La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2012 | FRANCE | N°11-82012

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 janvier 2012, 11-82012


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Mohamed X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 27 janvier 2011, qui, dans la procédure suivie contre MM. Patrick Y..., Christophe Z..., la société " 17 juin média " et la société France télévisions, du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1, 32, 42 et 43 de la loi du 29 juillet

1881, 121-6 et 121-7 du code pénal, 6, 591 et 593 du code de procédure pénale, défau...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Mohamed X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 27 janvier 2011, qui, dans la procédure suivie contre MM. Patrick Y..., Christophe Z..., la société " 17 juin média " et la société France télévisions, du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1, 32, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, 121-6 et 121-7 du code pénal, 6, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel de Paris a dit que MM. Y... et Z...n'ont commis aucune faute dans la diffusion de l'émission « Faites entrer l'accusé », le 25 février 2007, sur le média France 2 et débouté en conséquence M. X...de ses demandes tendant à condamner M. Y..., en sa qualité de directeur de la publication de la société France 2 SA, en tant qu'auteur, M. Z..., en tant que complice, ainsi que les sociétés France télévisions et 17 juin média, en tant que civilement responsables, in solidum, à verser à M. X..., en réparation de son préjudice moral, la somme de 280 000 euros, à titre de dommages-intérêts outre une diffusion à leurs frais, sous huit jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, au-delà du huitième jour, un communiqué judiciaire au cours du journal télévisé de 20 heures de France 2, et interdire toute rediffusion de l'émission non expurgée des propos diffamatoires poursuivis ;
" aux motifs qu'en l'absence d'appel du ministère public, il incombe pour la cour, de se prononcer sur l'existence ou son défaut, d'une faute qu'auraient respectivement commise le directeur de la publication France télévisions, M. Y... et son complice présumé, M. Z...à raison de la diffusion sur le média France 2 de l'émission, " Faites entrer l'accusé ", le 25 février 2007, dont cinq extraits sont incriminés comme constituant le délit de diffamation publique envers un particulier et complicité de ce délit ; qu'il sera, à titre liminaire, rappelé qu'il est ce jour définitivement jugé que l'action engagée par la partie civile n'était pas prescrite ; que sur le fond, la partie civile soutient que dans les cinq extraits poursuivis, tant le directeur de publication que le présentateur de l'émission " Faites entrer l'accusé " l'ont présenté comme l'un des deux auteurs d'un vol à main armée, commis à Paris, le 24 novembre 1998, dans un bureau de change et l'auteur d'une tentative de meurtre sur un témoin (M. A...) qui tentait de l'empêcher de fuir, alors qu'il a été acquitté pour ces faits, le 22 décembre 2005, par la cour d'assises de Paris ; qu'il convient, en première part, de se prononcer sur le caractère diffamatoire défini par l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 modifiée, comme " toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ", le fait imputé étant entendu comme devant être suffisamment précis, distinct du jugement de valeur pour pouvoir le cas échéant, faire aisément l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; que l'appréciation de ce caractère diffamatoire doit en droit s'apprécier en considération de l'ensemble des éléments intrinsèques ou extrinsèques qui en éclairent le sens et la portée afin de rechercher ce qu'une personne normalement attentive peut objectivement en déduire, étant précisé que la liberté d'expression et le droit du public à l'information, qui en est le corollaire, justifient que la presse puisse évoquer des faits divers ou des affaires judiciaires, dès lors que la relation qui en est faite n'est pas dénaturée et répond à l'exigence de prudence que doit évidemment dicter le respect du droit à la réputation d'autrui ; qu'appliquée au cas d'espèce, la nécessaire prise en compte de l'intégralité de la partie de l'émission traitant des faits divers dans la commission desquelles M. X...a été impliqué de 1998 jusqu'à son acquittement intervenu sept années plus tard, fait ressortir :- que le présentateur se borne à rappeler les éléments de l'enquête puis de l'information judiciaire ayant débouché, le 19 décembre 2001, sur le renvoi de M. X...devant la cour d'assises de Paris,- que, sans prendre partie en faveur de la culpabilité de celui-ci, le présentateur donne la parole au témoin M. A...qui a, un temps, accusé M. X...d'être impliqué dans le vol avec arme et de lui avoir ensuite tiré dessus avec une arme de poing,- que loin d'adhérer à la thèse de ce témoin, le présentateur n'omet pas de faire état des versions successives du témoin et de le questionner sur ces variations en émettant l'opinion que " délivrer une autre version.., ça trouble toujours aujourd'hui ", ce qui est une démonstration de la prise de distance du présentateur par rapport aux dires de ce témoin,- qu'il a été aménagé dans l'émission le temps des interventions du conseil de M. X...qui conteste la manière dont les investigations ont été conduites, leur dénie un caractère probatoire quelconque et fait valoir les arguments de défense de M. X..., de manière détaillée et didactique ; qu'en réalité, le présentateur M. Z...s'est contenté de relater de manière impartiale et mesurée en donnant notamment la parole au témoin M. A...et au conseil de M. X...la chronologie des investigations conduites suite à la commission des faits ; que trois éléments supplémentaires démonstratifs de l'absence de caractère diffamatoire des cinq extraits poursuivis, résident dans le fait que l'intervention du conseil de M. X..., suite à sa mise en examen, fait l'objet d'un commentaire élogieux de la part d'un intervenant, M. B..., lorsqu'il est questionné par le présentateur à propos d'un élément (un numéro de téléphone) paraissant à charge, qu'ensuite, ce même intervenant énonce que " Patatras tout s'effondre. Finalement on reste dans le doute. On n'a aucune preuve formelle que C...et X...se connaissent ", que l'annonce de la comparution personnelle de M. X...devant la cour de Paris, en décembre 2005, est précédée de la mention à deux reprises de son état de complice présumé ; que ces propos, audibles dès le visionnage de l'émission, confirment que les cinq extraits incriminés par la partie civile sont dénués de tout effet ou sens diffamatoire ; qu'il sera en conséquence jugé en le caractère infondé des prétentions de la partie civile, au regard de l'article 29, article 1, de la loi du 29 juillet 1881, qui s'est limitée à proposer une analyse fragmentaire de la partie de l'émission qu'elle incrimine, en méconnaissance du principe d'interprétation ci-dessus explicité et rappelé et de l'exact contenu de ladite émission ; que pour ces motifs, la partie civile sera déboutée de ses demandes et les personnes poursuivies mises hors de cause, le directeur de publication étant nécessairement hors de cause en l'absence de faute de M. Z...; que, sur les demandes formulées par MM. Y... et Z...sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale, que la cour les rejettera, les demandeurs ne justifiant pas d'un abus d'action ou d'une témérité particulière de la partie civile qui pouvait s'en rapporter à justice dans les termes consignés à sa plainte avec constitution de partie civile ;

