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25/01/2012 | FRANCE | N°11-11549

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2012, 11-11549


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, 25 janvier 2011), que l'Association de gestion des centres de pédagogie et de réadaptation pour handicapés, qui a pour objet la prise en charge de personnes handicapées mentales, gère cinq établissements dont aucun n'a un effectif supérieur à cinquante salariés ; que des élections de délégués du personnel ont été organisées dans plusieurs de ces sites ; qu'à la suite de ces élections, le syndicat dépar

temental CFDT Santé Sociaux 77 a désigné, le 19 novembre 2010, M. X..., élu d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, 25 janvier 2011), que l'Association de gestion des centres de pédagogie et de réadaptation pour handicapés, qui a pour objet la prise en charge de personnes handicapées mentales, gère cinq établissements dont aucun n'a un effectif supérieur à cinquante salariés ; que des élections de délégués du personnel ont été organisées dans plusieurs de ces sites ; qu'à la suite de ces élections, le syndicat départemental CFDT Santé Sociaux 77 a désigné, le 19 novembre 2010, M. X..., élu de l'ESAT La Grange au bois, en qualité de délégué syndical au sein de l'association ; que celle-ci a contesté cette désignation ;
Attendu que l'association fait grief au jugement de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article L. 2143-3 du code du travail, l'organisation syndicale qui désigne un délégué doit établir sa représentativité dans l'entreprise ou l'établissement concerné par cette désignation et doit choisir ce délégué parmi les candidats qui ont recueilli 10 % des suffrages exprimés aux élections du comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel ; qu'il résulte de ce texte qu'une désignation intervenant au niveau de l'entreprise ne peut concerner qu'un candidat ayant franchi le seuil susvisé dans des élections organisées au sein de l'entreprise et non les candidats élus au niveau d'un quelconque établissement de cette entreprise, de sorte qu'en validant la désignation de M. X... dont l'organisation syndicale déclarait qu'il avait été élu au sein de l'établissement distinct, ESAT La Grange au bois, le juge d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;
2°/ que l'association avait fait valoir qu'elle n'avait, elle-même, qu'un seul salarié opérant en liaison avec le conseil d'administration, et que, dès lors, la représentation syndicale était assurée par les délégués du personnel élus au sein des six établissements ; qu'en validant la désignation du délégué syndical désigné par la CFDT dans le cadre de l'entreprise sans rechercher si un tel mandat était fonctionnellement compatible avec le découpage préexistant en établissements distincts, le juge d'instance, qui se fonde exclusivement sur une addition des effectifs permettant de franchir le seuil de cinquante salariés imposé par l'article L. 2143-3 du code du travail, prive sa décision de base légale au regard de ce texte et des articles L. 2143-6, L. 2232-21 et L. 2314-31 du code du travail ;
3°/ que la création d'établissements distincts n'est nullement subordonnée à ce que chacun d'eux soit doté de la personnalité juridique ; qu'en se déterminant par la considération que seule l'Association de gestion des centres de pédagogie et de réadaptation pour handicapés avait cette personnalité, les établissements ne constituant que des « émanations » de celle-ci, le juge d'instance a justifié sa décision par des motifs totalement inopérants en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la désignation d'un délégué syndical suppose le regroupement de salariés formant une communauté de travail aussi homogène que possible compte tenu de leurs conditions géographiques et matérielles de travail, des contraintes techniques auxquelles ils sont exposées et des risques qu'ils assument, de nature à générer des revendications communes ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir l'existence d'une intégration budgétaire d'une concentration du pouvoir de direction le fait que le statut des salariés serait identiques et que les locaux des différentes structures seraient en partie communs, le tribunal d'instance n'a pas caractérisé, comme il y était invité, ni l'existence d'un ensemble de salariés soumis à des contraintes techniques communes et exposés à des risques communs, ni l'existence de revendications communes ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge d'instance a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
Mais attendu que le tribunal, qui, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que l'association était l'employeur des salariés exerçant leur activité dans ses diverses implantations et qu'elle atteignait ainsi la condition d'effectifs requise par l'article L. 2143-3 du code du travail, a exactement décidé que le syndicat départemental CFDT Santé Sociaux 77 pouvait désigner un délégué syndical au sein de cette association ;
Que le moyen, irrecevable dans sa première branche, comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association de gestion des centres de pédagogie et de réadaptation pour handicapés à payer à M. X... et au syndicat départemental CFDT Santé Sociaux la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour l'Association de gestion de centres de pédagogie et de réadaptation pour handicapés.
