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14/02/2012 | FRANCE | N°10-87228

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 février 2012, 10-87228


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Charente enrobés,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 2010, qui, pour blessures involontaires et infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende, à trois amendes de 2 000 euros chacune, 1 500 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits

en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Charente enrobés,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 2010, qui, pour blessures involontaires et infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende, à trois amendes de 2 000 euros chacune, 1 500 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 4741-1, L. 4321-1, L. 4321-4, R. 4311-4, R. 4323-19, R. 4323-22, R. 4323-23, R. 4323-28, L. 4741-2 code du travail, de l'article annexe de l'arrêté du 1er mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage, des articles 121-1, 121-3, 222-19, 222-44, 222-46 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la SARL Charente enrobés coupable d'avoir mis à la disposition d'un salarié un équipement de travail sans avoir procédé aux vérifications de sa conformité, en l'espèce, sans avoir procédé ou fait procéder à une vérification périodique d'un appareil de levage et coupable de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois ;

"aux motifs qu'il ne saurait être soutenu que l'arrêté du 1er mars 2004 relatif aux appareils de levage ne serait pas applicable en l'espèce s'agissant d'un appareil intégré dans une machine ou ligne de fabrication automatisée et évoluant dans une zone inaccessible aux personnes en phase de production alors que la machine en cause a eu un dysfonctionnement en cours de production et qu'elle était normalement accessible, puisque selon les employés il était fréquent d'aller ramasser des débordements d'agglomérats et que la zone de fonctionnement était accessible sans précaution particulière de neutralisation de ladite zone ; que l'origine de l'accident doit être imputée à l'absence de contrôle régulier de l'installation ;

"alors que l'arrêt attaqué affirme que la zone de fonctionnement était normalement accessible sans précaution particulière pour conclure à l'application des dispositions de l'arrêté du 1er mars 2004 précité fondant l'obligation de vérification périodique qui aurait été méconnue, alors que le rapport de l'APAVE sur le fondement duquel la responsabilité du skip a été retenue mentionne, pour retenir la conformité du skip de chargement sur ce point, que « la zone d'évolution de la benne est fermée en partie basse par une enceinte grillagée », ce que confirment les photos de la zone où se trouvait la victime au moment de l'accident, intitulée « zone de chargement » ou « skip de chargement », et qui se situe dans une «enceinte grillagée» dont les portes disposent d'un système de fermeture à clé et dont la porte latérale d'accès porte la mention « entrée interdite danger » ; qu'en s'abstenant totalement de s'expliquer sur ces éléments excluant toute possibilité d'accessibilité « normale » à l'engin en cours de production, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et de toute base légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 388 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la SARL Charente enrobés coupable de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois ;

"aux motifs qu'en des énonciations suffisantes auxquelles la cour se réfère expressément, le tribunal a fait un exposé complet des faits de la cause sauf à préciser que l'appareil était en fonctionnement mais s'était bloqué quelques instants avant la survenance de l'accident ; que par des motifs qu'il y a lieu d'adopter et dont le débat d'appel n'a pas modifié la pertinence, le tribunal a justement considéré que les éléments constitutifs des infractions reprochées étaient réunis à l'encontre de la société Charente enrobés ; qu'en outre, l'examen de la photo du câble litigieux prise par les enquêteurs concernant la partie du câble retrouvée au sol ne permet pas d'affirmer comme le soutient l'expert X... que l'on se trouve en présence d'une rupture franche évoquant un fait volontaire mais permet de constater la présence d'un écheveau en forme de tulipe accréditant l'existence d'une rupture accidentelle ; que l'expert X... n'apporte aucun élément de nature à expliquer le blocage de l'appareil, le dévidement du câble d'un côté et la chute du skip ; que l'origine de l'accident doit être imputée au mauvais état d'entretien, à la non conformité et à l'absence d'un contrôle régulier de l'installation qui ont été soulignés par les salariés et l'inspection du travail, éléments qui ne sont pas formellement contestés et qui sont imputables à la société Charente enrobés ;

"et aux motifs adoptés que le jour de l'accident, il n'y avait pas de serre-câble sur le filin ; que les photographies jointes au dossier montrent l'absence de serre-câble permettant d'éviter le glissement du câble dans les fourreaux et la chute de la benne en cas de rupture d'un des brins du câble (maintien par l'autre brin) ; que cela signifie qu'au moment de l'accident, l'équipement de levage impliqué dans l'accident n'était pas conforme à la réglementation ; que l'absence de serre-câble permettant d'éviter le glissement du câble dans les fourreaux et la chute de la benne en cas de rupture des brins du câble est un élément déterminant dans l'accident qui est survenu le 27 septembre 2006, dont a été victime M. Y... ; que cet accident est la conséquence directe du non-respect de la réglementation par l'entreprise Charente enrobés ;

