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08/02/2012 | FRANCE | N°11-81498

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 février 2012, 11-81498


Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Monique X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 3 décembre 2010 qui, pour abus de confiance, l'a condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu l'article 606 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte d'un extrait régulier des actes d'état civil de la commune d'Avignon que Mme Monique X..., épouse de M. Daniel Y...est décédée le 29 octobre 2011 ;
Attendu qu'aux termes de

l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par le décès du prévenu ...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Monique X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 3 décembre 2010 qui, pour abus de confiance, l'a condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu l'article 606 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte d'un extrait régulier des actes d'état civil de la commune d'Avignon que Mme Monique X..., épouse de M. Daniel Y...est décédée le 29 octobre 2011 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par le décès du prévenu ;
Attendu que, toutefois, la Cour de cassation demeure compétente pour statuer sur ce pourvoi en ce qui concerne les intérêts civils ;
Que MM. Daniel et Julien Y..., époux et fils de Mme X..., interviennent en qualité d'héritiers de cette dernière ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 8 du code de procédure pénale, 591 et 593 du même code, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique ;
" aux motifs que Mme Y..., rappelant le principe selon lequel la prescription triennale a pour point de départ « le jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique » et relevant qu'en l'espèce, la plainte interruptive de prescription a été reçue le 5 décembre 2005, soutient que la prescription était acquise au 5 décembre 2002 ; que, contrairement à ce qui est allégué, les relevés des divers comptes courant ou de placement ouverts au nom de M. X...dans les livres du Crédit agricole ont tous été adressés jusqu'à la fin de l'année 2004 à M. X..., ..., 84210 Althen-des-Paluds, l'adresse de l'intéressé chez M.
Z...
, ..., dans cette localité étant inconnue de cet établissement bancaire aux dires de son responsable, M. A...; que ce n'est qu'après plusieurs réclamations adressées à la banque par son conseil que M. X...a été destinataire des duplicatas desdits relevés pour la période de janvier 1995 à décembre 2004, tous portant mention de l'adresse de la ferme, à la lecture desquels il a pu avoir connaissance de l'ensemble des mouvements les affectant ; que, par ailleurs, s'il est vrai que l'état de faiblesse n'a pas été retenu, M. X...revendiquant même être sain d'esprit, qu'il était présent à la ferme le 6 juin 1990 lors de l'homologation de celle-ci en gîte de France et qu'il a déclaré devant le magistrat instructeur « je savais que l'argent que ma soeur me donnait provenait de la location comme gîte du mas familial », il n'en demeure pas moins qu'il ne ressort de l'entier dossier aucun élément suffisant de nature à établir qu'il a été effectivement en capacité avant la réception des relevés susvisés de comprendre, d'une part, l'usage qui était fait par sa soeur des fonds lui appartenant et créditant ses comptes, plus précisément en ce qui concerne la prise en charge financière à partir de ces fonds des travaux réalisés à la ferme, sa soeur, comme ci-après explicité, se gardant bien de l'informer utilement à ce sujet, d'autre part, l'étendue de ses droits en tant qu'usufruitier au regard des revenus locatifs de la ferme ; qu'il se déduit de ce qui précède que le moyen tiré de la prescription de l'action publique ne saurait favorablement être accueilli " ;
" 1) alors que les constatations de l'arrêt attaqué selon lesquelles les relevés des comptes de M. X...lui avaient été adressés par la banque à son ancienne adresse : « Alain X..., ..., 84210 Althen-les-Paluds », jusqu'à la fin de l'année 2004, sa nouvelle adresse n'ayant manifestement pas été communiquée par l'intéressé à l'établissement bancaire, qui l'ignorait, et qu'il n'a donc pu avoir connaissance de l'ensemble des mouvements affectant ses comptes qu'après avoir, ultérieurement, réclamé des duplicatas desdits relevés pour la période de janvier 1995 à décembre 2004, ne suffisent pas à retarder le point de départ du délai de prescription de l'action publique, fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté par la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, en l'absence de toute volonté avérée de dissimulation ou de fraude et en l'état de la propre négligence de M. X...qui ne justifie avoir cherché à s'informer ponctuellement sur la situation des comptes et placements ouverts en son nom, pendant plus de dix années ; qu'en l'état de ces circonstances, la cour d'appel n'a donc pas légalement justifié sa décision ;
" 2) alors que les juges du fond relèvent que l'état de faiblesse de M. X...n'a pas été retenu, qu'il se revendiquait lui-même tout à fait sain d'esprit, avait indiqué savoir que le mas familial avait été loué comme gîte et que l'argent que lui donnait sa soeur provenait de cette location, qu'il était présent lors de l'homologation de la ferme en gîte, en 1990, ne pouvaient considérer qu'aucun élément suffisant n'établissait qu'il ait été en capacité de comprendre la situation avant la réception des relevés susvisés, sans refuser de déduire de leurs propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient quant au moment où M. X...a eu connaissance où a été en mesure de connaître les faits susceptibles de caractériser l'infraction poursuivie, ce, en méconnaissance des textes susvisés " ;
