ayant animé une partie à un acte s'apprécie au jour de la formation de cet acte ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir l'absence d'intention libérale ayant animé M. Paul Y... et pour débouter, en conséquence, Mme Monique Y..., épouse X..., de ses demandes, que l'action engagée par M. Paul Y... à l'encontre de Mme Hélène Y..., épouse Z..., pour obtenir le paiement de sa rente excluait l'intention libérale de M. Paul Y..., quand, en se déterminant de la sorte, elle ne se fondait que sur des circonstances postérieures à la date de formation de l'acte authentique conclu entre M. Paul Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z..., ne caractérisant pas l'absence d'intention libérale de M. Paul Y... à la date de formation de cet acte, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 893, ensemble de l'article 843 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-28536
Date de la décision : 15/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 fév. 2012, pourvoi n°10-28536


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28536
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