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15/02/2012 | FRANCE | N°10-13897

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 février 2012, 10-13897


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 janvier 2010), que la société Briffaz Albert (la société Briffaz) a fait l'objet le 9 octobre 1995 d'une procédure de redressement judiciaire et a bénéficié le 30 avril 1997 d'un plan de continuation ; qu'elle a été rachetée courant 2000 par le groupe Eurodec, constitué notamment de la société Eurodec industries, devenue Halberg précision, et de la société LC Maitre industries, devenue Halberg précision Saint-Pierre-en-Faucigny (la société LC Maitre), qui

a repris à son compte les obligations du plan de continuation ; que le 5 oct...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 janvier 2010), que la société Briffaz Albert (la société Briffaz) a fait l'objet le 9 octobre 1995 d'une procédure de redressement judiciaire et a bénéficié le 30 avril 1997 d'un plan de continuation ; qu'elle a été rachetée courant 2000 par le groupe Eurodec, constitué notamment de la société Eurodec industries, devenue Halberg précision, et de la société LC Maitre industries, devenue Halberg précision Saint-Pierre-en-Faucigny (la société LC Maitre), qui a repris à son compte les obligations du plan de continuation ; que le 5 octobre 2005 le tribunal d'instance a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre la société Briffaz et la société LC Maitre ; que la société Briffaz a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte le 16 novembre 2005 et que ses salariés ont été licenciés, parmi lesquels ceux investis d'un mandat représentatif, à la date du 12 décembre 2005, après autorisation de l'inspecteur du travail ; que 49 salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour nullité du licenciement ou, à défaut, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le conseil de prud'hommes, par un jugement du 8 avril 2008, a sursis à statuer sur les demandes des salariés investis d'un mandat, dans l'attente des décisions relatives aux recours engagés devant la juridiction administrative ; que le tribunal administratif, par jugements du 4 avril 2008, devenus définitifs, a annulé les décisions de l'inspecteur du travail ; que les sociétés Halberg précision, et Halberg précision Saint-Pierre-en-Faucigny (les sociétés) ont relevé appel du jugement rendu le12 mai 2009 par le conseil de prud'hommes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal des sociétés :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en nullité du jugement, alors, selon le moyen :
1°/ que l'inobservation de la règle d'ordre public selon laquelle nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée peut être invoquée par toute partie et doit être relevée d'office par le juge ; qu'en jugeant que les sociétés LC Maitre et Eurodec industries ne pouvaient se prévaloir de l'absence à l'instance de la société Briffaz Albert en liquidation judiciaire et de la nullité du jugement en résultant, seule cette dernière société pouvant invoquer une violation du principe de la contradiction à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile ;
2°/ que si, comme l'a relevé la cour d'appel, la société Briffaz Albert avait été régulièrement convoquée à comparaître postérieurement à sa liquidation judiciaire, par lettre du 13 mars 2006, pour l'audience du 2 octobre 2006, le conseil de prud'hommes n'était alors saisi que de la demande formée par cinquante salariés de rappels de salaires correspondant à la rémunération de leur temps de douche, la juridiction prud'homale n'ayant été saisie que le 15 juin 2006 de demandes en nullité du licenciement ou en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il suit de là que la société Briffaz Albert a été jugée sur ces demandes additionnelles formées à son insu, notamment par d'autres salariés, sans avoir été entendue ou appelée de sorte que, en écartant la nullité du jugement rendu dans ces conditions, la cour d'appel a violé derechef l'article 14 du code de procédure civile ;
3°/ qu'enfin si le débiteur en liquidation judiciaire ne peut plus exercer les droits et actions concernant son patrimoine qui doivent être exercés par le liquidateur, il peut défendre en justice et doit, en sa qualité d'employeur, être partie à l'instance sur la demande de salariés de l'entreprise agissant en nullité de leur licenciement ou en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, s'agissant d'une personne morale dissoute en application de l'article 1844-7.7 du code civil et dont le dirigeant est privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation judiciaire, il doit à cet effet être représenté par un liquidateur amiable ou un mandataire ad hoc ; qu'en retenant qu'il était en l'occurrence suffisant que le liquidateur judiciaire soit présent à l'instance relative à la contestation par les salariés des licenciements auxquels il avait procédé, dans la mesure où il exerce les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article L. 622-9 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 applicable à la cause ;
Mais attendu que le liquidateur judiciaire exerçant pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur relatifs à son patrimoine par suite du dessaisissement de ce dernier de l'administration et de la disposition de ses biens, ce mandataire de justice a qualité pour défendre seul à l'action engagée par d'anciens salariés pour contester leurs licenciements ; que la cour d'appel, qui a exactement retenu que la société Briffaz pouvait être représentée par son liquidateur judiciaire, n'encourt pas les griefs du moyen ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer les décisions du tribunal administratif opposables à la société Eurodec industries et à la société LC Maitre, de déclarer nuls et de nul effet les licenciements des salariés protégés suite à l'annulation des autorisations administratives de licenciement, de fixer le montant des dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement et l'indemnité au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail au passif de la liquidation judiciaire de la société Briffaz puis de déclarer la société LC Maitre co-employeur et tenue solidairement des sommes allouées aux salariés et de condamner celle-ci au paiement de ces sommes alors, selon le moyen :