Attendu que, pour écarter la prescription des faits commis entre 1996 et 2004, visés à la prévention, l'arrêt retient que jusqu'à ce qu'il découvre, en 2004, les relevés bancaires de ses comptes, M. X...ne disposait d'aucun moyen de paiement, toutes les opérations sur ses comptes étant réalisées par Mme X..., sa soeur, en laquelle il avait toute confiance ; que les juges ajoutent que celle-ci ne l'ayant pas informé des droits qu'il avait en sa qualité d'usufruitier de la ferme sur les revenus locatifs de ce bien, il n'a pas été en mesure de comprendre l'usage, que sa soeur, nue-propriétaire, a fait des fonds qui ont servi à financer des travaux à la ferme alors qu'il devaient lui revenir ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui caractérisent la dissimulation des fonds détournés par la prévenue, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 1991 et suivants du code civil, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y...coupable d'abus de confiance ;
" aux motifs qu'il est constant que M. X...ne disposait jusqu'à la découverte des faits, objet des présentes poursuites, d'aucun moyen de paiement, carte bancaire ou chéquiers, toutes les opérations sur ses comptes, personnels et non joints, ayant été réalisées par sa soeur ; qu'il existait entre le frère et la soeur un mandat tacite, le premier ayant confié de fait à la seconde, en qui il avait une confiance incommensurable, le soin de gérer ses affaires dont ses comptes ; qu'ainsi, en tant que mandataire de son frère Mme Y...devait non seulement lui rendre compte de sa gestion complètement et régulièrement mais aussi demander son accord préalable pour tous les actes de gestion d'importance, ce que, à dessein, elle n'a pas fait ; que les enquêteurs, procédant dans le cadre d'une commission rogatoire à l'examen de tous les relevés mis à leur disposition ou obtenus par voie de réquisition, ont pu constater sur les comptes personnels de M. X...:- à partir de 1996, des versements trimestriels d'environ 10 000 francs provenant de la MSA Maladie,- des remises de chèques suivies aussitôt de retraits d'espèces correspondant très souvent aux montants des chèques mis à l'encaissement,- de nombreux virements à destination des époux Y...,- de nombreux et réguliers retraits d'espèces,- à partir de 2002 des retraits guichets ainsi que des " RT minute " régulièrement effectués, sur les comptes de Mme Y...:- de nombreux virements au nom de M. X...venant créditer les comptes de sa soeur,- de nombreux versements provenant de « Gîtes reserva » ou « Gîtes 84 », sur les comptes joints des époux Y...:- de nombreux virements au nom de M. X...régulièrement effectués sur ces comptes ; qu'il est constant que toutes les sommes d'argent ainsi prélevées sur ses comptes, dont il était le seul propriétaire, n'ont pas entièrement profité à M. X..., celui-ci percevant de sa soeur en espèces, selon lui, 1 000 francs par trimestre, au plus 300 euros par mois, selon elle, somme déclarée en cours d'information et certainement pas 15 000 euros par trimestre comme elle l'écrit au pénultième paragraphe de ses écritures... ; que Mme Y..., qui ne conteste pas la matérialité des prélèvements susvisés, soutient avoir agi en bonne foi et que son frère n'était pas sans défense au point de se désintéresser de ses affaires ; que, s'il est exact qu'un état de faiblesse caractérisé n'a pas été retenu par le magistrat instructeur, il n'en ressort pas moins des éléments du dossier, dont les dires d'ailleurs de la prévenue, s'agissant de difficultés rencontrées par son frère après le décès de leur mère pour le paiement de certains impôts ainsi que des remarques faites par Francia Z...lors de son audition, que M. X...n'éprouvait pas le besoin de suivre de près la gestion de ses comptes, pensant à tort notamment que la non-réception des relevés était la conséquence de l'absence d'opérations initiées par lui et que, de toute façon, ses ressources étant très faibles, ce que sa soeur s'employait alors à lui faire croire, il n'y avait pas matière à le faire ; que Mme Y...ne saurait sérieusement invoquer sa bonne foi dans la gestion des comptes de son frère ; qu'il convient en effet de relever, ce qu'elle ne conteste pas au demeurant, qu'elle s'est bien gardée de dire à son frère que sa demande de pension d'invalidité auprès de la MSA maladie avait abouti et ensuite qu'il percevait une retraite ; quelle ne l'a pas précisément informé de la nature et de l'étendue exacte des travaux effectués à la ferme et surtout que c " était lui qui les payait ; qu'elle ne l'a pas davantage informé utilement quant aux montants exacts des loyers perçus et surtout que ceux-ci lui étaient destinés de façon exclusive ; que, par ailleurs, il n'est versé au dossier aucune facture de travaux, ce qui aurait permis de connaître leur ampleur et de distinguer ceux incombant au nu-propriétaire et ceux incombant à l'usufruitier, subtilités juridiques à l'évidence parfaitement maîtrisées par la prévenue au contraire de son frère dans l'incapacité de les appréhender encore à ce jour, ce qui a été au demeurant constaté par la cour lors des débats ; qu'il n'est pas davantage justifié de l'emprunt qu'auraient contracté la prévenue et son mari pour, selon leurs prétentions, financer partiellement les travaux litigieux ; enfin, qu'il y a lieu de constater qu'une bonne partie du produit de la vente en 2003 d'une terre appartenant à M. X...a été affecté à l'achat de deux girobroyeurs mis au nom de M. Y...et que le motif invoqué par sa soeur pour tarder à restituer le tracteur neuf, savoir la remise préalable d'une attestation, n'est pas sérieux puisque ledit tracteur était immatriculé au nom du frère, celui-ci ayant déclaré d'ailleurs que sa soeur lui réclamait la carte grise ;