" 1) alors qu'est diffamatoire toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, même présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; que l'émission « Faites entrer l'accusé » présentait M. X...comme l'un des deux auteurs d'un vol à main armée commis à Paris, le 24 novembre 1998, dans un bureau de change et l'auteur d'une tentative de meurtre sur un témoin, faits pour lesquels il avait été acquitté par la cour d'assises de Paris, le 20 décembre 2005 ; que la cour d'appel a estimé que les propos n'étaient pas diffamatoires puisque l'émission exposait plusieurs thèses, présentait M. X...comme « complice présumé » et concluait que « Finalement, on reste dans le doute » ; qu'en statuant ainsi, lorsque les propos, même présentés sous forme dubitative, laissaient supposer une participation criminelle de M. X..., la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
" 2) alors qu'est diffamatoire toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ; que, malgré la décision d'acquittement, lors de l'émission en litige, le présentateur a demandé à un témoin, M. A..., si « Pour vous encore aujourd'hui, c'est bien X...qui vous tire dessus ? » et le témoin a répondu « Ah oui, oui, oui » ; qu'en décidant, cependant, qu'il n'y avait pas diffamation dès lors que le témoin avait accusé « un temps » M. X..., la cour d'appel s'est placée en contradiction avec les éléments du dossier et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions précitées ;
" 3) alors que le caractère diffamatoire d'un propos s'apprécie au jour où il est tenu ; que M. X...s'est vu reprocher des faits de vol à main armée et de tentative de meurtre sur un témoin ; qu'il a été acquitté par la cour d'assises de Paris par arrêt du 20 décembre 2005 ; que le 25 février 2007, la chaîne de télévision France 2 a procédé à la diffusion de l'émission « Faites entrer l'accusé » consacrée notamment à cette affaire, rouvrant le débat sur la culpabilité de M. X...plus d'un an après son acquittement ; qu'en se plaçant dans la « chronologie des investigations » pour estimer que les propos n'étaient pas diffamatoires, en lieu et place du jour où ils étaient tenus, soit le 25 février 2007, la cour d'appel a derechef violé les dispositions précitées " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la diffusion, sur la chaîne de télévision France 2, de l'émission " Faites entrer l'accusé " intitulée " Jean-Claude C..., le Chinois ", M. X..., qui fut poursuivi pour avoir participé à un vol à main armée et une tentative de meurtre, avant d'être acquitté par la cour d'assises, a porté plainte et s'est constitué partie civile, du chef de diffamation publique envers un particulier, en raison de plusieurs passages de cette émission, estimant que ceux-ci le présentaient comme coupable des faits criminels ; que M. Y..., directeur de publication de France 2, et M. Z..., présentateur de l'émission, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef précité ; que les juges du premier degré ont déclaré l'action publique éteinte par la prescription ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;
Attendu qu'après avoir préalablement infirmé ce jugement, la cour d'appel, pour débouter la partie civile, prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et en relevant notamment le caractère fragmentaire de l'analyse donnée par la partie civile des passages incriminés, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que, pour apprécier la qualification légale qu'il convient d'appliquer à des propos présentés comme diffamatoires, les juges doivent prendre en considération non seulement les termes mêmes relevés par l'acte de poursuite, mais encore les éléments extrinsèques de nature à donner à ces propos leur véritable sens et à caractériser l'infraction poursuivie ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Attendu que, la demande en cassation formée par la partie civile ayant été rejetée, celle-ci est irrecevable à demander la condamnation des autres parties à lui payer une somme au titre des frais non payés par l'Etat qu'elle a exposés ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi ;
DECLARE IRRECEVABLE la demande présentée par M. X..., partie civile, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 3 000 euros la somme que M. X...devra payer à M. Z...et à la société " 17 juin média " au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 janvier 2011


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 31 jan. 2012, pourvoi n°11-82012

RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Boutet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 31/01/2012
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-82012
Numéro NOR : JURITEXT000025471157 ?
Numéro d'affaire : 11-82012
Numéro de décision : C1200769
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-01-31;11.82012 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award