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01/02/2012 | FRANCE | N°11-87533

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 février 2012, 11-87533


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M.Julien X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 27 septembre 2011, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, et corruption de mineurs, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 2 décembre 2011, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire pr

oduit ;Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 §...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M.Julien X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 27 septembre 2011, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, et corruption de mineurs, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 2 décembre 2011, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 § 3, 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe du respect des droits de la défense et des articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77, dans leur rédaction antérieure à la loi du 14 avril 2011, 174, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et qu'il serait fait retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information ;
"aux motifs que M. X... a reçu notification de ses droits conformément au cadre légal en vigueur lors de la garde à vue dont il a fait l'objet les 26 et 27 janvier 2011 ; qu'au terme de l'article 62 de la constitution, les décisions du Conseil constitutionnel "s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " ; que, dans sa décision n° 2010-14 du 30 juillet 2010 le Conseil constitutionnel a effectivement estimé que la législation française n'instituait pas des garanties appropriées au bénéfice de la personne gardée à vue, s'agissant notamment des exigences du procès équitable résultant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme quant à la notification du droit au silence et à l'assistance effective d'un avocat ; que, toutefois, faisant valoir que l'abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction et entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil en a différé les effets au 1er juillet 2011 ; qu'en effet, l'application immédiate de cette abrogation, alors même que les normes de droit positif ont été respectées par les personnes ayant concouru à la procédure, aurait pour conséquence, en nuisant à la manifestation de la vérité judiciaire, de priver la société et les victimes des mesures susceptibles d'en résulter, dans une procédure portant sur des faits d'une particulière gravité, s'agissant principalement de viols et d'agression sexuelles sur mineure de quinze ans par personne ayant autorité ; que les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme imposent aux États de garantir aux victimes, par une législation pénale et procédurale adaptée, une enquête et des poursuites efficaces ; que ces exigences, non contradictoires avec le droit des personnes à un procès équitable, sont incompatibles avec l'abrogation rétroactive de dispositions de procédure pénale qui pourrait les priver de la faculté de faire valoir des éléments de preuve pourtant recueillis conformément aux textes en vigueur ; que le principe de sécurité juridique, garant de l'égalité des citoyens devant la loi, est l'un des fondements de toute société démocratique ; que la Cour européenne des droits de l'homme a considéré qu'il constituait l'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit, et corrélativement du droit à un procès équitable ; que l'absence de modulation dans le temps des effets d'une abrogation confère nécessairement à la loi, expression d'une volonté générale censée s'imposer à tous, une relativité ne permettant plus de la considérer avec sérénité comme la norme certainement applicable ; que l'article 66 de la Constitution confère à l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, la charge de faire respecter le principe, dans les conditions prévues par la loi, selon lequel " nul ne peut être arbitrairement détenu " ; qu'il résulte des articles 63 et 77 du code de procédure pénale que le procureur de la République est informé dès le début d'une mesure de garde à vue, qu'il peut ordonner que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté et qu'il lui appartient d'apprécier la nécessité du maintien de la personne en garde à vue et de l'éventuelle prolongation de cette mesure ; que les pouvoirs ainsi conférés à cette autorité judiciaire sont soumis au principe constitutionnel de proportionnalité ; que le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée s'imposant aux autorités judiciaires, a jugé conformes à l'article 66 de la Constitution les pouvoirs conférés aux magistrats du parquet, dans le cadre des enquête dont ils ont la charge, lors des 48 heures suivant le placement de la personne en garde à vue ; que, dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant la conformité de ce régime procédural avec des dispositions conventionnelles, qu'il y a lieu d'écarter le moyen tenant au cumul, par le procureur de la République, de la fonction de contrôle d'une garde à vue à celle d'autorité diligentant des poursuites ; que la garde à vue de M. X..., régulièrement contrôlée par une autorité judiciaire, a donc été réalisée selon la législation alors en vigueur quant au régime de l'assistance d'un conseil et à celui du droit au silence, sachant que c'est seulement au stade du jugement, pour autant que la procédure fasse l'objet d'un renvoi devant la juridiction du fond, et non pas au stade de l'instruction préparatoire, que peut s'apprécier in concreto, conformément aux prescriptions de la cour européenne des droits de l'homme, le respect d'un principe d'un procès équitable, selon les motifs ayant déterminé la décision ; qu'aucune cause de nullité d'un acte ou de la procédure, examinée jusqu'à la cote D 444, n'a pu être trouvée ; que, dès lors, aucune annulation n'est encourue ;
"1°) alors que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que n'est pas conforme aux stipulations de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la garde à vue d'une personne, qui n'a pas bénéficié, pendant cette garde à vue, de l'assistance effective d'un avocat et qui n'a pas été informée, dès le début de la garde à vue, de son droit de garder le silence ; que les États adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation ; qu'il en résulte que les règles, selon lesquelles la personne placée en garde à vue doit bénéficier, pendant cette garde à vue, de l'assistance effective d'un avocat et doit être informée, dès le début de la garde à vue, de son droit de garder le silence, étaient applicables aux gardes à vue antérieures au 1er juin 2011, date d'entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2011, et à la date d'effet, fixée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010, de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions des articles 62, 63, 63-1 et 77 et des alinéas 1 à 6 de l'article 63-4 du code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à la loi du 14 avril 2011 ; qu'en considérant, pour dire n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors qu'elle avait constaté que M. X... n'avait ni bénéficié, pendant la garde à vue dont il a fait l'objet les 26 et 27 janvier 2011, de l'assistance effective d'un avocat, ni été informé, dès le début de la garde à vue, de son droit de garder le silence, que les règles, selon lesquelles la personne placée en garde à vue doit bénéficier, pendant cette garde à vue, de l'assistance effective d'un avocat et doit être informée, dès le début de la garde à vue, de son droit de garder le silence, n'étaient pas applicables à une garde à vue, réalisée avant le 1er juillet 2011 et conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en oeuvre, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
"2°) alors que le ministère public ne constitue pas une autorité judiciaire au sens des stipulations de l'article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ces stipulations ; que la validité, au regard des exigences posées par les stipulations de l'article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la garde à vue, réalisée sous le contrôle par un membre du ministère public et prolongée par celui-ci, dépend de sa durée et du délai dans lequel la personne intéressée a été présentée à un magistrat du siège ; qu'en examinant les mérites du moyen de nullité soulevé par M. X..., tiré de ce que la garde à vue dont il a fait l'objet avait été réalisée sous le contrôle du ministère public et prolongée par celui-ci au regard des seules dispositions de la constitution et en considérant qu'il n'y avait pas lieu d'examiner si ce moyen était fondé au regard des stipulations de l'article 5 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, quand la validité de cette garde à vue était subordonnée à sa conformité avec ces stipulations, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a méconnu son office et a violé les stipulations susvisées" ;
Vu l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte que toute personne, placée en garde à vue, doit, dès le début de cette mesure, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ;
Attendu que, pour rejeter le moyen pris de la nullité de la garde à vue par lequel la personne mise en examen soutenait que le droit de se taire ne lui avait pas été notifié et qu'elle n'avait pas bénéficié de l'assistance effective d'un avocat, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, après avoir constaté que les auditions recueillies en garde à vue n'étaient pas conformes aux prescriptions de la Convention européenne des droits de l'homme, d'annuler ces actes puis de procéder ainsi qu'il est prescrit par les articles 174 et 206 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la seconde branche du moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 27 septembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Caron conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-87533
Date de la décision : 01/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 27 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 fév. 2012, pourvoi n°11-87533


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.87533
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