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14/02/2012 | FRANCE | N°11-82220

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 février 2012, 11-82220


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Olivier X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2011, qui, pour homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, deux amendes de 3 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation

, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'h...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Olivier X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2011, qui, pour homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, deux amendes de 3 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, alinéa 4, et 221-6 du code pénal, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 4741-1 et L. 4741-2 du code du travail, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'homicide involontaire dans le cadre d'une relation de travail par maladresse, négligence, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, a confirmé le jugement déféré du chef de la culpabilité s'agissant des infractions à la réglementation générale en matière d'hygiène et de sécurité du travail visées à la prévention, et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et au paiement de deux amendes de 3 000 euros ;
"aux motifs propres qu'il convient, préliminairement, de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas directement causé le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis le dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont pénalement responsables s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation de prudence imposée par la loi ou le règlement soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en l'espèce, le prévenu n'est pas susceptible d'avoir causé directement le dommage de telle sorte que son éventuelle faute doit être examinée au regard des dispositions de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal ; qu'en sa qualité de chef d'établissement, M. X... était tenu d'une obligation générale de sécurité à l'égard des salariés ; qu'en particulier, en application des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail, il lui incombait de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des salariés par des actions de prévention et de formation, d'évaluer les risques encourus, d'arrêter les mesures et de donner les instructions appropriées pour les combattre, de prendre les précautions nécessaires pour assurer la sécurité et de veiller au respect des mesures de sécurité et à la stricte et constante application de la réglementation ; que les référentiels SNCFRG 0011 et MN-RA-001 prévoient expressément que le directeur d'établissement, en l'espèce M. X..., assume en matière d'hygiène et de sécurité et conditions de travail, les responsabilités d'un chef d'entreprise ; que le chef d'établissement ne peut être exonéré de sa responsabilité que s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions légales et réglementaires ; qu'une telle délégation, en toute hypothèse, doit être expresse et dépourvue de toute ambiguïté ; que cette délégation doit faire l'objet d'une information aux salariés soumis à l'autorité du délégataire ; qu'en l'espèce, force est de constater, outre le fait qu'au moment des faits la lettre de mission dont fait état M. X... n'était signée, ni par le prétendu délégant, M. X... ni par le prétendu délégataire, M. Y... (qui a apposé sa signature onze jours après l'accident), outre le fait aussi que M. X..., pendant l'enquête préliminaire, n'a jamais invoqué une telle déclaration, qu'il n'est pas rapporté la preuve de ce que M. Y... disposait des moyens nécessaires, dont il n'est d'ailleurs absolument pas question dans la lettre de mission produite, le prévenu prétendant même à l'audience que M. Y... ne pouvait engager sans son aval que des dépenses de 1 500 euros au maximum ; que des éléments précités tels que ressortant des pièces de la procédure soumise à l'appréciation de la cour, il résulte que l'accident dont a été victime M. Z..., le 9 février 2006, dans l'enceinte de l'UPM de Thionville, n'est dû qu'à un manque dans l'organisation du travail, une carence dans la prévention des risques et des moyens appropriés pour y remédier, et à un "laisser-aller" en vigueur dans cet établissement, ainsi que le révèlent d'autres circonstances notées dans "l'arbre des causes", telles que la mise à disposition d'un échafaudage non conforme et la non-obligation du port du casque ; que, force est de constater que MM. Z... et A... sont intervenus sur le portail, sur instruction de leur supérieur hiérarchique, alors qu'aucune méthodologie n'avait été définie, alors qu'ils ne disposaient d'aucun document de maintenance et d'aucune consigne d'intervention, alors qu'aucune formation spécifique de sécurité ne leur avait été dispensée ; que, force est également de constater que la dernière vérification de sécurité, au sens de la réglementation, vérification devant être consignée dans un dossier annexé au dossier de maintenance inexistant, avait été effectuée en 1999, les observations du vérificateur étant au surplus restées lettre morte ; que ces manquements imputables au chef d'établissement, M. X..., sont à l'origine de l'accident mortel survenu le 9 février 2006 ; que le lien de causalité est certaine ; que la violation manifestement délibérée prévue à l'article 221-6, alinéa 2, du code pénal suppose la démonstration du caractère non seulement conscient, mais téméraire des actes ou des omissions incriminés ; que la preuve de ce caractère téméraire n'est pas établie dans le dossier soumis à l'appréciation de la cour ; que, toutefois, en manquant aux obligations mises à sa charge alors qu'il ne pouvait ignorer les risques encourus, M. X... a commis des fautes d'imprudence et de négligence caractérisées exposant, le 9 février 2006, M. Z... à un risque d'une particulière gravité que M. X... ne pouvait ignorer, de sorte qu'est établi à l'encontre de l'intéressé, en tous ses éléments constitutifs, le délit d'homicide involontaire tant au regard de l'article 221-6, alinéa 1 du code pénal que de l'article 121-3, alinéa 4, du même code ; qu'en cet état, la cour infirmera le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de M. X... de ce chef de poursuite ; qu'elle requalifiera l'infraction d'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement (article 221-6 du code pénal) en homicide involontaire dans le cadre d'une relation de travail par maladresse, négligence, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement (article 221-6 du code pénal) ; qu'en conséquence, la cour déclarera M. X... coupable d'avoir à Thionville, le 9 février 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis un temps non prescrit, dans le cadre d'une relation de travail par maladresse, négligence, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement commis la mort de M. Z..., faits prévus et réprimés par les articles 221-6, alinéa 1, 221-8, 221-10 du code pénal, L. 4741-2 du code du travail ; que la cour confirmera le jugement entrepris du chef de la culpabilité s'agissant des infractions à la réglementation générale en matière d'hygiène et de sécurité du travail telles que visées à la prévention ;
