LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 14 mars 2005, la Société pour la perception de la rémunération équitable (la SPRE) a assigné la SARL Le César, ainsi que M. X..., son gérant, afin d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement d'une somme représentant le montant de la rémunération équitable due au titre de l'exploitation du fonds de commerce de discothèque de la société, pour la période comprise entre le 1er octobre 1988 et le 31 juillet 1999 ; que se prévalant, la première des dispositions de l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le second des dispositions de l'article L. 223-23 du code de commerce, la société Le César et M. X... ont invoqué la prescription de l'action de la SPRE ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Le César fait grief à l'arrêt attaqué de dire recevable à son égard l'action de la société civile SPRE et de la condamner in solidum avec M. X... à lui payer la somme de 79 184,82 euros, alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil, en sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, fait obstacle à la demande d'une société civile chargée de collecter la rémunération équitable prévue par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que cette société dispose des éléments lui permettant de calculer sa créance, peu important que ces éléments ne lui aient pas été communiqués par son débiteur ; qu'en retenant que l'action en paiement introduite par assignation du 14 mars 2005 n'était pas prescrite, après avoir pourtant constaté que la SPRE avait, dès le 19 août 1999, calculé le montant de sa créance à l'égard de la société Le César sur la base des chiffres fournis par l'administration fiscale et des chiffres d'affaires publiés, ce dont il résultait nécessairement que la prescription de l'article 2277 du code civil était opposable à la SPRE au plus tard à compter de cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a exactement retenu que la prescription prévue par l'article 2277 du Code civil n'est pas applicable lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, après avoir énoncé que le système déclaratif instauré par les articles L. 214-1 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle oblige les exploitants de discothèques à fournir à la SPRE tout justificatif comptable et fiscal des éléments nécessaires au calcul de la rémunération équitable, a constaté que c'est seulement les 16 mars et 11 avril 2000 que la société Le César lui avait communiqué ses comptes de résultats relatifs aux exercices 1993 à 1999 et son chiffre d'affaires réalisé de 1990 à 1999, en a, à bon droit, déduit qu'introduite le 14 mars 2005, l'action de la SPRE, dont la créance n'avait été évaluée qu'à titre provisionnel, était recevable à l'encontre de la société Le César ; que le grief n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche du moyen, après avis de la chambre commerciale :
Vu l'article L. 223-23 du code de commerce ;
Attendu que la prescription triennale prévue par ce texte est applicable à l'action exercée par un tiers contre le gérant d'une SARL à qui il est reproché d'avoir commis une faute séparable de ses fonctions ;
Attendu que pour déclarer recevable la demande de la SPRE dirigée contre M. X..., l'arrêt retient que la prescription de trois ans édictée par l'article L. 223-23 du code de commerce ne concerne, par renvoi à l'article L. 223-22, que la violation des statuts de la SARL, les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires et les fautes commises par les gérants dans l'exercice de leur gestion, lesquelles sont distinctes des fautes détachables de la fonction de gérant qui relèvent des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société civile SPRE dirigée contre M. X... et a condamné celui-ci, in solidum avec la société Le César, à payer à la société SPRE la somme de 79 184,82 euros, outre les intérêts, l'arrêt rendu le 23 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la SPRE aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour M. Bernard X... en son nom personnel, et agissant qualité de liquidateur amiable de la société Le César
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action de la société civile SPRE tant à l'égard de la SARL LE CESAR qu'à l'égard de Monsieur X... et d'avoir condamné la SARL LE CESAR et Monsieur Bernard X... in solidum à payer à la société civile SPRE la somme de 79.184,82 euros ;
Aux motifs que « Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la société SPRE, en application de l'article 2277 du Code civil se prescrivent par cinq ans les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que la rémunération équitable mise à la charge des utilisateurs de phonogrammes en rémunération de leur usage par diffusion publique naît chaque mois ; que calculée par application d'un pourcentage à une assiette constituée des recettes de la discothèque, son montant est variable et ne peut être déterminée par avance ; qu'il s'agit donc d'une créance périodique relevant du champ d'application de la prescription quinquennale ; que toutefois là prescription dont s'agit ne s'applique pas lorsque la créance même périodique dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire ; qu'en l'espèce il ressort des pièces versées aux débats qu'à plusieurs reprises en 1996, 1997 et 1998, la SPRE a invité puis mis en demeure la SARL LE CESAR de lui communiquer une copie certifiée conforme