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08/02/2012 | FRANCE | N°10-27174

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 février 2012, 10-27174


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société par actions simplifiée Reynolds, filiale du groupe international Newell Rubbermaid, a fermé son site de Valence en 2007, après l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi et la signature d'un accord collectif sur la mise en place d'un dispositif de cessation anticipée d'activité préretraite ; que cent vingt-neuf salariés ont saisi la juridiction prud'homale au titre soit de leur licenciement soit, en ce qui concerne Mme X... et Mme Y..., de la rupture de l

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société par actions simplifiée Reynolds, filiale du groupe international Newell Rubbermaid, a fermé son site de Valence en 2007, après l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi et la signature d'un accord collectif sur la mise en place d'un dispositif de cessation anticipée d'activité préretraite ; que cent vingt-neuf salariés ont saisi la juridiction prud'homale au titre soit de leur licenciement soit, en ce qui concerne Mme X... et Mme Y..., de la rupture de leur contrat de travail d'un commun accord avec l'employeur dans le cadre de ce dispositif de cessation anticipée d'activité préretraite ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer les licenciements sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'en subordonnant la preuve de la réalité des motifs économiques des licenciements litigieux à la seule production des comptes consolidés du groupe Newell Rubbermaid, la cour d'appel a méconnu le principe de liberté de la preuve en matière prud'homale, ensemble l'article 1315 du code civil ;

2°/ que le juge n'a pas à s'immiscer dans les choix de gestion de l'entreprise par l'employeur ; qu'en exigeant la production par la société Reynolds d'éléments relatifs à sa politique tarifaire au niveau du secteur d'activité pour apprécier la cause réelle et sérieuse des licenciements litigieux, quand de telles informations relevaient de la détermination par l'employeur de ses choix économiques et ne pouvaient avoir d'utilité que pour apprécier la légitimité de tels choix, la cour d'appel a violé l'article 1233-3 du code du travail, ensemble la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'employeur ne produisait aucun élément sur la situation de l'ensemble des entreprises appartenant au secteur d'activité concerné au sein du groupe permettant de vérifier la réalité des difficultés économiques et la nécessité de sauvegarder sa compétitivité, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que le licenciement des salariés était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1 et L. 1233-3 du code du travail ;

Attendu que pour déclarer recevables les demandes de Mme X... et de Mme Y..., l'arrêt retient que l'accord sur le dispositif de préretraite proposé aux salariés par l'employeur, ne constituait qu'une des modalités de réalisation d'un unique projet de réorganisation de l'entreprise, au côté du plan de sauvegarde de l'emploi, que les salariés visés par cet accord n'avaient disposé que d'un choix entre l'adhésion au dispositif et un licenciement économique, que la rupture d'un commun accord repose exclusivement sur le même motif économique que celui ayant présidé aux licenciements et que l'interdiction de contester le caractère réel et sérieux du motif économique sous-jacent, introduit une atteinte injustifiée au principe d'égalité de traitement en matière d'emploi, entre les salariés placés dans la même situation ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que la résiliation du contrat de travail résultait de la conclusion d'un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d'un accord collectif soumis aux représentants du personnel, de sorte que, sauf fraude ou vice du consentement la cause de la rupture ne pouvait être contestée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le premier moyen :

Vu l'article L. 227-6 du code de commerce, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;

Attendu que si la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, si les statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui de licencier les salariés de l'entreprise sans qu'il soit nécessaire de mentionner cette délégation au registre du commerce et des sociétés ; que par ailleurs, aucune disposition n'exige que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure disciplinaire ;

Attendu que pour déclarer nuls l'ensemble des licenciements prononcés par l'employeur, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce que la délégation par le président de ses pouvoirs, est soumise à des règles plus strictes dans les sociétés par actions simplifiées et intervient au profit d'un directeur général ou d'un directeur délégué, dont le nom doit figurer au registre du commerce et des sociétés en application de l'article R. 123-4 du code de commerce, qu'en l'espèce les lettres de licenciement ont été signées par la directrice des ressources humaines, sans qu'il soit justifié d'une délégation de pouvoir conférée préalablement par son président et qu'il y a lieu de constater que les licenciements sont nuls, s'agissant d'une nullité de fond ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation n'implique pas qu'il soit statué à nouveau sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a, d'abord, déclaré recevables les demandes de Mme Y... et de Mme X... et leur a alloué des sommes à titre de dommages-intérêts et, ensuite, en ce qu'il a déclaré les licenciements des autres salariés nuls, l'arrêt rendu le 27 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare Mme Y... et de Mme X... irrecevables en leurs demandes ;