1°/ que la qualité de co-employeurs de deux sociétés juridiquement distinctes ne peut être retenue que s'il est caractérisé entre ces sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; que, en se bornant à constater, d'un côté, que certains salariés de la société Briffaz Albert travaillaient au sein de la société LC Maitre, de sorte que les autres continuaient à exercer leur activité au sein de la société Briffaz Albert, et que, de l'autre, le seul cadre de la société Briffaz Albert recevait ses ordres de la société LC Maitre qui les transmettait à ses chefs d'équipe, si bien que les salariés de la société Briffaz Albert n'en recevaient pas moins toujours leurs instructions de personnels de cette entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir une confusion de direction de ces deux sociétés, non plus qu'une confusion de leurs activités par une imbrication excédant ce qui participe de la communauté existante entre des sociétés constituant une unité économique et sociale, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification de co-employeur de la société LC Maitre et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que la qualité de co-employeur peut être reconnue à une société juridiquement distincte d'une autre, employeur, quand est caractérisée entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; qu'à l'égard des salariés qui s'en prévalent pour en tirer des conséquences juridiques à leur profit, la condition de co-employeur commande que soit caractérisé un lien de subordination entre chacun des salariés pris individuellement et la société considérée par l'exécution d'un travail sous son autorité, la société devant exercer de manière effective le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les éventuels manquements de ses subordonnés ; qu'ayant constaté qu'une partie des salariés de la société Briffaz Albert avait continué à exercer leur activité dans cette entreprise où ils recevaient leurs instructions du personnel de celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir un lien de subordination directe entre chacun des salariés de la société Briffaz Albert parties à l'instance et la société LC Maitre, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, se fondant sur le rapport du commissaire à l'exécution du plan de redressement a retenu d'une part que la société Briffaz n'était qu'un simple établissement de la société LC Maitre, sans réelle autonomie financière et de gestion, et qu'il existait entre elles une confusion totale d'activité, d'intérêts et de direction, d'autre part que le seul cadre à l'effectif de la société Briffaz, sous l'autorité duquel se trouvaient les salariés, recevait ses ordres de la société LC Maitre et les transmettait directement à ses chefs d'équipe, qu'il n'avait aucun pouvoir pour leur donner directement des instructions et que toute la gestion du personnel était faite par la société LC Maitre, ce dont il se déduisait que cette société avait un pouvoir de direction et de contrôle sur l'ensemble des salariés de la société Briffaz et qu'ils étaient à son égard en état de subordination, a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer les décisions du tribunal administratif opposables à la société Eurodec industries et à la société LC Maitre, de déclarer nuls et de nul effet les licenciements des salariés protégés suite à l'annulation des autorisations administratives de licenciement, de fixer le montant des dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement et l'indemnité au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail au passif de la liquidation judiciaire de la société Briffaz puis de déclarer la société LC Maitre co-employeur et tenue solidairement des sommes allouées aux salariés et condamné celle-ci au paiement de ces sommes alors, selon le moyen :
1°/ que si le liquidateur judiciaire est habilité à prononcer le licenciement des salariés de la société en liquidation judiciaire, ces licenciements ne peuvent être imputés à une autre société à laquelle est reconnue, postérieurement à la rupture des contrats de travail, la qualité de co-employeur ; que cette dernière ne peut davantage se voir imputer les conséquences de la nullité des licenciements, consécutive à l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement s'agissant de salariés protégés, ni celles de l'absence de cause réelle et sérieuse, le liquidateur ne pouvant engager, par les décisions qu'il prend, que la société en liquidation vis-à-vis de laquelle il est investi d'un mandat judiciaire ; qu'en jugeant la société LC Maitre solidairement tenue des indemnités allouées aux salariés protégés pour les licenciements prononcés par le liquidateur judiciaire de la société Briffaz, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 2422-4 du code du travail ;
2°/ que, subsidiairement, une société mise en cause en sa qualité alléguée de co-employeur doit être en mesure de discuter, devant le juge judiciaire saisi des conséquences de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement de salariés protégés, de l'existence de la cause réelle et sérieuse des licenciements qui lui sont rétrospectivement imputés ; que l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résultant pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement, la décision du juge administratif se prononçant sur les licenciements imputables à la société employeur ne peut priver la société déclarée ultérieurement co-employeur de son droit d'obtenir du juge judiciaire l'examen de la régularité des licenciements qui lui sont à son tour imputés ; qu'en refusant de prendre en compte l'argumentation des sociétés LC Maitre et Eurodec industries, motif pris que celle-ci ne tendait qu'à remettre en cause les termes des jugements du tribunal administratif ayant annulé les autorisations administratives de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1351 du code civil ;
