LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Nemak Aluminio do Brasil Ltda de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Fonderie d'Ingrandes et la société Bavaria France Holdings ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 juin 2010), que M. X... a signé le 18 novembre 2003 avec la société Teksid Aluminio do Brasil un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'analyste de qualité, contrat dont l'exécution a commencé au Brésil ; qu'il a effectué en France, à plusieurs reprises, des prestations auprès de clients de la société ; qu'ayant été licencié le 17 janvier 2007, à la suite du rachat de la société Teksid Aluminio do Brasil par la société Nemak qui avait eu pour conséquence l'échec d'un projet de détachement auprès de la société Teksid France, il a saisi le 22 octobre 2007 le tribunal régional du travail de Betim (Brésil) et, le 14 novembre 2007, le conseil de prud'hommes de Béthune de diverses demandes liées à la rupture de son contrat de travail ; que le tribunal régional du travail de Betim a statué le 1er décembre 2008 ; que par jugement du 4 septembre 2009, le conseil de prud'hommes de Béthune s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées contre la société Nemak, la société Teksid France et la société Fonderie du Poitou ;
Attendu que la société Nemak Aluminio do Brasil fait grief à l'arrêt de déclarer le conseil de prud'hommes de Béthune compétent pour statuer sur les demandes de rappels de salaire, de congés payés y afférents et d'heures supplémentaires relatives aux périodes de mission effectuées en France pour son compte par M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en raison du principe d'unicité de l'instance, l'exception de litispendance vaut pour toutes les demandes relatives au contrat de travail liant les mêmes parties ; qu'il en résulte que lorsqu'un juge français est saisi en second d'un litige concernant la rupture d'un contrat de travail, dont est déjà saisi un juge étranger internationalement compétent et dont la décision est susceptible d'être reconnue en France, le juge français doit se dessaisir pour l'ensemble des demandes liées au contrat de travail litigieux et ne peut se dessaisir pour une partie du litige tout en statuant sur une demande particulière ; qu'au cas présent, la juridiction brésilienne était saisie en premier d'un litige concernant la rupture du contrat liant M. X... à la société Nemak ; que la cour d'appel a constaté que la juridiction brésilienne avait été saisie en premier, qu'elle était internationalement compétente et que sa décision serait susceptible d'être reconnue en France ; qu'en se dessaisissant pour la plupart des demandes formées par M. X... tout en se déclarant compétente pour statuer sur la demande fondée sur l'article L. 1262-4 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 1452-6 du code du travail ;
2°/ que, à supposer que la cour d'appel n'ait pas été tenue de se désister en raison de la litispendance, la cour d'appel s'est déclarée compétente sur le fondement de l'article L. 1262-4 du code du travail ; que ledit texte ne pose aucune règle de compétence juridictionnelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1262-4 du code du travail ;
3°/ que le juge français n'est compétent en matière de contrat de travail que si l'établissement dans lequel est accompli le travail est situé en France, ou si le salarié saisit le tribunal du lieu de son embauche ou du lieu où est établi son employeur ; qu'au cas présent, le défendeur était domicilié au Brésil, où M. X... avait été embauché et où le contrat était exécuté ; que le juge français n'était dès lors pas compétent pour statuer ; qu'en se déclarant néanmoins compétent, la cour d'appel a violé l'article R. 1412-1 du code du travail ;
4°/ que, à supposer que la cour d'appel ait entendu implicitement fonder sa décision sur l'article R. 1412-5 du code du travail, aux termes de ce texte, les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur les conséquences du détachement temporaire en France d'un salarié par une « entreprise établie dans un autre Etat membre de la Communauté Européenne » ; qu'au cas présent, la société Nemak, qui avait temporairement détaché M. X... en France est établie dans un Etat tiers, le Brésil ; que l'article R. 1412-5 n'était donc pas applicable ; qu'en retenant néanmoins la compétence des juges français, la cour d'appel a violé l'article R. 1412-5 du code du travail, dans sa version applicable à l'époque des faits ;