Rejette la demande d'annulation des licenciements ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Reynolds

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les licenciements nuls et d'avoir condamné la société Reynolds à verser certaines sommes à ses anciens salariés, au syndicat CFDT à titre de dommages-intérêts et à l'Assédic au titre du remboursement des indemnités chômage perçues par les salariés ;

Aux motifs que l'article L. 227-6 du code de commerce prévoit que :

« La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.

Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers. »

que dans la société par actions simplifiée, les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président et que les simplifications formelles introduites en droit positif par la création législative de ce type de société ont pour corollaire une définition plus limitative des délégataires du pouvoir du président, par rapport aux autres sociétés commerciales ; que les statuts de la société par actions simplifiée Reynolds disposent notamment qu'elle est administrée et dirigée par un président investi des pouvoirs les plus étendus pour la représenter vis-à-vis des tiers, que ce président peut consentir à tous mandataires de son choix toutes délégations de pouvoirs dans la limite de ceux qui lui sont conférés par la loi et que ce président peut, s'il le souhaite, donner mandat à une personne physique ou une personne morale, associés ou non, de l'assister à titre de directeur général ; que même s'il fait partie de l'entreprise en qualité de subordonné de la personne morale, le salarié est juridiquement un tiers par rapport au contrat entre les associés et leurs organes de direction ; que par ailleurs, en vertu de l'article L.1232-6 du code du travail, pour être valable, son licenciement doit procéder de la notification d'une lettre de licenciement émanant de l'employeur ou de son représentant ; qu'il résulte des dispositions de l'article L.227-6 du code de commerce que la délégation par le président de ses pouvoirs est soumise à des règles plus strictes dans les sociétés par actions simplifiées et intervient au profit d'un directeur général ou d'un directeur général délégué, dont le nom doit figurer au registre du commerce et des sociétés en application des dispositions de l'article R.123-4 du code de commerce, précisément pour permettre l'information des tiers qu'en l'espèce les lettres de licenciement ont été signées par Laurence Z..., directrice des ressources humaines de la société ; que la société Reynolds ne justifie pas d'une délégation de pouvoir conférée à Laurence Z... par son président, préalablement aux licenciements litigieux ; que dès lors que l'appelante ne démontre pas que Laurence Z... avait juridiquement, au sens des dispositions régissant les SAS, le pouvoir de procéder aux licenciements litigieux et que cette circonstance n'est pas une simple irrégularité formelle mais constitue une nullité de fond dès lors que le salarié ne peut être licencié que par son employeur ou le représentant légal de ce dernier, il y a lieu de constater que les licenciements litigieux sont nuls ; que les salariés licenciés ne peuvent renoncer à se prévaloir de ce moyen de nullité et qu'il n'apparaît d'ailleurs pas qu'ils aient entendu y renoncer ou aient ratifié leur licenciement en ayant bénéficié des dispositifs de reclassement et ou en ayant perçu des indemnités de rupture ; que les salariés ne sollicitent pas leur réintégration ; qu'ils sont en droit d'obtenir le versement d'une indemnité, destinée à réparer l'intégralité de leur préjudice consécutif au caractère illicite de leur licenciement, dont le montant est au moins égal à celui prévu à l'article L.1235-3 du code du travail » (arrêt, p. 21-22) ;