3°/ qu'enfin, la lettre de licenciement pour motif économique émanant du mandataire judiciaire liquidateur est suffisamment motivée dès lors qu'elle vise le jugement de liquidation duquel il est procédé au licenciement ; qu'en retenant que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée dans la mesure où elle était muette sur l'appréciation qui doit être faite au niveau du groupe des difficultés économiques, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement décidé que la société LC Maitre, en sa qualité de co-employeur, devait supporter les conséquences de la rupture, peu important que cette qualité ne lui ait été reconnue que postérieurement, et que les licenciements aient été prononcés par le liquidateur ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir relevé que les sociétés alléguaient devoir faire face à des difficultés économiques persistantes ayant des répercussions sur l'ensemble des sociétés du groupe, la cour d'appel qui a constaté que les lettres de licenciement, muettes sur l'existence de difficultés économiques au niveau du groupe, n'énonçaient pas de motif économique de rupture des contrats de travail, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer les décisions du tribunal administratif opposables à la société Eurodec industries, d'avoir déclaré nuls et de nul effet les licenciements des salariés protégés suite à l'annulation des autorisations administratives de licenciement, d'avoir fixé le montant des dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement et l'indemnité au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail au passif de la liquidation judiciaire de la société Briffaz puis d'avoir dit que, la responsabilité extracontractuelle de la société Eurodec industries étant engagée, celle-ci était tenue solidairement des sommes allouées aux salariés et de l'avoir condamnée au paiement de ces sommes alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi répondant aux moyens du groupe n'incombe qu'à l'employeur ; que, à défaut d'une telle obligation légale, il ne résulte pas du protocole d'accord du 25 juillet 2005 faisant état, d'un côté, d'une simple possibilité de reclassement d'un nombre limité de salariés dans la société LC Maitre en cas de poursuite du contrat Volkswagen et indiquant, de l'autre, devoir examiner le cas des autres salariés et étudier un plan social pour tous, un engagement ferme de la société Eurodec industries, qui n'a pas la qualité d'employeur, de procéder au reclassement de l'ensemble des salariés de la société Briffaz Albert ; qu'en jugeant que la société Eurodec industries avait violé l'engagement pris aux termes de l'accord du 25 juillet 2005 et engagé sa responsabilité extracontractuelle en l'absence de reclassement dans le groupe, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1382 du code civil ;
2°/ que le protocole d'accord du 25 juillet 2005 n'évoquant une possibilité de reclassement que d'un nombre limité de salariés dans la société LC Maitre, le cas des autres salariés devant simplement être examiné, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un engagement précis qui aurait nécessairement profité aux salariés protégés parties à l'instance et dont la méconnaissance les a privés d'un reclassement au sein du groupe, a violé derechef les articles 1134 et 1382 du code civil ;
3°/ qu'en l'état de la seule possibilité d'un reclassement d'un nombre limité de salariés dans la société LC Maitre évoquée par le protocole d'accord du 25 juillet 2005, le cas des autres salariés devant être simplement examiné, et eu égard à la faculté de tout salarié de refuser une offre de reclassement, la cour d'appel, en tenant pour certain le préjudice des salariés parties à l'instance constitué par la perte de leur emploi résultant de leur licenciement économique et par l'absence de reclassement dans le groupe, a violé l'article 1382 du code civil ;
4°/ qu'enfin, en jugeant que la société Eurodec industries était tenue sur le fondement de sa responsabilité extracontractuelle de réparer l'intégralité des préjudices subis par les salariés résultant de leurs licenciements respectifs et de l'annulation qui en a été prononcée sans caractériser un lien de causalité entre la méconnaissance, par cette société, de son prétendu engagement relatif au reclassement des salariés et les conséquences de l'annulation des autorisations administratives de licenciement et de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciements, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 1235-3 et L. 2422-4 du code du travail ;
Mais attendu d'abord que la cour d'appel, qui a constaté que suivant un accord d'entreprise du 25 juillet 2005 la société Eurodec industries avait, en comité d'entreprise, annoncé la possibilité de reclasser vingt personnes dans la société LC Maitre si le contrat Volkswagen était transféré avec le matériel de production, plus dix postes, et un ou deux postes "sur Dapta", et la nécessité d'examiner "ensemble" le cas des autres salariés, et être prête à "prendre des mesures d'accompagnement sécurisant l'emploi des personnes qui seraient transférées" et à "étudier un plan social correct pour tous", en a exactement déduit que la société Eurodec industries avait pris l'engagement de reclasser l'ensemble des salariés de la société Briffaz ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que, malgré la poursuite du contrat Volkswagen, la société Eurodec industries n'avait pas respecté les termes de l'accord d'entreprise, elle a à bon droit retenu qu'elle avait ainsi causé aux salariés licenciés pour motif économique un préjudice constitué par la perte de leur emploi résultant de l'absence de reclassement dans le groupe, que sa responsabilité extra-contractuelle était engagée et qu'elle était tenue solidairement avec la société Briffaz et la société LC Maitre au paiement des sommes allouées aux salariés à titre de dommages-intérêts ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident éventuel des salariés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Altia Technology et la société Altia Saint-Pierre-en-Faucigny aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. Y... et aux cinq autres salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Altia Technology et autre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société EURODEC INDUSTRIES, nouvellement dénommée ALTIA TECHNOLOGY, et la société LC MAITRE, nouvellement dénommée ALTIA SAINT PIERRE EN FAUCIGNY de leur demande tendant à obtenir la nullité du jugement du 12 mai 2009 ;
