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09/02/2012 | FRANCE | N°10-21968

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 février 2012, 10-21968


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 mai 2010), que par acte du 24 juillet 1990, la BNP, aux droits de laquelle vient la BNP Paribas, (la banque) a consenti aux époux X...- Y..., depuis lors divorcés, un prêt immobilier d'un montant de 2 550 000 francs, remboursable par mensualités, et un prêt " relais " d'un montant de 1 100 000 francs, remboursable au plus tard le 24 juillet 1991 ; qu'à la suite de la défaillance des emprunteurs dans le remboursem

ent de ces deux prêts la banque s'est prévalue de la déchéance d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 mai 2010), que par acte du 24 juillet 1990, la BNP, aux droits de laquelle vient la BNP Paribas, (la banque) a consenti aux époux X...- Y..., depuis lors divorcés, un prêt immobilier d'un montant de 2 550 000 francs, remboursable par mensualités, et un prêt " relais " d'un montant de 1 100 000 francs, remboursable au plus tard le 24 juillet 1991 ; qu'à la suite de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement de ces deux prêts la banque s'est prévalue de la déchéance du terme du prêt immobilier et les a mis en demeure le 13 août 1992 de lui payer les sommes restant dues au titre des deux crédits ; qu'après signification le 23 novembre 1996 d'un commandement aux fins de saisie immobilière, un protocole d'accord fixant de nouvelles modalités de remboursement de la dette, ramenée à 4 000 000 francs, a été conclu entre les parties le 12 décembre 1997 puis résilié par la banque le 7 mars 2000 à la suite de l'inexécution de leurs engagements par les emprunteurs qui avaient saisi la commission de surendettement le 1er février 2000 ; que reprochant à la banque un manquement à son devoir de mise en garde, Mme Y... l'a assignée, ainsi que M. X..., par acte du 11 juillet 2007 et a sollicité la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts ; que par conclusions du 17 juin 2008, M. X... a également réclamé des dommages-intérêts à la banque ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer cette action prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, le caractère dommageable de l'octroi d'un prêt malgré l'incapacité manifeste des emprunteurs à en assurer le remboursement s'est révélé au jour où le caractère inextricable de leur situation a abouti à la saisine de la commission de surendettement, en l'espèce le 1er février 2000 ; qu'en déclarant prescrite l'action en responsabilité intentée le 13 juillet 2007 au motif que le dommage résultait d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter et s'était manifesté dès l'octroi du prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce ;
2°/ que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'incapacité d'agir ; qu'une partie qui envisage de conclure une transaction avec son cocontractant ne peut parallèlement agir en justice pour mettre en jeu sa responsabilité ; qu'en l'espèce, M. et Mme X... ont, après la déchéance du terme prononcée le 13 août 1992, engagé des pourparlers transactionnels avec la BNP, qui ont abouti à l'accord du 12 décembre 1997 emportant renégociation de la dette globale ; que pendant cette période, les époux X... étaient dans l'impossibilité d'agir en responsabilité contre la banque, la prescription étant dès lors interrompue ; qu'en déclarant cependant prescrite l'action intentée le 13 juillet 2007, moins de dix ans après la signature du protocole d'accord, la cour d'appel a violé l'article 2251 du code civil ;
3°/ que M. X... a soutenu que si des difficultés de paiement étaient apparues, elles avaient été suivies de pourparlers transactionnels avec la banque qui avaient abouti à un protocole d'accord le 12 décembre 1997, emportant renégociation de la dette globale, ce qui avait eu pour effet de différer l'apparition du préjudice résultant de l'impossibilité de faire face au remboursement des prêts, lequel ne s'était révélé que lors de la dénonciation de ce protocole, le 7 mars 2000 ; qu'en refusant de prendre en compte cet élément qui avait retardé l'apparition du dommage, au motif que celui-ci résultait d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter et s'était manifesté dès l'octroi du prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce ;
Mais attendu que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'ayant constaté qu'une mise en demeure de payer avait été adressée aux emprunteurs le 12 août 1992, ce dont il résultait que le dommage s'était révélé à M. X... au plus tard à cette date, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré prescrite l'action engagée le 13 juillet 2007 ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait en sa deuxième branche, partant irrecevable, n'est pas fondé en ses autres griefs ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., le condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de Monsieur X... pour cause de prescription,
AUX MOTIFS QUE la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'est pas applicable en la cause dès lors que l'action a été introduite avant son entrée en vigueur, en vertu de l'article 26- III de ladite loi ;
qu'en premier lieu, Mme X... soutient à tort que l'article L 110-4 du code de commerce aux termes duquel les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre les commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ne serait pas applicable en l'espèce aux motifs que le prêt litigieux était un prêt immobilier destiné à financer leur logement principal de sorte qu'il ne s'agit pas d'un acte de commerce né à l'occasion de leur commerce étant des particuliers non commerçants et que l'action dont s'agit est une action en responsabilité civile de la banque ; que ces arguments sont inopérants dès lors que l'action en responsabilité vise un prêt que la banque commerçante a consenti à l'occasion de son commerce ; que ce texte ne distingue pas suivant le caractère civil ou commercial des obligations qu'il vise ; qu'il s'ensuit que le moyen selon lequel la prescription trentenaire édictée à l'article 2262 du code civil serait applicable en l'espèce a été écarté à juste titre par le premier juge ;