Alors, d'une part, que les règles de l'article L. 227-6 du code de commerce régissant la représentation de la personne morale constituée sous la forme d'une société par actions simplifiée n'excluent pas la possibilité, pour ses représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui de licencier les salariés de l'entreprise ; que la délégation du pouvoir de licencier peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ; qu'en déniant à Mme Z..., signataire des lettres de licenciement, le pouvoir de procéder aux licenciements litigieux au motif qu'elle n'était pas une représentante de la SAS Reynolds au sens de l'article L. 227-6 du code de commerce, cependant que la délégation de pouvoir de licencier s'inférait de la constatation selon laquelle celle-ci était directrice des ressources humaines de la société et donc chargée de la gestion du personnel, la cour d'appel a violé les article L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1232-6 du code du travail, 1984 et 1998 du code civil ;

Alors, d'autre part, qu'en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement ; qu'en prononçant la nullité des licenciements litigieux, quand il ressortait des écritures de la société Reynolds ainsi que de ses moyens et prétentions présentées lors de l'audience qu'elle concluait à la validité des licenciements prononcés et au rejet des demandes en nullité formées par les salariés licenciés et qu'elle entendait ainsi confirmer les décisions de licenciement prise par sa directrice des ressources humaines, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 1998 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les licenciements sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Reynolds à verser certaines sommes à ses anciens salariés, au syndicat CFDT à titre de dommages-intérêts et à l'Assédic au titre du remboursement des indemnités chômage perçues par les salariés ;

Aux motifs propres qu'« il résulte de l'article L.1233-3 du Code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que par courrier en date du 2 juillet 2007, la société Reynolds a notifié à chacun des salariés son licenciement pour le(s)
motif(s) économique(s) suivant :

« Cette situation a entraîné une dégradation de la situation économique de Reynolds SAS qui, depuis 2003, connaît une diminution significative et constante de .son chiffre d'affaires et des principaux indicateurs de son activité économique :

- En 2005, le chiffre d'affaires de Reynolds SAS était de 48 409,4 Ke contre 51 125,3 € en 2004, soit une baisse de plus de 5 %. Comparé à 2003, le chiffre d'affaires de Reynolds SAS a chuté de 11 % en deux ans. Il a continué à baisser sur 2006, les chiffres prévisionnels faisant état d'un chiffre d'affaires de 47 056 K€. La marge brute de Reynolds SAS s'est également détériorée puisqu'on 2005 elle était de 22 391,9 K€ contre 24 246,3 K€ en 2004.

- L'Excèdent Brut d'Exploitation (EBE) déjà négatif en 2004 à 58, 5 K€ a continue à se dégrader en 2005 pour atteindre - 202 K€. Enfin, pour la seconde année consécutive, Reynolds SAS a dégagé en 2005 une perte d'un montant de 146,5 Ke, les pertes ayant fortement augmenté sur 2006.

Cette situation a également entraîné une dégradation de la situation économique de la marque Reynolds :

- - la baisse récurrente du chiffre d'affaires brut de la marque Reynold, en France, qui est passé de 53 305 K€ en 2003 à 46 606 K€ en 2005 et à 40 315 Ke en 2006, est aggravée par l'augmentation des remises arrières et des activités promotionnelles qui sont passées de 20,1% des ventes en 2003 à 22,4 % des ventes en 2005.

- - les ventes nettes de la marque sont passées de 42 292 K€ à 35 987 K€
entre 2003 et 2005, soit une baisse de 14,9 %.

En l'absence de plan de redressement, la situation de Reynolds, qui est d'ores et déjà extrêmement difficile, s'aggraverait donc au point de porter atteinte à la pérennité de la marque elle-même, de Reynolds SAS, et plus globalement de l'activité « instruments d'Ecriture ».

Malgré les réorganisations industrielles mises en oeuvre au sein du groupe, les actions commerciales engagées pour redresser la marque (priorité donnée aux produits à plus forte marge, nouveaux produits, opérations événementielles, etc.) et les efforts d'optimisation industrielle (Lean Manufacturing, lancement de la Distribox), la situation est aujourd'hui critique et impose de sauvegarder la compétitivité de l'activité « Instruments d'Ecriture » ;