Aux motifs que « la société LC MAITRE et la société EURODEC INDUSTRIE soutiennent que la nullité du jugement doit être prononcée dès lors que la société BRIFFAZ ALBERT n'était pas présente à l'instance et que cette société aurait dû être représentée par un mandataire ad hoc ou un liquidateur amiable ; que, toutefois, seule la société BRIFFAZ ALBERT, société actuellement en liquidation judiciaire, a qualité pour se prévaloir d'une quelconque violation du principe du contradictoire à son encontre et de la nullité éventuelle du jugement rendu et auquel elle n'aurait pas été le cas échéant partie ; qu'en outre, il résulte des pièces de la procédure prud'homale que les demandes initiales des salariés ont été formées le 21 avril 2005 à l'encontre de la société BIFFRAZ ALBERT qui était à l'époque in bonis ; que la société, régulièrement convoquée, a comparu en audience de conciliation le 16 juin 2005, représentée par Monsieur LARDIEUX, directeur des ressources humaines muni d'un pouvoir, date à laquelle elle a été régulièrement avisée du renvoi devant le bureau de jugement pour le 6 février 2006 ; que, suite à sa liquidation judiciaire intervenue le 16 novembre 2005 et à l'intervention de la SELARL Luc Z... ès-qualité devant le Conseil de prud'hommes, le conseil des salariés l'a informée de sa demande aux fins de renvoi de l'affaire (pièce 174) ; que la société BRIFFAZ ALBERT a été convoquée par le greffe du Conseil de prud'hommes par lettre recommandée avec avis de réception du 13 mars 2006 (AR 8/42 annexé à la pièce 8 du dossier de procédure du Conseil de prud'hommes / cf. la procédure commune à l'ensemble des salariés) pour l'audience du 2 octobre 2006 ; que sa convocation a été adressée directement à son adresse, de manière distincte de celle adressée à la SELARL Luc Z... ès-qualité (AR 8/43) ; qu'il appartenait ainsi à la société BRIFFAZ ALBERT, qui a réceptionné ce courrier et qui était régulièrement convoquée, postérieurement à sa liquidation judiciaire, de comparaître à l'audience ou de se faire représenter, ce qu'elle n'a pas cru utile de faire ; qu'en outre, le présent litige est relatif à titre principal à la contestation par les salariés des licenciements auxquels le mandataire liquidateur a procédé conformément à l'article L. 622-5 du Code de commerce (rédaction antérieure au 1er janvier 2006), suite à la liquidation judiciaire de l'entreprise et il n'est pas contesté que le mandataire judiciaire exerce pendant toute la durée de la liquidation les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine par suite du dessaisissement de ce dernier de l'administration et de la disposition de ses biens conformément aux dispositions de l'article L. 622-9 du Code de commerce ; que dans le cadre des licenciements prononcés par le mandataire liquidateur conformément à sa mission, il n'existe aucune opposition d'intérêt entre celui-ci et la société BRIFFAZ ALBERT, justifiant la nécessité de nommer un mandataire ad hoc ; que le moyen n'est pas fondé et il n'y a pas lieu d'annuler le jugement entrepris ;
Alors, d'une part, que l'inobservation de la règle d'ordre public selon laquelle nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée peut être invoquée par toute partie et doit être relevée d'office par le juge ; qu'en jugeant que les sociétés LC MAITRE et EURODEC INDUSTRIES ne pouvaient se prévaloir de l'absence à l'instance de la société BRIFFAZ ALBERT en liquidation judiciaire et de la nullité du jugement en résultant, seule cette dernière société pouvant invoquer une violation du principe de la contradiction à son encontre, la Cour d'appel a violé l'article 14 du Code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que si, comme l'a relevé la Cour d'appel, la société BRIFFAZ ALBERT avait été régulièrement convoquée à comparaître postérieurement à sa liquidation judiciaire, par lettre du 13 mars 2006, pour l'audience du 2 octobre 2006, le Conseil de prud'hommes n'était alors saisi que de la demande formée par cinquante salariés de rappels de salaires correspondant à la rémunération de leur temps de douche, la juridiction prud'homale n'ayant été saisie que le 15 juin 2006 de demandes en nullité du licenciement ou en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il suit de là que la société BRIFFAZ ALBERT a été jugée sur ces demandes additionnelles formées à son insu, notamment par d'autres salariés, sans avoir été entendue ou appelée de sorte que, en écartant la nullité du jugement rendu dans ces conditions, la Cour d'appel a violé derechef l'article 14 du Code de procédure civile ;
Alors, enfin, que si le débiteur en liquidation judiciaire ne peut plus exercer les droits et actions concernant son patrimoine qui doivent être exercés par le liquidateur, il peut défendre en justice et doit, en sa qualité d'employeur, être partie à l'instance sur la demande de salariés de l'entreprise agissant en nullité de leur licenciement ou en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, s'agissant d'une personne morale dissoute en application de l'article 1844-7.7 du Code civil et dont le dirigeant est privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation judiciaire, il doit à cet effet être représenté par un liquidateur amiable ou un mandataire ad hoc ; qu'en retenant qu'il était en l'occurrence suffisant que le liquidateur judiciaire soit présent à l'instance relative à la contestation par les salariés des licenciements auxquels il avait procédé, dans la mesure où il exerce les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-9 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 applicable à la cause.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les décisions du Tribunal administratif opposables à la société EURODEC INDUSTRIES et à la société LC MAITRE, d'avoir déclaré nuls et de nul effet les licenciements des salariés protégés suite à l'annulation des autorisations administratives de licenciement, d'avoir fixé le montant des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement et l'indemnité au titre de l'article L. 2422-4 du Code du travail au passif de la liquidation judiciaire de la société BRIFFAZ ALBERT puis d'avoir déclaré la société LC MAITRE co-employeur et tenue solidairement des sommes allouées aux salariés et condamné celle-ci au paiement de ces sommes ;