que la discussion porte en second lieu sur le point de départ de la prescription décennale, que les ex-époux X... contestent la décision du premier juge de faire partir le délai de prescription de la date de la déchéance du terme du prêt, soit le 13 août 1992, qui a été prononcée ensuite des incidents de paiement survenus dès la première année ; qu'ils situent la connaissance du dommage consécutif à un prêt prétendument inadapté, que M. X... définit comme consistant en l'apparition d'un endettement que les emprunteurs n'étaient pas en mesure d'assumer et en l'aggravation prodigieuse de la dette qui en est résulté, au moment de l'introduction de la procédure de surendettement, époque où leur serait apparu le caractère inextricable de leur situation financière ; qu'ils estiment que retenir la solution du premier juge ne permet pas de tenir compte du protocole d'accord du 12 décembre 1997 qui a permis à la banque de recevoir un versement de 100. 000 francs et de revoir tant le montant de la créance que ses conditions de remboursement, ce qui a eu pour effet de retarder la prise de conscience du dommage causé par leur endettement et donc de différer à tout le moins l'apparition du préjudice à la date où ledit protocole a été dénoncé, soit le 7 mars 2000 ; que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste dès l'octroi du prêt ; qu'il s'ensuit que la circonstance que la créance a pu être réduite et que ses conditions de remboursement ont pu être réaménagées par la suite pour éviter la saisie de l'immeuble financé est sans incidence sur le point de départ du délai de prescription de la présente action en responsabilité de la banque, ce d'autant moins que le protocole d'accord par lequel ces aménagements ont été convenus n'emportait pas novation ; que le délai de prescription a donc commencé à courir le 24 juillet 1990 ; que c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a retenu que le délai de prescription n'avait pas été interrompu avant l'introduction de la demande d'indemnisation par assignation du 13 juillet 2007 ; qu'en effet, ni le protocole d'accord du 11 mai 2006 qui visait à éviter la saisie immobilière et ne comporte aucune reconnaissance de responsabilité de la banque, ni la procédure de surendettement n'ont eu un effet interruptif du délai de prescription ; que l'interruption de la prescription et des délais pour agir édictée à l'article L 331-7 du code de la consommation lorsque la commission de surendettement recommande les mesures prévues à cet article ne vise pas les actions en responsabilité formées par les débiteurs contre les créanciers qui ne sont pas concernées par la procédure de surendettement (arrêt p. 4 et 5),
ALORS QUE, D'UNE PART, la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, le caractère dommageable de l'octroi d'un prêt malgré l'incapacité manifeste des emprunteurs à en assurer le remboursement s'est révélé au jour où le caractère inextricable de leur situation a abouti à la saisine de la commission de surendettement, en l'espèce le 1er février 2000 ; qu'en déclarant prescrite l'action en responsabilité intentée le 13 juillet 2007 au motif que le dommage résultait d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter et s'était manifesté dès l'octroi du prêt, la cour d'appel a violé l'article L 110-4 du code de commerce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'incapacité d'agir ; qu'une partie qui envisage de conclure une transaction avec son cocontractant ne peut parallèlement agir en justice pour mettre en jeu sa responsabilité ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame X... ont, après la déchéance du terme prononcée le 13 août 1992, engagé des pourparlers transactionnels avec la BNP, qui ont abouti à l'accord du 12 décembre 1997 emportant renégociation de la dette globale ; que pendant cette période, les époux X... étaient dans l'impossibilité d'agir en responsabilité contre la banque, la prescription étant dès lors interrompue ; qu'en déclarant cependant prescrite l'action intentée le 13 juillet 2007, moins de dix ans après la signature du protocole d'accord, la cour d'appel a violé l'article 2251 du code civil ;
ALORS QU'ENFIN, Monsieur X... a soutenu que si des difficultés de paiement étaient apparues, elles avaient été suivies de pourparlers transactionnels avec la banque qui avaient abouti à un protocole d'accord le 12 décembre 1997, emportant renégociation de la dette globale, ce qui avait eu pour effet de différer l'apparition du préjudice résultant de l'impossibilité de faire face au remboursement des prêts, lequel ne s'était révélé que lors de la dénonciation de ce protocole, le 7 mars 2000 ; qu'en refusant de prendre en compte cet élément qui avait retardé l'apparition du dommage, au motif que celui-ci résultait d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter et s'était manifesté dès l'octroi du prêt, la cour d'appel a violé l'article L 110-4 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-21968
Date de la décision : 09/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 06 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 fév. 2012, pourvoi n°10-21968


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Vincent et Ohl, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.21968
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