que la société Reynolds invoque donc à la fois des difficultés économiques actuelles à son niveau et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'activité du secteur « Instruments d'Ecriture » ; que pour apprécier le bien fondé de la réorganisation de la société Reynolds, il convient tout d'abord de vérifier si le choix du périmètre économique, à savoir les limites du secteur d'activité retenues par l'employeur, est pertinent, s'agissant d'une société qui appartient à un groupe qui est implanté dans le inonde entier ; que le groupe qui comprend 4 divisions relatives à des activités différentes s'est située uniquement, pour apprécier la situation de la société Reynolds dans le sous secteur « instruments d'écriture quotidien » qui n'est lui-même qu'un sous secteur de la branche « Instruments d'Ecriture » qui appartient elle-même à la division fournitures de bureaux et instruments d'écriture ; que c'est au niveau du secteur « Instruments d'Ecriture » et non du sous secteur « instruments d'écriture quotidien » que l'on devait se placer pour apprécier le bien fondé du motif économique dans la mesure où ce secteur d'activité regroupe de nombreuses sociétés dispersées dans le monde, sociétés qui produisent des instruments d'écriture de différentes marques ; que l'ensemble des entreprises du groupe positionnées tant sur le segment quotidien que sur le segment haut de gamme ont une activité économique poursuivant le même objet ; que la différence tenant aux caractéristiques des produits est sans incidence sur l'appartenance à un même secteur d'activité ;qu'à titre d'exemple de la réalité de l'existence d'un secteur d'activité « Instruments d'Ecriture » au niveau du groupe, il n'a pas été contesté par l'employeur qu'un certain nombre de produits fabriqués par la société Reynolds ont été transférés à Papermate, ce qui a eu des incidences d'une part sur le chiffre d'affaires de la société Reynolds (2,2 millions d'euros) qui serait resté stable sinon et d'autre part sur le taux d'exploitation des capacités de production du site ; qu'également ce n'était pas la société Reynolds qui commercialisait les produits fabriqués par elle mais la société Sanford Ecriture, laquelle définissait donc la politique commerciale et tarifaire ; qu'il n'a pas été produit devant la Cour plus d'éléments précis et certifiés permettant d'apprécier l'existence de difficultés économiques ou de risques pour la compétitivité au niveau du secteur d'activité « Instruments d'Ecriture » ; que la société Reynolds n'apporte pas d'éléments sur la situation de l'ensemble des entreprises du groupe ‘‘Newell Rubbermaid'' appartenant à ce secteur d'activité ; qu'elle ne produit aucun compte consolidé seul élément permettant de vérifier la réalité des difficultés économiques et de la menace qui serait susceptible de peser sur la compétitivité du secteur d'activité tout entier et non sur une seule partie de ce secteur d'activité, la société Reynolds ne générant que 17 % du chiffre d'affaires du secteur « Instruments d'Ecriture » ; qu'en l'absence de ces éléments la société Reynolds ne fait pas la démonstration de l'existence des risques concurrentiels qu'elle invoque pour justifier que la compétitivité du secteur d'activité serait exposée à un niveau tel que cela nécessite la fermeture de l'entreprise ; qu'en mettant en oeuvre la politique tarifaire au niveau de Sanford Ecriture et non de la société Reynolds d'une part et en transférant une partie de la production du site de Valence à une autre société du secteur « instrument d''Ecriture » d'autre part, sans apporter à la cour d'information vérifiable sur les conditions de la détermination de sa politique tarifaire au niveau du secteur d'activité et en limitant cette information au seul site de Valence, l'employeur ne permet pas la Cour en mesure de vérifier son incapacité à vendre à un prix concurrentiel ; que s'il n'appartient pas au juge de s'immiscer dans les choix de gestion des entreprises, il incombe à l'entreprise de rapporter la preuve qu'au niveau du secteur d'activité, il existe des difficultés économiques actuelles, un risque pour sa compétitivité lié aux évolutions sectorielles ou à une mutation technologique à venir d'une ampleur telles que la réorganisation par suppression de l'entreprise et délocalisation des emplois soit nécessaire pour remédier aux difficultés économiques ou pour assurer la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce cette preuve n'est pas rapportée au niveau du secteur d'activité, seul niveau pertinent ; qu'en conséquence le motif économique n'est pas caractérisé et il s'en déduit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le jugement devant être confirmé de ce chef » (arrêt, p. 24-26) ;