Aux motifs que « le Conseil de prud'hommes a retenu que la société LC MAITRE avait la qualité de co-employeur et qu'elle devait être tenue solidairement des conséquences de l'annulation des licenciements, qualité que la société conteste ; que les salariés parties à la procédure étaient liés par un contrat de travail à la société BRIFFAZ ALBERT et qu'ils étaient rémunérés par elle ; qu'il leur appartient ainsi, s'agissant des demandes formées à l'encontre de la société LC MAITRE, de justifier de l'existence des éléments constitutifs d'un contrat de travail caractérisé par un lien de subordination au profit de la société LC MAITRE ; que le Conseil de prud'hommes a justement caractérisé l'existence de ce lien de subordination entre les salariés et la société LC MAITRE au visa, notamment, du jugement du 5 octobre 2005, aujourd'hui définitif, qui a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre la société BRIFFAZ ALBERT et la société LC MAITRE, du rapport de Maître MEYNET, commissaire à l'exécution du plan de la société BRIFFAZ ALBERT et de ses annexes, aux termes desquelles il ressort que la société BRIFFAZ ALBERT, dont le siège social est situé à Marnaz, est de fait domicilié chez la société LC MAITRE à Saint Pierre en Faucigny, les courriers lui étant adressés portant l'adresse du siège social de la société LC MAITRE, situation confirmée par le fait que les convocations adressées dans le cadre de l'instance prud'homale à la société BRIFFAZ ont été réceptionnés chez la société LC MAITRE, que l'organigramme général de la société BRIFFAZ est établi sur un papier à entête LC MAITRE Industrie – EURODEC, que Didier B..., directeur du site BRIFFAZ, est également directeur du site de LC MAITRE, que Bruno C..., directeur du site de production BRIFFAZ est à l'effectif de la société LC MAITRE en qualité de directeur de production et d'industrialisation, que Vincent LARDIEUX, directeur des ressources humaines chez BRIFFAZ, est salarié de LC MAITRE, que Monsieur D..., seul cadre à l'effectif de BRIFFAZ, a déclaré recevoir ses ordres de Monsieur C..., salarié de LC MAITRE ou directement de la société LC MAITRE, ordres qu'il transmettait directement à ses chefs d'équipe et n'avoir aucun pouvoir pour donner des instructions directement à ces derniers, que toute la gestion du personnel de la société BRIFFAZ était faite par LC MAITRE (calcul des heures de présence, gestion des absences), la pointeuse des heures de présence installée chez BRIFFAZ étant reliée directement chez LC MAITRE, les salariés de BRIFFAZ étant convoqués à la médecine du travail chez LC MAITRE ; que Maître MEYNET a relevé que la société BRIFFAZ n'avait plus aucune autonomie financière, comptable, sociale, de production ou de direction au 20 septembre 2005 par rapport à la société LC MAITRE, qu'elle n'avait plus de service commercial qui lui était propre, que la fonction commerciale était gérée par la société LC MAITRE, qu'elle ne gérait plus sa trésorerie qui était gérée par la société LC MAITRE et qu'elle n'avait plus de standard téléphonique, les appels étant renvoyés sur le standard de la société LC MAITRE ; qu'il résulte de ces éléments précis, qui ne sont contredits par aucune pièce sérieuse, que la société LC MAITRE gérait le personnel de BRIFFAZ en ayant à son égard un pouvoir de direction et de contrôle et dirigeait administrativement et financièrement la société BRIFFAZ ALBERT, les attestations produites par LC MAITRE émanant de ses salariés relatant qu'ils n'ont jamais travaillé chez BRIFFAZ ne s'opposant pas à ce que les salariés de BRIFFAZ ALBERT travaillent exclusivement pour le compte de LC MAITRE, que la société BRIFFAZ ALBERT, bien que juridiquement distincte, constituait un simple établissement de cette dernière, un simple site de production et qu'il existait une confusion totale d'activité, d'intérêt et de direction entre BRIFFAZ et LC MAITRE ; que Maître MEYNET n'a pas excédé les limites de sa mission dès lors que l'examen de la situation de la société BRIFFAZ ALBERT auquel il devait procéder a mis objectivement en évidence les liens unissant cette société à la société LC MAITRE et qu'il lui appartenait de faire état de cette situation dans son rapport ; que, en conséquence, les éléments constitutifs de l'existence d'un contrat de travail entre les salariés à la présente procédure et la société LC MAITRE sont parfaitement caractérisés et c'est donc à juste titre que le Conseil de prud'hommes a retenu que la société LC MAITRE avait la qualité de co-employeur desdits salariés et qu'elle était tenue à leur égard des conséquences de l'annulation des licenciements » ;
Alors, d'une part, que la qualité de co-employeurs de deux sociétés juridiquement distinctes ne peut être retenue que s'il est caractérisé entre ces sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; que, en se bornant à constater, d'un côté, que certains salariés de la société BRIFFAZ ALBERT travaillaient au sein de la société LC MAITRE, de sorte que les autres continuaient à exercer leur activité au sein de la société BRIFFAZ ALBERT, et que, de l'autre, le seul cadre de la société BRIFFAZ ALBERT recevait ses ordres de la société LC MAITRE qui les transmettait à ses chefs d'équipe, si bien que les salariés de la société BRIFFAZ ALBERT n'en recevaient pas moins toujours leurs instructions de personnels de cette entreprise, la Cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir une confusion de direction de ces deux sociétés, non plus qu'une confusion de leurs activités par une imbrication excédant ce qui participe de la communauté existante entre des sociétés constituant une unité économique et sociale, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification de co-employeur de la société LC MAITRE et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
