LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit février deux mille douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, de la société civile professionnelle BARTHÉLEMY, MATUCHANSKY et VEXLIARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire ZIENTARA-LOGEAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Groupama sud, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER , en date du 30 septembre 2010 qui, dans l'information suivie sur sa plainte, contre M. Dominique X... et la société Le Tech emballages, des chefs d'escroquerie et tentative d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 313-3, 121-2, 121-4 et 121-5 du code pénal, 2, 3, 211, 212, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de la société Groupama Sud, des chefs d'escroquerie et tentative d'escroquerie ;
"aux motifs qu'en premier lieu, la procédure d'instruction comporte deux expertises aux conclusions diamétralement opposées ; que la première, datée du 30 septembre 2006, était réalisée par l'expert judiciaire M. Y... dans un temps extrêmement proche des faits puisque ce dernier se déplaçait sur les lieux dans l'après-midi du jour de l'incendie ; que l'expert faisait la conclusion suivante : « l'ensemble des observations, les investigations, les restes de conducteurs électriques présentant des traces évidentes de court-circuit, nous permet de dire que l'incendie s'est déclaré accidentellement par un court-circuit sur des fils électriques restés sous tension et qui alimentaient par une installation volante les matériels informatiques ainsi que les réfrigérateurs de l'abri en bois placé à proximité des bureaux » ; que la seconde, datée du 20 mars 2008, était réalisée par l'expert judiciaire M. Z..., après s'être rendu sur place le 15 février 2008 ; il concluait que l'incendie était « selon toute vraisemblance d'origine volontaire » ; que l'expert faisait état d'au moins deux départs de feux et déduisait après avoir éliminé les hypothèses d'un phénomène atmosphérique, d'une surchauffe électrique, d'une anomalie sur l'installation électrique fixe et d'un feu couvant, que l'hypothèse d'un incendie d'origine volontaire était, selon lui, la seule plausible en raison de l'absence de tout système de détection d'intrusion, du facile accès aux bâtiments sans être vu par le chauffeur espagnol présent lors des faits à proximité immédiate et de l'absence de propagation naturelle entre les deux départs de feu repérés ; qu'aussi, sans trancher le débat technique entre les experts, le fait que l'expertise réalisée le jour des faits concluait au caractère accidentel de l'incendie et le fait que la seconde expertise réalisée dix-huit mois après, sur des lieux profondément modifiés, avec une analyse expertale fondée sur « un des rares clichés détenus par la gendarmerie d'Elne», mettait en évidence le contraire, instaurant un doute extrêmement sérieux sur le caractère intentionnel de l'incendie ; qu'en second lieu, les investigations ne permettaient pas de recueillir des éléments objectifs à l'identification du ou des acteurs et complices des faits ; qu'aussi, le fait de constater que la situation financière de la SARL Le Tech emballages au jour de l'incendie était loin d'être saine, même si M. X... prétendait qu'il n'y avait rien d'alarmant, le fait que le 25 septembre 2006, une modification du plan d'assurance intervenait avec une meilleure prise en charge du stock mais avec une couverture globale des risques qui n'apparaissait pas anormale, le fait que certains salariés de la société avançaient que M. X... , devenu depuis quelque temps plus irritable, voulait délocaliser tout ou partie de l'entreprise en Espagne, et qu'il menaçait, lors de ses colères, de mettre le feu à l'entreprise et le fait que M. X..., la veille de l'incendie, donnait l'ordre à M. A... de rentrer dans le dépôt de fabrication des emballages ne peuvent pas à eux seuls, en l'absence d'éléments objectifs, démontrer que M. X... a participé directement ou indirectement à l'incendie du 28 septembre 2006 ; que, dès lors, il n'existe pas à l'encontre de M. X... de charges suffisantes d'avoir commis les délits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie qui lui sont reprochés ; qu'en troisième lieu, en application de l'article 121-2 du code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'aussi, en l'absence de charges suffisantes contre le gérant M. X..., il n'est pas possible de retenir l'existence de charges suffisantes contre la SARL Le Tech emballages d'avoir commis les faits reprochés ; qu'en conséquence, s'il existait des indices graves et concordants en cours d'information pour mettre en examen M. X... et la SARL Le Tech emballages, des chefs d'infractions précités, force est de constater qu'au terme de l'information judiciaire, il n'existe pas de charges suffisantes contre les susnommés d'avoir commis les délits susvisés ;
"1) alors qu'en se bornant à énoncer, d'une part, qu'il n'y a pas lieu de trancher le débat technique entre les experts, d'autre part, que le fait que les deux experts successivement mandatés aient abouti à des conclusions diamétralement opposées quant au caractère intentionnel de l'incendie instaure « un doute extrêmement sérieux sur le caractère intentionnel de l'incendie », sans mieux s'expliquer sur la pertinence respective des travaux des deux experts, ni notamment, rechercher concrètement si l'incendie n'avait eu, comme l'estimait l'expert M. Y..., qu'un seul départ de feu ou, comme le démontrait l'expert M. Z... et ainsi que le soulignait la partie civile dans son mémoire, au moins deux départs de feu, ce qui excluait le caractère accidentel de l'incendie, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2) alors que, dans son mémoire, la société Groupama sud faisait expressément valoir, au vu notamment de l'expertise Z..., que la thèse d'un incendie volontaire était la seule plausible, dès lors que l'homme de l'art avait relevé, d'une part , l'absence de toute anomalie et de toute surchauffe du système électrique, ce qui excluait la thèse d'un court-circuit à l'origine de l'incendie, d'autre part, que les poignées en plastique du tableau électrique étaient demeurées intactes, ce qui démontrait que ledit tableau avait été détruit « portes ouvertes » ; que de troisième part, il était constant que la veille de l'incendie, le dirigeant de l'entreprise avait ordonné à ses salariés d'entreposer un stock considérable de cagettes en bois entre les machines, instruction qui n'avait aucune justification logique, si ce n'est dans la perspective d'un incendie, afin de favoriser la propagation du feu ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que le fait que les deux expertises successivement opérées aient abouti à des conclusions contradictoires instaure un doute sérieux sur le caractère intentionnel de l'incendie, sans s'expliquer davantage sur la pertinence respective des travaux des experts, ni répondre précisément, sur ce point, aux chefs péremptoires du mémoire de la partie civile, démontrant que certains éléments déterminants, soulignés par l'expert M. Z..., réduisaient à néant la thèse d'un incendie accidentel, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
"3) et alors enfin que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en se déterminant comme elle a fait après avoir pourtant elle-même constaté que la situation financière de la société Le Tech emballages, au jour de l'incendie, était loin d'être saine, qu'une modification du plan d'assurance était intervenue avec une meilleure prise en charge du stock trois jours avant l'incendie, que, selon certains salariés de la société M. X..., était devenu plus irritable, qu'il voulait délocaliser tout ou partie de l'entreprise en Espagne et qu'il menaçait, lors de ses colères, de mettre le feu à l'entreprise, enfin, que la veille de l'incendie, il avait donné l'ordre de rentrer dans le dépôt de fabrication des emballages, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale";
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
D' où il suit que le moyen doit être écarté ;
et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;