Et aux motifs adoptés que la SAS Reynolds appartient à un groupe américain dénommé "Newell Rubbermaid" qui est implanté dans le monde entier ; que ce groupe comprend quatre divisions relatives à des activités différentes, soit : produits d'entretien et de rangement ; matériels et outillages ; maison et famille ; fournitures de bureaux et instruments d'écriture ; que cette dernière division est dénommée au sein du groupe "Sanford Brand" ; que la SAS Reynolds fait partie de cette division et plus particulièrement du secteur d'activité "instruments d'écriture" ; que c'est donc ce secteur d'activité qui doit être le périmètre d'appréciation du bien fondé du motif économique ; que ce secteur d'activité regroupe de nombreuses sociétés dispersées dans le monde et produisant des instruments d'écriture de différentes marques et notamment Parker, Waterman, Papermate, Rotring, Sensa, Reynolds ; qu'il n'y a pas lieu d'opérer une distinction entre un secteur d'activité relatif aux "instruments d'écriture quotidien" dont fait partie la marque Reynolds et un secteur d'activité "instruments d'écriture haut de gamme" puisque qu'il apparaît que l'ensemble des entreprises positionnées tant sur le segment quotidien que sur le segment haut de gamme ont une activité économique ayant le même objet, la différence tenant aux caractéristiques des produits étant sans incidence sur l'appartenance à un même secteur d'activité ; qu'en outre il n'est pas indifférent de noter que sur la lettre de licenciement des salariés figure en haut de page le logo "Sanford Brands" et en bas de page les logos des différentes marques appartenant au secteur d'activité instruments d'écriture ; qu'il appartenait donc à la SAS Reynolds de fournir au Conseil des éléments précis sur la situation de l'ensemble des entreprises du groupe appartenant à ce secteur d'activité ; qu'en effet la question à laquelle la SAS Reynolds doit répondre au regard du droit social français n'est pas de savoir quelle était la situation économique de la marque Reynolds et de la SAS Reynolds au jour des licenciements mais quelle était la situation économique du secteur d'activité "instruments d'écriture" du groupe "Newell Rubbermaid" dont faisait partie le site de production de Valence ; que pour l'essentiel les pièces produites par la SAS Reynolds consistent à démontrer au Conseil que la marque Reynolds et la SAS Reynolds se trouvaient dans une situation économique dégradée ; que ce faisant l'employeur ne met pas en mesure le Conseil de vérifier la réalité de la menace qui aurait pesé sur la compétitivité du secteur d'activité à laquelle appartenait la SAS Reynolds » (jugement, p. 23-24) ;

Alors, d'une part, que, en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'en subordonnant la preuve de la réalité des motifs économiques des licenciements litigieux à la seule production des comptes consolidés du groupe Newell Rubbermaid, la cour d'appel a méconnu le principe de liberté de la preuve en matière prudhommale, ensemble l'article 1315 du code civil ;

Alors, d'autre part, que le juge n'a pas à s'immiscer dans les choix de gestion de l'entreprise par l'employeur ; qu'en exigeant la production par la société Reynolds d'éléments relatifs à sa politique tarifaire au niveau du secteur d'activité pour apprécier la cause réelle et sérieuse des licenciements litigieux, quand de telles informations relevaient de la détermination par l'employeur de ses choix économiques et ne pouvaient avoir d'utilité que pour apprécier la légitimité de tels choix, la cour d'appel a violé l'article 1233-3 du code du travail, ensemble la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes de Mmes Y... et X..., d'avoir jugé que la rupture d'un commun accord de leur contrat de travail ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Reynolds à leur verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à cette rupture ;