" 1) alors que la faute dans l'exécution d'un mandat consistant à ne point avoir rendu compte de la gestion, ni obtenu d'accord préalable du mandant pour les actes de gestion d'importance, à la supposer démontrée, et dans l'étendue du mandat, est constitutive d'une faute civile dont le mandataire doit éventuellement répondre devant les juridictions civiles et ne saurait caractériser l'abus de confiance, au sens de l'article 314-1 du code pénal, en l'absence de tout agissement frauduleux du mandataire, impliquant sa volonté de détourner la chose confiée ; qu'en déduisant l'existence du délit de la prévention de simples manquements du mandataire à ses obligations de mandataire et des fautes supposées commises dans sa gestion, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
" 2) alors que l'usage abusif de la chose confiée sans restriction aucune dont le légitime propriétaire s'est manifestement désintéressé, ne saurait davantage constituer l'abus de confiance, dans la mesure où il n'est pas démontré que l'auteur ait agi avec une intention frauduleuse, la volonté du mandant d'abandonner au mandataire toute la gestion de ses comptes et de la laisser utiliser à sa guise les fonds encaissés, résultant des constatations de l'arrêt faisant état de ce que M. X...avait intégralement confié la gestion de ses affaires à sa soeur, qu'il n'éprouvait pas le besoin de suivre de près la gestion de ses comptes ; que la latitude ainsi tacitement accordée à Mme Y...d'utiliser les fonds encaissés est exclusive de tout caractère frauduleux de l'emploi des fonds à son profit par cette dernière ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pu justifier sa décision de condamnation ;
" 3) alors qu'en toute hypothèse, le retard à restituer, en l'occurrence le tracteur neuf, n'implique pas le détournement, cette circonstance étant insuffisante pour caractériser le délit d'abus de confiance, qu'à nouveau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments les faits poursuivis, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I-DÉCLARE l'action publique éteinte à l'égard de Mme X..., épouse Y...;
II-REJETTE le pourvoi pour le surplus ;
FIXE à 3 000 euros la somme que MM. Daniel et Julien Y..., héritiers de Mme X..., épouse Y..., devront payer à Me Haas au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale sur le fondement de l'article 2 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-81498
Date de la décision : 08/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 03 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 fév. 2012, pourvoi n°11-81498


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.81498
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