Le pourvoi reproche au jugement attaqué d'avoir; validé la désignation de Monsieur Jean-Paul X... en qualité de délégué syndical au sein de l'association de gestion CPRH, et en conséquence débouté l'association exposante de sa demande ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L.2143-3 du Code du travail que chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de 50 salariés ou plus qui constitue une section syndicale peut désigner un délégué syndical ; qu'en l'espèce, le litige porte uniquement sur le point de savoir si les différents établissements dépendant de l'association de gestion CPRH sont distincts, auquel cas le seuil précisé ci-dessous n'est pas atteint, ce qui ne permet pas la désignation contestée, ou si au contraire ces établissements constituent une unité économique et sociale, dont l'effectif répond alors aux exigences susvisées, et qui peut voir désigné un délégué syndical en son sein ; qu'au soutien de ses prétentions visant à voir reconnaître le caractère distinct des établissements dépendant d'elle, l'association de gestion CPRH produit les fiches de poste des directeurs d'établissement, qui prévoient les responsabilités suivantes : "a) Délégation entière vis-à-vis du personnel. Le Directeur engage et licencie, prend toute mesure disciplinaire, veille à la sécurité du personnel dans le respect des règlements du travail ; b) le Directeur a délégation entière de pouvoir vis-à-vis des problèmes pédagogiques dans l'établissement en référence au texte législatif en vigueur actuellement et dans l'avenir ; c) Délégation entière vis-à-vis des relations avec les organismes techniques extérieurs (écoles d'éducateurs, CREAI, administration de tutelle etc) ; d) Délégation partielle vis-à-vis du règlement intérieur qui aura été établi en collaboration avec le bureau de l'Association, soumis pour consultation aux représentants du personnel et transmis aux autorités ; e) Délégation partielle vis-à-vis de la gestion de l'établissement ; A savoir le Directeur a délégation et responsabilité au niveau des comptes "section d'exploitation" et effectue le paiement des dépenses. Il est donc ordonnateur de ces dernières dans le cadre du budget, mais il n'a pas de délégation au niveau de la section "d'investissement", laquelle est du seul ressort du bureau de l'Association ; f) Délégation entière vis-à-vis des responsabilités pénales et civiles inhérentes à sa fonction. Le Directeur rend compte au bureau de l'Association des décisions qu'il a prises, relatives aux pouvoirs qui lui ont été accordés ... le Directeur étant le chef du personnel, toutes les relations d'employeur à employé doivent obligatoirement passer par lui ... le Directeur prépare le budget prévisionnel, il peut éventuellement demander le concours de l'équipe technique du centre pour l'aider dans sa tâche ; Ce budget est soumis au bureau de l'Association pour approbation" ; qu'une autre fiche de fonction de directeur prévoit les responsabilités suivantes : " le directeur est responsable de la gestion et du développement des ressources humaines. ... il gère et respecte les budgets de fonctionnement et d'investissements votés par le Conseil d'Administration et alloués par les autorités de contrôle" ; qu'il apparaît ainsi que l'autonomie budgétaire alléguée n'est pas caractérisée, les décisions en la matière revenant au conseil d'administration de l'association ; qu'en revanche, chaque directeur d'établissement dispose de larges pouvoirs en termes de gestion du personnel ; que cependant, il convient de lier cet élément aux éléments descriptifs de la structure juridique de l'association et des établissements, et aux contrats de travail des salariés, également fournis par le demandeur ; que l'étude de ces éléments permet en effet de constater que l'association de gestion CPRH est la seule entité dotée de la personnalité juridique, les établissements n'étant que des émanations de cette personne, qui s'est ainsi implantée sur plusieurs sites. Fort logiquement, si c'est à chaque fois le directeur d'établissement qui procède à l'embauche et signe le contrat de travail en vertu de la délégation de pouvoir dont il est titulaire, le contrat est néanmoins conclu entre l'association de gestion CPRH et le salarié, par l'intermédiaire de ce directeur, et non entre la structure et le salarié ; qu'il en résulte que la précision selon laquelle l'association n'aurait qu'un seul salarié, les autres étant salariés de la structure dont ils dépendent est fausse ; qu'ainsi, le débat ne se pose pas en termes d'établissements distincts ou d'unité économique et sociale entre sociétés juridiquement distinctes, s'agissant d'un employeur unique employant des salariés sur des sites distincts ; que, l'article L.2143-3 du Code du travail susvisé s'entend en ce sens qu'un délégué syndical peut d'abord être désigné au niveau de l'entreprise lorsque celle-ci comprend 50 salariés, et ensuite au niveau des établissements, lorsqu'ils atteignent cet effectif ; que dès lors, c'est bien au niveau de l'entreprise (l'association) que doit être apprécié le niveau d'effectif, qui en l'espèce est atteint ; que la répartition du personnel sur plusieurs sites ne peut avoir pour effet de priver les salariés de toute