Mais attendu d'abord que la fin de non recevoir tirée de la règle de l'unicité de l'instance, qui n'est pas d'ordre public, ne peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des écritures des parties reprises oralement à l'audience, que la société Nemak Aluminio do Brasil, qui a invoqué l'exception de litispendance, a soutenu devant les juges du fond que la disposition de l'article R. 1452-6 du code du travail faisait obstacle à la demande du salarié ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui a constaté que le salarié avait effectué, en France, des missions de plusieurs mois, dans le ressort de la juridiction saisie, a ainsi fait ressortir l'existence en ce lieu, au sens de l'article R. 1412-1 du code du travail, d'un établissement où était accompli le travail, justifiant la compétence de cette juridiction ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nemak Aluminio Do Brasil Ltda aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Nemak Aluminio do Brasil Ltda.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qui concerne l'action engagée contre la société NEMAK ALUMINIO DO BRASIL et déclaré le conseil de prud'hommes de Béthune compétent pour statuer sur les demandes de rappels de salaires, de congés payés y afférents et d'heures supplémentaires relatives aux périodes de mission effectuées en France pour le compte de la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL sur le fondement de l'article L. 1262-4 du Code du travail ;
Aux motifs que « il résulte des pièces du dossier que M. X..., résidant à BELO HORIZONTE (Brésil), a signé le 18 novembre 2003 avec la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'analyste de qualité dont l'exécution a commencé au Brésil ; qu'il a été amené par la suite à résider temporairement en France sous un visa de touriste pour effectuer des contrôles de qualité chez des clients de la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL ; que le 1er février 2006, la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL adressait à son salarié une lettre d'intention concernant son embauche pour deux ou trois ans par la société TEKSID FRANCE comme résident qualité ; que des démarches avaient lieu en ce sens au cours du premier semestre 2006 ; que M. X... arrivait en France avec sa famille le 24 mai 2006 ; que la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL répondait toutefois à un email de M. X... du 6 juin, alors qu'il était en France avec un visa de touriste, que la meilleure solution était de rentrer au Brésil jusqu'à l'obtention des documents officiels ou au moins prévoir le départ de sa famille le temps d'officialiser sa position en France et de les rappeler ; que M. X... retournait au Brésil le 6 juillet 2006 avec sa famille le temps d'instruire sa demande de titre de séjour ; qu'un document intitulé « contrat de travail étranger » du 31 juillet 2006 était signé par la société TEKSID FRANCE avec un lieu de travail fixé à la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE et visé par le contrôleur du travail ; que le 27 décembre 2006, M. X... était informé de ce que sa demande de titre de séjour était acceptée par les autorités françaises ; que le 17 janvier 2007, M. X... était toutefois licencié par la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL « pour des raisons d'ordre administratif » ; qu'il s'avère que la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL a été rachetée par la société NEMAK et que ce rachat ne concernant pas la société TEKSID FRANCE, le détachement en France n'était plus possible ; que le 22 octobre 2007, M. X... saisissait le tribunal régional du travail de BETIM (Brésil) à l'encontre de la société NEMAK ALUMINIO DO BRASIL et, le 14 novembre 2007, le conseil de prud'hommes de Béthune ; que le tribunal régional du travail de BETIM a statué par arrêt du 1er décembre 2008 dans cette affaire ; que c'est dès lors à juste titre que la société NEMAK ALUMINIO DO BRASIL invoque la litispendance au sens de l'article 100 du Code de procédure civile, la juridiction brésilienne ayant été saisie en premier ; que la décision de la juridiction brésilienne est susceptible d'être reconnue en France ; qu'aucune compétence exclusive n'était attribuée en l'espèce aux juridictions françaises pour statuer sur la demande de M. X... en dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail conclu