Alors, d'autre part, que la qualité de co-employeur peut être reconnue à une société juridiquement distincte d'une autre, employeur, quand est caractérisée entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ; qu'à l'égard des salariés qui s'en prévalent pour en tirer des conséquences juridiques à leur profit, la condition de co-employeur commande que soit caractérisé un lien de subordination entre chacun des salariés pris individuellement et la société considérée par l'exécution d'un travail sous son autorité, la société devant exercer de manière effective le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les éventuels manquements de ses subordonnés ; qu'ayant constaté qu'une partie des salariés de la société BRIFFAZ ALBERT avait continué à exercer leur activité dans cette entreprise où ils recevaient leurs instructions du personnel de celle-ci, la Cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir un lien de subordination directe entre chacun des salariés de la société BRIFFAZ ALBERT parties à l'instance et la société LC MAITRE, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les décisions du Tribunal administratif opposables à la société EURODEC INDUSTRIES et à la société LC MAITRE, d'avoir déclaré nuls et de nul effet les licenciements des salariés protégés suite à l'annulation des autorisations administratives de licenciement, d'avoir fixé le montant des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement et l'indemnité au titre de l'article L. 2422-4 du Code du travail au passif de la liquidation judiciaire de la société BRIFFAZ ALBERT puis d'avoir déclaré la société LC MAITRE co-employeur et tenue solidairement des sommes allouées aux salariés et condamné celle-ci au paiement de ces sommes ;
Aux motifs que « c'est à juste titre et par des motifs que la Cour adopte que le Conseil de prud'hommes a retenu que les décisions du Tribunal administratif annulant les licenciements des salariés protégés étaient opposables à la société LC MAITRE ; qu'en effet, dès lors que la qualité de co-employeur de la société LC MAITRE est reconnue par la présente Cour, la société LC MAITRE se trouve de fait dans la même situation que la société BRIFFAZ ALBERT vis-à-vis de la juridiction administrative et les décisions du Tribunal administratif s'imposent à elle ; que par ailleurs le salarié protégé licencié en vertu d'une autorisation administrative par la suite annulée peut prétendre, qu'il ait ou non demandé sa réintégration, au paiement des indemnités de rupture s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, ainsi qu'au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail s'il établit que son licenciement était au moment où il a été prononcé dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en outre, aux termes de l'article L. 2422-4 du Code du travail, « Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire » ; que, en l'espèce, les autorisations administratives de licenciement des six salariés protégés ont été annulées par jugements du Tribunal administratif de Grenoble du 4 avril 2008, décisions qui sont définitives ; qu'en raison de l'annulation des autorisations administratives de licenciement, les licenciements des salariés protégés sont nuls et de nul effet ; que la régularité de la procédure de licenciement ne fait l'objet d'aucune critique dans le cadre de la présente instance et qu'en tout état de cause son examen ne présente pas d'intérêt du fait de l'annulation des autorisations administratives et des conséquences qui en découlent ; que si les sociétés EURODEC et LC MAITRE soutiennent que les lettres de licenciement sont suffisamment motivées dès lors qu'elles visent le jugement de liquidation en application duquel il est procédé au licenciement, que le groupe EURODEC devait faire face à des difficultés économiques persistantes, leur argumentation ne tend qu'à remettre en cause les termes des jugements du Tribunal administratif qui ont annulé les autorisations administratives de licenciement et qu'elle se heurte au principe de la séparation des pouvoirs ; que, notamment, il ne peut être sérieusement soutenu que la lettre de licenciement est suffisamment motivée alors que, s'agissant de licenciements pour motifs économiques, l'appréciation des difficultés économiques doit être faite au niveau du groupe, ce qui n'a pas été le cas, les lettres de licenciement étant totalement muettes sur ce point, ce seul fait étant suffisant à lui seul pour priver les licenciements de tout caractère réel et sérieux » ;
Alors, d'une part, que si le liquidateur judiciaire est habilité à prononcer le licenciement des salariés de la société en liquidation judiciaire, ces licenciements ne peuvent être imputés à une autre société à laquelle est reconnue, postérieurement à la rupture des contrats de travail, la qualité de co-employeur ; que cette dernière ne peut davantage se voir imputer les conséquences de la nullité des licenciements, consécutive à l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement s'agissant de salariés protégés, ni celles de l'absence de cause réelle et sérieuse, le liquidateur ne pouvant engager, par les décisions qu'il prend, que la société en liquidation vis-à-vis de laquelle il est investi d'un mandat judiciaire ; qu'en jugeant la société LC MAITRE solidairement tenue des indemnités allouées aux salariés protégés pour les licenciements prononcés par le liquidateur judiciaire de la société BRIFFAZ, la Cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 2422-4 du Code du travail ;