"1) alors que le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; que la délégation de pouvoirs n'est soumise à aucun formalisme et, en tant que moyen de défense, peut être invoquée à tout moment, notamment pour la première fois en appel ; qu'un responsable de la sécurité du personnel qui préside, par délégation expresse, le comité d'hygiène et de sécurité a nécessairement les pouvoirs et le devoir de faire respecter les obligations du code du travail en matière d'hygiène et de sécurité ; qu'en l'espèce, en se fondant sur des motifs inopérants, à savoir sur le défaut de signature de la délégation de pouvoirs au moment des faits et sur le fait que M. X... n'avait pas invoqué la délégation lors de l'enquête préliminaire, et en se contentant d'affirmer que le délégataire, pourtant chef de l'unité de production matériel de Thionville et président du comité d'hygiène et de sécurité, ne disposait pas des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre la politique de sécurité du personnel en raison de la limitation de ses moyens financiers à la somme de 1 500 euros, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"2) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en affirmant que les manquements aux obligations mises à la charge du prévenu étaient constitutifs d'une faute caractérisée à l'origine du dommage sans préciser quelles étaient les obligations mises à la charge du demandeur et auxquelles il aurait manqué, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir une faute caractérisée et a privé sa décision de base légale ;
"3) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que la faute caractérisée doit en premier lieu être d'une particulière gravité pour que la responsabilité de son auteur soit engagée ; qu'en n'établissant pas en quoi le comportement du demandeur était constitutif d'une faute d'une particulière intensité et en se contentant d'affirmer qu'en manquant aux obligations mises à sa charge, le demandeur a commis une faute caractérisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"4) alors que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que les dispositions de l'article 459 du code de procédure pénale, commandent aux juges du fond de répondre aux moyens péremptoires soulevés par les parties ; qu'il résulte de l'article 221-6 du code pénal que constitue un homicide involontaire le fait de causer la mort d'autrui, notamment par un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, que, lorsque ledit manquement est constitutif, pour l'auteur indirect, d'une faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal, la prévisibilité du risque encouru par la victime est l'un des éléments essentiels de ladite faute et doit être appréciée au regard des faits générateurs du dommage ; qu'en l'espèce, en constatant que les faits à l'origine de l'accident étaient relatifs à une intervention de la victime sur instruction de son supérieur hiérarchique, alors même que, ainsi que le soutenait le demandeur dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel et de ce chef délaissées, la victime a procédé, de sa seule initiative, à une tentative de réparation de la panne de la porte motorisée, donc à une tache totalement étrangère à sa mission, la cour d'appel ne pouvait considérer comme prévisible le risque créé par la victime elle-même sans violer les textes susvisés et entacher sa décision d'un défaut de motifs ;
"5) alors que, en cas de violation d'une obligation légale, le délit d'homicide involontaire n'est constitué que si le lien de causalité, même indirect, est établi avec certitude entre la faute du prévenu et le décès de la victime ; que toute infraction à la réglementation n'est pas en elle-même constitutive du délit d'homicide involontaire ; que le fait d'avoir fait perdre à la victime la chance d'éviter le drame n'est pas en relation de causalité certaine avec le décès ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que la prétendue méconnaissance par le demandeur des dispositions du code du travail était à l'origine du décès de la victime, sans préciser en quoi le non-respect de la périodicité des contrôles des portes motorisées et l'absence de mise à disposition de documents de maintenance et de formation spécifique à la sécurité avaient causé le décès et sans établir que le dommage aurait été nécessairement évité en l'absence de ladite méconnaissance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"6) alors que, aux termes de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal, l'auteur indirect ne peut être condamné s'il n'a commis qu'une faute d'imprudence simple ; qu'en retenant, dans ses motifs, que le demandeur avait commis une faute caractérisée, tout en le condamnant, dans le dispositif, pour homicide involontaire sur le fondement de l'article 221-6, alinéa 1, du code pénal, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et du procès-verbal de l'inspection du travail, fondement de la poursuite, que M. Franck Z..., agent de l'unité de production et de maintenance de Thionville dépendant de l'établissement de maintenance du matériel de Lorraine situé à Metz et dirigé par M. X..., a été mortellement blessé alors qu'il intervenait, à la demande de son chef d'équipe, sur une porte motorisée à lame métallique qui était en panne ;
Attendu que, pour écarter la délégation de pouvoirs au directeur de l'unité de production et de maintenance alléguée par M. X... et déclarer celui-ci coupable d'homicide involontaire ainsi que d'infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, d'où il résulte que le prévenu n'a pas pris les mesures qui eussent permis d'éviter le dommage et a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et constituant la cause certaine de l'accident, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application des articles 121-3, alinéa 4, et 221-6, alinéa 1, du code pénal, a justifié sa décision, dès lors que la réalité et la portée d'une délégation de pouvoirs relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. X..., auteur de l'infraction, devra payer à Mme Christiane B..., veuve Z..., Mme Colette Z..., M. Eric Z..., Mme Rachel Z..., épouse C..., M. Guillaume Z... et au syndicat Sud Rail région Metz Nancy, parties civiles, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-82220
Date de la décision : 14/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 26 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 fév. 2012, pourvoi n°11-82220


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.82220
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