Aux motifs que « la société Reynolds a mis en place au cours du second semestre 2006 un plan de sauvegarde de l'emploi après les consultations du comité d'entreprise au titre des livres III et 1V du code du travail ;qu'un accord de cessation anticipée d'activité a par ailleurs été conclu le 20 décembre 2006 pour une durée déterminée jusqu'au 30 juin 2007 entre les sociétés membres de l'UES Sanford Ecriture et les organisations syndicales représentatives au sein de cette UES ; qu'aux termes de cet accord, un dispositif de pré-retraite a été mis en place prévoyant la possibilité de rupture d'un commun accord des contrats de travail pour une catégorie déterminée de salariés remplissant notamment des conditions d'âge et de droit au regard du régime d'assurance retraite ; que ce dispositif excluait tout préavis mais garantissait le versement d'une indemnité de départ volontaire équivalente à l'indemnité conventionnelle de mise à la retraite majorée de 9 000 euros bruts, exclusive de l'indemnité complémentaire de licenciement prévue au plan de sauvegarde de l'emploi et du congé de reclassement ; que c'est dans ce contexte que Françoise X... a été reçue le 17 janvier 2007 en entretien individuel au cours duquel l'employeur lui a exposé le fonctionnement du dispositif, s'est portée volontaire le 29 janvier 2007 et que son contrat de travail a été rompu d'un commun accord dans le cadre d'un protocole de rupture signé entre les parties le 26 mars 2007 ; que Mme Y..., a demandé le le 24 janvier 2007 à adhérer au dispositif, ce qui a conduit à la rupture de son contrat d'un commun accord dans le cadre d'un protocole signé le 26 mars 2007 ; que chacune a perçu une indemnité spécifique de départ volontaire ; que cet accord rappelait que la mesure s'inscrivait dans un projet plus global de réorganisation de la société Reynolds qui avait donné lieu à l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique et qu'à ce titre le dispositif de préretraite d'entreprise s'intégrait aux mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi élaboré dans le cadre de cette réorganisation et mises en oeuvre conformément aux dispositions de l'article L. 321-44 du code du travail (L. 1233-61) ; qu'il rappelait aussi que la qualité de bénéficiaire du régime de pré-retraite était exclusive du bénéfice de l'ensemble des autres mesures prévues au plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'à la suite de la mise en oeuvre de cet accord et du Plan de sauvegarde de l'emploi, le site a été fermé en 2007; que, compte tenu du contexte économique invoqué et de la chronologie, l'accord sur le dispositif de préretraite du 20 décembre 2006 dont l'employeur a pris l'initiative de le proposer au salarié en cause n'était qu'une des modalités pratiques de mise en oeuvre d'un unique projet de réorganisation de l'entreprise et fermeture d'un site qui avait motivé le plan de sauvegarde de l'emploi mise en oeuvre et que le salarié n'avait disposé effectivement que d'un choix entre d'une part l'adhésion au dispositif de pré-retraite dès lors qu'il en remplissait les conditions et d'autre part un licenciement économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ; que la rupture d'un commun accord litigieuse repose en conséquence exclusivement sur le même motif économique que celui ayant présidé aux licenciements opérés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ; que l'article 1er de la directive 98/59 CE du Conseil du 20 juillet 1998 prévoit que, pour le calcul du nombre de licenciements prévu dans la définition des licenciements collectifs, sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l'initiative de l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq ; que l'interdiction faite au salarié ayant choisi la première option de contester le caractère réel et sérieux du motif économique sous jacent introduit une atteinte injustifiée au principe d'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail entre les salariés placés dans la même situation, c'est à dire dont le poste est supprimé dans le cadre d'une même restructuration de l'entreprise qui plus est alors même que la cessation de son contrat de travail a vocation à être prise en compte dans le calcul du licenciement collectif ; que Mmes Y... et X... étaient donc recevables à demander à la formation prud'homale de vérifier le caractère réel et sérieux de la référence au motif économique ayant présidé à la rupture d'un commun accord de son contrat de travail » (arrêt p. 22-23) ; (…) qu'il résulte de l'article L.1233-3 du code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que par courrier en date du 2 juillet 2007, la société Reynolds a notifié à chacun des salariés son licenciement pour motif(s) économique(s) suivant et (…) invoque à la fois des difficultés économiques actuelles à son niveau et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'activité du secteur « Instruments d'Ecriture » ; que pour apprécier le bien fondé de la réorganisation de la société Reynolds, il convient tout d'abord de vérifier si le choix du périmètre économique, à savoir les limites du secteur d'activité retenues par l'employeur, est pertinent, s'agissant d'une société qui appartient à un groupe qui est implanté dans le inonde entier ; (…) qu'il incombe à l'entreprise de rapporter la preuve qu'au niveau du secteur d'activité, il existe des difficultés économiques actuelles, un risque pour sa compétitivité lié aux évolutions sectorielles ou à une mutation technologique à venir d'une ampleur telles que la réorganisation par suppression de l'entreprise et délocalisation des emplois soit nécessaire pour remédier aux difficultés économiques ou pour assurer la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce cette preuve n'est pas rapportée au niveau du secteur d'activité, seul niveau pertinent (arrêt, p. 24-26) que (…) Mmes Y... et X... sont en en droit d'obtenir le versement d'une indemnité destinée à réparer l'intégralité de leur préjudice consécutif à l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail » (arrêt, p.33) ;