représentation syndicale, la notion d'établissement distinct dont se prévaut l'association ayant pour fonction de permettre une meilleure représentation des salariés lorsqu'un ou plusieurs établissements atteignent l'effectif requis, et non de scinder artificiellement l'effectif total d'un même employeur afin de ne pas atteindre le seuil légal ; qu'au surplus, il convient de relever que le budget des différentes structures est en partie commun, et décidé par le conseil d'administration de l'association, que le pouvoir de direction est concentré en ce sens que c'est la même personne qui procède à l'embauche des salariés, dans tous les établissements, le directeur d'établissement n'étant que signataire des contrats de travail en vertu de la délégation de pouvoir consentie par l'employeur, que le statut des salariés est identique comme il ressort de l'étude des contrats de travail de salariés engagés à la Résidence de la Dhuys, à l'accueil de jour ETAPP'H, et à LIME Michel de Montaigne, de même que leur couverture conventionnelle, que les locaux sont en partie commun entre les différentes structures, ce dont il résulte qu'il existe une communauté de travailleurs susceptible d'avoir des revendications communes, et nécessitant une représentation syndicale, laquelle n'est pas assurée par l'élection de délégués du personnel, comme le prétend à tort l'association de gestion CPRH, en raison de la différence de fonctions de ces représentants des salariés ; que par conséquent, il convient de constater que le syndicat départemental CFDT Santé Sociaux 77 a valablement désigné Monsieur X... en qualité de délégué syndical au sein de l'association de gestion CPRII, et de débouter cette-dernière de sa demande en annulation » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article L.2143-3 l'organisation syndicale qui désigne un délégué doit établir sa représentativité dans l'entreprise ou l'établissement concerné par cette désignation et doit choisir ce délégué parmi les candidats qui ont recueilli 10 % des suffrages exprimés aux élections du comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel ; qu'il résulte de ce texte qu'une désignation intervenant au niveau de l'entreprise ne peut concerner qu'un candidat ayant franchi le seuil susvisé dans des élections organisées au sein de l'entreprise et non les candidats élus au niveau d'un quelconque établissement de cette entreprise, de sorte qu'en validant la désignation de M. X... dont l'organisation syndicale déclarait qu'il avait été élu au sein de l'établissement distinct, ESAT La Grange au Bois, le juge d'instance a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'association avait fait valoir qu'elle n'avait, elle-même, qu'un seul salarié opérant en liaison avec le Conseil d'Administration, et que, dès lors, la représentation syndicale était assurée par les délégués du personnel élus au sein des six établissements ; qu'en validant la désignation du délégué syndical désigné par la CFDT dans le cadre de l'entreprise sans rechercher si un tel mandat était fonctionnellement compatible avec le découpage préexistant en établissements distincts, le juge d'instance qui se fonde exclusivement sur une addition des effectifs permettant de franchir le seuil de 50 salariés imposé par l'article L.2143-3 du Code du travail prive sa décision de base légale au regard de ce texte et des articles L.2143-6, L.2232-21 et L.2314-31 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la création d'établissements distincts n'est nullement subordonnée à ce que chacun d'eux soit doté de la personnalité juridique ; qu'en se déterminant par la considération que seule l'association de gestion CPRH avait cette personnalité, les établissements ne constituant que des « émanations » de celle-ci, le juge d'instance a justifié sa décision par des motifs totalement inopérants en méconnaissance de l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la désignation d'un délégué syndical suppose le regroupement de salariés formant une communauté de travail aussi homogène que possible compte tenu de leurs conditions géographiques et matérielles de travail, des contraintes techniques auxquelles ils sont exposées et des risques qu'ils assument, de nature à générer des revendications communes ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir l'existence d'une intégration budgétaire (jugement, p.4§4) d'une concentration du pouvoir de direction (p. 5 § 2) le fait que le statut des salariés serait identiques et que les locaux des différentes structures seraient en partie communs (id loc.), le Tribunal d'instance n'a pas caractérisé, comme il y était invité, ni l'existence d'un ensemble de salariés soumis à des contraintes techniques communes et exposés à des risques commun, ni l'existence de revendications communes ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge d'instance a violé l'article L.2143-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11549
Date de la décision : 25/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, 25 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2012, pourvoi n°11-11549


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11549
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