"1°) alors qu'aux termes de la prévention, il était uniquement reproché à la SARL Charente enrobés d'avoir involontairement causé à M. Y... une atteinte à l'intégrité de sa personne entraînant une incapacité totale de travail supérieure à trois mois pour avoir omis d'équiper un skip d'un dispositif permettant d'éviter les accidents par chute d'une pièce mobile ; qu'en retenant la responsabilité pénale de ladite société pour blessure involontaire au titre d'un mauvais état d'entretien et d'une absence de contrôle régulier de l'installation, faits non visés à la prévention, sans l'avoir préalablement invitée à se défendre ni avoir constaté qu'elle acceptait d'être jugée sur des faits non compris dans la poursuite, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale ;

"2°) alors que dans ses conclusions, la SARL Charente enrobés, qui rappelait qu'il lui était reproché d'avoir omis d'équiper un skip d'un dispositif permettant d'éviter les accidents par chute d'une pièce mobile et que cette prévention correspondait à la thèse de l'inspection du travail, avalisée par le tribunal dans son jugement du 19 mai 2009, selon laquelle la chute de la benne aurait eu pour cause une rupture du câble que la présence de masselottes ou serre-câbles, absents au moment de l'accident, aurait prétendument pu éviter, faisait valoir que l'expert X... avait formellement exclu dans son rapport du 18 novembre 2009 le rôle causal joué par l'absence de ces masselottes ou serre-câbles dans l'accident dès lors qu'elles ne pouvaient avoir une fonction anti-chute, qualifiant même, dans un commentaire en réponse du 1er juin 2010, de « non-sens technique » la thèse de l'inspection du travail; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des écritures, assorti d'offre de preuve, consistant en un rapport et une note postérieurs au jugement de première instance, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la SARL Charente enrobés coupable de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois, d'omission d'établir un document d'évaluation des risques professionnels, mise à disposition d'un équipement de travail sans avoir procédé ou fait procédé à une vérification périodique de l'appareil et omission du respect des règles relatives à l'utilisation des équipements de travail mobiles servant au levage des charges ;

"alors que dans ses conclusions, la SARL Charente enrobés faisait valoir qu'elle avait été victime d'une procédure sinistrée et privée d'un procès équitable dans la mesure où il n'y avait eu aucune expertise technique diligentée permettant de renseigner les juges du fond sur les causes de l'accident et responsabilités, que l'APAVE, simple organisme de contrôle, avait uniquement été missionné pour s'assurer de la conformité réglementaire des installations, ce qui était sans rapport avec la recherche des causes et responsabilités dès lors qu'une non conformité pouvait être sans lien avec l'accident ; qu'en outre, le cogérant de la société à l'époque des faits, M. Z..., qui avait installé, modernisé et assuré le suivi de l'unité de production, n'avait même pas été entendu ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des écritures, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement et des pièces de procédure que le 27 septembre 2006, un salarié de la société Charente enrobés a été gravement blessé aux jambes par la chute, consécutive à la rupture d'un câble, du skip d'une centrale de fabrication d'enrobés à chaud, alors qu'il évacuait de la matière tombée du malaxeur de la centrale qui venait de s'ouvrir inopinément ; qu'à la suite de cet accident, le gérant de la société Charente enrobés et cette société ont été convoqués devant le tribunal correctionnel sous la prévention, d'une part, de blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité, en l'espèce pour défaut d'équipement du skip d'un dispositif permettant d'éviter les accidents par chute d'une pièce mobile, et, d'autre part, d'infractions aux règles d'hygiène et de sécurité, et, en particulier, de défaut de vérification périodique d'un appareil de levage ; que le tribunal, ayant déclaré les infractions établies, a condamné les prévenus et prononcé sur l'action civile ; que la société Charente enrobés et le ministère public ont seuls relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité et rejeter l'argumentation de la société Charente enrobés qui soutenait que n'étaient pas applicables en la circonstance les prescriptions de l'arrêté du 1er mars 2004 relatives aux vérifications des appareils et accessoires de levage dès lors que ceux-ci étaient intégrés dans des machines ou des lignes de fabrication automatisées et évoluant dans une zone inaccessible aux personnes en phase de production, les juges du second degré, adoptant sur ce point les motifs du jugement, énoncent que les dispositions dudit arrêté doivent recevoir application, l'installation en cause étant habituellement accessible au personnel de l'entreprise en cas de dysfonctionnement ; qu'ayant relevé qu'il avait été constaté que l'équipement de levage du skip ne comportait pas de dispositifs permettant d'éviter les chutes de pièces mobiles, tels que des serre-câbles ou masselottes, les juges ajoutent que l'accident est dû au mauvais état d'entretien et à l'absence de contrôle régulier de l'installation ainsi qu'à son absence de conformité ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et fondés sur son appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a, sans excéder sa saisine ni omettre de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties, caractérisé les éléments constitutifs des infractions retenues, et ainsi justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87228
Date de la décision : 14/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 07 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 fév. 2012, pourvoi n°10-87228


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.87228
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