Alors, d'une part, qu'il résulte tant des écritures d'appel de Mmes X... et Y... que du rappel de leurs prétentions et moyens par l'arrêt attaqué que celles-ci ont demandé la condamnation de la société Reynolds pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en déclarant les salariées recevables à demander une indemnité pour rupture d'un commun accord de leur contrat de travail pour absence de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que, sauf disposition légale contraire, la rupture d'un commun accord d'un contrat n'emporte aucun droit à indemnité pour l'une ou l'autre des parties ; qu'en déclarant Mmes X... et Y... recevables et bien fondées à demander une indemnité à la société Reynolds pour défaut de motif économique de la rupture de leur contrat intervenue d'un commun accord, cependant que ni l'article L. 1233-3 du code du travail ni la directive n°98/58 CE du 20 juillet 1998 n'accordent un droit à indemnité à un salarié qui aurait consenti à la résiliation amiable du contrat de travail pour un motif économique non avéré, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail et la directive n°98/58 CE précitée ;

Alors, enfin et subsidiairement, que la résiliation amiable du contrat de travail prive le salarié du droit de demander une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il s'ensuit que la circonstance qu'un dispositif de préretraite ayant abouti à la résiliation amiable du contrat de travail repose sur un motif économique et s'inscrive dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise n'ôte pas à la rupture du contrat de travail son caractère volontaire et amiable qui, dès lors, exclut qu'elle puisse s'analyser en un licenciement ; qu'en estimant que Mmes X... et Y... étaient recevables et fondées à contester le motif économique de la rupture de leur contrat de travail, cependant qu'elle constatait que la rupture de leur contrat de travail revêtaient un caractère amiable, ce qui excluait qu'elle puisse s'analyser en un licenciement, la cour d'appel a méconnu les articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Reynolds à verser la somme de 34 398 € à Mme Rita D... ;

Aux motifs que « Mme D... a été engagée le 14 avril 1980 ; qu'elle occupait en dernier lieu l'emploi d'opératrice ; que son salaire mensuel brut de référence était de 1 911,90 € ; qu'au moment de son licenciement elle comptait près de 27 années d'ancienneté et était âgée de 47 ans ; que la société Reynolds a financé sa formation en réflexologie plantaire ; que la salarié déclare avoir créé sa propre entreprise en mai 2008 mais ne pas dégager un chiffre d'affaires suffisant ; qu'elle a déclaré 2 351 € de revenus imposables pour l'année 2009 ; que compte tenu de son âge et de la persistance de ses difficulté, l'indemnité lui revenant sera portée à 34 398 € » (arrêt, p. 29) ;

Alors que Mme D... a demandé et obtenu du conseil de prud'hommes la condamnation de la société Reynolds à lui verser la somme de 28 679 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en appel, elle a demandé la confirmation du jugement de ce chef ; qu'en condamnant cependant la société Reynolds à lui verser la somme de 34 398 €, la cour d'appel, qui a infirmé le jugement au préjudice de la société Reynolds sur un chef non critiqué par cette salariée, a violé les articles 4, 5 et 562 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27174
Date de la décision : 08/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 27 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 fév. 2012, pourvoi n°10-27174


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27174
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