au Brésil avec une société de droit brésilien et de dommages et intérêts pour son départ avorté en France auquel, selon lui, la société brésilienne l'avait invité ; que la juridictionsfrançaise s'est dès lors déclarée à bon droit incompétente pour statuer sur ces demandes ; que toutefois M. X... invoque également les dispositions de l'article L. 1262-4 du Code du travail selon lesquelles les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national sont soumis aux dispositions légales pour ce qui concerne notamment le salaire minimum et le paiement du salaire, y compris les majorations pour heures supplémentaires ; que M. X... fait valoir que lors de ses missions en France envoyé par la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL, il n'était pas payé au salaire minimum applicable en France ; qu'à compter de septembre 2004, M. X... effectuait des missions de plusieurs mois en France ; que le conseil de prud'hommes, en application de l'article L. 1262-4 du Code du travail, est compétent pour statuer sur cette demande ; qu'il y a lieu d'infirmer partiellement le jugement et de renvoyer l'affaire au fond devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Béthune pour statuer sur les demandes de rappels de salaire, de congés payés y afférents et d'heures supplémentaires relatives aux périodes de mission effectuées en France pour le compte de la société TEKSID ALUMINIO DO BRASIL (arrêt attaqué, p. 2 in fine, à p. 4 § 3) ;
1°) Alors qu'en raison du principe d'unicité de l'instance, l'exception de litispendance vaut pour toutes les demandes relatives au contrat de travail liant les mêmes parties ; qu'il en résulte que lorsqu'un juge français est saisi en second d'un litige concernant la rupture d'un contrat de travail, dont est déjà saisi un juge étranger internationalement compétent et dont la décision est susceptible d'être reconnue en France, le juge français doit se dessaisir pour l'ensemble des demandes liées au contrat de travail litigieux et ne peut se dessaisir pour une partie du litige tout en statuant sur une demande particulière ; qu'au cas présent, la juridiction brésilienne était saisie en premier d'un litige concernant la rupture du contrat liant M. X... à la société NEMAK ; que la cour d'appel a constaté que la juridiction brésilienne avait été saisie en premier, qu'elle était internationalement compétente et que sa décision serait susceptible d'être reconnue en France ; qu'en se dessaisissant pour la plupart des demandes formées par M. X... tout en se déclarant compétente pour statuer sur la demande fondée sur l'article L. 1262-4 du Code du travail, la cour d'appel a violé l'article 100 du Code de procédure civile, ensemble l'article R. 1452-6 du Code du travail ;
2°) Alors, subsidiairement, que, à supposer que la cour d'appel n'ait pas été tenue de se désister en raison de la litispendance, la cour d'appel s'est déclarée compétente sur le fondement de l'article L. 1262-4 du Code du travail ; que ledit texte ne pose aucune règle de compétence juridictionnelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1262-4 du Code du travail ;
3°) Alors, de la même manière, que le juge français n'est compétent en matière de contrat de travail que si l'établissement dans lequel est accompli le travail est situé en France, ou si le salarié saisit le tribunal du lieu de son embauche ou du lieu où est établi son employeur ; qu'au cas présent, le défendeur était domicilié au Brésil, où M. X... avait été embauché et où le contrat était exécuté ; que le juge français n'était dès lors pas compétent pour statuer ; qu'en se déclarant néanmoins compétent, la cour d'appel a violé l'article R. 1412-1 du Code du travail ;
4°) Alors, de la même manière, que, à supposer que la cour d'appel ait entendu implicitement fonder sa décision sur l'article R. 1412-5 du Code du travail, aux termes de ce texte, les juridictions françaises sont compétente pour statuer sur les conséquences du détachement temporaire en France d'un salarié par une « entreprise établie dans un autre Etat membre de la Communauté Européenne » ; qu'au cas présent, la société NEMAK, qui avait temporairement détaché M. X... en France est établie dans un Etat tiers, le Brésil ; que l'article R. 1412-5 n'était donc pas applicable ; qu'en retenant néanmoins la compétence des juges français, la cour d'appel a violé l'article R. 1412-5 du Code du travail, dans sa version applicable à l'époque des faits.