Alors, d'autre part, que, subsidiairement, une société mise en cause en sa qualité alléguée de co-employeur doit être en mesure de discuter, devant le juge judiciaire saisi des conséquences de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement de salariés protégés, de l'existence de la cause réelle et sérieuse des licenciements qui lui sont rétrospectivement imputés ; que l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résultant pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement, la décision du juge administratif se prononçant sur les licenciements imputables à la société employeur ne peut priver la société déclarée ultérieurement co-employeur de son droit d'obtenir du juge judiciaire l'examen de la régularité des licenciements qui lui sont à son tour imputés ; qu'en refusant de prendre en compte l'argumentation des sociétés LC MAITRE et EURODEC INDUSTRIES, motif pris que celle-ci ne tendait qu'à remettre en cause les termes des jugements du Tribunal administratif ayant annulé les autorisations administratives de licenciement, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1351 du Code civil ;
Alors, enfin, que la lettre de licenciement pour motif économique émanant du mandataire judiciaire liquidateur est suffisamment motivée dès lors qu'elle vise le jugement de liquidation duquel il est procédé au licenciement ; qu'en retenant que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée dans la mesure où elle était muette sur l'appréciation qui doit être faite au niveau du groupe des difficultés économiques, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-3 du Code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les décisions du Tribunal administratif opposables à la société EURODEC INDUSTRIES, d'avoir déclaré nuls et de nul effet les licenciements des salariés protégés suite à l'annulation des autorisations administratives de licenciement, d'avoir fixé le montant des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement et l'indemnité au titre de l'article L. 2422-4 du Code du travail au passif de la liquidation judiciaire de la société BRIFFAZ ALBERT puis d'avoir dit que, la responsabilité extracontractuelle de la société EURODEC INDUSTRIES étant engagée, celleci était tenue solidairement des sommes allouées aux salariés et de l'avoir condamnée au paiement de ces sommes ;
Aux motifs que « le Conseil de prud'hommes a retenu que la responsabilité extracontractuelle de la société EURODEC était engagée dès lors qu'elle avait commis des fautes dans la gestion de la société BRIFFAZ ALBERT en lien de causalité avec la procédure de liquidation judiciaire de cette dernière et le licenciement collectif des salariés de l'entreprise et qu'elle n'avait pas respecté les engagements pris à l'égard des salariés dans le cadre de l'accord collectif du 25 juillet 2005 ; que l'argument soulevé par la société EURODEC selon lequel le Conseil de prud'hommes ne pouvait pas statuer à son encontre en l'absence de contrat de travail existant entre elle et les salariés à la présente procédure est sans incidence en l'espèce, dès lors que par l'effet dévolutif de l'appel la présente Cour est saisie de l'entier litige et qu'elle est investie de la plénitude de juridiction que ce soit en matière civile ou prud'homale ; que la responsabilité de la société EURODEC n'est pas recherchée en sa qualité de co-employeur, les salariés agissant à son encontre sur le fondement de sa responsabilité extracontractuelle ; qu'ainsi que l'a relevé le Conseil de prud'hommes, il n'appartient pas à la juridiction prud'homale d'apprécier les choix de gestion de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et d'en déterminer le caractère éventuellement fautif ; que si le Conseil de prud'hommes peut effectivement tirer toutes conséquences des décisions rendues par la juridiction commerciale, caractérisant des erreurs de gestion ou des fautes dans la direction de l'entreprise, il convient de relever en l'espèce que le Tribunal de grande instance de Bonneville, statuant en matière commerciale le octobre 2005, n'a pas statué sur la responsabilité de la société EURODEC INDUSTRIES dans la situation de la société BRIFFAZ ALBERT ; que, si ce jugement est fort critique dans ses motifs sur le rôle du groupe EURODEC, ceux-ci n'ont toutefois pas de caractère décisoire et il n'apparaît pas que la société EURODEC INDUSTRIES ait été partie à cette procédure ou ait été appelée en la cause ; que le jugement du 16 novembre 2005 prononçant la liquidation judiciaire de la société BRIFFAZ ALBERT ne comporte aucune appréciation sur le rôle ou les fautes commises par la société EURODEC et il convient de relever qu'aucune action n'a été engagée par le mandataire de la société BRIFFAZ ALBERT à l'encontre de cette dernière pour faire sanctionner des fautes de gestion, notamment au visa des dispositions de l'article L. 651-2 du Code de commerce ; que, toutefois, le Conseil de prud'hommes a justement retenu que la société EURODEC avait pris un engagement à l'égard des salariés de la société BRIFFAZ ALBERT selon un accord d'entreprise du juillet 2005 (pièce 6 des salariés) ; que la société EURODEC INDUSTRIES représentée par Madame COHEN y rappelait avoir annoncé en comité « la possibilité de reclassement de 20 personnes sur LC MAITRE si le contrat Volkswagen est transféré avec le matériel de production… ainsi que la possibilité de reclasser environ 10 postes complémentaires sur LC MAITRE et 1 ou 1 sur Dapta » ainsi que la nécessité d'examiner ensemble dans « le respect de la législation sociale le cas des autres salariés » et déclarait être « prêt d'ne part à prendre des mesures d'accompagnement sécurisant l'emploi des personnes qui seraient transférées et d'autre part d'étudier un plan social correct pour tous » ; qu'alors que le contrat Volkswagen s'est poursuivi, la société EURODEC n'a pas respecté les termes de cet accord et les salariés de la société BRIFFAZ ALBERT sont fondés, en application de la responsabilité extracontractuelle, à se prévaloir de la violation de cet engagement dès qu'il en a résulté pour eux un préjudice constitué par la perte de leur emploi résultant de leur licenciement pour motif économique et de l'absence de reclassement dans le groupe ; que la décision sera donc confirmée de ce chef ; que par ailleurs c'est à juste titre et par des motifs que la Cour adopte que le Conseil de prud'hommes a retenu que les décisions du Tribunal administratif annulant les licenciements des salariés protégés étaient opposables à la société EURODEC INDUSTRIES ; que la responsabilité extracontractuelle de cette société étant engagée du fait du non respect de ses engagements, elle est tenue de réparer l'intégralité des préjudices subis par les salariés résultant des conséquences de leurs licenciements respectifs et de l'annulation qui en a été prononcée » ;