par son expert comptable des bilans et comptes de résultat annuels détaillés ou du bordereau de déclaration à l'administration fiscale au titre:de la taxe sur le chiffre d'affaires pour la période du 1er juillet 1991 au 31 décembre 1995, tout en proposant une transaction par laquelle elle renonçait au recouvrement des sommes dues au titre de la période du 1er octobre 1998 au 30 juin 1991 ; que faute de réponse de la société LE CESAR, la SPRE a finalement mis en demeure le 19 août 1999 la SARL LE CESAR de lui régler une somme de 609.428,38 francs correspondant à la période du 1er octobre 1988 au 30 avril 1999, à la rémunération équitable provisionnelle calculée en l'absence de communication volontaire des documents sus-visés, sur la base des seuls chiffres disponibles auprès de l'administration fiscale ou des chiffres d'affaires publiés ; que dans ses conclusions devant la cour, la SPRE précise que pour la période 1988/1999, elle a obtenu des éléments de calcul auprès de la SACEM ; que le système déclaratif instauré par les articles L.214-1 et L. 214-4 du Code de la propriété intellectuelle oblige les exploitants de discothèques à fournir à la SPRE tout justificatif comptable et fiscal des éléments nécessaires au calcul de la rémunération équitable ; que par ailleurs la SARL LE CÉSAR n'établit pas avoir adressé à la SACEM les chiffres d'affaires permettant à cet organisme de calculer non seulement les droits d'auteur mais également la rémunération équitable pour la période du 1er janvier 1990 au 31 janvier 1995 pendant laquelle elle avait été mandatée par la SPRE afin d'assurer la notification et la perception de la rémunération équitable ; qu'il s'ensuit que la SARL CÉSAR ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L 163 du Livre des procédures fiscales qui permettent effectivement à la SPRE de recevoir comme elle l'a fait en l'espèce communication de la part de l'administration des impôts, de tous renseignements relatifs aux recettes réalisées par les entreprises placées sous son contrôle dés lors que cette procédure dérogatoire, destinée à vérifier les éléments fournis voire à calculer la rémunération en l'absence d'élément, ne saurait suppléer la carence du redevable ; qu'il en est de mène pour les chiffres obtenus parla SPRE auprès de la SACEM pour la période 1988/1989, antérieurement au mandat sus-visé institué par la convention du 2 juillet 1990 ;qu en réalité c'est seulement le 16 mars 2000 que la SARL LE CESAR a communiqué ses comptes de .résultat relatifs aux exercices 1993 à 1999, les éléments comptables de 1993 à 1999 étant adressés le 7 avril 2000 par télécopies de l'expert comptable de la société, lequel a également adressé à la société SPRE le 11 avril 2000 le chiffre d'affaires réalisé parla discothèque de 1990 à 1999 ; qu'il se déduit de ce qui précède, que l'action: en recouvrement de la rémunération équitable du 1er octobre 1988 au 31 juillet 1999, engagée par la société SPRE suivant assignations des 14 et 15 mars: 2005 est recevable (…) ; que sur la responsabilité de Bernard X..., sur la recevabilité de cette demande, la prescription de trois ans édictée à l'article L.223-23 du Code de commerce ne concerne, par renvoi à l'article L.223-22, que la violation des statuts de la SARL, les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux SARL et les fautes commises par les gérants dans l'exercice de leur gestion, lesquelles sont distinctes des fautes détachables de la fonction de gérant qui relèvent des dispositions de l'article 1382 du Code civil ; que cette action est donc recevable» ;
1/ Alors que, d'une part, la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil, en sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, fait obstacle à la demande d'une société civile chargée de collecter la rémunération équitable prévue par l'article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle, dès lors que cette société dispose des éléments lui permettant de calculer sa créance, peu important que ces éléments ne lui aient pas été communiqués par son débiteur ; qu'en retenant que l'action en paiement introduite par assignation du 14 mars 2005 n'était pas prescrite, après avoir pourtant constaté que la SPRE avait, dès le 19 août 1999, calculé le montant de sa créance à l'égard de la SARL LE CESAR sur la base des chiffres fournis par l'administration fiscale et des chiffres d'affaires publiés, ce dont il résultait nécessairement que la prescription de l'article 2277 du Code civil était opposable à la SPRE au plus tard à compter de cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2/ Alors que, d'autre part, la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement ; que l'action en responsabilité du dirigeant social à l'égard des tiers se prescrit par trois ans, en application des dispositions de l'article L.223-23 du Code de commerce ; que la cour d'appel a considéré que Monsieur X... avait commis une faute excédant ses fonctions de gérant de la SARL LE CESAR en omettant de déclarer et de payer la « rémunération équitable» prévue par l'article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle au profit des artistes interprètes et des producteurs de musique enregistrée ; qu'en considérant néanmoins, pour la déclarer recevable, que l'action en responsabilité, formée plus de trois ans après les fautes détachables alléguées, n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article L.223-23 du Code de commerce.