Alors, d'une part, que l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi répondant aux moyens du groupe n'incombe qu'à l'employeur ; que, à défaut d'une telle obligation légale, il ne résulte pas du protocole d'accord du 25 juillet 2005 faisant état, d'un côté, d'une simple possibilité de reclassement d'un nombre limité de salariés dans la société LC MAITRE en cas de poursuite du contrat Volkswagen et indiquant, de l'autre, devoir examiner le cas des autres salariés et étudier un plan social pour tous, un engagement ferme de la société EURODEC INDUSTRIES, qui n'a pas la qualité d'employeur, de procéder au reclassement de l'ensemble des salariés de la société BRIFFAZ ALBERT ; qu'en jugeant que la société EURODEC INDUSTRIES avait violé l'engagement pris aux termes de l'accord du 25 juillet 2005 et engagé sa responsabilité extracontractuelle en l'absence de reclassement dans le groupe, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1382 du Code civil ;
Alors, d'autre part, que le protocole d'accord du 25 juillet 2005 n'évoquant une possibilité de reclassement que d'un nombre limité de salariés dans la société LC MAITRE, le cas des autres salariés devant simplement être examiné, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un engagement précis qui aurait nécessairement profité aux salariés protégés parties à l'instance et dont la méconnaissance les a privés d'un reclassement au sein du groupe, a violé derechef les articles 1134 et 1382 du Code civil ;
Alors, encore, qu'en l'état de la seule possibilité d'un reclassement d'un nombre limité de salariés dans la société LC MAITRE évoquée par le protocole d'accord du 25 juillet 2005, le cas des autres salariés devant être simplement examiné, et eu égard à la faculté de tout salarié de refuser une offre de reclassement, la Cour d'appel, en tenant pour certain le préjudice des salariés parties à l'instance constitué par la perte de leur emploi résultant de leur licenciement économique et par l'absence de reclassement dans le groupe, a violé l'article 1382 du Code civil ;
Alors, enfin, qu'en jugeant que la société EURODEC INDUSTRIES était tenue sur le fondement de sa responsabilité extracontractuelle de réparer l'intégralité des préjudices subis par les salariés résultant de leurs licenciements respectifs et de l'annulation qui en a été prononcée sans caractériser un lien de causalité entre la méconnaissance, par cette société, de son prétendu engagement relatif au reclassement des salariés et les conséquences de l'annulation des autorisations administratives de licenciement et de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciements, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles L. 1235-3 et L. 2422-4 du Code du travail.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Y... et autres

Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la responsabilité extracontractuelle de la société EURODEC ne peut être engagée à l'égard des salariés en raison de ses fautes de gestion ayant entraîné la perte d'emploi

AUX MOTIFS QUE l'argument soulevé par EURODEC selon lequel le Conseil de Prud'hommes ne pouvait pas statuer à son encontre en l'absence de contrat de travail existant entre elle et les salariés à la présente procédure est sans incidence en l'espèce, dès lors que par l'effet dévolutif de l'appel, la présente Cour est saisie de l'entier litige et qu'elle est investie de la plénitude de juridiction que ce soit en matière civile ou prud'homale; que la responsabilité de la SA EURODEC n'est pas recherchée en sa qualité de co-employeur, les salariés agissant à son encontre sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle ; qu'ainsi que l'a relevé le Conseil de Prud'hommes, il n'appartient pas à la juridiction prud'homale d'apprécier les choix de gestion de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et d'en déterminer le caractère éventuellement fautif; que si le Conseil de Prud'hommes peut effectivement tirer toutes conséquences des décisions rendues par la juridiction commerciale, caractérisant des erreurs de gestion ou des fautes dans la direction de l'entreprise, il convient de relever, en l'espèce que le Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE, statuant en matière commerciale le 7 octobre 2005 n'a pas statué sur la responsabilité de la SA EURODEC INDUSTRIE dans la situation de la SA BRIFFAZ Albert et Cie ; que si ce jugement est fort critique, dans ces motifs, sur le rôle du groupe EURODEC ceux-ci n'ont toutefois pas de caractère décisoire et il n'apparaît pas que la SA EURODEC INDUSTRIE ait été partie à cette procédure ou appelée en la cause ; que le jugement du 16 novembre 2005 prononçant la liquidation judiciaire de la SA BRIFFAZ ALBERT ne comporte aucune appréciation sur le rôle ou les fautes commises par EURODEC et il convient de relever qu'aucune action n'a été engagée par le mandataire liquidateur de la SA BRIFFAZ ALBERT à l'encontre de cette dernière, pour faire sanctionner des fautes de gestion au visa notamment des dispositions de l'article L. 651-2 du code du commerce (ex L. 624-3);

ALORS QUE s'il n'appartient pas à la juridiction prud'homale d'apprécier les choix de gestion de l'employeur, ou du groupe auquel il appartient, par contre toute personne est responsable de son action fautive ou frauduleuse ; qu'en refusant de rechercher, peu important qu'elle résulte ou non du dispositif du jugement du Tribunal de Commerce, si la perte de l'emploi n'était pas la conséquence de la faute de l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et L. 1233-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-13897
Date de la décision : 15/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 05 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 fév. 2012, pourvoi n°10-13897


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.13897
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